ad initium

Vigilius

115 quo tempore urbs roma a Gothis obsidebatur: quæ mox et uigilii Prudentia et Iustiniani felici imperio liberata est. A cette époque la ville de Rome était assiégée par les Goths mais bientôt, par la prudence de Vigile et l’heureux règne de Justinien, elle en fut libérée.

218 (MOENIBVS undosis) hoc alterum est epistolium elegiacum: quod ad uigilium pontificem maximum scribitur: cui arator opus suum nuncupat: et dat muneri. (MOENIBVS undosis) c’est le second billet sous forme d’élégie, qui est adressé au souverain pontife Vigile, à qui Arator annonce son ouvrage et le remet en présent.

224 cum ergo Anthemium relegatum cuperet augusta restituere. Vigilius tunc diaconus et per id temporis constantinopoli agens mulieri pollicitus est: si in petri sede poneretur ipse: Anthemium se reducturum. Augusta désirait donc rendre son siège à l’exilé Anthémius. Vigile était alors diacre et, vivant à cette époque à Constantinople, il promit à cette femme que, s’il était placé lui-même sur le siège de Pierre, il ferait réinstaller Anthémius.

226 itaque subornatis testibus et confictis criminibus Siluerius in insulam pontianam deportatus est: Vigilius uero in locum eius subrogatus: et pontifex romanus uiuente Syluerio creatus est: Cum autem Augusta a uigilio flagitaret ut restitueretur Anthemius: quemadmodum sibi pollicitus fuisset: negauit constanter uigilius se id facturum: quod malis promissis non esset standum. Sese in beati petri sede constitutum non posse id adimplere quod imprudentissime cum adhuc diaconus esset: promisisset. Voilà pourquoi, après qu’on eut suborné des témoins et inventé de fausses accusations, Silvère fut déporté sur une île Pontine ; quant à Vigile, il fut mis à sa place et fut créé pape de Rome du vivant de Silvère ; mais comme Augusta demandait à Vigile de rendre son siège à Anthémius comme il le lui avait promis, Vigile n’eut de cesse de dire qu’il ne le ferait pas, car on n’avait pas à se tenir à une promesse mauvaise : il était, disait-il, placé sur le siège du bienheureux Pierre et à ce titre ne pouvait remplir une promesse qu’il avait eu l’excessive imprudence de faire quand il était encore diacre.

226 itaque subornatis testibus et confictis criminibus Siluerius in insulam pontianam deportatus est: Vigilius uero in locum eius subrogatus: et pontifex romanus uiuente Syluerio creatus est: Cum autem Augusta a uigilio flagitaret ut restitueretur Anthemius: quemadmodum sibi pollicitus fuisset: negauit constanter uigilius se id facturum: quod malis promissis non esset standum. Sese in beati petri sede constitutum non posse id adimplere quod imprudentissime cum adhuc diaconus esset: promisisset. Voilà pourquoi, après qu’on eut suborné des témoins et inventé de fausses accusations, Silvère fut déporté sur une île Pontine ; quant à Vigile, il fut mis à sa place et fut créé pape de Rome du vivant de Silvère ; mais comme Augusta demandait à Vigile de rendre son siège à Anthémius comme il le lui avait promis, Vigile n’eut de cesse de dire qu’il ne le ferait pas, car on n’avait pas à se tenir à une promesse mauvaise : il était, disait-il, placé sur le siège du bienheureux Pierre et à ce titre ne pouvait remplir une promesse qu’il avait eu l’excessive imprudence de faire quand il était encore diacre.

226 itaque subornatis testibus et confictis criminibus Siluerius in insulam pontianam deportatus est: Vigilius uero in locum eius subrogatus: et pontifex romanus uiuente Syluerio creatus est: Cum autem Augusta a uigilio flagitaret ut restitueretur Anthemius: quemadmodum sibi pollicitus fuisset: negauit constanter uigilius se id facturum: quod malis promissis non esset standum. Sese in beati petri sede constitutum non posse id adimplere quod imprudentissime cum adhuc diaconus esset: promisisset. Voilà pourquoi, après qu’on eut suborné des témoins et inventé de fausses accusations, Silvère fut déporté sur une île Pontine ; quant à Vigile, il fut mis à sa place et fut créé pape de Rome du vivant de Silvère ; mais comme Augusta demandait à Vigile de rendre son siège à Anthémius comme il le lui avait promis, Vigile n’eut de cesse de dire qu’il ne le ferait pas, car on n’avait pas à se tenir à une promesse mauvaise : il était, disait-il, placé sur le siège du bienheureux Pierre et à ce titre ne pouvait remplir une promesse qu’il avait eu l’excessive imprudence de faire quand il était encore diacre.

