ad initium

Eua

520 dicitur autem semen ueneni mors: quia serpens antiquus cum euam decepit uenenosa persuasione (ut in genesi narrat Moses propheta) continuo mors secuta est exili: quam morte exulantes a paradiso pulsi sunt: et nuditatem suam cognouerunt. La mort est dite semen ueneni ("semence du poison") parce que, quand l’antique serpent trompa Eve par son discours de persuasion empoisonné (comme le raconte le prophète Moïse dans la Genèse), immédiatement la mort de l’exil suivit le moment où, jetés dans l’exil par la mort, ils furent chassés du paradis et connurent qu’ils étaient nus.

521 dicitur autem ueneni semen: quia diabolus cum temtauit Euam non in sua specie uenit ut magister in .ii. ait: ne illius fraus nimis manifestaretur: nec aperte cognosceretur: et ita repelleretur. iterum ne nimis occulta foret fraus eius: quæ caueri non posset: et homo simul uideretur iniuriam pati: si taliter circumueniri permitteret eum deus ut praecauere non posset: sed in tali: in quam eius malicia facile posset deprehendi. Venit ergo ad hominem in serpente: qui forte si permitteretur: in columbæ speciem uenire maluisset. sed non erat dignum ut spiritus malignus illam formam homini odiosam faceret in qua spiritus sanctus appariturus erat. On parle de ueneni semen ("semence du poison") parce que le diable, quand il tenta Eve, ne vint pas sous sa propre apparence, comme le dit le Maître des Sentences au livre 2 : "pour éviter que sa tromperie ne fût trop apparente et fût connue ouvertement et ainsi repoussée, de même pour éviter que sa tromperie ne fût trop cachée et qu’on ne pût s’en prémunir et qu’en même temps l’homme pût passer pour subir une injustice si Dieu avait permis qu’il soit circonvenu par le diable de telle manière qu’il ne pût s’en prémunir , mais sous une forme sous laquelle on puisse facilement démasquer sa malice. Il vint donc vers l’homme comme un serpent, lui qui, peut-être, si on le lui avait permis aurait préféré venir sous la forme d’une colombe. Mais il n’étais pas digne que l’esprit malin rendît odieuse à l’homme l’apparence sous laquelle apparaîtrait ensuite l’Esprit saint".

728 quod siquis quaerat: cur ergo ibi non coierunt. Respondet magister in.ii. ex sententia Augustini: quia creata muliere mox transgressio facta est: et eiecti sunt de paradiso: Vel quia nondum deus iusserat ut coirent. Et poterat diuina expectari authoritas ubi concupiscentia non angebat. Deus uero non iusserat: quia casum eorum praesciebat: de quibus homo propagandus erat: Cum ergo Eua uirgo fuerit cum peccauit: et cum ad peccatum uirum suum impulit: Et uirgo quoque fuerit maria deipera in re et effectu illi aduersa. nam prima uirgo cuncta mala attulit per peccatum: secunda uirgo maria cuncta bona per christum: Et si quelqu’un demande : pourquoi ne s’unirent-ils pas alors ?, La réponse se trouve chez le Maître des Sentences, suivant l’avis d’Augustin : "une fois la femme créée la transgression suivit immédiatement et ils furent chassés du paradis, soit parce que Dieu ne leur avait pas encore donné l’ordre de s’unir. Et ils pouvaient attendre l’autorité divine puisque le désir ne les pressait pas. Dieu à la vérité n’avait pas donné cet ordre car il avait la prescience de leur chute de ceux qui devaient assurer la propagation du genre humain". Vu donc qu’Eve était vierge quand elle commit son péché, elle l’était aussi quand elle poussa son mari au péché. Et Marie, mère de Dieu, était vierge en vérité mais par l’effet contraire à celle-ci. De fait quand la première vierge apporta tous les maux par son péché, une seconde vierge apporta tous les biens par le Christ.

