ad initium

Petrus Lombardus

393 Concedimus enim ut ait magister in .iii sententiarum quia christus totus eodem tempore erat in inferno: totus in celo: totus ubique. Erat apud inferos resurrectio mortuorum: Erat super celos uita uiuentium. Vere mortuus. uere uiuus: in quo mortem susceptio mortalitatis excepit. et uitam diuinitas non perdidit. Mortem ergo dei filius et in anima non pertulit: et in maiestate non sensit: sed tamen participatione infirmitatis rex gloriæ crucifixus est. Nous concédons en effet, comme dit le Maître au livre 3 des Sentences que "le Christ était en même temps tout entier dans l’enfer et tout entier dans le ciel, tout entier partout. Il était dans les enfers, résurrection pour les morts, il était dans les cieux, vie pour les vivants ; en lui le fait de prendre la condition mortelle fit qu’il prit la mort sans que sa divinité ne perdît la vie. Le Fils de Dieu donc n’endura pas la mort en son âme, ne l’éprouva pas dans sa condition glorieuse, mais cependant, par la participation à notre faiblesse, le roi de gloire fut crucifié".

394 Quamuis autem in illo triduo corpus fuit in sepulchro et anima ad inferos descendit. atque ita mors ad tempus carnem et animam separauit: neutrum tamen a uerbo dei diuisum est: ut probat magister in tertio. sen. Or, bien que durant trois jours son corps eût été dans le tombeau et son âme fût descendue aux enfers et qu'ainsi la mort pour un temps séparât son corps et son âme, ni l’une ni l’autre cependant ne fut séparée du Verbe de Dieu, comme le démontre le Maître au livre 3 des Sentences.

398 Vnde magister in .iii. si uero quaeritur utrum alio modo hominem liberare posset deus quam per mortem: dicimus et alium modum fuisse possibilem deo: cuius potestati cuncta subiacent: sed nostrae miseriæ sanandæ conuenientiorem modum alium non fuisse: nec esse oportuisse. quid enim mentes nostras tantum erigit: et ab immortalitatis desperatione liberat: quam quod tanti nos fecit deus: ut dei filius immutabiliter bonus in se manens quod erat: et a nobis accipiens quod non erat: dignatus nostrum inire consortium mala nostra moriendo perferret? De là ce que dit le Maître au livre 3 : "mais si on cherche à savoir si Dieu aurait pu libérer l’homme par un autre moyen que par la mort, nous répondons qu’un autre moyen aurait été possible pour Dieu, au pouvoir de qui tout est soumis, mais qu’il n’y avait et qu’il ne pouvait exister aucun autre moyen qui convînt mieux à guérir notre misère. En effet qu’est-ce qui seul relève notre esprit, le libère du désespoir de ne pas être immortel, sinon le fait que nous avons eu tant de prix au yeux de Dieu que le Fils de Dieu, demeurant immuablement bon dans ce qu’il était en lui-même et recevant de nous ce qu’il n’était pas, ayant daigner s’associer à nous, portât nos maux en mourant ?".

511 Meruit autem christus (ut in. iii. sen. dist.xviii. magister ait) nobis per mortis ac passionis tolerantiam: aditum paradisi et redemptionem a peccato: a poena: a diabolo. Or le Christ (comme le dit le Maître au livre 3 des Sentences, distinction 18) a obtenu pour nous en souffrant la mort et la passion l’accès du paradis et la rédemption du péché, du châtiment et du pouvoir du diable.

