Th15Deseruit terras: fluctusque ingressus AratorIl délaissa les terres et entrant dans tes flots, Arator
BP55Versibus acta horum primus celebrauit Arator:Dans ses vers, le premier Arator célébra leurs exploits
BP58Numine fatidico nomen Arator habet.Arator a un nom dont une puissance divine dit le destin.
BP73Qua præstans olim cultor sulcauit AratorLà où jadis le prince des cultivateurs, Arator, a passé sa charrue
BP79Inter enim Agricolas diuini ruris AratorEn effet, parmi les cultivateurs de la campagne divine, Arator
1Petitis cotidie a me Auditores amantissimi: uel potius precibus omnibus oratis et obtestamini: ut edam commentarios: quos ipse tumultuaria opera composui: nec per occupationes ex illo tempore uidere licuit: cum Aratorem poetam qui acta apostolorum metrice scripsit: ab hinc triennium publice interpretabar. Vous me demandez chaque jour, mes très chers auditeurs, ou plutôt vous me priez de toute forme d’instance et me conjurez de publier les commentaires que j’ai moi-même composés à la hâte et qu’en raison de mes occupations il n’a pas été permis de voir depuis ce temps où, il y a trois ans de cela, j’expliquais en public le poète Arator, qui a écrit en vers les Actes des Apôtres.
2 id uos affirmatis gratum et utile futurum non solum uobis qui licet ex me audistis: tamen propter obscuros poetæ sensus aliquam explanationis opem hebescenti per naturam memoriæ afferri cupiatis: sed etiam cunctis fere studiosis bonarum literarum: qui ipsum Aratoris opus non audent tamquam profundum pelagus intrare. Cela, si j’en crois vos affirmations, sera apprécié et utile non seulement pour vous, qui, bien que vous m’ayez entendu, désirez cependant, en raison de passages obscurs du poète, apporter le secours de quelque explication à votre mémoire qui par nature tend à s’émousser, mais encore pour tous ceux qui étudient les belles lettres, qui n’osent pas entrer dans l’oeuvre d’Arator comme si c’était une profonde mer.
23 quod autem utilius studiosis iuuenibus declarari potest quam hoc diuinum Aratoris poema? Or quel genre de texte peut-on dire plus utile pour les jeunes étudiants que le divin poème d’Arator ?
51 Quid enim ut cæteros mittam: habet noster Arator: quod non sit solidum: pudicum: argutum: sapiens: ad uirtutem religionemque faciens: et ad bene beateque uiuendum incitans? Que trouve-t-on en effet, pour ne rien dire de tous les autres, chez notre cher Arator qui ne soit pas solide, plein de pudeur, de finesse et de sagesse, tournant vers la vertu et la religion et incitant à vivre bien et dans la béatitude ?
82 dicent ergo hi collecta ex utrisque manu aratoris egregii theologi uersus enarrari debere non a poesiae sed a theologiae possessoribus. Ces gens-là diront donc, après avoir rassemblé leur troupe prise dans les deux catégories précédentes, que les vers d’Arator, ce remarquable théologien, doivent être commentés par des experts non en poésie mais en théologie.
85 Sed nec inuisorum quisquam mihi iure illud apelleum obiecerit: super crepidam sutor ne iudicet: cum aratoris poetæ mysticos sensus explicans: exegetici fungar munere: hoc est meo ac proprio non alieno. Mais aucun parmi ceux qui me jalousent ne saurait m’opposer à bon droit ce mot fameux d’Apelle : "que le jugement du cordonnier s’en tienne à la sandale", alors qu’en expliquant le sens mystique du poète Arator je me ferai exégète ; cette fonction est mienne et m’est propre et n’appartient à nul autre.
90 Quapropter si M. Fabius nostra hac tempestate scripsisset sicut latissimis finibus scientiam grammatici claudens retulit: nec ignara philosophiæ propter empedoclea in graecis: Varronem ac lucretium in latinis: qui praecepta sapientiæ uersibus tradiderunt: retulisset quoque: tum nec citra theologiam grammatice potest esse perfecta: propter Gregorium Nazianzenum ac Nonnum panopolitanum in graecis: prudentium sedulium: Iuuencum Aratorem in latinis: qui res sacras et plurimos in omnibus ferme carminibus locos ex intima quaestionum theologicarum subtilitate repetitos inseruerunt. C’est pourquoi si Marcus Fabius avait écrit à notre époque, ainsi que, donnant à la science du grammarien les frontières les plus larges, il l’a indiqué : "n’ignorant rien de la philosophie en raison d’Empédocle chez les Grecs et de Varron et Lucrèce chez les Latins qui mirent en vers les préceptes de la philosophie", il aurait indiqué également que la grammaire ne peut être parfaite sans la théologie à cause de Grégoire de Nazianze et Nonnos de Panopolis chez les Grecs et de Prudence, Sédulius, Juvencus et Arator chez les Latins, qui ont glissé des réalités sacrées et de très nombreux passages dans presque tous leurs poèmes qui reposent sur la profonde subtilité de problèmes théologiques.
99 simulque his abunde ostendi: dum Aratoris mysteria declaro: me in alienam messem nec precario deductum fuisse: nec ui irrupuisse: sed falcem in propriam segetem iure per maiores tradito immisisse. Et en même temps je leur ai abondamment démontré, quand je mets au jour les mystères d’Arator, que je n’ai pas été conduit dans la moisson d’autrui à titre précaire ni n’y ait fait irruption en usant de violence, mais que j’ai porté la faucille sur ma propre récolte conformément au droit transmis par les anciens.
102 Proloquia in opus Aratoris quæ græci uocant prolegomena: in quibus de uita et poemate ipso non nihil. Préface à l'oeuvre d'Arator que les Grecs nomment prolégomènes dans lesquels on trouve quelques renseignements sur la vie et le poème lui-même.
103 Arator sanctæ romanæ ecclesiæ subdiaconus Cardinalis actus apostolorum nulli tactos antea: nec uersibus translatos primus poetico numero complexus est. Arator, sous-diacre cardinalice de la sainte Eglise romaine, a, le premier, embrassé dans le rythme poétique les Actes des Apôtres que nul n’avait abordés avant lui ni traduits en vers.
104 cum enim prudentius res sacras uario metri genere attigisset: et Iuuencus ac sedulius historiam euangelicam occupassent: historia apostolica: quia beatus lucas Exposuerat: nullum nacta uindicem omnibus patebat: donec in ius cessit Aratoris ex eius sinu prius euolans. Alors en effet que Prudence avait abordé les réalités sacrées en des mètres variés, et que Juvencus et Sédulius avaient pris pour sujet l’histoire de l’évangile, l’histoire apostolique que le bienheureux Luc avait racontée, n’ayant trouvé aucun auteur pour s’en occuper, était libre pour tous jusqu’au moment où, s’envolant d’abord de son sein, elle devint le bien d’Arator.
108 Quamuis autem ad scribendos actus apostolorum idcirco uersibus arator dicatur: quod fecisse idem in euangelio iuuencum ac sedulium uidisset: quod Aldus Manucius affirmat se in Aratore quodam uenetiis uidisse: tamen suo ingenio fretus: id ausus est historiæ sacræ addere: quod perquam raro Sedulius interserit: numquam apud Iuuencum inuenitur. Or bien que l’on dise qu’Arator a été poussé à écrire en vers les Actes des Apôtres, parce qu’il voyait que Juvencus et Sédulius avaient fait de même pour l’évangile, argument qu’Alde Manuce dit avoir vu dans un exemplaire d’Arator à Venise, cependant confiant dans son talent, il a osé ajouter à l’histoire sainte ce que Sédulius ne glisse que très rarement et que l’on ne trouve jamais chez Juvencus.
108 Quamuis autem ad scribendos actus apostolorum idcirco uersibus arator dicatur: quod fecisse idem in euangelio iuuencum ac sedulium uidisset: quod Aldus Manucius affirmat se in Aratore quodam uenetiis uidisse: tamen suo ingenio fretus: id ausus est historiæ sacræ addere: quod perquam raro Sedulius interserit: numquam apud Iuuencum inuenitur. Or bien que l’on dise qu’Arator a été poussé à écrire en vers les Actes des Apôtres, parce qu’il voyait que Juvencus et Sédulius avaient fait de même pour l’évangile, argument qu’Alde Manuce dit avoir vu dans un exemplaire d’Arator à Venise, cependant confiant dans son talent, il a osé ajouter à l’histoire sainte ce que Sédulius ne glisse que très rarement et que l’on ne trouve jamais chez Juvencus.
112 Romanum fuisse Aratorem magis suspicari quam certo affirmare licet. Arator était Romain, on peut le conjecturer plus que l’affirmer avec certitude.
114 Floruit: enim Arator anno domini nostri Iesu christi DviL. Arator connut en effet son heure de gloire l’an de notre Seigneur Jésus Christ 544.
119 Legimus tamen apud paulum diaconum: qui abhinc annos circiter sexcentos scripsit: tale de Aratore testimonium. Nous lisons cependant chez Paul Diacre qui écrivit il y a environ six cents ans le témoignage suivant concernant Arator.
120 Tuncque nihilominus arator romanæ ecclesiæ subdiaconus poeta mirabilis apostolorum actus uersibus hexametris exarauit. "Et alors néanmoins, Arator, sous diacre de l’Église de Rome et poète admirable, mit en vers hexamètres les Actes des Apôtres".
122 Versus Aratoris Beda uenerabilis magnae apud theologos authoritatis: et qui post Aratorem annis fere ducentis scripsit: plerumque allegat quasi uenerans hoc sacrum poema. sicut illud ex secundo Qui canit ecclesiae tria dogmata: sæpius edit historicum: morale sonans typicumque uolumen: et ita frequenter ad hunc recurrit. Les vers d’Arator sont souvent cités par Bède le Vénérable, qui jouit d’une grande autorité parmi les théologiens et qui écrivit environ deux cents ans après Arator ; il voue pratiquement de la vénération à ce poème sacré, comme le montre cette citation du livre 2, "Qui canit ecclesiae tria dogmata, sæpius edit historicum, morale sonans typicumque uolumen" (celui qui chante les triples enseignements de l’Église publie assez souvent un livre qui fait entendre les sens historique, moral et symbolique) et ainsi il recourt fréquemment à lui.
122 Versus Aratoris Beda uenerabilis magnae apud theologos authoritatis: et qui post Aratorem annis fere ducentis scripsit: plerumque allegat quasi uenerans hoc sacrum poema. sicut illud ex secundo Qui canit ecclesiae tria dogmata: sæpius edit historicum: morale sonans typicumque uolumen: et ita frequenter ad hunc recurrit. Les vers d’Arator sont souvent cités par Bède le Vénérable, qui jouit d’une grande autorité parmi les théologiens et qui écrivit environ deux cents ans après Arator ; il voue pratiquement de la vénération à ce poème sacré, comme le montre cette citation du livre 2, "Qui canit ecclesiae tria dogmata, sæpius edit historicum, morale sonans typicumque uolumen" (celui qui chante les triples enseignements de l’Église publie assez souvent un livre qui fait entendre les sens historique, moral et symbolique) et ainsi il recourt fréquemment à lui.
124 at uero recentiores quoque authores illum summo opere laudant: sed ego unius Baptistae mantuani (ne longior sim) testimonio contentus ero: qui in quinto Alphonsi ait: romanusque pater Damasius cui clarus Arator it comes et cetera. Mais il y a aussi des auteurs modernes qui font de lui les plus grands éloges ; je me contenterai pour ma part (pour ne pas être trop long) du témoignage de Battista le Mantouan qui dit au livre cinq de l’Alphonsus : "romanusque pater Damasius cui clarus Arator it comes" (et le pontife romain Damase qu’accompagne l’illustre Arator) etc.
125 Illud non prætermittam: quod Aldus addit. ipsum Aratorem hos duos libros pontifici maximo muneri dedisse. viii. idus aprilis in præsbyterio ante confessionem Beati petri: cum et episcopi et presbyteri et diaconi et alii quam plurimi adessent. Je ne passerai pas non plus sous silence cet élément qu’ajoute Alde : Arator lui-même a donné en présent ces deux livres au souverain pontife le septième jour avant les ides d’avril dans le presbytérium devant la confession du bienheureux Pierre en présence d’évêques, de prêtres, de diacres et de bien d’autres personnes.
129 Vnum uidemus Aratorem praestitisse id: quod in arte poetica de perfecto poemate dixit horatius: Iudicis argutum quam non formidat acumen: haec placuit semel: haec decies repetita placebit. Nous voyons que seul Arator a réussi ce qu’Horace dit dans l’Art poétique du poème parfait : "Iudicis argutum quam non formidat acumen : haec placuit semel : haec decies repetita placebit" (qui ne redoute pas la pointe acérée de celui qui le juge : cela a plu une fois, cela plaira si on le répète dix fois).
130 Nam si semel displicuisset opus Aratoris: non quater tanta attentione auditum fuisset: et cum fabula bis acta quæcunque fuit tanti fiat a Criticis: quid dicendum de eo poemate quod toties recitatum: toties iucundissime auditum fuit? De fait si l’œuvre d’Arator avait déplu à la première lecture, elle n’aurait pas été entendue avec autant d’attention quatre fois, et quand une pièce que l’on a jouée deux fois, quelle qu’elle soit, est d’un si grand prix aux yeux des critiques, que dira-t-on de ce poème qui, à chaque fois qu’il a été lu, a été écouté avec le plus grand plaisir ?