728 quod siquis quaerat: cur ergo ibi non coierunt. Respondet magister in.ii. ex sententia Augustini: quia creata muliere mox transgressio facta est: et eiecti sunt de paradiso: Vel quia nondum deus iusserat ut coirent. Et poterat diuina expectari authoritas ubi concupiscentia non angebat. Deus uero non iusserat: quia casum eorum praesciebat: de quibus homo propagandus erat: Cum ergo Eua uirgo fuerit cum peccauit: et cum ad peccatum uirum suum impulit: Et uirgo quoque fuerit maria deipera in re et effectu illi aduersa. nam prima uirgo cuncta mala attulit per peccatum: secunda uirgo maria cuncta bona per christum: Et si quelqu’un demande : pourquoi ne s’unirent-ils pas alors ?, La réponse se trouve chez le Maître des Sentences, suivant l’avis d’Augustin : "une fois la femme créée la transgression suivit immédiatement et ils furent chassés du paradis, soit parce que Dieu ne leur avait pas encore donné l’ordre de s’unir. Et ils pouvaient attendre l’autorité divine puisque le désir ne les pressait pas. Dieu à la vérité n’avait pas donné cet ordre car il avait la prescience de leur chute de ceux qui devaient assurer la propagation du genre humain". Vu donc qu’Eve était vierge quand elle commit son péché, elle l’était aussi quand elle poussa son mari au péché. Et Marie, mère de Dieu, était vierge en vérité mais par l’effet contraire à celle-ci. De fait quand la première vierge apporta tous les maux par son péché, une seconde vierge apporta tous les biens par le Christ.

730 Hic super anunciatione Angelica Albertus ille: Eua inquit dannat: maria saluat. unde ipsam nomen Euae mutauit. Illa omnes homines generat in mundum: ista in coelum: illa mater carnalis: ista spiritualis. Illa mater miseriae: ista mater misericordiae. Illa principium mortalitatis: ista principium regenerationis. illa gratiam perdidit: ista gratiam inuenit. Illa transiuit et nos transire fecit de gratia in culpam. ista nos surgere fecit de culpa in gratiam. Illa de latere uiri dormientis facta: ista de corde dei uigilantis. Illa uiro suo occasio fuit perditionis: haec uiro suo adiutorium redemptionis. illa desponsatur origo corruptarum: haec desponsatur mansura uirgo uirginum. Illa prima uirginitatem perdidit: ista prima uirginitatem deo Consecrauit. Illa a diabolo decepta: ista ab angelo edocta. Illam diabolus uicit per superbiam: ista diabolum uicit per humilitatem. Ici Albert dans le Traité sur l’Annonciation de l’ange déclare : "Eve condamne, Marie sauve, d’où cette même Eve a changé son nom. Celle ci engendre tous les hommes dans le monde, celle-là dans le ciel ; celle-ci est mère charnelle, celle-là spirituelle. Celle-ci est la mère des misères, celle-là la mère de miséricorde ; celle-ci est le principe de la mortalité, celle-là le principe de la régénération ; celle-ci perdit la grâce, celle-là trouva la grâce ; celle-ci passa et nous fit passer de la grâce à la faute, celle-là nous fit nous relever de la faute dans la grâce ; celle-là fut créée du côté de l’homme endormi, celle-là du coeur vigilant de Dieu ; celle-ci fut l’occasion de la perdition de son mari, celle-là pour son mari le secours de la rédemption ; celle-ci est fiancée à l’origine de toutes les femmes corrompues, celle-ci est fiancée pour demeurer la vierge des vierges ; celle-ci la première perdit sa virginité, celle-là la première consacra sa virginité à Dieu ; celle-ci fut trompée par le diable, celle-là enseignée par un ange ; le diable vainquit celle-ci par orgueil, celle-là vainquit le diable par humilité".