521 dicitur autem ueneni semen: quia diabolus cum temtauit Euam non in sua specie uenit ut magister in .ii. ait: ne illius fraus nimis manifestaretur: nec aperte cognosceretur: et ita repelleretur. iterum ne nimis occulta foret fraus eius: quæ caueri non posset: et homo simul uideretur iniuriam pati: si taliter circumueniri permitteret eum deus ut praecauere non posset: sed in tali: in quam eius malicia facile posset deprehendi. Venit ergo ad hominem in serpente: qui forte si permitteretur: in columbæ speciem uenire maluisset. sed non erat dignum ut spiritus malignus illam formam homini odiosam faceret in qua spiritus sanctus appariturus erat. On parle de ueneni semen ("semence du poison") parce que le diable, quand il tenta Eve, ne vint pas sous sa propre apparence, comme le dit le Maître des Sentences au livre 2 : "pour éviter que sa tromperie ne fût trop apparente et fût connue ouvertement et ainsi repoussée, de même pour éviter que sa tromperie ne fût trop cachée et qu’on ne pût s’en prémunir et qu’en même temps l’homme pût passer pour subir une injustice si Dieu avait permis qu’il soit circonvenu par le diable de telle manière qu’il ne pût s’en prémunir , mais sous une forme sous laquelle on puisse facilement démasquer sa malice. Il vint donc vers l’homme comme un serpent, lui qui, peut-être, si on le lui avait permis aurait préféré venir sous la forme d’une colombe. Mais il n’étais pas digne que l’esprit malin rendît odieuse à l’homme l’apparence sous laquelle apparaîtrait ensuite l’Esprit saint".

535 ut facilius dubitationem hanc et ambiguitatem soluamus: est Sciendum tres esse generales de paradiso sententias ut magister in.ii. author est. Vna eorum qui corporaliter intelligi uolunt tantum. Altera eorum qui spiritaliter tantum. tertia eorum qui paradisum utroque modo accipiunt. Pour lever plus facilement cette hésitation et cette ambiguïté "il faut savoir" (comme l’atteste le Maître des Sentences livre 2) "qu’il y a, pour parler de manière générale, trois avis concernant le paradis : 1-ceux qui veulent le comprendre uniquement de manière corporelle, 2-ceux qui veulent le comprendre uniquement de manière spirituelle, 3-ceux qui le comprennent de l’une et l’autre manière".

536 Tertiam sibi placere ait magister: quia et si praesentis ecclesiæ uel futuræ typum tenet paradisus ille in quo homo positus est: tamen intelligendum esse locum amoenissimum fructuosis arboribus magnum et magno fonte foecundum: in orientali parte: longo interiacente spacio uel maris uel terrae a regionibus quas incolunt homines secretum: et in alto situm: usque ad Iunarem circulum pertingentem. Le Maître dit que la troisième manière a sa préférence parce que, si le paradis dans lequel l’homme a été placé est le type de l’Église présente et à venir, il faut cependant comprendre qu’il s’agit d’un lieu d’un agrément extrême riche en arbres fruitiers et rendu fécond par une grande source, situé à l’Orient, et séparé par une grande distance de mer ou de terre des régions habitées par les hommes et qui s’étend jusqu’au cercle lunaire.

626 huic proloquio adiungendum est breui summa id quod magister in . iiii. Sente. dist.vii: et diuus Bonauentura in breuiloquio de sacramento confirmationis et chrismate retulerunt. A ce préambule il faut ajouter un bref résumé de ce qu’ont rapporté le Maître des Sentences en 4, distinction 7 et Bonaventure dans le Breviloquium au sujet du sacrement de confirmation et du chrême.

639 ita sane confessio militis christiani ad pugnam armari solet: ut intelligamus (quod ait magister in unctione baptismi spiritum sanctum descendere ad habitationem deo consecrandam: In chrismate uero: hoc est in confirmatione septiformem gratiam Cum omni plenitudine sanctitatis Et uirtutis uenire in hominem. Assurément la confession de foi du soldat du Christ est en général armée pour le combat, de sorte que nous comprenons (comme le dit le Maître des Sentences) que "dans l’onction du baptême l’esprit saint descend pour consacrer à Dieu cette habitation", et que dans le chrême, autrement dit la confirmation, vient dans l’homme la grâce des sept dons de l’Esprit avec toute plénitude de sainteté et de courage.