132 Vt enim ille facta et doctrinam et miracula Christi uersibus exposuit: ita Arator actus apostolorum et prædicationem: addita tamen mystica intelligentia enarrauit: Vtque ille quattuor euangeliographorum historiam: ita Arator Beati lucae ordinem et contextum usquequaque sequitur. De même en effet que celui-ci a voulu exposer en vers les actes, la doctrine et les miracles du Christ, de même Arator a raconté les actes des apôtres et leur prédication en y ajoutant une interprétation symbolique ; et de même que Juvencus a suivi l’histoire racontée par les quatre évangélistes, de même Arator suit en tout l’ordre et la construction du bienheureux Luc.
132 Vt enim ille facta et doctrinam et miracula Christi uersibus exposuit: ita Arator actus apostolorum et prædicationem: addita tamen mystica intelligentia enarrauit: Vtque ille quattuor euangeliographorum historiam: ita Arator Beati lucae ordinem et contextum usquequaque sequitur. De même en effet que celui-ci a voulu exposer en vers les actes, la doctrine et les miracles du Christ, de même Arator a raconté les actes des apôtres et leur prédication en y ajoutant une interprétation symbolique ; et de même que Juvencus a suivi l’histoire racontée par les quatre évangélistes, de même Arator suit en tout l’ordre et la construction du bienheureux Luc.
138 Intentio Aratoris est celebrare labores duorum apostolorum præcipue sancti petri ac pauli: quorum uoce fides catholica per uniuersum orbem diuulgata est. Le but d’Arator est de célébrer les travaux des deux apôtres, principalement saint Pierre et Paul, par la voix desquels la foi catholique s’est répandue à travers le monde entier.
195 itaque latenter Arator laudat opus suum a subtilitate sed citra arrongantiam: et per hanc similitudinem a natura sumptam opus hoc suum esse subtile et plenum acuminum dicit: vt revera est atque ita probat dignum esse qui a floriano legatur. C’est pourquoi Arator sans en avoir l’air loue son ouvrage dans sa subtilité et sans faire montre d’arrogance, et, grâce à cette comparaison prise dans la nature, dit que son ouvrage que voici est subtil et plein de finesse (ce qu’il est réellement) et ainsi il prouve qu’il est digne de la lecture de Florian.
201 Dicit ergo Arator Vt uirtus militis quæ numquam frangitur et infracta est: deserit continuum laborem et fessa membra nouat: uel cum gymnasio armis ludicris se exercet uel se exercentes spectat: uel cum uenationi uacat et feras imbelles ut ceruos lepores uulnerat: ita tu floriane qui in libris maioribus legendis lassaris: repara animum tuum lassatum in carmine nostro. quia est animis natum inuentumque poema iuuandis et quia his nostris paruis legendis delectaberis: ut illis maioribus uersandis fatigaris. Arator dit donc : comme la valeur du soldat, qui n’est jamais brisée et demeure inflexible, abandonne l’entraînement continuel et repose ses membres fatigués, quand, au gymnase, il s’exerce avec des armes factices ou regarde les autres s’exercer, ou encore quand il passe son loisir à la chasse et blesse des bêtes inoffensives comme des cerfs ou des lièvres, ainsi, toi, Florian, si tu es las de lire des livres plus grands, délasse ton esprit fatigué en lisant notre poème, car la poésie est née et a été inventée pour plaire à notre esprit et parce que tu trouveras du plaisir à lire nos petits livres que voici, comme tu es fatigué de te pencher sur ces plus grands.
206 Inueni quemdam triobolarem grammatistam qui hic diceret aratorem errasse in secunda syllaba huius dictionis quasi longa sit natura non breuis ut arator posuit. J’ai trouvé un grammairien de trois sous pour dire qu’ici Arator s’est trompé dans la seconde syllabe de ce mot, en affirmant qu’elle est longue et non brève comme l’a scandée Arator.
206 Inueni quemdam triobolarem grammatistam qui hic diceret aratorem errasse in secunda syllaba huius dictionis quasi longa sit natura non breuis ut arator posuit. J’ai trouvé un grammairien de trois sous pour dire qu’ici Arator s’est trompé dans la seconde syllabe de ce mot, en affirmant qu’elle est longue et non brève comme l’a scandée Arator.
218 (MOENIBVS undosis) hoc alterum est epistolium elegiacum: quod ad uigilium pontificem maximum scribitur: cui arator opus suum nuncupat: et dat muneri. (MOENIBVS undosis) c’est le second billet sous forme d’élégie, qui est adressé au souverain pontife Vigile, à qui Arator annonce son ouvrage et le remet en présent.
236 Nec uero de hac obsidione intelligit Arator in hoc epistolico ad Vigilium eligidio cum eum laudat: quod gregi incluso et obsesso intra urbem romam subuenerit: sed de Vitigitis regis gothorum obsidione: qui Totilam paucis ante annis præcesserat. Mais ce n’est pas de ce siège que parle Arator dans le billet sous forme d’élégie qu’il adresse à Vigile, quand il fait son éloge en disant qu’il a secouru le troupeau enfermé et assiégé à l’intérieur de la ville de Rome, mais bien du siège mené par Vitigès qui avait précédé de quelques années Totila.
239 Durauit autem obsidio urbis romæ anno integro et diebus nouem: de qua intelligere Aratorem nemo dubitauerit: qui attentiori oculo historias de illis temporibus perlustrauerit. Le siège de la ville de Rome dura un an et neuf jours ; il ne fait aucun doute que c’est de lui que parle Arator, du moins pour qui a jeté un œil attentif sur les histoires de ce temps.
240 His ita breuiter excursis explanemus epistolam: in qua ubi ostendit Arator se multum debere Vigilio: cuius opera et monitis a prophanis ad sacra translatus tuta ecclesiæ statione fruatur: dicit quid destinet in hoc poemate. Se enim ardere uersibus complecti actus apostolorum. Maintenant que nous avons brièvement parcouru le contexte, expliquons la lettre dans laquelle, quand Arator montre qu’il doit beaucoup à Vigile grâce à l’action et aux conseils duquel il est passé du monde à l’état de clerc et jouit de statione, ("le mouillage") sûr de l’Église, il dit quel est son but dans ce poème : il désire ardemment en effet embrasser par ses vers les Actes des Apôtres.
250 Cuius exemplum ditissimus quisque Secutus (nam ut quisque maxime diues est: ita periculo longissime uult abesse: ne cum fortunis hosti ipse prædæ sit) ad regem uenetorum migrauit non solum in transitu Hunnorum sed etiam gottorum et cæterorum barbarorum: qui post hunnos italiam inuaserunt; si ergo cætera conuenirent: et historiæ anchora stabiliret hoc ipsum: pulchre intelligeremus Aratorem fuisse in urbe ueneta et moenibus undosis ut tutus esset ab armis gotthicis. Son exemple fut suivi par tous les riches (de fait plus chacun est riche plus il veut s’éloigner du danger, pour ne pas devenir la proie des ennemis avec sa fortune) et ils émigrèrent vers le roi de Venise, non seulement lors de l’invasion des Huns, mais encore de celle des Goths et de tous les autres barbares qui après les Huns attaquèrent l’Italie ; si donc le reste du texte était cohérent avec cela et si l’ancre de l’histoire fixait cette hypothèse, nous comprendrions parfaitement qu’Arator était à Venise et moenibus undosis ("du haut des remparts tempétueux"), pour se protéger des armes des Goths.
256 Sed quia illius ætatis historici non ita ordinate scripserunt ut antiquiores: fortasse tempestate Aratoris talia contigerunt. Mais, parce que les historiens de ce temps n’écrivaient pas les faits en respectant aussi bien l’ordre chronologique que les Anciens, il pourrait bien se faire que ces événements aient été contemporains d’Arator.
274 dimissa aula. dimissis curis aulicis et inanibus. his uerbis significat Arator se aliquando Versatum fuisse in atrio imperatoris constantinopolitani uel alicuius Principis alterius. dimissa aula. ("après avoir quitté la cour") après avoir quitté les soucis de la cour et ceux qui sont vains. Par ces mots Arator veut dire qu’il a été un moment occupé dans le palais de l’empereur de Constantinople ou de quelque autre prince.
283 ergo ut liberator noster in litore stetit significans se non amplius super aquas huius uitæ ambulaturum cum discipulis antea solebat: sed ad statum uitæ immutabilis transisse: ita Arator uult significare se aliquo modo in solido stare et frui statione littoris: cum fluctus sæculi reliquit: quamuis aliter uelut hic solidum et ibi. Donc de même que notre libérateur se tint sur le rivage en signifiant ainsi qu’il ne marcherait plus sur les eaux de cette vie avec les disciples comme il le faisait auparavant mais qu’il était passsé à l’état de la vie immuable, de même Arator veut dire que, d’une certaine manière, il se tient sur la terre ferme et jouit d’un mouillage sur la terre du rivage quand il a quitté le flot du siècle, bien que, dans les deux passages, la terre ferme ne désigne pas la même réalité.
285 dicit ergo arator: Ille petrus parauit sinus littoris id est tutam regionem et sinuosum littoris gremium: ad nostra carbasa id est uela tendentia ad litus ecclesiæ: ille inquit petrus: cuius fuit uia sicca in mediis fluctibus id est qui sicco pede ambulauit super aquas domino iubente. Arator dit donc : c’est Pierre qui parauit sinus littoris ("a préparé les criques du rivage") autrement dit une région sûre et un repli sinueux du rivage, ad nostra carbasa ("pour nos barques") autrement dit pour les voiles qui tendaient vers le rivage de l’Église. Il dit 'c’est Pierre cuius fuit uia sicca in mediis fluctibus ("qui marcha au sec au milieu des flots") autrement dit qui marcha à pied sec sur les eaux par ordre du Seigneur.
288 dicit ergo arator o uigili mi liberator: et qui me a lepra mundanæ uanitatis mundauisti: ero reus et ingratus si cessem tibi agere grates: ut nouem leprosi propter ingratitudinem displicuere scilicet christo: officio unius scilicet samaritani id est officiosa et grata actione gratiarum ob acceptum beneficium sanitatis. Arator dit donc 'ô Vigile, mon libérateur, toi qui m’as purifié de la lèpre de la vanité mondaine, je sera coupable et ingrat' si cessem ("si je tardais") 'à te rendre grâces' ; comme les neuf lépreux, à cause de leur ingratitude displicuere ("ont déplu") évidemment au Christ ; officio unius ("un seul qui fit son devoir"), évidemment le Samaritain, autrement dit par ses remerciements zélés et bienvenus pour avoir reçu le bienfait de la santé.
292 Et cum dicat hieronymus in templo dei offert unusquisque quod potest: alii aurum et argentum et lapides preciosos: alii byssum et purpuram et coccum: alii pelles et pilos caprarum: possumus affirmare Aratorem aurum deo obtulisse: hoc est ingenium diuino quodam dono aureum. Et puisque Jérôme dit "au temple de Dieu chacun offre ce dont il est capable : les uns de l’or, de l’argent et des pierres précieuses, d’autres de la batiste, de la pourpre et de l’écarlate, d’autres encore des peaux et des poils de chèvre", nous pouvons affirmer que c’est de l’or qu’Arator a offert à Dieu, son génie doré d’un don divin.
295 Dicit autem horum scilicet Petri et pauli: quia tametsi alii quoque apostoli fidem predicauerunt: de his praecipue contexit historiam beatus lucas: quem sequitur Arator. Or il dit horum ("de ceux-ci") évidemment Pierre et Paul, parce que, même si d’autres apôtres aussi ont prêché la foi, c’est autour de ces deux apôtres que le bienheureux Luc a bâti son récit. Or Arator le suit.
299 Miror autem uehementer cum arator hic polliceatur se narraturum actus apostolorum quos lucas rettulit: et ipsum Poema id narret non historiam Euangelicam: Et paulus diaconus idem affirmet: quid ita Platynae uenerit in mentem uiro alioquin doctissimo dicere in uita foelicis quarti: Aratorem uersibus hexametris Euangelia complexum fuisse. in foribus quis delinquit? Certe nos homines: quam in minimis labimur: qui caligamus in sole: qui maculas nostras præferimus quas aut incuria fundit aut humana parum cauet natura. Recte ergo illud dicitur: quandoque bonus dormitat homerus. sed a diuerticulo propositum repetamus. Mais je suis vraiment très étonné : alors qu’Arator promet qu’il racontera les actes des apôtres que Luc a rapportés et que c’est ce que le poème raconte et non le récit évangélique (et Paul Diacre affirme la même chose), qu’est-ce qui est passé par la tête de Platina, personnage par ailleurs très savant, de dire dans la vie de Félix IV qu’Arator avait embrassé en hexamètres le récit évangélique. "Aux portes qui se trompe ?" Evidemment nous, car nous sommes humains et, comme nous nous trompons sur de petites choses, nous sommes éblouis par le soleil et mettons en avant nos taches soit que cause notre incurie, soit dont la nature humaine ne tient pas assez compte. Ce mot est donc bien juste : "et parfois le bon Homère dort" ; mais quittons cette digression et revenons à notre propos.
299 Miror autem uehementer cum arator hic polliceatur se narraturum actus apostolorum quos lucas rettulit: et ipsum Poema id narret non historiam Euangelicam: Et paulus diaconus idem affirmet: quid ita Platynae uenerit in mentem uiro alioquin doctissimo dicere in uita foelicis quarti: Aratorem uersibus hexametris Euangelia complexum fuisse. in foribus quis delinquit? Certe nos homines: quam in minimis labimur: qui caligamus in sole: qui maculas nostras præferimus quas aut incuria fundit aut humana parum cauet natura. Recte ergo illud dicitur: quandoque bonus dormitat homerus. sed a diuerticulo propositum repetamus. Mais je suis vraiment très étonné : alors qu’Arator promet qu’il racontera les actes des apôtres que Luc a rapportés et que c’est ce que le poème raconte et non le récit évangélique (et Paul Diacre affirme la même chose), qu’est-ce qui est passé par la tête de Platina, personnage par ailleurs très savant, de dire dans la vie de Félix IV qu’Arator avait embrassé en hexamètres le récit évangélique. "Aux portes qui se trompe ?" Evidemment nous, car nous sommes humains et, comme nous nous trompons sur de petites choses, nous sommes éblouis par le soleil et mettons en avant nos taches soit que cause notre incurie, soit dont la nature humaine ne tient pas assez compte. Ce mot est donc bien juste : "et parfois le bon Homère dort" ; mais quittons cette digression et revenons à notre propos.