730 Hic super anunciatione Angelica Albertus ille: Eua inquit dannat: maria saluat. unde ipsam nomen Euae mutauit. Illa omnes homines generat in mundum: ista in coelum: illa mater carnalis: ista spiritualis. Illa mater miseriae: ista mater misericordiae. Illa principium mortalitatis: ista principium regenerationis. illa gratiam perdidit: ista gratiam inuenit. Illa transiuit et nos transire fecit de gratia in culpam. ista nos surgere fecit de culpa in gratiam. Illa de latere uiri dormientis facta: ista de corde dei uigilantis. Illa uiro suo occasio fuit perditionis: haec uiro suo adiutorium redemptionis. illa desponsatur origo corruptarum: haec desponsatur mansura uirgo uirginum. Illa prima uirginitatem perdidit: ista prima uirginitatem deo Consecrauit. Illa a diabolo decepta: ista ab angelo edocta. Illam diabolus uicit per superbiam: ista diabolum uicit per humilitatem. Ici Albert dans le Traité sur l’Annonciation de l’ange déclare : "Eve condamne, Marie sauve, d’où cette même Eve a changé son nom. Celle ci engendre tous les hommes dans le monde, celle-là dans le ciel ; celle-ci est mère charnelle, celle-là spirituelle. Celle-ci est la mère des misères, celle-là la mère de miséricorde ; celle-ci est le principe de la mortalité, celle-là le principe de la régénération ; celle-ci perdit la grâce, celle-là trouva la grâce ; celle-ci passa et nous fit passer de la grâce à la faute, celle-là nous fit nous relever de la faute dans la grâce ; celle-là fut créée du côté de l’homme endormi, celle-là du coeur vigilant de Dieu ; celle-ci fut l’occasion de la perdition de son mari, celle-là pour son mari le secours de la rédemption ; celle-ci est fiancée à l’origine de toutes les femmes corrompues, celle-ci est fiancée pour demeurer la vierge des vierges ; celle-ci la première perdit sa virginité, celle-là la première consacra sa virginité à Dieu ; celle-ci fut trompée par le diable, celle-là enseignée par un ange ; le diable vainquit celle-ci par orgueil, celle-là vainquit le diable par humilité".

731 His uerbis alberti uidemus quot mala attulit eua prima uirgo quae omnia sustulit uirgo secunda maria deipera. Par ces mots d’Albert, nous voyons combien de maux Eve la première vierge apporta qui furent enlevés tous par la seconde vierge, Marie, la mère de Dieu.

732 (nulla est.) ideo nulla est iniuria sexus muliebris: quia si per mulierem mors intrauit in mundum: per mulierem uita rediit: Et si mulieribus est dedecori peccatum Euae: eisdem decori est et ornamento per mulierem restitutio scilicet mariam uirginem. (nulla est.) c’est pourquoi nulla est iniuria sexus ("elle ne connaît pas la souillure due à son sexe") féminin, parce que, si, par une femme, la mort entra dans le monde, par une femme, la vie y revint ; et si pour les femmes le péché d’Eve fut une cause de déshonneur, pour ces mêmes femmes ce fut pour leur honneur et leur beauté que cela leur fut rendu par une femme, évidemment la vierge Marie.

733 Hinc in quadam homelia sanctus Maximus: eua posteros ex sua carne nascentes transtulit ad inferos: benedicta uirgo ex sua prole natos dirigit ad coelos. Ex carne Euae nati dicuntur filii hominum: ex carne mariae filii renati dicuntur filii dei. Caedat ergo nunc improperium Euae: quia uniuersi sumus laeti per partum beatae mariae uirginis: et uitam quam destruxerat Eua reparat uirgo maria. De là vient que dans une homélie, saint Maxime déclare : "Eve transporta aux enfers la postérité qui naquit de sa chair, la vierge bénie dirigea par sa progéniture ses enfants vers les cieux ; de la chair d’Eve naquirent, dit-on, les fils des hommes, de la chair de Marie renaquirent, dit-on, les fils de Dieu ; que tombent donc désormais les reproches faits à Eve car tous nous sommes joyeux grâce à l’enfantement de la bienheureuse vierge Marie" et la vie qu’Eve avait détruite, la vierge Marie la restaure.