643 Cum autem sacramentum: ut in. iii. ait magister sit inuisibilis gratiæ uisibilis forma: ideo chrismatis sacramentum in oleo et balsamo et in frontis unctione gerit similitudinem eius rei cuius signum est. ut oleum gratiam signat illuminantem: balsami odor fragrantiam famæ et uitæ honestae et reliqua ut diximus nec mireris quod arator transit a singulari ad pluralem numerum: cum ait creaturam micantem id est hominem confirmatum: et desuper unctos id est homines confirmatos chrismate. Puisqu'un sacrement, comme le dit le Maître des Sentences livre 3, "est la forme visible de la grâce invisible", le sacrement du chrême dans l’huile et le baume et dans l’onction du front portent la similitude de la réalité dont il sont le signe. De même que l’huile désigne la grâce qui illumine, l’odeur du baume désigne le parfum de la renommée et de la vie honnête et ainsi de suite comme nous l’avons dit, et on ne s’étonnera pas de voir Arator passer du singulier au pluriel quand il dit creaturam micantem ("une créature étincelante") autrement dit l’homme confirmé et desuper unctos ("ceux qui avaient reçu l’onction d’en-haut") autrement dit les gens confirmés par le chrême.

652 omnia (inquit Damascenus apud magistrum in. iii.) quae in natura nostra plantauit deus uerbum assumpsit: scilicet corpus et animam intellectualem et horum idiomata Descendit ergo deus in terras recte dicitur: dummodo intelligas illud augustini ad uolusianum: deus nouit uenire non recedendo ubi erat: nouit abire non deserendo quo uenerat: nouit ubique totus esse et nullo contineri loco: Tout (comme le dit Jean Damascène cité par le Maître des Sentences en 3) "ce que Dieu a planté dans notre nature, le Verbe l’a assumé, à savoir le corps et l’âme intellectuelle et leur propriétés". "Dieu descendit sur terre" est donc dit de façon juste, du moment que l’on comprend ce passage d’Augustin à Volusianus : "Dieu sait venir sans partir de la où il était ; il sait partir en n’abandonnant pas l’endroit d’où il venait" ; il sait être totalement partout sans que nul lieu jamais ne le contienne.

735 Nam per christum filium mariae a poena temporaria et aeterna liberamur ut ait magister in.iii. dist. xix: Ab aeterna quidem relaxando debitum: a temporali uero penitus nos liberabit in futuro: quando nouissima mors inimica destruetur. Adhuc enim expectamus redemptionem corporis. secundum animas uero iam redempti sumus ex parte non ex toto a culpa non a poena. Nec omnino a culpa. non enim sic redempti sumus ut non sit sed ut non dominetur. De fait, par le Christ, fils de Marie, nous sommes libérés d’un châtiment à la fois temporel et éternel, comme le dit le Maître des Sentences, 3 dist. 19 : "Du châtiment éternel il nous libéra par la remise de notre dette, du châtiment temporel il nous libèrera totalement dans le futur quand son dernier ennemi, la mort, sera détruit ; nous attendons encore en effet la rédemption du corps, car selon l’âme nous sommes rachetés en partie et non en totalité, de la faute non du châtiment, et pas totalement de la faute, car nous sommes rachetés non de telle manière qu’elle n’existe plus mais de telle manière qu’elle ne domine plus sur nous".