301 Cum autem duo contineat historia apostolica a beato luca scripta simplicem actuum apostolicorum narrationem: quæ apellatur littera: et mysteria in historia sacra latentia: promittit Arator se utrunque expositurum: quod ante eum nemo: nisi perquam raro fecit sedulius: aut si alius fecit: nemo uno tractu totam historiam mysticis sensibus quasi floribus suaue olentibus adornauit ut Arator. Or, puisque il y a deux choses dans le récit apostolique écrit par le bienheureux Luc, la simple narration des actes des apôtres que l’on appelle lettre et les mystères cachés dans l’histoire sainte, Arator promet qu’il expliquera les deux, chose que personne avant lui n’a faite, sinon peut-être rarement Sédulius, ou peut-être un autre ; personne d’un seul trait n’a orné tout le récit de son sens mystique pour ainsi dire avec des fleurs au parfum délicieux, comme l’a fait Arator.
301 Cum autem duo contineat historia apostolica a beato luca scripta simplicem actuum apostolicorum narrationem: quæ apellatur littera: et mysteria in historia sacra latentia: promittit Arator se utrunque expositurum: quod ante eum nemo: nisi perquam raro fecit sedulius: aut si alius fecit: nemo uno tractu totam historiam mysticis sensibus quasi floribus suaue olentibus adornauit ut Arator. Or, puisque il y a deux choses dans le récit apostolique écrit par le bienheureux Luc, la simple narration des actes des apôtres que l’on appelle lettre et les mystères cachés dans l’histoire sainte, Arator promet qu’il expliquera les deux, chose que personne avant lui n’a faite, sinon peut-être rarement Sédulius, ou peut-être un autre ; personne d’un seul trait n’a orné tout le récit de son sens mystique pour ainsi dire avec des fleurs au parfum délicieux, comme l’a fait Arator.
302 (Alternis) ergo non elegiacis ut forsitan et mea quare sint alterna requiris carmina: non enim opus Aratoris elegiacis sed heroicis constat uersibus: sed alternis id est modo literam: modo literæ mysteria explanantibus. (Alternis) ne veut donc pas dire élégiaques comme peut-être tu demandes pourquoi mes poèmes sont dit 'alternés'. En effet l’ouvrage d’Arator est fait de vers non pas élégiaques, mais héroïques, mais alternés autrement dit expliquant tantôt la lettre tantôt les mystères de la lettre.
310 nec uero miretur quisquam quia arator duos tamen sensus notet. scilicet literalem et mysticum: cum sub his duobus reliquos omnes conprehendamus. Alors que personne n’aille s’étonner qu’Arator n’indique cependant que deux sens, le littéral et le spirituel, alors que sous ces deux-là nous mettons tous les autres.
313 Ita quoque Arator in secundo: Qui canit (inquit) ecclesiæ tria dogmata: sæpius edit: historicum: morale sonans: typicumque uolumen. C’est aussi pourquoi Arator au livre 2 déclare Qui canit ecclesiæ tria dogmata : sæpius edit : historicum : morale sonans : typicumque uolumen ("celui qui chante les triples enseignements de l’Église publie assez souvent un livre qui fait entendre les sens historique, moral et symbolique").
317 Nam inquit Arator psalmi dauid regis: et prophetæ grauissimi clarissimique lyricis pedibus scripti sunt: et constant. Præterea cantica hieremiae prophetæ: et multa dicta lob herois patientissimi heroicis et hexametris uersibus conposita sunt: unde constat grauitas carminis et pondus: ipsius diuinæ scripturæ exemplo. De fait, dit Arator, les psaumes du roi David et les prophètes les plus austères et les plus illustres sont écrits en vers lyriques et il est manifeste en outre que les cantiques du prophète Jérémie et beaucoup de paroles de Job le héros de toute patience sont composés en vers héroïques et en hexamètres. Cela rend manifestes le sérieux et le poids d’un poème par l’exemple de l’Écriture divine elle-même.
318 Et quia aliquis posset Aratorem refellere ipsius testimonio rei. Cum uerbi gratia: dixit dominus domino meo: non sit carmen: et pereat dies in qua natus sum: quia non sit Versus heroicus: ideo subiungit metricam uim et rationem non inueniri in psalmis translatis in græcam linguam uel latinam: sed in linguæ origine id est in lingua originali et primigenia: hoc est hebraica in qua scripsit Dauid hieremias et cæteri. Et, parce qu’on pourrait contredire Arator par le témoignage des faits eux-mêmes, puisque, à titre d’exemple dixit Dominus domino meo ("Oracle du Seigneur à mon seigneur") n’est pas un poème, et parce que pereat dies in qua natus sum ("que périsse le jour où je suis né") n’est pas un vers héroïque, le poète ajoute que la force du mètre et son rythme ne se trouvent pas dans les psaumes traduits en grec ou en latin mais dans linguæ origine ("leur langue originelle"), autrement dit dans la langue originale et première, la langue hébraïque dans laquelle David, Jérémie et tous les autres ont écrit.
319 Hoc uero totum a diuo Hieronymo accepit Arator: qui in prologo super lob: Quod si cui inquit uidetur incredulum metra scilicet esse apud hebreos: et in morem nostri flacci: graecique pindari: et alcæi: et sapphus: uel psalterium: uel lamentationes hieremiæ: uel omnia ferme scripturarum cantica conprehendi: legat philonem: losephum: origenem: Cæsariensem Eusebium et eorum testimonio me uerum dicere comprobabit. Mais tout cela Arator l’a tiré du divin Jérôme qui dit dans le Prologue sur Job : "et s’il semble à quelqu’un incroyable qu’il existe des mètres chez les hébreux et que la manière de notre Horace ou des Grecs Pindare, Alcée et Sappho, soit présente dans le psautier ou les lamentations de Jérémie ou presque tous les cantiques des Écritures, qu’il lise Philon, Josèphe, Origènet et Eusèbe de Césarée et il verra bien à leur témoignage que je dis vrai".
320 dicit ergo arator nemo fastidiat in rebus sacris et historia apostolica Carmen et metrum heroicum uel alterius generis: nemo respuat: cum metrica facultas et uis non sit incognita id est sit cognita et usitata in sacris libris. Arator dit donc : que personne ne vienne s’offusquer dans les choses sacrées et l’histoire apostolique de trouver un poème et des vers héroïques ou d’une autre sorte ; que personne ne le méprise alors que l’habileté métrique et uis non sit incognita ("la force n’est pas inconnue") autrement dit est connue et utilisée dans les livres saints.
322 illud miror: cur hic arator dicat cantica hieremie constare hexametris: cum contra sentiat diuus hieronymus: cui illarum linguarum et omnis metricæ facultatis consultissimo maior fides adhiberi debet: quam Aratori qui se ignarum eius rei fatetur cum ait: dicunt cantica hieremiæ et dicta quoque lob constare hexametris. Un point m’étonne : pourquoi Arator dit-il que cantica hieremie constare hexametris ("les cantiques de Jérémie sonnaient en hexamètres"), ce à quoi s’oppose le divin Jérôme à qui l’on doit accorder plus de crédit en tant qu’il est parfaitement au fait de ces langues et de toutes leurs possibilités métriques, qu’à Arator qui se déclare ignorant de ce point quand il dit dicunt cantica hieremiæ et dicta quoque lob constare hexametris ("on rapporte aussi que les cantiques de Jérémie et les aproles de Job sonnaient en hexamètres").
322 illud miror: cur hic arator dicat cantica hieremie constare hexametris: cum contra sentiat diuus hieronymus: cui illarum linguarum et omnis metricæ facultatis consultissimo maior fides adhiberi debet: quam Aratori qui se ignarum eius rei fatetur cum ait: dicunt cantica hieremiæ et dicta quoque lob constare hexametris. Un point m’étonne : pourquoi Arator dit-il que cantica hieremie constare hexametris ("les cantiques de Jérémie sonnaient en hexamètres"), ce à quoi s’oppose le divin Jérôme à qui l’on doit accorder plus de crédit en tant qu’il est parfaitement au fait de ces langues et de toutes leurs possibilités métriques, qu’à Arator qui se déclare ignorant de ce point quand il dit dicunt cantica hieremiæ et dicta quoque lob constare hexametris ("on rapporte aussi que les cantiques de Jérémie et les aproles de Job sonnaient en hexamètres").
323 de dictis ipsius lob idem affirmat hieronymus quod Arator. nam in prologo eodem A primo (inquit) uoluminis usque ad uerba lob apud hebreos prosa oratio est. Porro a uerbis lob: in quibus ait: Pereat dies in qua natus sum: usque ad eum locum: ubi ante finem uoluminis scriptum est: lccirco ipse me reprehendo: hexametri uersus sunt dactylo spondeoque currentes: et propter linguæ idioma crebro respicientes et alios pedes: non earundem syllabarum sed eorundem temporum. Au sujet des paroles de Job lui-même, Jérôme dit comme Arator ; de fait dans le même prologue, il dit : "A partir du début du livre jusqu’aux paroles de Job aux Hébreux, c’est de la prose. Ensuite à partir des paroles de Job où il dit 'que périsse le jour où je suis né' jusqu’au moment où avant la fin du volume il est écrit 'voilà pourquoi je me fais des reproches à moi-même', ce sont des hexamètres répartis en dactyles et spondées, et en raison des particularités de la langue, ces vers regardent aussi vers d’autres pieds qui ne comportent pas le même nombre de syllabes, mais le même nombre de temps".
325 Constat uero pindarum et oratium in carminibus lyricis non uti hexametris sed aliis generibus metrorum. et quoniam esse debemus animo ad probandum quantum licet saluo ueritatis patrocinio: quam ad improbandum propensiore: possumus excusare Aratorem: quia lyrici uersus nonnunquam hexametros admittunt cum aliis generibus metrorum ut oratius: laudabunt alii claram rhodon aut mitylenen. In qua ode et in aliis quibusdam uersus hexametri multi sunt. Mais il est bien connu que Pindare et Horace dans leurs poèmes lyriques ne se servent pas d’hexamètres, mais d’autres genres de mètres. Et puisque notre esprit doit être plus enclin à approuver, pour autant toutefois qu’on reste sous le patronage de la vérité, qu’à blâmer, nous pouvons excuser Arator parce qu’il arrive parfois que les vers lyriques admettent des hexamètres avec d’autres genres de mètres comme par exemple Horace : laudabunt alii claram rhodon aut mitylenen ("d’autres vanteront l’illustre Rhodes et Mytilène"). Dans cette ode et dans quelques autres, il y a de nombreux hexamètres.
346 Arator: ut supra diximus: promisit se carminibus comprehensurum Actus apostolorum: quos Beatus Lucas scripsit. At Euangelium Lucæ et actus apostolorum eiusdem: sunt pene unum opus. Comme nous l’avons dit plus haut, Arator a promis d’embrasser dans son poème les Actes des Apôtres écrits par le bienheureux Luc. Mais l’évangile de Luc et les Actes des Apôtres forment pour ainsi dire un seul et même ouvrage.
349 initium historiæ apostolicæ est hic locus: a quo Arator incipit sicut beatus lucas: in quo ait christum se discipulis præbuisse uiuum in multis argumentis post resurrectionem: atque ipsis apostolis per quadraginta dies crebro apparuisse: ipsosque apostolos dominum ascensurum interrogasse de regno hierusalem quibus angeli domino ascendente astiterunt: et cætera quæ diuus Lucas persequitur. Le début du récit des actes et le passage suivant (par lequel Arator commence comme le bienheureux Luc) : celui où il raconte que le Christ s’est montré vivant à ses disciples après sa résurrection en leur donnant de nombreuses preuves et qu’il est apparu aux apôtres eux-mêmes pendant quarante jours de façon fréquente, puis que les apôtres ont interrogé le Seigneur, alors qu’il allait monter aux cieux sur le royaume de Jérusalem, puis que des anges, une fois le Seigneur monté au ciel, se sont rendus présents à eux et tout le reste de la matière que suit le divin Luc.
352 contenta in his .xii. capitulis comprehendit primus li. Aratoris. Le contenu de ces douze chapitres constitue la matière du livre 1 d’Arator.
355 Hec uero de paulo narrata continent secundus et ultimus Aratoris liber. Ces récits concernant Paul font la matière du second et dernier livre d’Arator.
368 Arator ergo diuini spiritus moderamine ad hanc prouinciam accitus ut scilicet carmine historiam apostolicam comprehenderet. Et donc Arator, sous l’action de l’Esprit divin, s’est emparé de ce travail : embrasser dans un poème le récit apostolique.
372 facit ergo Arator id quod faciunt qui uolunt duo fila separata connectere. Arator fait donc ce que font ceux qui veulent relier deux fils séparés.
376 recte hac particula continuat historiam euangelicam historiæ apostolicæ Arator: ut lucanus cuius gaudet imitatione: eadem continuauit secundum pharsaliæ tertio libro. Avec cette conjonction, Arator relie à juste titre le récit évangélique au récit apostolique comme Lucain, qu’il aime imiter, relia au deuxième livre de la Pharsale le troisième.