733 Hinc in quadam homelia sanctus Maximus: eua posteros ex sua carne nascentes transtulit ad inferos: benedicta uirgo ex sua prole natos dirigit ad coelos. Ex carne Euae nati dicuntur filii hominum: ex carne mariae filii renati dicuntur filii dei. Caedat ergo nunc improperium Euae: quia uniuersi sumus laeti per partum beatae mariae uirginis: et uitam quam destruxerat Eua reparat uirgo maria. De là vient que dans une homélie, saint Maxime déclare : "Eve transporta aux enfers la postérité qui naquit de sa chair, la vierge bénie dirigea par sa progéniture ses enfants vers les cieux ; de la chair d’Eve naquirent, dit-on, les fils des hommes, de la chair de Marie renaquirent, dit-on, les fils de Dieu ; que tombent donc désormais les reproches faits à Eve car tous nous sommes joyeux grâce à l’enfantement de la bienheureuse vierge Marie" et la vie qu’Eve avait détruite, la vierge Marie la restaure.

733 Hinc in quadam homelia sanctus Maximus: eua posteros ex sua carne nascentes transtulit ad inferos: benedicta uirgo ex sua prole natos dirigit ad coelos. Ex carne Euae nati dicuntur filii hominum: ex carne mariae filii renati dicuntur filii dei. Caedat ergo nunc improperium Euae: quia uniuersi sumus laeti per partum beatae mariae uirginis: et uitam quam destruxerat Eua reparat uirgo maria. De là vient que dans une homélie, saint Maxime déclare : "Eve transporta aux enfers la postérité qui naquit de sa chair, la vierge bénie dirigea par sa progéniture ses enfants vers les cieux ; de la chair d’Eve naquirent, dit-on, les fils des hommes, de la chair de Marie renaquirent, dit-on, les fils de Dieu ; que tombent donc désormais les reproches faits à Eve car tous nous sommes joyeux grâce à l’enfantement de la bienheureuse vierge Marie" et la vie qu’Eve avait détruite, la vierge Marie la restaure.

733 Hinc in quadam homelia sanctus Maximus: eua posteros ex sua carne nascentes transtulit ad inferos: benedicta uirgo ex sua prole natos dirigit ad coelos. Ex carne Euae nati dicuntur filii hominum: ex carne mariae filii renati dicuntur filii dei. Caedat ergo nunc improperium Euae: quia uniuersi sumus laeti per partum beatae mariae uirginis: et uitam quam destruxerat Eua reparat uirgo maria. De là vient que dans une homélie, saint Maxime déclare : "Eve transporta aux enfers la postérité qui naquit de sa chair, la vierge bénie dirigea par sa progéniture ses enfants vers les cieux ; de la chair d’Eve naquirent, dit-on, les fils des hommes, de la chair de Marie renaquirent, dit-on, les fils de Dieu ; que tombent donc désormais les reproches faits à Eve car tous nous sommes joyeux grâce à l’enfantement de la bienheureuse vierge Marie" et la vie qu’Eve avait détruite, la vierge Marie la restaure.

734 ideo subdit (Restituit) scilicet beata uirgo illud scilicet bonum quod prima tulit id est prima uirgo eua abstulit peccando. C’est la raison pour laquelle il ajoute (restituit), évidemment la bienheureuse vierge, évidemment le bien quod prima tulit ("ce que la première a emporté") autrement dit que la première vierge Eve emporta en péchant.