742 at mulier quo grauius peccauit eo rigidius seueriusque punita est: plus enim (ut magister in.ii. dist. xxii.) mulier deIiquisse uidetur: quae uoluit usurpare diuinitatis aequalitatem: et nimia presumptione elata credidit ita futurum. adam uero nec illud credidit: et de potentia et de misericordia dei cogitauit: dum uxori morem gerens eius persuasioni consensit nolens eam contristari et a se alienatam relinquere: quam credebat sine suo solatio contabescere et interire: non quidem carnali uictus concupiscentia ut Augustinus ait: quam nondum senserat: sed amicabili quadam beniuolentia: qua plaerumque fit ut offendatur deus ne offendatur amicus. quod eum facere non debuisse diuinae sententiae iustus exitus indicauit. Quant à la femme elle fut punie avec d’autant plus de rigueur et de sévérité qu’elle avait péché plus gravement : "en effet", comme le dit le Maître des sentences 2, dist. 22, "la femme semble avoir péché en voulant usuper l’égalité de la divinité et, gonflée d’une excessive présomption, elle crut qu’il en serait ainsi. Quant à Adam, il ne crut pas même-cela et songea à la puissance et à la miséricorde de Dieu, tandis que, se comportant comme de coutume à l’égard de son épouse, il consentit à ce qu’elle lui suggérait, en ne voulant pas lui faire de peine et la laisser en colère contre lui" ; il craignait que sans la consolation de sa présence elle ne se flétrisse et meure ; "ce n’était certes pas qu’il fût vaincu par la concupiscence charnelle", comme le dit Augustin, "sentiment qu’il n’avait jamais ressenti, mais poussé par une bienveillance amicale, ce qui le plus souvent se produit de sorte que l’on offense Dieu en ne voulant pas offenser son ami ; qu’il n’aurait pas dû agir ainsi, l’issue juste de la divine sentence le montra".

786 illud oportet non ignorare ut haec aratoris uerba intelligamus: quod magister scribit in secundo dist. xix. quando uidebimus quo pacto homines per liberatorem humani generis Christum sunt in meliori statu quam ante peccatum. Nam si consideramus quomodo in statu innocentiae primus homo fuerit immortalis: et beatus: quo pacto alio immortalitatis genere sit insignitus et notabilis: tum discrimen apparebit manifestum et euidens inter statum hominis ante peccatum et post peccatum. Il convient, afin de comprendre ces mots d’Arator, de ne pas ignorer ce que le Maître des Sentences écrit livre 2 distinction 19, puisque nous verrons de quelle manière les hommes grâce au Christ, le libérateur du genre humain, sont dans un état meilleur qu’avant le péché. De fait, si nous considérons de quelle manière l’homme dans son état d’innocence était immortel et bienheureux et de quelle manière il est orné et paré d’un autre genre d’immortalité, la différence apparaîtra clairement et de manière évidente entre l’état de l’homme avant le péché et après le péché.

798 Vel ut magister in.ii. dist. xxii ait etiam peccante muliere si uir non peccasset: humanum genus minime peccatis corruptum periret. Ou alors comme le dit aussi le Maître des Sentences livre 2 distinction 22 : "alors que la femme péchait, si l’homme n’avait pas péché, le genre humain n’aurait pas du tout péri de la corruption du péché".

825 Magister in tertio senten. dist. xix. Reconciliati inquit sumus deo per mortem christi: quod non sic intelligendum est: quasi per christum nos deus coeperit amare quos oderat: sed propter peccatum cum eo habebamus inimicitias qui habebat erga nos charitatem. Est ergo mediator eo quod medius inter deum et homines: ipsos reconciliat deo: et offendicula hominum tollit ab oculis dei: idest dum peccata delet quibus deus offendebatur: et nos inimici eius eramus: Le Maître des Sentences livre 3 distinction 19 dit : "nous sommes réconciliés avec Dieu grâce à la mort du Christ, ce qu’il ne faut pas comprendre comme si par le Christ Dieu avait commencé à nous aimer alors qu’il nous détestait, mais à cause du péché nous avions avec lui qui n’avait pour nous qu’amour une relation d’inimitié". Il est donc "le médiateur en ce qu’il est au milieu entre Dieu et les hommes et il réconcilie ces hommes avec Dieu en retirant de devant les yeux de Dieu les pauvres offenses des hommes", autrement dit en détruisant les péchés par lesquels Dieu était offensé et qui faisaient de nous ses adversaires.

