41 Nec affirmarent aut achillem Homericum: aut Aeneam Vergilianum foelicissime uiuere: qui in memoria hominum: quæ tamen cum sæculo occasura est per suos praecones uiuant: quasi memoria perennis perennem uitam pariat: aut sermo ille in mentibus uiuentium in dies florescens defunctos moueat: aut ullus sit inmortalis sermo quo non obruatur hominum interitu et posteritatis obliuione tandem exiguat. Et ils n’affirmeraient pas que l’Achille d’Homère ou l’Enée de Virgile vivent une vie toute de bonheur, en vivant dans la mémoire des hommes qui pourtant tombera avec ce monde, grâce à ceux qui ont raconté leur geste. Comme si la pérennité de la mémoire assurait la pérennité de la vie, ou comme si cette parole fleurissant de jour en jour dans l’esprit des vivants touchait en quelque manière les morts, comme si enfin il existait une parole immortelle qui ne puisse être ensevelie par le trépas des hommes et finalement réduite à portion congrue par l’oubli de la postérité !
297 Nam Vergilius æneam in italiam uenisse narrauit ueritatem secutus historiæ: sed dido reginam ad amorem æneæ declinasse finxit. De fait Virgile a raconté la venue d’Enée en Italie en suivant la vérité de l’histoire mais le fait que Didon se soit tournée vers l’amour d’Enée, cela il l’a inventé.
616 oleum enim in lucerna illluminat: et oliua ramus apud antiquos pacis signum erat: Vt uergilius in octauo de ænea loquens ostendit. paciferaeque manum ramum prætendit oliuæ. L’huile d’olive en effet éclaire quand elle est dans une lampe et c’était un rameau d’olivier qui, chez les Anciens, était signe de paix ainsi que Virgile le montre en Enéide 8 quand il dit à propos d’Enée : paciferaeque manum ramum prætendit oliuæ ("il tend de sa main un rameau d’olivier qui apporte la paix").
654 Nam si terreno regi urbem ingressuro uniuersæ ciuitatis populus efunditur obuiam et animi hilaritatem uario tubarum concentu et plausu ostendunt: quid dicendum est fecisse ciues illos ciuitatis supernæ angelos archangelos thronos et reliquos proceres coelestis ibidem occurrentes domino suo et regi regum tam claris cicatricibus insignito: et tanta uictoria glorioso: quod declarat statim dicens: chori coelestes quantum resultant id est quantum resiliunt et saltant et tripudiant modo suo in laude scilicet domini sui et creatoris tum id est quando rector olympi id est caeli scilicet christus: euehit Excelsis id est in excelsa et alta coeli: ut Ver. it clamor coelo id est in coelum: euehit id est exaltat in excelsa: quicquid suscepit id est omne illud quod suscepit: ab imis id est a terrenis et humanis: Hoc est animam et corpus. De fait si, pour un roi terrestre qui entre dans une ville, la population de la cité entière se répand pour aller à sa rencontre et montre sa joie par un concert varié de trompettes et en applaudissant, que faut-il dire que firent les citoyens de la cité céleste, anges, archanges, trônes et les autres grands du ciel, qui couraient de même à sa rencontre, pour leur seigneur et le roi des rois marqué de cicatrices si illustres et glorieux d’une si grande victoire. C’est ce qu’il déclare aussitôt après en disant : chori coelestes quantum resultant ("combien retentissent les choeurs célestes") autrement dit combien ils bondissent et dansent et s’agitent à leur façon, in laude ("à la louange") évidemment de leur Seigneur et créateur, alors autrement dit quand rector Olympi ("le maître de l’Olympe") autrement dit du ciel, évidemment le Christ, euehit Excelsis ("emporte au plus haut") autrement dit vers les hauteurs les plus élevées du ciel, comme Virgile it clamor caelo ("un cri va au ciel") autrement dit vers le ciel, euehit ("emporte") autrement dit exalte au plus haut des cieux quicquid suscepit ("ce qu’il prit en charge") autrement dit tout ce qu’il a pris en charge ab imis ("au plus bas") autrement dit dans les choses terrestres et humaines et cela désigne l’âme et le corps.
877 (Taedia:) haec fuit poena quam sibi dedit iudas proditor. Ipse scilicet iudas horruit id est contremuit expauit ferre non potuit: taedia id est molestias et cruciatus: noxae suae id est sui peccati: ut unius ob noxam apud uerg. (Taedia :) ce fut le châtiment que s’infligea le traître Judas. Ipse ("lui-même"), évidemment Judas, horruit ("prit en horreur"), autrement dit trembla devant, fut pris de terreur, ne put pas supporter, taedia ("l’abomination") autrement dit la souffrance et le tourment, noxae suae ("de sa faute") autrement dit de son péché, comme Virgile : unius ob noxam ("par la faute d’un seul").
1285 Sit ergo hoc indubitatum: cum allegatur poeta intelligitur (ut ait imperator iustinianus in Institutionibus) apud græcos egregius homerus: apud nos Vergilius. Qu’il n’y ait donc pas de doute : quand on parle de "poète", on comprend (comme le dit l’empereur Justinien dans ses Institutes) chez les Grecs le grand Homère, chez nous Virgile.