736 (Non uoce) ordo est dolor scilicet quem ostendimus propter corruptelam euae: non excitet quaerelas id est non moueat quaerimonias: uoce id est uocis sonitu: aut dolor non fatiget gemitu corda scilicet hominum: moerentia id est contristata: pro lege antiqua id est propter legem inflictam humano generi propter peccatum primorum parentum sed praecipue euae, quae plus peccauit. (Non uoce) l’ordre est : dolor ("le chagrin") évidemment que nous montrons à cause de la corruption d’Eve, non excitet querelas (" qu'il n’engage à se plaindre") autrement dit ne provoque de plaintes, uoce ("notre voix") autrement dit le son de notre voix ; aut dolor non fatiget gemitu corda ("qu’aucun chagrin ne fatigue en gémissant les coeurs") évidemment des hommes ; moerentia ("attristés") autrement dit pleins de tristesse ; pro antiqua lege ("pour la Loi ancienne") autrement dit à cause de la loi infligée au genre humain à cause du péché de nos premiers parents mais principalement d’Eve qui pécha davantage.

736 (Non uoce) ordo est dolor scilicet quem ostendimus propter corruptelam euae: non excitet quaerelas id est non moueat quaerimonias: uoce id est uocis sonitu: aut dolor non fatiget gemitu corda scilicet hominum: moerentia id est contristata: pro lege antiqua id est propter legem inflictam humano generi propter peccatum primorum parentum sed praecipue euae, quae plus peccauit. (Non uoce) l’ordre est : dolor ("le chagrin") évidemment que nous montrons à cause de la corruption d’Eve, non excitet querelas (" qu'il n’engage à se plaindre") autrement dit ne provoque de plaintes, uoce ("notre voix") autrement dit le son de notre voix ; aut dolor non fatiget gemitu corda ("qu’aucun chagrin ne fatigue en gémissant les coeurs") évidemment des hommes ; moerentia ("attristés") autrement dit pleins de tristesse ; pro antiqua lege ("pour la Loi ancienne") autrement dit à cause de la loi infligée au genre humain à cause du péché de nos premiers parents mais principalement d’Eve qui pécha davantage.

738 Queruntur ergo homines: et euam et cum eua sexum foemineum criminantur: quod propter eam in hominum anima deuertit deus et animam et corpus. Les hommes se plaignent donc et accusent Eve et avec Eve tout le sexe féminin parce qu’à cause d’elle, dans l’âme des hommes Dieu détourna l’âme et le corps.

738 Queruntur ergo homines: et euam et cum eua sexum foemineum criminantur: quod propter eam in hominum anima deuertit deus et animam et corpus. Les hommes se plaignent donc et accusent Eve et avec Eve tout le sexe féminin parce qu’à cause d’elle, dans l’âme des hommes Dieu détourna l’âme et le corps.

742 at mulier quo grauius peccauit eo rigidius seueriusque punita est: plus enim (ut magister in.ii. dist. xxii.) mulier deIiquisse uidetur: quae uoluit usurpare diuinitatis aequalitatem: et nimia presumptione elata credidit ita futurum. adam uero nec illud credidit: et de potentia et de misericordia dei cogitauit: dum uxori morem gerens eius persuasioni consensit nolens eam contristari et a se alienatam relinquere: quam credebat sine suo solatio contabescere et interire: non quidem carnali uictus concupiscentia ut Augustinus ait: quam nondum senserat: sed amicabili quadam beniuolentia: qua plaerumque fit ut offendatur deus ne offendatur amicus. quod eum facere non debuisse diuinae sententiae iustus exitus indicauit. Quant à la femme elle fut punie avec d’autant plus de rigueur et de sévérité qu’elle avait péché plus gravement : "en effet", comme le dit le Maître des sentences 2, dist. 22, "la femme semble avoir péché en voulant usuper l’égalité de la divinité et, gonflée d’une excessive présomption, elle crut qu’il en serait ainsi. Quant à Adam, il ne crut pas même-cela et songea à la puissance et à la miséricorde de Dieu, tandis que, se comportant comme de coutume à l’égard de son épouse, il consentit à ce qu’elle lui suggérait, en ne voulant pas lui faire de peine et la laisser en colère contre lui" ; il craignait que sans la consolation de sa présence elle ne se flétrisse et meure ; "ce n’était certes pas qu’il fût vaincu par la concupiscence charnelle", comme le dit Augustin, "sentiment qu’il n’avait jamais ressenti, mais poussé par une bienveillance amicale, ce qui le plus souvent se produit de sorte que l’on offense Dieu en ne voulant pas offenser son ami ; qu’il n’aurait pas dû agir ainsi, l’issue juste de la divine sentence le montra".