990 Siquis autem scire uelit utrum ille fuerit uerus ignis et naturalis: an similitudo ignis in aliqua materia ad hoc parati: et utrum fuerit uera columba apparens supra christum baptizatum: et an fuerit uera nubis in tansfiguratione: is non ignoret diuum thomam super ea quando ne sibi non constare: ut alios theologos omittam. sed ut quod sentio dicam: potior mihi ueriorque ea uidetur sententia quam ille: et cum illo complusculi doctores in primo senten. dis. xvi. sequuntur: quam huic contraria in tertia parte comprobata ab eodem in opere maturiore. Mais si quelqu’un veut savoir si ce fut un vrai feu naturel ou un semblant de feu, préparé pour cette occasion dans quelque matériau, ou si ce fut une vraie colombe qui apparut au-dessus du Christ au moment de son baptême, ou si ce fut une vraie nuée dans la transfiguration, qu’il n’ignore pas que le divin Thomas n’est pas toujours sans se contredire sur le sujet, pour ne rien dire des autres théologiens. Mais, pour dire mon sentiment, l’avis que lui et avec lui un certain nombre de docteurs suivent dans la Prima, distinction 16, me semble préférable et meilleur que celui, qui lui est contraire, qu’il approuve dans la Tertia, œuvre plus tardive.

1156 Nam si omnium: quae in petrum longobardum commentationes edidere: simplicem uelis theologiam separare a miscellanea illa expositione: uniuersam colliges paucissimis chartis: cum reliquas paginas haeresin peripateticorum et Aristotelis resonantes uix capiant bibliothecae orbis terrarum. De fait, si, parmi tout les points que les commentaires sur Pierre Lombard ont soulevés, on veut séparer la simple théologie de ce travail varié d’explication, on pourra tout mettre sur quelques feuillets, alors que toutes les bibliothèques du monde ne sauraient qu’à peine contenir toutes les autres pages qui résonnent des hérésies des Péripatéticiens et d’Aristote.

1164 (Deus omnipotens) id est sanctissima trinitas: quae in omnibus effectibus principaliter opatur: secundum regulam illam theologicam: omnia praedicamenta dicta de deo transeunt in substantiam: excepta relatione: quae ratione subiecti in quo est: transit in substantiam ne faciat compositionem: ratione uero termini ad quem est: manet: ut faciat distictionem. Quamuis autem dicat augus. intelligamus deum quantum possumus sine quantitate magnum:sine qualitate bonum: et caetera: atque ita illas uoces communissimas deo procul abigat tamen quia alias non habemus: quibus dei explicemus inefabilia opera: nisi sit relatio: uel aliquod consequens personam peculiariter (sicut mittere et non mitti patri competit: et e diuerso mitti et non mittere spiritui sancto: At filio utrumque congruit scilicet mitti et mittere: congruit et incarnari soli filio:) nisi ergo sint uel relationis nomina: uel horum peculiares quaedam appendices: licet attribuantur singulae cuique personae multa: in communionem tamen ueniunt trium personarum. Vt cum dicimus christum conceptum et natum de spiritu sancto: non dicimus spiritum sanctum christi patrem: nam et capillus ex nobis dicitur nasci: qui non uocatur noster filius: et qui ex aqua et spiritu nascuntur: non sunt filii aquae (ut ait magister in iii.) quamuis ergo spiritus sancti dicatur opus: christi incarnatio: sicut in euangelio dicitur de maria: inuenta est in utero habens de spiritu sancto: tamen illam creaturam: quam uirgo concepit et peperit: tota unitas fecit et operata est. Nec enim inseperabilia sunt opera trinitatis: quin imo nominato uno tres intelliguntur iuxta eam regulam quam proposuimus: atque ita quoque resurrectionem christi beatissima trinitas peregit: et assumptionem admirabilem: et reliqua opera coelestia. (Deus omnipotens), autrement dit la très sainte Trinité, qui agit de manière principale dans tout ce qui est effectué, conformément à cette règle théologique : tous les prédicats que l’on attribue à Dieu se changent en sa substance, à l’exception de la relation, qui, à raison du sujet dans lequel elle se trouve, se change en substance, afin de ne pas opérer de composition, mais, à raison du terme vers lequel elle tend, demeure à sa place pour opérer une distinction. Bien que, cependant, Augustin dise "nous comprenons Dieu à la mesure de notre capacité comme grand sans quantité et bon sans qualité etc.", et bien qu’il repousse ces paroles loin de Dieu comme absolument triviales, cependant, parce que nous n’en avons pas d’autres pour expliquer les œuvres ineffables de Dieu, sinon de dire que c’est une relation, autrement dit quelque chose qui concerne une personne en particulier (comme envoyer sans être envoyé convient au Père, au contraire être envoyé sans envoyer convient au saint Esprit, mais les deux s’adaptent au Fils, à la fois être envoyé et envoyer, mais s’incarner s’adapte au seul Fils) ; si donc il n’existe pas de noms pour la relation, autrement dit d’ajouts particuliers apportés aux personnes de la Trinité, on peut bien attribuer beaucoup à chaque personne, ces attributs finissent cependant par être communs aux trois personnes. Ainsi, quand nous disons que le Christ a été conçu et est né du saint Esprit, nous ne disons pas que le saint Esprit est le père du Christ (de fait on dit que les cheveux naissent de nous, mais on ne les appelle pas pour autant fils) ; et ceux qui naissent de l’eau et de l’esprit ne sont pas les fils de l’eau (comme le dit le Maître au livre 3) ; donc, même si la naissance du Christ est dite œuvre du saint Esprit, comme on le dit dans l’évangile à propos de Marie, "elle se trouva enceinte sous l’action du saint Esprit", cependant la créature que la vierge a conçue et engendrée, c’est l’unité tout entière de la Trinité qui l’a faite et réalisée. En effet, les œuvres de la Trinité ne sont pas inséparables : tout au contraire, en nommant un on comprend trois, selon la règle que nous avons proposée, et on comprend aussi le fait qu’ainsi également c’est la très bienheureuse Trinité qui a accompli la résurrection du Christ et son admirable ascension et le reste des œuvres célestes.