387 dicit autem Arator: hoc quod accepit a uirgine matre passum fuisse et datum pro stirpe humana. quia diuinitas est impatibilis. unde de humanitate sua christus loquens: quia inquit repleta est malis anima mea et uita mea in inferno appropinquauit. Arator dit : ce qu’il a reçu de la Vierge, sa mère, a souffert la passion et a été donné pro stirpe humana ("au bénéfice de l’humanité"), parce que sa divinité est impassible ; de là vient que c’est en parlant de son humanité que le Christ dit : "mon âme est pleine de maux" et ma vie a approché de l’enfer.
390 ideo subiungit Arator (dignatus) ut ima tangeret inferni non liquens ardua. quamuis enim christus ad inferos descendebat ad liberandum patres: coelum non linquebat. Voilà pourquoi Arator ajoute (dignatus) ut ima tangeret inferni non liquens ardua ("toucher l’abîme de l’enfer sans quitter les sommets"), car, bien que le Christ fût descendu aux enfers pour libérer les patriarches, il ne délaissait pas le ciel.
409 (Dies ingressa) dupliciter intelligi potest: dies id est ut corporalis qualis est in die uel etiam multo maior: ingressa ad manes cum christo descendente aut quia moriente domino in cruce petræ scissæ sunt: et terra mota est: et lux solis quae supra terram obtenebrescebat sub terram dominum suum sequebatur ut ait Arator: fugitiua reliquunt astra polum comitata deum: aut quia (ut uerbis utar augustini) sicut adueniente luce solis omnis tenebra in aere existens efugatur: sic adueniente anima christi in limbum infernus illustratur. (Dies ingressa) peut se comprendre de deux manières : le jour autrement dit corporel, tel qu’il est dans la journée voire même bien plus grand, ingressa ad manes ("entra chez les Mânes") avec le Christ qui y descendait ou parce que, quand le Seigneur mourut en croix, les pierres se fendirent et la terre fut ébranlée et la lumière du soleil qui s’était obscurcie sur la terre suivait le Seigneur sous la terre comme le dit Arator : fugitiua reliquunt astra polum comitata deum ("dans leur fuite, les astres abandonnent le ciel et accompagnent Dieu"), ou parce que (pour reprendre les mots d’Augustin) "de même que, à la venue du soleil, toute ténèbre présente dans l’air est mise en fuite, de même, à la venue de l’âme du Christ dans les limbes, l’enfer est éclairé".
430 dicit ergo poeta Astra fugitiua relinqunt polum id est uidentur relinquere: et fugitiua id est uidentur fugere non ostendentia lucem suam et fulgorem: quod cum fit: putat uulgus illa a suo loco fugere: et si fugiebant comitabantur suum creatorem descendentem ad inferos cum in cruce patiebatur: quod non ita debet intelligi quasi id ita acciderit: et astra refixa a suis orbibus descenderint ad inferos cum suo domino: sed declarabis: astra comitata deum id est astra non apparentia et comitata id est quæ comitari uidebantur suum deum. Donc le poète dit Astra fugitiua relinquunt polum ("dans leur fuite, les astres abandonnent le ciel") autrement dit semblent l’abandonner ; et fugitiua ("dans leur fuite") ; autrement dit 'semblent fuir' en ne montrant plus leur lumière et leur éclat ; quand cela se produit, le vulgaire pense qu’ils fuient de leur place ; et s’ils fuyaient, ils accompagnaient leur créateur descendant aux enfers tandis qu’il souffrait en croix. Il ne faut pas comprendre ainsi, comme si cela s’était réellement produit et si les astres quittant la position fixe de leur orbite étaient descendus aux enfers avec leur Seigneur. Mais on expliquera ainsi astra comitata deum ("les astres accompagnent Dieu") : les astres n’apparaissant plus et accompagnant, autrement dit 'semblant accompagner' leur Dieu.
431 sed dicet quispiam: nonne dixit arator se uerum dicturum. cur ergo admiscet figmenta poetica promissi immemor et oblitus: dico Aratorem uerum dicere: et nullas fabulas poeticas admiscere Mais on me dira : Arator n’a t-il pas dit qu’il dirait la vérité ? Alors pourquoi donc insère-t-il ici des inventions de poète, ne se souvenant plus de sa promesse et l’oubliant ; je réponds qu’Arator dit la vérité et n’insère aucun élément de fiction poétique.
431 sed dicet quispiam: nonne dixit arator se uerum dicturum. cur ergo admiscet figmenta poetica promissi immemor et oblitus: dico Aratorem uerum dicere: et nullas fabulas poeticas admiscere Mais on me dira : Arator n’a t-il pas dit qu’il dirait la vérité ? Alors pourquoi donc insère-t-il ici des inventions de poète, ne se souvenant plus de sa promesse et l’oubliant ; je réponds qu’Arator dit la vérité et n’insère aucun élément de fiction poétique.
462 quod subdit Arator: cum ait: (Cineresque piorum) id est ossa et corpora resoluta in puluerem uel cinerem piorum id est sanctorum patrum nouant natalem id est renouant natiuitatem secundam: post busta id est post sepulchra. hoc est: postquam sepulta fuerunt corpora sanctorum: renata sunt iterum et reuixerunt. C’est ce qu’ajoute Arator quand il dit (Cineresque piorum) autrement dit les ossements et les corps dissous en poussière ou les cendres des piorum ("les saints"), autrement dit les saints patriarches nouant natalem ("connaissent une nouvelle naissance") autrement dit se renouvellent en une seconde nativité, post busta ("après leur sépulture") autrement dit après leur tombeau, ce qui veut dire : après que les corps des saints eurent été mis au tombeau, il connurent la renaissance et retrouvèrent la vie.
476 Et ideo Arator paulo ante dixit natale post busta nouant: usus est illo uerbo emphanticos: ut signaret latens mysterium. Et c’est la raison pour laquelle Arator a dit peu auparavant natale post busta nouant ("connaissent une nouvelle naissance après leur sépulture"), en utilisant ce verbe de manière emphatique pour désigner un mystère caché.
489 Quod autem dixit Arator lux tertia surgit: dicet quispiam et cur non christus ante triduum cum posset: resurrexit? Quant à ce que dit Arator lux tertia surgit ("le troisième jour se lève"), quelqu’un dira peut-être aussi ; et pourquoi le Christ alors qu’il le pouvait n’est pas ressuscité avant le troisième jour ?
509 dicit autem arator ut repetatur origo et principium patriæ suæ ab homine: quia homo in principio positus fuit a deo in paradiso: in quo tanquam in patria duIcissima iucundissime uiuebat. Arator dit ut repetatur origo ("pour que soit rejointe l’origine") et sa patrie du commencement par l’homme, parce que l’homme au commencement fut placé dans le paradis dans lequel, comme dans une très douce patrie, il vivait au milieu des plus grands agréments.
515 dicitur ergo ab Aratore: origo patriæ repetatur id est patria originalis iterum petatur: interclusa id est clausa et impedita per peccatum diu id est diuturno tempore scilicet principio usque ad aduentum christi: et eius sacram resurrectionem: ante quam clausa erat paradisi ianua etiam electis ac sanctis illis patribus: qui ad limbum et ad sedes infernas descendebant: uel aliter ab exule limo id est a terra in qua miseri filii euæ exulamus repetatur originalis patria. Arator dit donc origo patriæ repetatur ("que la patrie d’origine soit rejointe") autrement dit que la patrie d’origine soit de nouveau atteinte, interclusa ("séparée") autrement dit fermée et interdite par le péché, diu ("longtemps") autrement dit pour un long moment, évidemment depuis le commencement jusqu’à la venue du Christ et sa sainte résurrection ; avant elle, la porte du paradis était close même pour les élus et ces saints patriarches qui descendaient aux limbes et dans les séjours infernaux ; on peut comprendre autrement ab exule limo ("loin de l’exil de la terre"), comme loin de la terre sur laquelle nous, misérables fils d’Eve, nous sommes en exil, pour revenir dans notre patrie d’origine.
527 ideo arator ait reddidit restituit reparauit. C’est la raison pour laquelle Arator dit reddidit ("a rendu"), a restitué, a réparé.
553 (IAMQVE quaterdenis) soIet quæri cur arator non proponat inuocet narret more cæterorum poetarum. (IAMQVE quaterdenis) On demande d’ordinaire pourquoi Arator ne fait pas comme les autres poètes une propositio, une invocatio et une narratio.
556 ostendit autem in hac secunda sectione Arator christum multis signis probasse discipulis se post resurrectionem idem habere corpus quod ante habuisset. deinde post. xxxx. dies e monte oliueto assumptum fuisse in coelum illis uidentibus et mirantibus. postea uero dicipulos rediisse hierosolymam: ubi uirgo deipara erat. Dans cette deuxième section, Arator montre que le Christ, par de nombreux signes, a prouvé à ses disciples qu’après sa résurrection il avait le même corps qu’il avait eu auparavant ; ensuite qu’après quarante jours il fut enlevé au ciel depuis le Mont des Oliviers, tandis qu’ils le voyaient et s’en émerveillaient ; et qu’ensuite les disciples étaient revenus à Jérusalem où était la Vierge Mère de Dieu.
564 Ex his constat quo intelligemus quod dicit Arator: quos apostolos iubet esse suos testes usque sub extremum mundum id est usque in extremas oras orbis terrarum: in quas ecclesia diffusa est. Avec ces arguments on éclaire comment nous comprenons le vers d’Arator quos apostolos iubet esse suos testes usque sub extremum mundum ("il ordonne à ses apôtres d’être ses témoins jusqu’à l’extrémité du monde en ses confins les plus étendus") autrement dit jusque dans les territoires les plus éloignés du monde, dans lesquels l’Église s’est répandue.
577 dicet quispiam: quorsum hæc tam longo repetita principio ut ostendam quomodo fuerunt signa manifesta et documenta certa (ut ait Arator) quibus christus ostendit et probauit discipulis nulla se uti ad illos ludificatione. On me dira : à quoi rime pour moi d’aller chercher si loin ce préambule pour montrer comment furent évidents les signes et certaines les preuves (comme le dit Arator) par lesquelles le Christ montra et prouva à ses disciples qu’il n’utilisait envers eux nul charme trompeur ?
583 Quo igitur pacto scrupulos omneis dubitationum remouit christus? Arator ostendit: cum ait (miracula rerum) scilicet operatarum a christo: non poterant coelare deum id est non poterant abscondere et occultare diuinitatem christi. quia ut inquit loannes Euangeliographus si scribantur per singula quæ Iesus fecit miracula scilicet ante uel post resurrectionem: non mundus libros ipsos caperet. Donc, de quelle manière le Christ dissipa-t-il tous les scrupules du doute ? Arator le montre en disant miracula rerum ("les miracles") évidemment opérés par le Christ non poterant celare deum ("ne pouvaient cacher Dieu") autrement dit ne pouvaient pas cacher et occulter la divinité du Christ, parce que, comme le dit Jean l’évangéliste "si l’on écrivait un à un les miracles que Jésus a faits, que ce soit avant ou après sa résurrection, le monde ne suffirait pas pour contenir ces livres".
609 Ex his liquet cum ait Arator dominum comedisse cum discipulis: non indigentia illud factum fuisse a christo: nec quia nos post resurrectionem epulaturi simus ut dicunt otomanici et nonnulli hebreorum quos littera occidit: sed ut ueritatem naturæ et corporis sui ostenderet testibus illis grauissimis. A partir ce que je viens de dire il est évident que quand Arator dit que le Seigneur a mangé avec ses disciples, ce n’est pas par un quelconque manque que le Christ a agi ainsi, ni parce qu’après la résurrection nous aussi nous ferons des banquets comme le disent les musulmans et quelques hébreux que la lettre tue, mais bien pour montrer à ces témoins de très grande valeur la vérité de sa nature et de son corps.
615 Sed quomodo dicet aliquis uerba ambrosii et Aratoris interpretabimur Sane recte: si per uerticem montis deitatem christi intelligimus: a qua apostoli munera spiritalis unctionis: et lucis et pacis promissa expectabant: quæ duo per germen oliuæ significantur. Mais comment, va-t-on me dire, interprétons-nous les paroles d’Ambroise et d’Arator ? Bien assurément si nous comprenons que par le sommet du Mont est désignée la divinité du Christ, d’où les apôtres attendaient les dons promis de l’onction spirituelle, de la lumière et de la paix ; ce sont ces deux réalités qui sont signifiées par le germe de l’oliver.
622 Sed quædam sunt praecognoscenda ut sensus uerborum Aratoris difficilis pateat: Mais pour que le sens d’Arator, qui est difficile, soit clair il faut savoir quelques éléments préalables.