745 Plus ergo mulier deliquit: in qua maioris tumoris praesumptio fuit: quae etiam in se et in proximum et in deum peccauit. Vir autem in se et in deum. Donc la faute de la femme est plus grande ; chez elle, il y eut la présomption que donne un orgueil plus grand et c’est autant contre elle, que contre son prochain et contre Dieu qu’elle pécha.

747 Quae homines cum considerant personae culpam scilicet Euae: transferunt in uniuersam naturam muliebrem: et querelas afferunt Heu uiris foeminae semper insidiosae: uos: dum uetitum honorem per insolentiam inuaditis: totum genus humanum uno scelere obruistis. Ces griefs, lorsque les gens considèrent la faute d’une personne, évidemment Eve, ils les reportent sur l’ensemble de la nature féminine et ils se plaignent : hélas femmes toujours insidieuses envers les hommes, c’est vous qui en vous précipitant pour saisir par insolence un honneur interdit, avez accablé tout les genre humain d’un même crime.

763 Hostis uero antiquus: cuius dolos prima illa uirago non cognouit: cuius non aduertit fraudem: fraudem nullo aeuo abolendam: ille inquam tortuosus coluber incassum hiauisset nullo suae inuidiae fructu percepto: et a spe frustratus in ima tartari solus cum plebe laruarum ac lemurum nefanda descendisset. Quant à l’ennemi antique dont la première vierge ne reconnut pas les ruses, et dont elle ne perçut pas la tromperie, tromperie que nul temps ne saurait abolir, cette couleuvre tortueuse, dis-je, aurait ouvert sa gueule en vain sans recevoir aucun fruit de sa jalousie et, frustrée dans son espérance, serait descendue seule au plus profond du tartare avec la foule maudite des spectres et des lémures.

764 Abstulit animum et nescio quo pacto a destinato itinere digredi coegit tristis querimonia mortalium: quam in Euam Euae miserrimi filii fundimus. La triste plainte des mortels que, nous, très misérables fils d’Eve, nous versons contre Eve, lui enleva le courage et, de je ne sais quelle manière, la contraignit à sortir du chemin qui lui était fixé.

764 Abstulit animum et nescio quo pacto a destinato itinere digredi coegit tristis querimonia mortalium: quam in Euam Euae miserrimi filii fundimus. La triste plainte des mortels que, nous, très misérables fils d’Eve, nous versons contre Eve, lui enleva le courage et, de je ne sais quelle manière, la contraignit à sortir du chemin qui lui était fixé.

797 (persona) id est eua tantum: non uniuersa natura muliebris: dedit ruinam idest casum hoc est fecit cadere Adam: quo cadente nos omnes eius posteri cecidimus: non natura scilicet foeminea tota. sicut non tota natura Muliebris dedit nobis Salutiferum lesum: sed sola uirgo Maria sexus gloria foeminei. cum autem dixit Arator persona ruinam dedit: sic intellige ut cum dicitur peccatum per unum hominem intrasse in mundum idest in naturam humanam. quia mulier ante uirum peccauit: et mulier de uiro facta est. (persona) autrement dit Eve seulement, et non la nature féminine dans son ensemble, dedit ruinam ("a provoqué la ruine"), autrement dit le malheur de faire chuter Adam ; par sa chute, nous tous, ses descendants, avons chuté ; non natura ("non sa nature"), évidemment la nature féminine entière, de même que ce n’est pas toute la nature féminine qui nous donna Jésus le Sauveur, mais la seule vierge Marie, gloire du sexe féminin. Or quand Arator dit persona ruinam dedit ("la personne a provoqué la ruine"), comprenez comme quand on dit que par un seul homme le péché est entré dans le monde, autrement dit dans la nature humaine, parce que la femme a péché avant l’homme et la femme a été créée de l’homme.