228 itaque misit romam qui uigilium uel Volentem uel nolentem ad se constantinopolin perducerent. Voilà pourquoi elle envoya des émissaires à Rome pour ramener Vigile, de gré ou de force, vers elle à Constantinople.

230 Verum Theodora uxor imperatoris ubi præsentem Vigilium uidit: tentare eum coepit et hortari ut quod promiserat: præstaret. Mais Théodora, l’épouse de l’empereur, quand elle vit que Vigile était là, commença à le mettre à l’épreuve et à l’encourager à accorder ce qu’il avait promis.

234 idem Vigilius tanta cura gregem suum et romanos obsessos a Totila Gothorum rege prosecutus est: ut cum nauigaret Constantinopolin per uim ab Augusta protractus: in itinere apud catinam urbem siciliæ multas naues frumento onerauerit ac romam miserit: quo obsessis maxima tunc rei frumentariæ inopia laborantibus subueniret. Ce même Vigile prit soin de son troupeau et des Romains assiégés par le roi des Goths, Totila, avec un tel zèle que, alors qu’il faisait voile vers Constantinople, entraîné de force sur l’ordre d’Augusta, il fit charger en chemin, à Catane, une ville sicilienne, de nombreux navires de blé qu’il envoya à Rome afin de soulager les assiégés qui alors souffraient d’une grande disette.

236 Nec uero de hac obsidione intelligit Arator in hoc epistolico ad Vigilium eligidio cum eum laudat: quod gregi incluso et obsesso intra urbem romam subuenerit: sed de Vitigitis regis gothorum obsidione: qui Totilam paucis ante annis præcesserat. Mais ce n’est pas de ce siège que parle Arator dans le billet sous forme d’élégie qu’il adresse à Vigile, quand il fait son éloge en disant qu’il a secouru le troupeau enfermé et assiégé à l’intérieur de la ville de Rome, mais bien du siège mené par Vitigès qui avait précédé de quelques années Totila.

238 Quo Tempore Vigilius tunc diaconus et constantinopoli apocrisiarius cum romam ut supra diximus: rediisset: pulsoque siluerio pontifex ipse creatus esset: multum iuuit Bellisarium ducem præstantissimum: qui pro iustiniano imperatore tunc romæ aduersus Gothos bellum gerebat. En ce temps-là Vigile était diacre et aprocrisaire à Constantinople au moment où, comme nous l’avons dit plus haut, il revint à Rome et fut nommé pape après l’expulsion de Silvère ; il aida alors beaucoup Bélisaire, le très puissant général qui conduisait au nom de l’empereur Justinien la guerre à Rome contre les Goths.

240 His ita breuiter excursis explanemus epistolam: in qua ubi ostendit Arator se multum debere Vigilio: cuius opera et monitis a prophanis ad sacra translatus tuta ecclesiæ statione fruatur: dicit quid destinet in hoc poemate. Se enim ardere uersibus complecti actus apostolorum. Maintenant que nous avons brièvement parcouru le contexte, expliquons la lettre dans laquelle, quand Arator montre qu’il doit beaucoup à Vigile grâce à l’action et aux conseils duquel il est passé du monde à l’état de clerc et jouit de statione, ("le mouillage") sûr de l’Église, il dit quel est son but dans ce poème : il désire ardemment en effet embrasser par ses vers les Actes des Apôtres.

242 (Moenibus undosis) sensus est. ego cum eum uiderem motus bellorum: fui unus et pars populi romani qui timuit tela gothorum. Quo tempore tu Vigili ueniens ab urbe constantinopoli nos omnes ab obsidione hostium liberauisti. (Moenibus undosis) Le sens est : 'Pour ma part tandis que je voyais les troubles de la guerre, j’étais une partie du peuple romain qui redoutait les traits des Goths. A ce moment-là, tu es venu, toi Vigile, depuis Constantinople et tu nous as tous libérés du siège de l’ennemi'.

253 Vel ergo undosis dices: quia legimus iisdem fere temporibus Vigilii aut Paulo infra ea tempora: Hoc est imperante iustino Qui iustiniano successit: uisa fuisse multa prodigia futuras clades portendentia: et igneas in cælo acies. Ou bien alors on dira qu’il emploie undosis ("tempétueux") parce que nous lisons qu’à peu près du temps de Vigile ou un peu après, autrement dit sous le règne de Justin qui succéda à Justinien, on vit de nombreux prodiges qui annonçaient des désastres à venir et des armées de feu dans le ciel.