1207 Potes etiam illud huic sententiae addere: quod magister in quarto ait: legitur inquit in actibus apostolorum apostolos baptizasse in nomine christi. sed in hoc nomine (ut exponit Ambrosius) tota trinitas intelligitur. Intelligitur enim cum Christum dicis et pater a quo unctus est. et ipse qui unctus est. et spiritus sanctus per quem unctus est. Vnxit, enim pater: unctus est filius ipsa sancti spiritus unctione: ita ut sit pater chrion: filius autem christus: et chrisis ipsa spiritus sanctus. Vel dic in flumine id est baptismate: agni id est instituto a christo: qui est agnus dei: qui tollit peccatum mundi. On peut aussi ajouter à la phrase précédente ce que dit le Maître au livre 4 : "on lit, dans les Actes des Apôtres, que les apôtres baptisèrent au nom du Christ. Mais, dans ce nom (comme l’explique Ambroise), on comprend la totalité de la Trinité. On comprend en effet, quand on dit le Christ, à la fois le Père qui lui a donné l’onction, lui-même qui a reçu l’onction, et l’Esprit saint par lequel il a été oint". En effet c’est le Père qui a donné l’onction, et c’est le Fils qui est oint de l’onction même de l’Esprit saint ; ainsi le Père est χρίων (celui qui oint), le Fils est χριστός (celui qui est oint) et l’Esprit saint χρίσις (l’onction). Ou bien alors, disons que dans le fleuve veut dire dans le baptême, de l’Agneau veut dire institué par le Christ qui est l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde.

1208 Fuit autem baptismus ut putat Doctor longobardus in quarto a christo institutus: uel cum dicit Nicodemo nisi quis renatus fuerit ex aqua et spiritu sancto: uel cum dixit apostolis: Ite docete omnes gentes baptizantes eos in nomine patris et filii et spiritus sancti: uel (quod etiam commodius idem arbitratur) quando a loanne baptizatus est in iordane: cum scilicet contactus mundae carnis christi uim regeneratiuam contulit aquis: ut qui postea immergeretur inuocato nomine trinitatis: cuius mysterium ibi innotuit: a peccatis purgaretur. Le baptême, comme le pense le Docteur lombard au livre 4, fut institué par le Christ, soit quand il dit à Nicodème "seul celui qui sera né de nouveau de l’eau et de l’Esprit", soit quand il dit aux apôtres : "allez, enseignez toutes les nations et baptisez-les au nom du Père et du Fils et du saint Esprit", ou alors (ce que le même auteur pense, de manière plus facile) quand il fut baptisé par Jean dans le Jourdain ; évidemment quand le contact de chair du Christ donna aux eaux une force de régénération, en sorte que qui s’y plongerait ensuite en ayant invoqué le nom de la Trinité, dont le mystère se fit alors connaître, serait purifié de ses péchés.