1428 Multi epici Maronem præcesserant: quibus quod deerat addidit uates egregius. De nombreux poètes épiques avaient précédé Virgile ; ce poète admirable leur ajouta ce qui leur manquait.
1442 Nam si eta corripuit Arator: nonne Idem quoque fecit iuuenalis et longe calpe relicta: ubi calpe per eta sicut penelope scribitur: et Vergilius cum subito assurgens fluctu nimbosus orion: cum scribatur per omega apud Musæum: cai thrasyn oriona cai abrochon olcon amaxes. Et persius: non hic qui in crepidas graiorum ludere gestit: utramque breuem protulit: cum prima per eta scribatur: et iota longa sit. Musæus. ploe uathy crepidos epeurea dem abydu. et item lychnu sbennymenoio: para crepida de pyrgu. Et ne mihi polydamas: po: prima in dactylo: cum scribatur per omicron: ideoque legunt pulydamas addita.y. De fait si Arator abrège des η, Juvénal ne fait-il pas de même en écrivant et longe calpĕ relicta où l’on écrit ordinairement κάλπη comme Πενελόπη et Virgile cum subito assurgens fluctu nimbosus ŏrion, alors que le mot prend un ω chez Musée οὐ θρασὺν Ὠρίωνα καὶ ἄβροχον ὁλκὸν Ἁμάξης ; et Perse non hic qui in crĕpĭdas graiorum ludere gestit donne les deux voyelles brèves alors que l’on écrit κρηπῖδα et que le i est long, voir Musée πλῶε βαθυκρήπιδος ἐπ’ εὐρέα δῆμον Ἀβύδου, et de même λύχνου σβεννυμένοιο. παρὰ κρηπῖδα δὲ πύργου ; et dans ne mihi pōlydamas, il fait de po l’initiale (longue) d’un dactyle, alors qu’on écrit Πολυδάμας et c’est ce qu’il fait qu’ils lisent Πουλυδάμας en ajoutant un υ.
1443 Et apud uergilium: prima syracusio ubi dipthongus. u. græca corripitur: atque ideo censent dorice legendum syracosio. Et chez Virgile prima syracŭsio où il abrège la dipthongue grecque ου, raison pour laquelle ils pensent qu’il faut lire à la dorienne syracosio.
1447 Et maro: ionioque mari maleaeque sequacibus undis : secundam breuem protulit: cum maleia per diphtongum a graecis scribatur. homerus in odyssea: en neusi glaphyresei maleiaon oros aipy . Et Virgile dans ionioque mari malĕaeque sequacibus undis donne la seconde syllabe comme brève, alors que les Grecs font de ei dans maleia une diphtongue, voir Homère, Odyssée, ἐν νηυσὶ γλαφυρῇσι Μαλειάων ὄρος αἰπὺ.
1609 lta maro. montibus in nostris solus. tibi certet amyntas. Ainsi Maro : montibus in nostris solus tibi certet Amyntas ("dans nos montagnes, seul Amyntas se mesure à toi").
1956 Quamobrem non iniuria et Maro reprehenditur ab eodem: quia ordine præpostero sapientis uerterit officium: cum scripsit: foelix qui potuit rerum cognoscere causas: ac mox: fortunatus et ille deos qui nouit agrestes et. c. Voilà pourquoi même Virgile se fait reprendre par le même Jérôme, parce qu'il a mis sens dessus dessous le devoir du sage en écrivant : "heureux qui a pu connaître les causes des choses", et peu après "aimé de la fortune est aussi celui qui connaît les dieux agrestes" etc.
1957 quamquam excusari possit Vates eminentissimus: tamen in sensu hieronymi iuste taxatur: Même si l'on peut excuser ce très éminent poète, cependant, en suivant l'opinion de Jérôme, c'est à bon droit qu'il est réprimandé.
2288 Certe Maro in geor. idem ait: non alios prima crescentis origine mundi illuxisse dies: aliumue habuisse tenorem crediderim. uer illud erat: uer magnus agebat orbis etc. Il est vrai que Virgile dit la même chose dans les Géorgiques : "il n'y eut pas d'autres jours à briller lors de la première naissance du monde, ni une autre suite de temps, je serais enclin à le croire : c'était le printemps, le vaste monde connaissait le printemps".
2310 Cæterum considerandum est id quod in genesi propheta scripsit: Et spiritus dei ferebatur super aquas id est super illam ductilem ac fluidam tractabilemque congeriem ac materiam: unde deus et spiritus oris diuini: quia dat rebus uitam: motum: et esse: atque operationem: curuauit æthera id est cœlum curuum fecit: et ex omni parte deorsum inclinantem: et conuexum: quemadmodum et Vates egregius descripsit: aspice (inquit) conuexo nutantem pondere mundum. Il faut, en outre, prêter attention à ce que le prophète a écrit dans la Genèse : "et l'Esprit de Dieu planait sur les eaux" autrement dit sur cette masse et cette matière ductile, fluide et aisément manipulable, d'où Dieu et spiritus oris ("le souffle de sa bouche") divine parce qu'il donne aux choses vie, mouvement, être et opération, curuauit aethera ("courba l'éther") autrement dit rendit courbe le ciel, qu'il fit s'incliner vers le bas dans toutes ses limites et rendit convexe, ainsi que le dit le Poète admirable : "regarde le monde qui s'incline sous le poids de la masse convexe".