259 tu uero Vigili app. publica libertas id est omnium liberator qui seruitutem et iugum gothorum timebamus: aduenis soluere: syntaxis græca: id est uenis ad soluendum uincula: gregi incluso id est populo romano obsesso a gothis: ac mox liberato per bellisarium iustiniani ducem ut diximus Aduenis ut nescis et dormis corripitur. 'Mais toi, Vigile', avec l’apposition publica libertas ("liberté publique") autrement dit 'libérateur de nous tous qui craignions la servitude et le joug des Goths', aduenis soluere ("tu viens délivrer") ; syntaxe grecque autrement dit 'tu viens pour délier les liens' ; gregi incluso ("le troupeau enfermé"), autrement dit le peuple romain assiégé par les Goths et libéré peu après par Bélisaire, l’officier de Justinien, comme nous l’avons dit. Aduenĭs ("tu viens") est abrégé comme nescĭs et dormĭs.

265 (oues) id est ciues romani pontifici romano Vigilio tanquam suo pastori subditæ. (oues) autrement dit ses concitoyens romains soumis au pontife romain Vigile comme à leur pasteur.

266 (pastore ministro) scilicet uigilio cuius ministerio et consilio usus est Belisarius Iustiniani dux: qui romanos liberauit. (pastore ministro) évidemment Vigile, dont l’aide et le conseil ont été utiles à Bélisaire, l’officier de Justinien qui libéra les Romains.

269 (Corporeum satis). crescit oratio rhetorica amplificatione: satis est (inquit poeta) id est multum et sufficiens cuicunque sit euasisse periculum corporeum id est uitæ corporalis scilicet per te uigili: qui liberasti nos et uitam nostram ab hostibus. (Corporeum satis) le propos se déploie avec une amplification oratoire : satis est ("ce serait déjà assez"), dit le poète, autrement dit beaucoup et en suffisance pour chacun d’euasisse periculum corporeum ("avoir échappé à un danger corporel") autrement dit 'pour la vie de notre corps, grâce à toi, Vigile, qui nous libéras, nous et notre vie, des ennemis'.

270 At plus id est maius et preciosius hoc quod sequitur: salus scilicet animæ meæ nascitur inde id est ab eodem pastore Vigilio mihi. Mais plus précieux et plus grand est ce qui suit : salus ("le salut") évidemment animæ meæ ("de mon âme") nascitur inde ("en résulte") autrement dit 'résulte pour moi de ce même pasteur, Vigile'.

271 Nam Vigilii monitis significat se mundo relicto ad ecclesiam christi migrasse. De fait, il veut dire que, grâce aux monitions de Vigile, il a quitté le monde et rejoint l’Église du Christ.

288 dicit ergo arator o uigili mi liberator: et qui me a lepra mundanæ uanitatis mundauisti: ero reus et ingratus si cessem tibi agere grates: ut nouem leprosi propter ingratitudinem displicuere scilicet christo: officio unius scilicet samaritani id est officiosa et grata actione gratiarum ob acceptum beneficium sanitatis. Arator dit donc 'ô Vigile, mon libérateur, toi qui m’as purifié de la lèpre de la vanité mondaine, je sera coupable et ingrat' si cessem ("si je tardais") 'à te rendre grâces' ; comme les neuf lépreux, à cause de leur ingratitude displicuere ("ont déplu") évidemment au Christ ; officio unius ("un seul qui fit son devoir"), évidemment le Samaritain, autrement dit par ses remerciements zélés et bienvenus pour avoir reçu le bienfait de la santé.

289 nam gratus animus et officiosus samaritani ad suum medicum reuertentis: clarius ostendit detestabilem cæterorum negligentiam: ingratamque obliuionem: potes etiam dicere potero esse reus id est ingratus erga christum ideo reus tanti criminis: si cessem reddere id est referre uel agere grates id est gratias scilicet christo liberatori meo et sanatori: cui (ut dixit paulo supra) fluctibus in mediis iam uia sicca fuit. ita ut hoc beneficium referat acceptum non Vigilio sed christo. De fait, l'esprit reconnaissant et zélé du Samaritain qui revient vers celui qui l’a guéri montre clairement la détestable négligence de tous les autres et leur ingratitude dans l’oubli ; on pourrait dire aussi potero esse reus (je pourrai être coupable) autrement dit ingrat envers le Christ et pour cela coupable d’un si grand crime si cessem reddere ("si je tardais à rendre") autrement dit rapporter ou faire grates ("des grâces") autrement dit les remerciements, évidemment au Christ mon libérateur et celui qui m’a guéri, pour qui (comme il vient de le dire) il y eut au milieu des eaux un chemin désormais sec et qu’ainsi il rapporte ce bienfait comme venu non de Vigile mais du Christ.