640 His ita in mentem reuocatis iam lucet uia intelligentiæ in uersu Aratoris: uult inquit scilicet dominus Reuerti inde id est redire in coelum ab illo loco scilicet monte oliueti: unde id est a Quo loco: Odor scilicet balsami Quod nascitur in monte illo uel in aliis locis etiam iudeæ: diuinus id est denotans rem diuinam: Commendat creaturam id est ornat tanquam uexillo proprii regis qui passus est in cruce: dico micantem id est splendentem creaturam scilicet humanam unctam fronte signata: scilicet chrismate: cum chrisma id est unctio oleo et balsamo confecta exterius: abluit id est mundat interius conferendo septiformem gratiam spiritus sancti: unctos desuper id est superna gratia: chrisma dico: dictum scilicet de nomine christi. quia sicut christus dicitur unctus ob eas causas quas supra diximus ita chrisma dicitur unctio: quia exterius oleo et balsamo ungitur frons confirmati: et interius ungit spiritus sanctus oleo et balsamo suorum donorum. Une fois remis cela dans notre esprit, la route s’éclaire pour comprendre le vers d’Arator qui dit uult ("il veut") évidemment le Seigneur, reuerti inde ("s’en retourner de cet endroit"), autrement dit revenir au ciel à partir de ce lieu, évidemment le Mont des Oliviers ; unde ("d’où") autrement dit à partir duquel lieu, odor ("un parfum"), évidemment du baume qui naît sur cette montagne ou aussi en d’autres lieux de Judée ; diuinus ("divin") autrement dit dénotant une réalité divine ; commendat creaturam ("donne du prix à une créature") autrement dit l’orne comme de l’étendard qui appartient en propre au roi qui a souffert en croix ; micantem ("étincelant"), dis-je, autrement dit la créature humaine ointe qui resplendit fronte signata ("le front signé"), évidemment par le chrême, quand le chrême, autrement dit l’onction faite d’huile et de baume abluit ("eut lavé") extérieurement, autrement dit purifié intérieurement en donnant la grâce des sept dons de l’Esprit saint ; unctos desuper ("ayant reçu l’onction d’en-haut") autrement dit de la grâce céleste ; le chrême, dis-je, dont le nom vient de nomine christi ("du nom du Christ"), parce que, de même que le Christ est dit l’Oint pour les raisons que nous avons énoncées plus haut, ainsi l’onction se dit chrême parce qu’extérieurement le front du confirmand est oint d’huile et de baume et interius ("jusqu’au plus intime") le saint Esprit l’oint de l’huile et du baume de ses dons.
643 Cum autem sacramentum: ut in. iii. ait magister sit inuisibilis gratiæ uisibilis forma: ideo chrismatis sacramentum in oleo et balsamo et in frontis unctione gerit similitudinem eius rei cuius signum est. ut oleum gratiam signat illuminantem: balsami odor fragrantiam famæ et uitæ honestae et reliqua ut diximus nec mireris quod arator transit a singulari ad pluralem numerum: cum ait creaturam micantem id est hominem confirmatum: et desuper unctos id est homines confirmatos chrismate. Puisqu'un sacrement, comme le dit le Maître des Sentences livre 3, "est la forme visible de la grâce invisible", le sacrement du chrême dans l’huile et le baume et dans l’onction du front portent la similitude de la réalité dont il sont le signe. De même que l’huile désigne la grâce qui illumine, l’odeur du baume désigne le parfum de la renommée et de la vie honnête et ainsi de suite comme nous l’avons dit, et on ne s’étonnera pas de voir Arator passer du singulier au pluriel quand il dit creaturam micantem ("une créature étincelante") autrement dit l’homme confirmé et desuper unctos ("ceux qui avaient reçu l’onction d’en-haut") autrement dit les gens confirmés par le chrême.
670 (Dixere ore corusco) id est ore splendenti. habebant enim faciem angeli et pulchram et claram indicem interioris claritatis et pulchritudinis. dixere scilicet uiri illi apostolis: sed quid dixerint non dicit Arator. Illud enim quod sequitur statim: non dicunt angeli sed ipse poeta. quæ cognita nobis et cetera. (Dixere ore corusco) autrement dit avec un visage resplendissant. En effet, les anges avaient un visage à la fois beau et brillant qui dénotait leur brillance et beauté intérieure. Dixere ("ils dirent") évidemment il s’agit de ces hommes aux apôtres, mais ce qu’ils dirent, Arator ne le dit pas, car ce qui suit immédiatement après ce ne sont pas les paroles des anges, mais du poète lui-même : quæ cognita nobis ("ces faits qui nous sont connus") etc.
672 hoc dixerunt angeli: sicut mox ostendit arator dicens: angelicis igitur postquam est affatibus usa ad messem prælecta manus. Voici ce que dirent les anges, comme le montre aussitôt Arator en disant angelicis igitur postquam est affatibus usa ad messem prælecta manus ("ainsi donc après qu’elle eut entendu ces paroles des anges, la troupe d’abord choisie pour la moisson").
704 Et caue ne putes Aratorem dicere: rediisse apostolos in hierusalem in sabbato: cum dominus feria quinta id est in die iouis assumptus fuerit et in eadem die apostoli redierint: sed hoc dicitur a poeta ut ostendat quantum distabat oliuetum ab urbe: quia scilicet itinere unius sabbati: sicut lucas etiam ait: tunc reuersi sunt in hierusalem a monte qui uocatur oliueti: sabbati habens iter. Et veille bien à ne pas croire qu’Arator dise que les apôtres sont revenus à Jérusalem le jour du sabbat, alors que le Seigneur a été enlevé au ciel le cinquième jour autrement dit le jeudi et c’est le même jour que les apôtres revinrent, mais le poète dit cela pour montrer quelle était la distance entre le Mont des Oliviers et la ville, évidemment parce que c’est par le chemin d’un jour de sabbat, comme le dit également Luc : "alors ils s’en retournèrent à Jérusalem depuis le Mont que l’on appelle des Oliviers, en parcourant un chemin de sabbat".
709 cum ergo in hanc narrationem incidisset Arator: nactus occasionem diuertendi in laudes uirginis: columbellam illam candidissimam et omni prorsus uacantem labe digno praeconio sequitur: non ignarus totum ad laudem eius pertinere: qui matrem sibi talem delegit: quicquid dignum genitrici suae impensum fuerit. Comme donc Arator en était arrivé à ce point de son récit, il saisit l’occasion de faire une digression pour louer la vierge ; il suit cette petite colombe d’une blancheur parfaite et qui est dépourvue d’absolument toute tache avec l’éloge qu’elle mérite, car il sait bien que tout ce que tout effort digne de sa mère concourt à la louange de celui qui s’est choisi une telle mère.
719 Debemus autem oculis uigilantibus perspicere id quod lucas in primo actuum capite: et Arator hic refert illle namque dixit apostolos reuersos fuisse in hierusalem: et omnes perseuerasse unanimiter in oratione cum mulieribus et maria matre lesu. Nous devons donc garder le regard en éveil pour bien voir ce que Luc en Ac. 1 et ici Arator rapportent : de fait, il dit que les apôtres sont revenus à Jérusalem et que tous ils ont unanimement persévété dans la prière avec les femmes et Marie la mère de Jésus.
723 Sed hic ambiguitas quaedam animum punget alicuius: qui percunctabitur numquid uirgo interfuerit assumptioni gloriosae filii sui: cum dicat beatus lucas apostolos redisse in hierusalem: et arator quoque eos narret uenisse in eum locum ubi erat mater domini. Mais, à ce point, une ambiguïté pourra piquer certain au vif et lui faire demander s’il est vrai que la vierge était présente à la glorieuse ascension de son fils, alors que le bienheureux Luc dit que les apôtres retournèrent à Jérusalem et qu’Arator aussi raconte qu’ils vinrent dans le lieu où se trouvait la mère du Seigneur.
729 ideo ait Arator. Virgo secunda scilicet maria: fugat id est repellit et procul abigit scilicet per christum filium suum: mala criminis id est peccati: Euae scilicet primae uirginis. C’est la raison pour laquelle Arator déclare uirgo secunda ("une seconde vierge") évidemment Marie, fugat ("met en fuite") autrement dit repousse et envoie au loin, évidemment par le Christ son fils, mala criminis ("les maux issus du crime") autrement dit le péché, Euae autrement dit la première vierge.
765 Hanc arator cohercet cum ait non uoce querelas excitet et.c. C’est cette plainte qu’Arator réprime en disant non uoce querelas excitet ("n’engage notre voix à se plaindre").
785 Arator autem non hoc sentire uidetur cum ait (Mundoque) redempto scilicet per filium dei naturam hominis induentem: sors melior idest melior condicio: uenit id est contingit scilicet homini: de clade id est de damno quod accepimus per peccatum primorum parentum. Arator, de son côté, semble être de cet avis quand il dit mundoque redempto ("pour le monde racheté"), évidemment par le Fils de Dieu revêtant la nature de l’homme, sors melior ("un destin meilleur"), autrement dit une condition meilleure uenit ("est venu"), autrement dit s’est produit pour le bien évidemment de l’homme, de clade ("du désastre"), autrement dit de la perte que nous avons reçue à cause du péché de nos premiers parents.
786 illud oportet non ignorare ut haec aratoris uerba intelligamus: quod magister scribit in secundo dist. xix. quando uidebimus quo pacto homines per liberatorem humani generis Christum sunt in meliori statu quam ante peccatum. Nam si consideramus quomodo in statu innocentiae primus homo fuerit immortalis: et beatus: quo pacto alio immortalitatis genere sit insignitus et notabilis: tum discrimen apparebit manifestum et euidens inter statum hominis ante peccatum et post peccatum. Il convient, afin de comprendre ces mots d’Arator, de ne pas ignorer ce que le Maître des Sentences écrit livre 2 distinction 19, puisque nous verrons de quelle manière les hommes grâce au Christ, le libérateur du genre humain, sont dans un état meilleur qu’avant le péché. De fait, si nous considérons de quelle manière l’homme dans son état d’innocence était immortel et bienheureux et de quelle manière il est orné et paré d’un autre genre d’immortalité, la différence apparaîtra clairement et de manière évidente entre l’état de l’homme avant le péché et après le péché.
790 ideo ait arator sors melior id est melior status scilicet tertius per christum redemptorem: uenit homini scilicet post resurrectionem quam praestabit christus in nouissimo die: melior scilicet quam primus status in quo corpus erat animale et aliquo modo mortale vt ostendimus. Voilà pourquoi Arator dit sors melior ("un destin meilleur") autrement dit un état meilleur, évidemment le troisième état obtenu grâce au Christ le rédempteur, uenit ("est venu") évidemment pour l’homme après la résurrection que le Christ offrira au dernier jour, melior ("meilleur") évidemment que le premier état dans lequel le corps était animal et d’une certaine manière mortel, comme nous l’avons montré.
797 (persona) id est eua tantum: non uniuersa natura muliebris: dedit ruinam idest casum hoc est fecit cadere Adam: quo cadente nos omnes eius posteri cecidimus: non natura scilicet foeminea tota. sicut non tota natura Muliebris dedit nobis Salutiferum lesum: sed sola uirgo Maria sexus gloria foeminei. cum autem dixit Arator persona ruinam dedit: sic intellige ut cum dicitur peccatum per unum hominem intrasse in mundum idest in naturam humanam. quia mulier ante uirum peccauit: et mulier de uiro facta est. (persona) autrement dit Eve seulement, et non la nature féminine dans son ensemble, dedit ruinam ("a provoqué la ruine"), autrement dit le malheur de faire chuter Adam ; par sa chute, nous tous, ses descendants, avons chuté ; non natura ("non sa nature"), évidemment la nature féminine entière, de même que ce n’est pas toute la nature féminine qui nous donna Jésus le Sauveur, mais la seule vierge Marie, gloire du sexe féminin. Or quand Arator dit persona ruinam dedit ("la personne a provoqué la ruine"), comprenez comme quand on dit que par un seul homme le péché est entré dans le monde, autrement dit dans la nature humaine, parce que la femme a péché avant l’homme et la femme a été créée de l’homme.
836 Caeterum Arator anteaquam uerba petri explicet: quinam sit petrus: ostendit: et quo modo ante piscator aquatilium fuerit: mox piscator hominum: En outre, avant de développer les paroles de Pierre, Arator montre qui est Pierre et comment il avait été peu auparavant pêcheur de créatures marines et ensuite était devenu pêcheur d’hommes.
841 Est autem notandum uerbum illud dum trahit. Nam petrus uocatur ut loannes narrat: semel statim post baptisma christi. Deinde iterum luca referente in magna captura piscium: ad quam uerbum illud Aratoris refertur: dum trahit et. c. Il faut en outre bien noter ces mots dum trahit ("tandis qu’il tirait le filet"). De fait, Pierre est appelé, selon le récit de Jean, immédiatement après le baptême du Christ. Ensuite, d’après la narration de Luc, cela se produit lors d’une grande séance de pêche c’est à cela que se rapporte le passage d’Arator dum trahit etc.
874 Itaque ludas se iudicauit dignum laqueo: et se non expectata alicuius alterius iudicis sententia: iudicauit laqueo gulam frangens: atque ita sui ipsius fuit proditor iudas iudex lictor et carnifex: ideo Arator ait soluit sibi mercedem: quia sui ipsius fuit iudex: et sibi dedit poenam quam meruerat: qui dominum mundi et suum prodiderat. C’est pourquoi Judas se jugea digne de la corde, et que, sans attendre la sentence de quelque autre juge, il se jugea lui-même en se brisant le cou avec une corde ; et ainsi Judas fut pour lui-même traître, juge, licteur et bourreau ; voilà pourquoi Arator dit soluit sibi mercedem ("a payé pour lui-même le salaire") parce qu’il fut son propre juge et s’infligea à lui-même le châtiment qu’il méritait, lui qui avait trahi le Seigneur du monde et son propre Seigneur.
890 Ideo Arator subdit: qui scilicet iudas. promeruit id est meruit: necari id est strangulari: parte scilicet ea hoc est per guttur: qua scilicet parte: fuit culpa scilicet proditionis. nam per guttur emissa est illa infanda oratio: quid uultis mihi dare et.c. Voilà pourquoi Arator ajoute : qui ("qui"), évidemment Judas, promeruit ("a gagné"), autrement dit a mérité, necari ("être tué") autrement dit étranglé, parte ("par la partie"), évidemment il s’agit de la gorge, qua ("par laquelle") évidemment la partie, fuit culpa ("il a péché"), évidemment en trahissant ; de fait, c’est par la gorge que fut émis ce discours abominable : "que voulez-vous me donner etc.".