1209 Ibidem etiam ait magister apostolos in nomine trinitatis baptizasse: licet hoc non sit scriptum. indidit autem agni titulum baptista domino iesu: et hic poeta illud idem cognomentum repetiuit: quia authore Augustino tria ministrat hic agnus immaculatus possidentibus se: lac simplicis doctrinae quo paruuli nutriuntur: lanam id est incrementa uirtutum: et esum carnis suae. Recte quoque agnus monstratur. quia erat innocens: immaculatus: immolandus: praefiguratus in agno paschali. Dans le même passage, le Maître dit aussi que les apôtres ont baptisé au nom de la Trinité, bien que cela ne soit pas dans l’Ecriture. Le Baptiste donna en outre au Seigneur Jésus le titre d’agneau, et ici le poète reprend ce même surnom, parce que, selon l’autorité d’Augustin, cet agneau immaculé apporte trois dons à ceux qui le possèdent : le lait de la simple doctrine, qui nourrit les tout-petits, la laine, autrement dit l’accroissement des vertus, et sa chair à manger. C’est juste aussi de le montrer comme agneau, car il était innocent, immaculé et voué à être sacrifié, ce qui était préfiguré dans l’agneau pascal.

1273 nec hoc difficulter persuadebitur theologis dissetientibus a magistro longobardo: qui (ut inquit loannes scotus in primo sen. dist. xvii) uel ponit gratiam alium habitum esse a charitate: uel saltem dicit hunc habitum esse in uoluntate: et non in essentia animæ. Et il ne sera pas difficile de faire accepter cela aux théologiens qui ne sont pas d’accord avec le Maître lombard, qui (comme le dit Jean Scot dans le premier livre des Sentences distinction 17) soit postule que la grâce est une manière d’être autre que la charité, soit dit au moins que cette manière d’être réside dans la volonté et non dans l’essence de l’âme.

1274 Ast alii :a quibus magister arguitur quasi non posuerit eum charitatis habitum: per quem spiritus sanctus promerentem animam inhabitet: quamquam id conatur excusare uir infacundi sed tamen Summi ingenii. ergo nonnulli (mea quidem sententia sapienter ac docte) eundem esse habitum in re charitatem et gratiam asseuerauerunt: quos nominis etymon adiuuat: ut supra dicebamus. Mais d’autres théologiens qui contredisent le maître, dans l’idée qu’il n’a pas postulé cette manière d’être de la charité, par laquelle l’Esprit saint vient habiter l’âme qui le mérite (bien que tente d’excuser son opinion un homme certes sans éloquence mais d’une intelligence supérieure), certains donc (à mon sens du moins avec sagesse et savoir) ont affirmé que, dans les faits, la charité et la grâce étaient la même manière d’être, ce qu’appuie d’ailleurs l’étymon de ce nom comme nous l’avons dit plus haut.