800 (Tunc foemina) comparatio est primae uirginis Euae ad secundam uirginem mariam: Virgo erat Eua: et tamen grauida facta est concipiendo sine uiro non infantem: sed fastum superbiae uolens usurpare diuinitatis aequalitatem: et nimia insolentia elata credidit ita futurum. (Tunc foemina) c’est une comparaison entre Eve, la première vierge, et la seconde vierge, Marie : Eve était vierge et cependant elle fut grosse en concevant sans homme, non pas un enfant mais la morgue de son orgueil, en voulant usurper l’égalité avec la divinité ; enflée d’une excessive insolence elle crut qu’il en serait ainsi.

800 (Tunc foemina) comparatio est primae uirginis Euae ad secundam uirginem mariam: Virgo erat Eua: et tamen grauida facta est concipiendo sine uiro non infantem: sed fastum superbiae uolens usurpare diuinitatis aequalitatem: et nimia insolentia elata credidit ita futurum. (Tunc foemina) c’est une comparaison entre Eve, la première vierge, et la seconde vierge, Marie : Eve était vierge et cependant elle fut grosse en concevant sans homme, non pas un enfant mais la morgue de son orgueil, en voulant usurper l’égalité avec la divinité ; enflée d’une excessive insolence elle crut qu’il en serait ainsi.

801 Concepit etiam Eua spiritum superbiae ut augustinus author est: dum non uult peccatum confiteri sed refert in alterum dicens: serpens decepit me et comedi: in impari sexu sed pari fastu. quia parem habuit fastum mulier cum uiro. Eve conçut aussi l’esprit d’orgueil, comme le garantit Augustin, en ne voulant pas avouer son péché mais en le rejetant sur l’autre en disant "le serpent m’a trompé et j’ai mangé", différente par le sexe, mais égale par la morgue car la femme avait la même morgue que l’homme.

803 At uirgo Maria contra: humilitatis unicum specimen: quae mater dei se ancillam uocat: tumuit non spiritu superbiae ut Eua: sed infantis Christi corpusculo intus per spiritum sanctum formato. Mais tout au contraire, la vierge Marie, unique modèle d’humilité, qui, alors qu’elle est mère de Dieu, se nomme servante, ne s’enfla pas comme Eve de l’esprit d’orgueil, mais du minuscule corps du Christ enfant formé en elle par le saint Esprit.

804 Et ita apparet diuersitas ac repugnantia inter primam et secundam uirginem. ait igitur tunc scilicet in paradiso terrestri: foemina scilicet Eua uirgo: foeta idest grauida et praegnans tumuit scilicet fastu superbiae: paritura periclum scilicet uniuerso humano generi. damnum uocat periclum quia periclum praecedere solet damnum et cladem. Et c’est ainsi qu’apparaissent la différence et les contradictions entre la première et la seconde vierge. Il dit donc tunc ("alors"), évidemment dans le paradis terrestre, foemina ("une femme"), évidemment la vierge Eve, foeta ("enceinte") autrement dit grosse et en attente d’enfant, tumuit ("fut grosse"), évidemment de la morgue de son orgueil, paritura periclum ("du danger qu’elle va engendrer") évidemment pour tout le genre humain ; il appelle danger la perte, car le danger précède ordinairement la perte et le désastre.