918 ideo subiungit poeta per admirationem: O quantum distant id est differunt: humana scilicet iudicia: iudiciis supernis id est diuinis. Voilà pourquoi le poète ajoute avec admiration : o quantum distant ("ô combien sont éloignés") autrement dit diffèrent, humana (" les humains") évidemment il s’agit des jugements, iudiciis supernis ("des jugements du Ciel"), autrement dit de Dieu.
933 Nos conuenit illud non nescire Graecos theologos Basilium: Nazianzenum: origenem: latinos quoque hieronymum Ambrosium Augustinum caeterosque obseruare ubique proprietates ipsorum numerorum: adeoque attente illos scrutari in quibusuis diuinae scripturae locis: ut non sit mirandum si Arator hic quoque tam diligens sit numeri duodenarii: tamque curiosus obseruator: Certe beda clarus interpres passim huius sententias in suas comentationes transfert. Il est important que nous n’ignorions pas que les théologiens grecs, Basile, Grégoire de Nazianze, Origène, et les théologiens latins aussi, Jérôme, Ambroise, Augustin et tous les autres, ont été attentifs partout aux propriétés des nombres eux-mêmes et les ont soumises à un examen si attentif dans quelque passage des Ecritures qu’ils les trouvent, qu’il n’y a rien d’étonnant à ce qu’Arator ici aussi montre tant de soin à expliquer le nombre douze et que cet observateur si plein de curiosité qu’est Bède, l’illustre commentateur, fasse passer partout les sentences de ce dernier dans son propre commentaire.
944 Ostendit ergo Arator in hac quarta primi libri sectione quomodo spiritus sanctus descendit ad apostolos: et cur in specie ignis: et quamobrem in tali tempore. Arator montre donc, dans le quatrième section de son premier livre, comment l’Esprit saint descendit sur les apôtres et pourquoi à un pareil moment.
984 Quanuis a uia proposita uidear diuertisse: siquis tamen quae in hac sectione Aratoris continentur attente inspexerit: nihil me extra rem dixisse inueniet. Bien que je semble avoir dévié de la route que je m’étais fixée, celui cependant qui jettera un œil attentif sur le contenu de cette section d’Arator verra que je n’ai rien dit qui soit hors-sujet.
1052 Si ergo magister ueritatis uult me ardere igni spiritus diuini: et coelesti amore flagrare: ipse prius ardeat necesse est. Quod si ille iacet dormit: stertit: caret affectu et igne: auditor quoque frigescat necessum est has duas et ignis et columbae figuras uim spiritus sancti notantes Arator hic explicat: cum ait (Res maxima) id est maximum mysterium: cogit scilicet me ait Arator: non reticere diu id est diuturno tempore sed statim declarare et efari: quid sit id est quae causa sit: quod id est ob quam spiritus almus id est sanctus: his scilicet apostolis: datur scilicet in die pentecostes: in flamma id est in specie ignis et flammae ut diximus: et scilicet datur columba id est in columba hoc est in similitudine columbae: ab amne: scilicet fluuio iordanis: hoc est ab illo loco spiritus sanctus uisus est in figura columbae cum dominus batipzatus fuit ut Mattheus et Lucas narrant. Si donc le Maître de vérité veut que je brûle du feu de l’Esprit divin et que je m’enflamme d’amour pour le Ciel, il est inévitable qu’il soit le premier à brûler ; et si il est couché, s’il dort, s’il ronfle, s’il manque d’affect et de feu, l’auditeur aussi, c’est inévitable, restera froid. Arator explique ici les deux figures, feu et colombe, qui représentent la force de l’Esprit saint en disant (Res maxima) autrement dit un très grand mystère cogit ("oblige") évidemment moi, dit Arator, non reticere diu ("à ne pas taire plus longtemps") autrement dit longuement, mais au contraire à dire et divulguer tout de suite, quid sit ("ce qui fait") autrement dit quelle est la cause quod ("que") autrement dit pour laquelle spiritus almus ("l’Esprit nourricier") autrement dit saint his ("à ceux-ci") évidemment les apôtres datur ("est donné") évidemment le jour de Pentecôte in flamma ("en une flamme") autrement dit sous l’aspect du feu et de la flamme comme nous l’avons dit ; et évidemment il est donné columba ("en une colombe") autrement dit sous forme de colombe, autrement dit à l’image d’une colombe, ab amne ("dans les eaux") évidemment dans le Jourdain, autrement dit l’Esprit saint s’y montra sous la figure d’une colombe quand le Seigneur fut baptisé comme le racontent Matthieu et Luc.
1052 Si ergo magister ueritatis uult me ardere igni spiritus diuini: et coelesti amore flagrare: ipse prius ardeat necesse est. Quod si ille iacet dormit: stertit: caret affectu et igne: auditor quoque frigescat necessum est has duas et ignis et columbae figuras uim spiritus sancti notantes Arator hic explicat: cum ait (Res maxima) id est maximum mysterium: cogit scilicet me ait Arator: non reticere diu id est diuturno tempore sed statim declarare et efari: quid sit id est quae causa sit: quod id est ob quam spiritus almus id est sanctus: his scilicet apostolis: datur scilicet in die pentecostes: in flamma id est in specie ignis et flammae ut diximus: et scilicet datur columba id est in columba hoc est in similitudine columbae: ab amne: scilicet fluuio iordanis: hoc est ab illo loco spiritus sanctus uisus est in figura columbae cum dominus batipzatus fuit ut Mattheus et Lucas narrant. Si donc le Maître de vérité veut que je brûle du feu de l’Esprit divin et que je m’enflamme d’amour pour le Ciel, il est inévitable qu’il soit le premier à brûler ; et si il est couché, s’il dort, s’il ronfle, s’il manque d’affect et de feu, l’auditeur aussi, c’est inévitable, restera froid. Arator explique ici les deux figures, feu et colombe, qui représentent la force de l’Esprit saint en disant (Res maxima) autrement dit un très grand mystère cogit ("oblige") évidemment moi, dit Arator, non reticere diu ("à ne pas taire plus longtemps") autrement dit longuement, mais au contraire à dire et divulguer tout de suite, quid sit ("ce qui fait") autrement dit quelle est la cause quod ("que") autrement dit pour laquelle spiritus almus ("l’Esprit nourricier") autrement dit saint his ("à ceux-ci") évidemment les apôtres datur ("est donné") évidemment le jour de Pentecôte in flamma ("en une flamme") autrement dit sous l’aspect du feu et de la flamme comme nous l’avons dit ; et évidemment il est donné columba ("en une colombe") autrement dit sous forme de colombe, autrement dit à l’image d’une colombe, ab amne ("dans les eaux") évidemment dans le Jourdain, autrement dit l’Esprit saint s’y montra sous la figure d’une colombe quand le Seigneur fut baptisé comme le racontent Matthieu et Luc.
1053 Quod . idest. quam causam et rationem cur spiritus sanctus in his figuris uisus est: tum canam id est dicam et declarabo: rite id est recte uel secundum ritum congruentem: et soluam promissa debita scilicet iam a principio huius operis: cum Arator promisit se declaraturum non solum historiam apostolicam sed etiam latentia mysteria: Alternis reserabo modis quod littera pandit et res siqua mihi mystica corde datur. Hoc ergo quod Arator promisit in principio est debitum: propterea quod bonus uir debet praestare quod nudo uerbo promittit et citra stipulationem spondet: Et non minus obligatur iustus uerbo quam tabellionis contestatione iniustus. Quod ("ce que") autrement dit quelle cause et raison pour lesquelles l’Esprit saint s’est montré sous ces figures, tum canam ("maintenant je chanterai") autrement dit je dirai et je ferai connaître rite ("comme il faut") autrement dit correctement ou selon le rite qui convient, et soluam promissa debita (" et j’accomplirai les promesses dues") évidemment déjà au début de cet ouvrage, quand Arator a promis qu’il ferait connaître non seulement l’histoire des apôtres mais aussi le mystère qui s’y cache : Alternis reserabo modis quod littera pandit et res siqua mihi mystica corde datur ("en modes alternés je divulguerai ce que révèle la lettre et la réalité spirituelles’il m’est donné d’en découvrir une en mon cœur"). Ce que donc Arator a promis au début est une dette pour laquelle un homme de bien doit fournir ce qu’il a promis seulement verbalement et à quoi il s’est engagé en dehors de son obligation ; un juste n’est pas moins engagé par sa parole qu’un injuste par la production à titre de témoin d’un notaire.
1053 Quod . idest. quam causam et rationem cur spiritus sanctus in his figuris uisus est: tum canam id est dicam et declarabo: rite id est recte uel secundum ritum congruentem: et soluam promissa debita scilicet iam a principio huius operis: cum Arator promisit se declaraturum non solum historiam apostolicam sed etiam latentia mysteria: Alternis reserabo modis quod littera pandit et res siqua mihi mystica corde datur. Hoc ergo quod Arator promisit in principio est debitum: propterea quod bonus uir debet praestare quod nudo uerbo promittit et citra stipulationem spondet: Et non minus obligatur iustus uerbo quam tabellionis contestatione iniustus. Quod ("ce que") autrement dit quelle cause et raison pour lesquelles l’Esprit saint s’est montré sous ces figures, tum canam ("maintenant je chanterai") autrement dit je dirai et je ferai connaître rite ("comme il faut") autrement dit correctement ou selon le rite qui convient, et soluam promissa debita (" et j’accomplirai les promesses dues") évidemment déjà au début de cet ouvrage, quand Arator a promis qu’il ferait connaître non seulement l’histoire des apôtres mais aussi le mystère qui s’y cache : Alternis reserabo modis quod littera pandit et res siqua mihi mystica corde datur ("en modes alternés je divulguerai ce que révèle la lettre et la réalité spirituelles’il m’est donné d’en découvrir une en mon cœur"). Ce que donc Arator a promis au début est une dette pour laquelle un homme de bien doit fournir ce qu’il a promis seulement verbalement et à quoi il s’est engagé en dehors de son obligation ; un juste n’est pas moins engagé par sa parole qu’un injuste par la production à titre de témoin d’un notaire.
1057 Nec mireris: quod illa negatio nec bis repetitur. hoc enim frequenter ostendemus inueniri apud Aratorem breuitatis perquam studiosum. Et ne vous étonnez pas que la négation nec soit répétée deux fois ; en effet nous montrerons que cela se trouve chez Arator, quoiqu'il soit tout à fait amoureux de brièveté.
1075 Sed dicet aliquis si error quomodo uerus? Si uerus quomodo error aut mendacium? Arator declarat: uerus scilicet typica ratione et mystica: alioquin in sensu eorum error erat et mendacium. Nam cum dicebant apostolos esse musto plenos et temulentos in sensu proprio errabant et mentiebantur: sed in sensu mystico uel typico et figuratiuo uerum dicebant. Contraria ergo diuersis relata uere insunt eidem. Nam error fuit in sensu proprio: et tamen in sensu mystico uerus fuit ille error. Mais on me dira : "si c’est un error ("une erreur") comment peut-il être uerus ("véridique") ? Et si c’est véridique, comment cela peut-il être une erreur ou un mensonge ? Arator explique uerus ("véridique") évidemment typica ratione ("en un sens symbolique") et mystique ; autrement il y avait erreur et mensonge dans le sentiment qu’ils avaient. De fait, quand ils disaient que les apôtres étaient plein de vin doux et ivres, au sens propre ils se trompaient et mentaient ; au sens mystique, en revanche, ou typologique ou figuré, ils disaient vrai. Donc, dans cet unique et même énoncé, il y a en réalité une contradiction qui se rapporte à des réalités diverses : de fait, au sens propre, c’est bien une erreur, et pourtant au sens mystique cette erreur était véridique.
1076 Alludit autem poeta ad illud quod mattheus Marcus et Lucas salutiferum lesum dixisse commemorant: Non mittunt uinum nouum in utres ueteres: alioquin rumpuntur utres: et uinum effunditur: et utres pereunt sed uinum nouum in utres nouos mittunt: et ambo conseruantur. Quibus uerbis respondit Christus discipulis loannis dicentibus: Quare nos et pharisaei ieiunamus frequenter. discipuli autem tui non ieiunant? His ita per superbiam et calumniam interrogantibus cum multifariam satisfecisset Christus: addidit quoque illud: non solent homines mittere uinum nouum hoc est mustum: in utres ueteres id est non sunt discipuli mei et apostoli spirituali ieiunio apti. donec me assumpto spiritu sancto sint confirmati: et nouae uitae mysteria non sunt committenda mentibus nondum innouatis: alioquin rumpuntur utres id est rudes mentes hoc pati non possunt: et uinum effunditur hoc est ipsa doctrina nihil prodest. et utres pereunt id est mentes imbecillae pondere praeceptorum suffocantur. Le poète fait allusion à une parole que Matthieu, Marc et Luc rappellent dans la bouche de Jésus le Sauveur : "on ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres, autrement les outres se rompent et le vin se répand en même temps que les outres sont perdues ; on met le vin nouveau dans des outres neuves et tous deux se conservent". Par ces mots Jésus répondit aux disciples de Jean qui disaient : "Pourquoi les pharisiens et nous faisons-nous de fréquents jeûnes alors que tes disciples ne jeûnent pas ?". Ces gens l’interrogeaient, sous l’effet de leur orgueil et poussés à le calomnier, mais quand il leur eut rendu raison de multiples façons, le Christ ajouta aussi cela : "on ne met pas le vin nouveau" autrement dit le vin doux, "dans de vieilles outres", autrement dit mes disciples et apôtres ne sont pas propres au jeûne tant que je ne suis pas monté au Ciel et qu’ils n’ont pas été affermis par l’Esprit saint ; et il ne faut pas confier les mystères de la vie nouvelle à des esprits qui n’ont pas encore été renouvelés, autrement "les outres se rompent", autrement dit ces esprits encore novices ne peuvent le supporter "et le vin se répand", autrement dit la doctrine elle-même ne produit aucun profit, "et les outres se perdent", autrement dit ces intelligences faibles sont étouffées sous le poids des préceptes.