328 (Hoc tibi magne pater) offert et dat muneri poema suum uigilio pontifici romano: cui se nihil dare dicit: sed debitum soluere pro meritis et beneficiis quæ accepit a Vigilio. (Hoc tibi magne pater) : il offre et donne en présent son poème à Vigile le pontife romain, à qui il dit qu’il ne donne rien en fait mais s’acquitte d’une dette pour les services et les bienfaits qu’ils a reçus de Vigile.

328 (Hoc tibi magne pater) offert et dat muneri poema suum uigilio pontifici romano: cui se nihil dare dicit: sed debitum soluere pro meritis et beneficiis quæ accepit a Vigilio. (Hoc tibi magne pater) : il offre et donne en présent son poème à Vigile le pontife romain, à qui il dit qu’il ne donne rien en fait mais s’acquitte d’une dette pour les services et les bienfaits qu’ils a reçus de Vigile.

330 (Te duce) declarat beneficia uigilii in seipsum præter ea quæ supra dixit. nam ait se tyronem et in hoc scribendi genere nouitium legi: et authoritatem habere propter uigilium qui sit dux et aprobator sui operis. et est antitheton: te duce et imperatore: ego miles rudis in hac militia legor: et te magistro et docente me: disco dogmata id est sententias sacras. (Te duce) il expose les bienfaits de Vigile à son égard en plus de ceux dont il a parlé plus haut. De fait, il dit qu’il est lu alors qu’il est une jeune recrue et novice dans ce genre d’écrit et qu’il tire son autorité de Vigile car il est son chef et ce lui qui approuve son ouvrage. Il y a une antithèse : te duce ("par toi, mon chef"), et mon général, alors que moi je ne me dis que soldat débutant dans ce service, et te magistro ("de toi mon maître"), tandis que tu m’enseignes, disco dogmata ("j’apprends les enseignements"), autrement dit les sentences saintes.

330 (Te duce) declarat beneficia uigilii in seipsum præter ea quæ supra dixit. nam ait se tyronem et in hoc scribendi genere nouitium legi: et authoritatem habere propter uigilium qui sit dux et aprobator sui operis. et est antitheton: te duce et imperatore: ego miles rudis in hac militia legor: et te magistro et docente me: disco dogmata id est sententias sacras. (Te duce) il expose les bienfaits de Vigile à son égard en plus de ceux dont il a parlé plus haut. De fait, il dit qu’il est lu alors qu’il est une jeune recrue et novice dans ce genre d’écrit et qu’il tire son autorité de Vigile car il est son chef et ce lui qui approuve son ouvrage. Il y a une antithèse : te duce ("par toi, mon chef"), et mon général, alors que moi je ne me dis que soldat débutant dans ce service, et te magistro ("de toi mon maître"), tandis que tu m’enseignes, disco dogmata ("j’apprends les enseignements"), autrement dit les sentences saintes.

331 Itaque affirmat se si authoritatem habeat: si sciat diuinas literas Vigilio referre id totum acceptum. C’est pourquoi il affirme que, s’il a quelque autorité et s’il connaît les divines lettres, il rapporte tout cela à Vigile de qui il l’a reçu.

332 Nam subiungit: siquid placet ab ore scilicet meo compositum uel enunciatum: Laus huius non est mea: sed monitoris id est Vigilii monentis et docentis me. Vnde si ego legor id est si opus et poema meum legitur: et non pascit tineas et blatas sed animos doctorum: si disco id est didici sententias diuinas: quas spargo per uersus meos: in his non ego laudabor sed tu qui doctor et monitor fuisti et dux: De fait il ajoute siquid placet ab ore ("s’il sort de la bouche quelque chose qui plaît") évidemment de ma bouche dans ce que j’ai composé et dit, la louange n’est pas pour moi mais pour monitoris ("mon mentor") autrement dit Vigile qui m’a conseillé et enseigné. Ainsi si je suis lu, autrement dit si on lit mon ouvrage et mon poème et s’il va servir de pâture non aux mites et aux cafards mais à l’esprit des savants, si j’apprends, autrement dit si j’ai appris les divines sentences que je distille dans mes vers, en cela ce n’est pas à moi qu’en revient la louange, mais à toi qui a été mon maître, mon mentor et mon chef.

554possumus dicere Eum proposuisse in elegidio ad uigilium pontificem: cum dixit uersibus ipse canam quos lucas rettulit actus . Nous pouvons dire qu’il a fait sa propositio dans l’élégie au pape Vigile : quand il dit uersibus ipse canam quos lucas rettulit actus ("je chanterai en vers les actes que Luc a rapportés").