1288 Nihil facilius: si Augustini uerba libro de trinitate. xv. adduxerimus in patrocinium: quæ magister quoque in primo repetiuit: ad quæ hic uidetur Arator alludere: Dilectio (inquit lucerna supra candelabrum hipponensis ecclesiæ olim posita et lucem ueritatis a confusione tenebrarum splendore clarifici sermonis pulsis undique caliginibus longe lateque enubilans) dilectio inquit dei diffusa est in cordibus nostris (ut ait apostolus) per spiritum sanctum: qui datus est nobis. nullum est isto dono dei excellentius. Solum est quod diuidit inter filios regni: et filios perditionis. Dantur et alia per spiritum munera : sed sine charitate nihil prosunt. Nisi ergo tantum impertiatur cuiquam spiritus sanctus: ut eum dei et proximi faciat amatorem: a sinistra non transfertur ad dexteram. Nec spiritus sanctus proprie dicitur donum: nisi propter dilectionem: quam qui non habuerit: etsi loquatur omnibus linguis: et habuerit prophetiam: et omnem scientiam: et omnem fidem: et distribuerit substantiam suam: et tradiderit corpus suum ita ut ardeat: non ei prodest. Quantum ergo bonum est: sine quo ad æternam uitam neminem tanta bona perducunt? Ipsa uero dilectio uel charitas (nam unius rei nomen est utrunque) perducit ad regnum. Rien de plus facile, si nous nous appuyons sur les paroles d’Augustin au livre 15 du de Trinitate, que le Maître a rappelé dans son livre 1 et auxquelles Arator semble ici faire allusion : "l’amour" (dit la lumière jadis posée sur le lampadaire de l’église d’Hippone, qui éclaire de la lumière de la vérité avec son discours qui dissipe la confusion des ténèbres, en repoussant en tout sens les nuées) : "l’amour de Dieu", dit-il donc, "se diffuse dans nos cœurs, comme le dit l’Apôtre, par l’Esprit saint qui nous a été donné ; il n’est rien de plus excellent que ce don de Dieu. C’est lui, et lui seul, qui fait le départ entre fils du royaume et fils de perdition. L’Esprit donne aussi d’autres présents, mais sans la charité, ils ne servent à rien. Donc, si une personne ne reçoit pas le don de l’Esprit saint qui le fera aimer Dieu et son prochain, il ne passe pas de la gauche vers la droite. Et l’Esprit saint n’est pas proprement appelé un don, si ce n’est en raison de l’amour, car celui qui n’a pas l’amour, même s’il parlait toutes les langues et avait le don de prophétie et toute la science et toute la foi et distribuerait ses biens et livrerait son corps pour qu’il soit brûlé, cela ne lui sert à rien. Qu’il est donc grand ce bien sans lequel de si grands biens ne conduisent personne à la vie éternelle ? Cet amour même", ou plutôt cette charité (car il n’y a qu’un nom pour les deux) "conduit au Royaume".

1365 At modus diligendi deum declaratur latius apud magistrum in tertio dist. xxvii diligis deum ex toto corde id est intellectu: et ex tota anima id est uoluntate: et ex tota mente id est memoria: ut nulla pars uitæ nostræ uacet: quin illuc rapiatur: quo dilectionis impetus currit. Mais la mesure de l’amour pour Dieu est plus largement exposée par le Maître, livre 3, distinction 27 : "tu aimes Dieu de tout ton cœur, autrement dit avec ton intellect, et de toute ton âme, autrement dit avec ta volonté, et de tout ton esprit, autrement dit avec ta mémoire", afin que nulle part de notre vie ne reste sans être emportée là où se précipite le torrent de l’amour.

1369 At inimicos sufficit quod diligamus: et non odio habeamus. omnes autem æque diligendi sunt : sed cum omnibus prodesse non possis: his potissimum consulendum est: qui pro locorum et temporum uel quarumlibet rerum oportunitatibus constrictius tibi quasi quadam sorte iunguntur: sed recurre ad tertium longobardi: ubi hæc copiose. Pour ce qui est des ennemis, il suffit pour les aimer de ne pas les avoir en haine ; "tous, de fait, sont également à aimer, mais, comme on ne peut être utile à tout le monde, il faut d’abord prendre soin de ceux qui nous sont plus proches par le hasard du lieu, du temps ou de quoi que ce soit d’autre, et sont liés à nous par quelque destin commun ; mais reportez vous au livre 3 de Pierre Lombard, ces sujets y sont traités abondamment".

1400 Cæterum magister in.iii. negat in hac uita mortali illud uulnus ex toto posse impleri. En outre, le Maître au livre 3 dit que, dans cette vie mortelle, il est impossible que cette blessure soit totalement comblée.