1077 Atque ita utres appellat liberator noster allegorice apostolos: et uinum nouum id est mustum doctrinam spiritalem et Euangelicam: quam rem totam innuit hic Arator nec sine horum intelligentia potest sensus poetae hic ullo modo colligi. Et c’est ainsi que notre libérateur nomme allégoriquement les apôtres des outres et que le vin nouveau, autrement dit le vin doux, c’est la doctrine spirituelle et évangélique, c’est à tout cela qu’Arator se réfère implicitement et, sans comprendre ces éléments, le sens voulu par le poète ne se peut atteindre en aucune manière.
1078 Alludit enim Arator ad dicta Euangelica in quibus: per utres apostolos intelligimus rudes adhuc et imperfectos: et necdum innouatos intus spiritus sancti gratia: necdum nouitate sensus reformatos: et per uinum nouum id est mustum quod feruere et ebullire solet: feruorem intelligimus fidei spei et charitatis: quem in die pentecoste post domini ascensionem innouati apostoli acceperunt gratia spiritali e doctrina coelesti redundantes. tali enim musto noui utres id est innouati apostoli repleti sunt: et bulliebant feruescentes. Feruorem musti utres ueteres sustinere nullo modo possunt quin rumpantur. At uter nouus perfacile. En effet, Arator fait allusion aux paroles évangéliques dans lesquelles, sous la figure des outres, nous comprenons les apôtres encore novices et imparfaits, qui n’ont pas encore été intérieurement renouvelés par la grâce de l’Esprit saint, ni encore été pourvus d’une forme nouvelle par la nouveauté du sens, et par le vin nouveau, autrement dit le vin doux qui est ordinairement effervescent et bouillonnant, nous comprenons la ferveur de la foi, de l’espérance et de la charité que les apôtres reçurent au jour de la Pentecôte après l’Ascension du Seigneur, en débordant de grâce spirituelle issue de la doctrine céleste. Tel est en effet le vin doux dont les outres neuves, autrement dit les apôtres renouvelés, ont été remplies : et ils bouillonnaient, pris de cette ferveur. Les vieilles outres ne peuvent en aucune manière supporter la ferveur de ce vin doux sans se rompre, mais pour une outre neuve, rien de plus facile.
1081 Appellat autem hic poeta ueteres lacus uel utres ueteres ipsos apostolos anteaquam innouarentur gratia spiritus sancti: Vnde et apostolus exuite inquit ueterem hominem cum actibus suis: et induite nouum hominem etc Ici le poète nomme ueteres lacus ("anciennes cuves") ou vieilles outres les apôtres eux-mêmes, avant qu’ils ne soient renouvelés par la grâce de l’Esprit saint ; de là vient aussi cette phrase de l’apôtre : "déposez le vieil homme avec ses actions et revêtez l’homme nouveau" etc.
1091 Videtur autem poeta acutissimus etiam alludere ad illud salutiferi lesu dictum apud loan. Euan. Ego sum uitis uera et pater meus agricola est. Illud quoque non pretermittam: quod procul dubio respexit arator ut uir doctissimus et diuinarum literarum consultissimus: Le poète, dans son extrême finesse, semble aussi faire allusion à cette parole salutaire de Jésus chez Jean : "moi, je suis la vraie vigne et mon père est le vigneron". J’en parle parce que c’est sans aucun doute ce qu’a en tête Arator, cet homme d’une extrême érudition et qui connaît parfaitement les divines lettres.
1091 Videtur autem poeta acutissimus etiam alludere ad illud salutiferi lesu dictum apud loan. Euan. Ego sum uitis uera et pater meus agricola est. Illud quoque non pretermittam: quod procul dubio respexit arator ut uir doctissimus et diuinarum literarum consultissimus: Le poète, dans son extrême finesse, semble aussi faire allusion à cette parole salutaire de Jésus chez Jean : "moi, je suis la vraie vigne et mon père est le vigneron". J’en parle parce que c’est sans aucun doute ce qu’a en tête Arator, cet homme d’une extrême érudition et qui connaît parfaitement les divines lettres.
1092 cum inquit nec corrumpuntur acerbo liquore: quo maduere ueteres lacus. Signat enim poeta historiam quam in exodo Moses declarauit: et postea diuus ambrosius in quodam sermone repetiuit. Summa autem historiae est huiuscemodi: Tulit moyses israel de mari rubro: ambulaueruntque tribus diebus per solitudinem: et non inueniebant aquam: et uenerunt in marath: cuius loci aquas ob amaritudinem bibere non poterant. Marath enim amaritudo interpretatur: Has aquas in dulcedinem uertit moses cum lignum a domino monstratum in eas misisset: Erat inquit ambrosius aqua delectabilis ad uisionem: Sed sincera non erat ad saporem. Quand il dit nec corrumpuntur acerbo ("et il ne sont pas abîmés par l’aigre") liquide quo maduere ueteres lacus ("dont sont imprégnées les anciennes cuves"), le poète renvoie à l’histoire que, dans l’Exode, Moïse fait connaître et sur laquelle plus tard le divin Ambroise est revenu dans un sermon ; voici le résumé de cette histoire : Moïse fit sortir le peuple de la Mer Rouge et ils marchèrent trois jours dans le désert, sans trouver d’eau ; ils arrivèrent à Marath dont ils ne pouvaient boire les eaux en raison de leur amertume. En effet Marath veut dire ‘amertume’. Ces eaux, Moïse les transforma en eaux douces en plongeant dedans le bâton que le Seigneur lui avait montré : "l’eau", dit Ambroise, "était délectable à voir, mais elle trompait quant à sa saveur".
1095 Vnde siquis inquit dominus te percusserit in maxillam prebe ei et alteram. ita austeritas legis Euangelii dulcedine temperata est. amara est enim legis litera sine crucis mysterio. Quis non uidet dum modo aliqua ingenii scintilla polleat: ad haec mosis et ambrosii uerba allusisse Aratorem: cum dixit acerbo liquore: cum ueteres lacus possimus quoque intelligere aquas illas marath acerbas et insuaues? Sed haec uereor iam ne modum excesserint. D’où la parole du Seigneur : "si quelqu’un te frappe sur une joue, tends-lui l’autre" ; ainsi l’austérité de la Loi est tempérée par la douceur de l’évangile ; amère est en effet la lettre de la Loi sans le mystère de la croix. Qui ne voit pas, pour peu qu’il jouisse de quelque étincelle d’intelligence que c’est à ces paroles de Moïse et d’Ambroise qu’Arator a fait allusion quand il a parlé de liquide acerbo ("aigre"), puisque nous pouvons comprendre ueteres lacus ("d’anciennes cuves") comme ces eaux de Marath qui était amères et sans douceur ? Mais je crains encore de dépasser les bornes avec cela.
1101 Arator ergo ostendit tertiam horam fuisse: cum in apostolos descendit spiritus sanctus: Quo mysterium Sanctissimae trinitatis etiam in numero horarum et temporum significetur. Vt enim tres Horae erant diei: ita quoque tres personae sunt: cum sit una Substantia. Arator montre donc que c’était la troisième heure quand l’Esprit saint descendit sur les apôtres, pour que le mystère de la très sainte Trinité soit manifesté même dans le compte des heures et du temps. De même en effet qu’il y avait trois heures de jour, de même il y a aussi trois personnes alors qu’il n’y a qu’une substance.
1103 (PRIMVS AT ILLE PETRVS:) in quinta huius primi libri sectione Arator narrat quemadmodum Petrus nouae legis uexillifer uel antesignanus iam igne spiritus sancti totus flammeus uerba fecerit de incarnatione passione ac resurrectione domini lesu christi: tandemque admonuerit cunctos ut iudaeos uitarent gentem obstinatam ac deprauatissimam. (PRIMVS AT ILLE PETRVS :) dans la cinquième section de ce premier livre, Arator raconte comment Pierre porte-étendard de la Loi nouvelle, ou pour mieux dire son soldat de première ligne, désormais tout enflammé par le feu de l’Esprit saint, prit la parole pour parler de l’incarnation de la passion et de la résurrection du Seigneur Jésus Christ, et, pour finir, avertit tous ses auditeurs d’éviter les Juifs, nation obstinée et totalement dans l’erreur.
1137 Si autem placet altius et acutius hos ipsos Aratoris uersus intelligere: dicemus per umbras animas tenebris caecas et lumine uultus diuini carentes significari: sicut loannes notat dicens et lux in tenebris lucet. Mais, si on veut comprendre plus profondément et avec plus de pénétration ces vers mêmes d’Arator, nous dirons que, par les ombres, il veut signifier les âmes aveuglées dans les ténèbres et qui sont privées de la lumière du visage divin, comme l’indique Jean en notant "et la lumière luit dans les ténèbres".
1143 (Fugere dolores.) christo inquit Arator ad inferos descendente desiit esse infernus: desiit esse mors: desiit esse gemitus et dolor. (Fugere dolores.) Quand le Christ, dit Arator, descendit aux enfers, l’enfer cessa d’exister, la mort cessa d’exister, et gémissements et douleur cessèrent d’exister.
1145 (dolores) scilicet sanctorum patrum: quos perferebant in carcere illo tenebroso: fugere id est fugerunt. Infernus tunc timet esse scilicet infernus praesente christo: id est desinit esse infernus. et poena cohercens nullum redit in se id est in ipsam poenam: hoc est in ipsos daemonas: qui poena afficiebantur: quod poena liberarentur sancti patres scilicet carentiae uisionis diuinae: uel dic ut Videtur innuere poeta pia quadam clementiae diuinae aestimatione: poena nullum cohercuit: et tortor diabolus nullum cruciauit eorum qui erant in quacunque parte inferni quamdiu christus fuit in inferno. (dolores) évidemment celles des saints patriarches, qu’ils enduraient dans cette prison ténébreuse, fugere ("ont fui"), autrement dit fugerunt. Infernus tunc timet esse ("l’Enfer craint alors d’exister"), évidemment l’enfer en présence du Christ, autrement dit il cesse d’être l’enfer. Et poena cohercens nullum redit in se ("comme il n’enferme plus personne, le supplice se retourne contre lui-même"), autrement dit pour sa propre punition, autrement dit contre les démons eux-mêmes, qui étaient frappés par le châtiment, parce que les saints patriarches sont libérés du châtiment, évidemment la privation de la vision divine, voire, comme semble l’insinuer le poète, par quelque jugement de la clémence divine, le châtiment n’enferma plus personne et le diable, leur tortionnaire, ne tourmenta plus aucun de ceux qui étaient en quelque partie de l’enfer aussi longtemps que le Christ demeura dans l’enfer.
1147 Vel ergo loquitur poeta secundum sensum uulgi et opinionem quandam popularem iuxta quam dici solet in illo triduo poenas inferni cessasse christo illuc descendente: uel quia forte ita putauit Regem clementissimum ad inferos descendentem poenas tridui cunctis nocentibus ob suam presentiam condonasse: quanquam dicet aliquis christum non ad alias partes inferni sed tantum ad ea loca ubi sancti illi uiri et electi erant: peruenisse. sed quisnam tam imprudens tamue temerarius existat: qui ea scrutari audeat quae deus coelata esse uoluerit et nobis incognita? On peut donc aussi penser que le poète parle selon l’intelligence du vulgaire et l’opinion populaire, selon laquelle on a coutume de dire que, pendant ce triduum, les peines de l’enfer ont cessé, parce que le Christ y descendait ; ou peut-être parce qu’il a pensé que le roi de toute clémence, en descendant aux enfers, a accordé un répit de trois jours aux châtiments de tous les coupables en raison de sa présence, même si quelqu’un me dira que le Christ n’est pas allé dans d’autres parties de l’enfer que les lieux où se trouvaient les saints et les élus. Mais qui donc est assez imprudent et assez téméraire pour oser scruter des réalités que Dieu a voulu tenir cachées et inconnues de nous ?
1163 Mors cum aliquando accipiatur pro poena: aliquando pro separatione animae a corpore: quandoque pro separatione animae a deo: ad illas uarias significantias potes sensum poetae accommodare. Mors ("la mort"), puisque, dans certains cas, le mot est pris au sens de punition, dans certains cas au sens de séparation de l’âme et du corps, dans certains cas au sens de séparation de l’âme avec Dieu, on peut rattacher ce que veut dire le poète à ces significations variées.
1165 ideo ait Petrus qui a poeta inducitur hic loquens (deus omnipotens) leuat id est suscitat a mortuis: hunc scilicet christum: post sacra busta id est postquam in sacro busto et sepulchro per triduum iacuit: cui scilicet deo nunquam instat id est nunquam futurus est: terminus id est finis id est qui est aeternus et sine fine. Voilà pourquoi Pierre, tel qu’il est représenté en train de parler ici, déclare (deus omnipotens) leuat ("Dieu tout-puissant relève), autrement dit ressuscite des morts, hunc ("celui-ci"), évidemment le Christ, post sacra busta ("après les saints tombeaux"), autrement dit après qu’il est demeuré couché pendant trois jours dans le tombeau et le sépulcre saints, cui ("lui pour qui"), évidemment Dieu, nunquam instat ("jamais ne presse"), autrement dit n’existera jamais, terminus ("un terme"), autrement dit une fin, autrement dit qui est éternel et sans fin.