805 partus ergo Euae fuit peccatum: concepit autem intra se superbiam metaphorice loquendo. et peperit damnum per peccatum. Donc, ce qu’engendra Eve, ce fut le péché : elle conçut en elle l’orgueil si l’on parle de façon métaphorique et elle engendra la perte par le péché.

815 Ex his constat quomodo prima uirgo tumuit: et quo non secunda: et quantum altera alteri sit contraria: ut alterius altera sit remedium. A partir de là on voit bien comme la première vierge tumuit ("fut grosse"), et comme la seconde ne le fut pas, et combien l’une s’oppose à l’autre de sorte que l’une soit le remède de l’autre.

817 Nam quemadmodum non est mortua mors nisi in uita: utque adam peccauit in dulcedine ligni uetiti: christus satisfecit in amaritudine crucis et fellis: sic ualde congruum fuit ut superbia Euae: contraria deiperae uirginis humilitate sanaretur. De fait, de même que la mort n’est morte que dans la vie, et de même qu’Adam a péché dans la douceur de l’arbre interdit, alors que le Christ a apporté la réparation dans l’amertume de la croix et du fiel, ainsi il était parfaitement cohérent que l’orgueil d’Eve soit guéri par l’humilité de la vierge mère de Dieu.

818 Et sicut altera fuit aduersa alteri: ita alterius effectus effectibus alterius repugnant. Eua occidendo obfuit: maria uiuificando profuit. ab Eua ortum malum est cuius obprobrium in omnes transit mulieres: a uirgine deipera bonum nascitur: cuius decus mulierum dedecus tollit. Et de même que l’une s’opposa à l’autre, de même les effets produits par l’une combattent les effets produits par l’autre : Eve fut un obstacle en apportant la mort, Marie un secours en apportant la vie, d’Eve naquit le mal dont la honte passe dans toutes les femmes, de la vierge mère de Dieu naît le bien dont l’honneur ôte le déshonneur des femmes.

818 Et sicut altera fuit aduersa alteri: ita alterius effectus effectibus alterius repugnant. Eua occidendo obfuit: maria uiuificando profuit. ab Eua ortum malum est cuius obprobrium in omnes transit mulieres: a uirgine deipera bonum nascitur: cuius decus mulierum dedecus tollit. Et de même que l’une s’opposa à l’autre, de même les effets produits par l’une combattent les effets produits par l’autre : Eve fut un obstacle en apportant la mort, Marie un secours en apportant la vie, d’Eve naquit le mal dont la honte passe dans toutes les femmes, de la vierge mère de Dieu naît le bien dont l’honneur ôte le déshonneur des femmes.

821 dicit autem prodiit in mundum sine uiro scilicet ut diximus. Nam quattuor modis homo potest prodire in mundum: aut sine uiro et femina ut adam: aut de uiro sine foemina ut Eua: aut de uiro et femina ut omnes generamur: aut de foemina sine uiro ut solus Christus prodiit. Il dit prodiit ("s’est avancé") dans le monde, sans homme évidemment comme nous l’avons dit ; de fait un homme peut s’avancer dans le monde de quatre manières : sans homme ni femme, comme Adam, d’un homme sans femme comme Eve, d’un homme et d’une femme comme nous sommes tous nés, ou d’une femme sans homme comme seul le Christ s’est avancé.

823 Eua peccatum inchoauit: uir absoluit. deipera reparationem incepit: Christus absoluit ac perfecit. ideo ait per quam prodiit in mundum quasi per portam Christus: qui redemptor et liberator humani generis extitit. Eve commença à pécher et Adam mit le point final ; la mère de Dieu commença la réparation, le Christ l’accomplit et la mena à sa perfection ; voilà pourquoi il dit per quam prodiit ("par cette femme s’est avancé") le Christ dans le monde comme passant par une porte, lui qui fut le rédempteur et libérateur du genre humain.