1166 Instat dixit poeta proprie id est consequitur: futurus est. Vt salustius. optimum factu ratus noctem quae instabat: antecapere: ne quid eo spatio nouaretur: instabat: hoc est proxima erat: uel sequebatur. scribit autem Martianus in musica: tripoda trini cursus praesagia polliceri: hoc est extantis instantis et rapti. Ex quibus Martiani uerbis colligit uir quidam apprime eruditus: instans dici tempus futurum: extans uero praesens: raptum praeteritum. adiicitque: quare barbare balbutiunt recentiores philosophi. qui instans pro praesenti dicunt: cum extans dicit debeat. Haec ille cum dixit: ante pedes lucente uia non uidit a se reprehendi . M. Tullium celebrem romani eloquii authorem: tanquam barbarum: qui innumeris in locis instans accipit pro praesenti. Vt in primo libro rhetorico de inuentione: Et quae inquit nuper gesta sint: quae scire plerique possint: et item quae instent in praesentia: et quae maxime fiant: et quae consequantur: per ea quae gesta sint praeterita intelligit: et per ea quae instent et fiant: praesentia: postremoque per ea quae consequantur futura. Item in .ii. ad herennium libro de argumento loquens: Id inquit diuiditur in tempora tria: praeteritum: instans: consequens. Ac mox declarans quid sit instans subdit: In instanti tempore quaeritur: num uisus sit cum faciebat et caetera. In consequenti spectabitur nunquid re transacta relictum sit quod indicet aut factum esse maleficium: aut a quo factum. In. .iiii. quoque tuscula.que libro. Quae enim uenientia metuuntur: eadem efficiunt aegritudinem instantia. in quibus uerbis uenientia id est futura: et instantia id est praesentia opponuntur. Non adducimus plura testimonia uel Ciceronis uel aliorum quae plurima sunt: quia hic nec uictoriam: nec uictoriae satietatem quaerimus. Tantum admonemus studiosos. ne ducantur in errorem ab ingeniosis et doctis uiris: qui dum prompte momi censura in alios utuntur: in momum incidunt. Instat ("presse") le poète a pris le mot au sens propre, autrement dit "vient après", "sera". Ainsi Salluste "ayant pensé que le mieux à faire était de devancer la nuit qui pressait, afin qu’à la faveur de cet espace il ne puisse se produire quelque événement nouveau" : ici "pressait" veut dire "était toute proche" ou "suivait". Martianus Capella écrit également dans la partie sur la musique "le trépied promet des présages selon un triple cours, à savoir ce qui existe, ce qui presse et ce que le temps a déjà emporté". De ces paroles de Martianus, un parfait érudit conclut que le temps pressant désigne le futur, le temps existant le présent, le temps emporté le passé, et il ajoute : "voilà pourquoi les philosophes modernes ne font que bégayer quand ils disent que le temps pressant est le présent, alors qu’il dit qu’ils devraient désigner ainsi le temps existant". Quand celui-ci dit cela, il n’a pas vu que, alors que juste devant lui le chemin est éclairé, il est en train de critiquer Marcus Tullius en le traitant de barbare, puisque, dans d’innombrables passages, Cicéron entend par le temps qui presse le présent. Ainsi, dans le premier livre du traité de rhétorique sur l’invention : "et ce qui vient d’être fait que la plupart des gens peuvent savoir, et de même ce qui presse dans l’instant présent et qui se réalise instamment, et ce qui suit" ; par "ce qui vient d’être fait", il entend le passé, par "ce qui presse et se réalise" le présent et enfin par "ce qui suit" le futur. De même, au livre 2 de la Rhétorique à Herennius, où il dit : "cela se divise en trois temps : le temps passé, le temps qui presse, le temps qui suit" ; et, peu après, expliquant ce qu’est le temps qui presse, il ajoute : "dans le temps de l’instant, on recherche s’il a été vu quand il agissait etc., dans le futur on regardera si, une fois la chose accomplie, il reste quelque chose qui puisse indiquer qu’un acte répréhensible a été commis ou qui l’a fait". De même, dans le livre 4 des Tusculanes : "on redoute ce qui va venir, les même choses qui nous pressent produisent un état maladif" ; dans ces mots "ce qui va venir" désigne le futur auquel on oppose "les choses qui pressent" autrement dit le présent. Nous n’ajoutons pas plus de témoignages, que ce soit de Cicéron ou d’autres qui sont extrêmement nombreux, car ici nous ne cherchons ni la victoire ni la satisfaction de la victoire. Nous nous contentons d’avertir les curieux pour éviter qu’ils ne soient induits en erreur par des hommes ingénieux et sages, qui, en recourant contre d’autres au reproche d’être des clowns, tombent eux-mêmes dans la clownerie.
1174 Sciendum sane hoc nomen iesus disyllabon hinc poni posse: et trisyllabon. Nam si in scansione fit synaloepha: ita: corpori: dactylus: esum. erit trisyllabon. Si autem dicimus: corpore: iesum: tunc . i.erit consonans non uocalis: ut in secundo idem Arator: clementia iesu: et in loannes id est quoque consonans est apud Eundem in secundo: Venerit his quaesitor ait: qui fonte loannis: et paulo post nomine uenturi praecursor in orbe loannes. Nec te moueat quod graeci per. iota lesus et loannes scribunt. Nam iota: quae apud eos semper uocalis est: apud nos quandoque transit in consonantem ut iudaeus per iota scribitur: et tamen iuuenalis in consonantem mutauit: Arcanam iudaea tremens mendicat in aurem. Quod ego arbitror posse fieri in dictionibus: quae non sunt graecae: sed uel hebreae uel alterius linguae. si enim graecae sunt: ut iambus: hieronymus: iota in consonantem nullo pacto posse uerti Existimo. Qui ergo iambus proferret disyllabon: rustice proferret et barbare. Il faut du moins savoir que le nom Iesus peut ici être considéré comme comptant deux syllabes ou trois. De fait si, en scandant, on fait une synalèphe, on fera ainsi : corpori dactyle, esum, et il fera trois syllabes ; mais si nous disons corpore iesum alors i est une consonne et non une voyelle, comme, dans le livre 2, le même Arator qui écrit clementia iesu. Dans le mot Ioannes également, c’est une consonne chez le même auteur au livre 2 dans uenerit his quaesitor ait qui fonte Ioannis, et, peu après, nomine uenturi praecursor in orbe Ioannes. Ne te laisse pas émouvoir par le fait que les Grecs utilisent un iota pour écrire Iesus et Iohannes. De fait, iota, qui chez eux est toujours une voyelle, devient parfois chez nous une consonne, comme dans Iudaeus, qu’ils écrivent avec un iota et cependant dans Juvénal c’est une consonne : arcanam iudaea tremens mendicat in aurem ("la Judée tremblante mendie dans une oreille discrète"). Je pense que cela peut arriver dans des mots qui ne sont pas grecs, mais hébreux ou de quelque autre langue. En effet, s’ils sont grecs, comme iambus, hieronymus, il me semble que l’on ne peut en aucun cas changer iota en consonne. Celui donc qui prononcera iambus en deux syllabes aura une prononciation de paysan et de barbare.
1174 Sciendum sane hoc nomen iesus disyllabon hinc poni posse: et trisyllabon. Nam si in scansione fit synaloepha: ita: corpori: dactylus: esum. erit trisyllabon. Si autem dicimus: corpore: iesum: tunc . i.erit consonans non uocalis: ut in secundo idem Arator: clementia iesu: et in loannes id est quoque consonans est apud Eundem in secundo: Venerit his quaesitor ait: qui fonte loannis: et paulo post nomine uenturi praecursor in orbe loannes. Nec te moueat quod graeci per. iota lesus et loannes scribunt. Nam iota: quae apud eos semper uocalis est: apud nos quandoque transit in consonantem ut iudaeus per iota scribitur: et tamen iuuenalis in consonantem mutauit: Arcanam iudaea tremens mendicat in aurem. Quod ego arbitror posse fieri in dictionibus: quae non sunt graecae: sed uel hebreae uel alterius linguae. si enim graecae sunt: ut iambus: hieronymus: iota in consonantem nullo pacto posse uerti Existimo. Qui ergo iambus proferret disyllabon: rustice proferret et barbare. Il faut du moins savoir que le nom Iesus peut ici être considéré comme comptant deux syllabes ou trois. De fait si, en scandant, on fait une synalèphe, on fera ainsi : corpori dactyle, esum, et il fera trois syllabes ; mais si nous disons corpore iesum alors i est une consonne et non une voyelle, comme, dans le livre 2, le même Arator qui écrit clementia iesu. Dans le mot Ioannes également, c’est une consonne chez le même auteur au livre 2 dans uenerit his quaesitor ait qui fonte Ioannis, et, peu après, nomine uenturi praecursor in orbe Ioannes. Ne te laisse pas émouvoir par le fait que les Grecs utilisent un iota pour écrire Iesus et Iohannes. De fait, iota, qui chez eux est toujours une voyelle, devient parfois chez nous une consonne, comme dans Iudaeus, qu’ils écrivent avec un iota et cependant dans Juvénal c’est une consonne : arcanam iudaea tremens mendicat in aurem ("la Judée tremblante mendie dans une oreille discrète"). Je pense que cela peut arriver dans des mots qui ne sont pas grecs, mais hébreux ou de quelque autre langue. En effet, s’ils sont grecs, comme iambus, hieronymus, il me semble que l’on ne peut en aucun cas changer iota en consonne. Celui donc qui prononcera iambus en deux syllabes aura une prononciation de paysan et de barbare.
1182 haec petrus dixit. ait poeta et ordo est o miseri: fugite piacula scilicet peccata funesta et mortifera: gentis scilicet iudaicae: quae perfida est, Cui scilicet genti: creuerunt uulnera culpae sacrilegae addita: nam uulnus poenae in se acceperunt: Christum occidendo: sed hoc uulnus creuit: cum in filios quoque propagatum fuit et deriuatum: ideo ait: uulnera addita culpae sacrilegae et nefandae. nam culpae homicidii: addiderunt uulnera filiorum: et super filios nostros sanguis eius id est culpa et poena: cum clamarent. Et ita culpae non est secundi casus sed tertii. ueniente deo scilicet Christo genti iudaicae: auertere syntaxis graeca id est ad auertendum et remouendum: noxas ueteres id est culpas antiquas. Nam ut inquit loannes: Christus in propria uenit: et sui eum non receperunt. Voilà ce qu’a dit Pierre, dit le poète, et l’ordre est : o miseri ("malheureux") fugite piacula ("fuyez l’abomination"), évidemment les péchés, funesta ("funeste") et mortels, gentis ("de la nation"), évidemment la nation juive qui est incroyante, cui ("pour qui"), évidemment cette nation, creuerunt uulnera culpae sacrilegae addita ("se sont accrues les blessures qui s’ajoutent à leur faute sacrilège") ; de fait ils reçurent en eux la blessure de leur châtiment en tuant le Christ, mais cette blessure s’accrut quand elle se propagea et se répandit dans leurs fils aussi ; voilà pourquoi il dit uulnera addita culpae sacrilegae ("les blessures qui s’ajoutent à leur faute sacrilège") et abominable ; de fait, à la faute de l’homicide, ils ajoutèrent les blessures de leurs fils en criant "sur nos fils son sang", autrement dit la faute et le châtiment. Et ainsi culpa n’est pas au génitif mais au datif ; ueniente deo ("quand Dieu vint"), évidemment le Christ pour la nation juive, auertere ("détourner"), syntaxe grecque, autrement dit pour détourner et pour enlever, noxas ueteres ("les vieilles culpabilités"), autrement dit les anciennes fautes. Car comme le dit Jean : "le Christ est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu".
1193 et idem dicens poeta uarie subdit: et propago scelerum scilicet generatio iudaica per scelera propagata. perit id est interfecta est: de natale id est a sua natiuitate et a suo ortu: quia scilicet natiuitatem et originem traxit ab interfectoribus christi: non quia ipsi christum interfecerunt: quae scilicet generatio deriuata ab interfectoribus christi: saucia scilicet uulnerata et interfecta: uoce parentum id est illis clamoribus: sanguis eius super nos et super filios nostros: uenit in lucem id est nata est: punita scilicet poena mortis: quam mortem sui maiores petiuerunt non solum sibi: sed etiam filiis et posteris suis nondum natis. Et le poète, redisant la même chose ajoute en variation : propago scelerum ("la descendance des crimes"), évidemment la génération de la Judée qui s’étend par ces crimes, perit ("périt"), autrement dit est tuée ; de natale ("à partir de la naissance"), autrement dit depuis sa naissance et son origine, évidemment parce qu’elle a tiré sa naissance et son origine de ceux qui ont tué le Christ, et non parce qu’ils ont eux-mêmes tué le Christ. Et évidemment cette génération issue de ceux qui ont tué le Christ, saucia ("blessée"), évidemment frappé d’un coup et tuée, uoce parentum ("par la voix de ses parents"), autrement dit par les cris "son sang sur nous et sur nos fils", uenit in lucem ("est venue au jour"), autrement dit est née, punita ("punie"), évidemment du châtiment de la mort que ses ancêtres demandèrent non seulement pour eux mais aussi pour leurs fils et leurs descendants qui n’étaient pas encore nés.
1203 (Multiplicat.) Redit ad historiam poeta: secundum beati lucae narrationem: qui in tertio capite actuum: Qui inquit receperunt sermones eius baptizati sunt: et appositae sunt in die illa animae circiter tria millia. Dicit autem Arator hunc numeum trium chiliadon fidei congruere quae trina est et una. (Multiplicat.) Le poète revient au récit en suivant ce que raconte Luc dans le troisième chapitre des Actes : "ceux qui accueillirent sa parole furent baptisés et, ce jour-là, ils s’adjoignirent environ trois mille âmes". Or Arator dit que ce nombre de trois milliers convient à la foi qui est à la fois trine et une.
1209 Ibidem etiam ait magister apostolos in nomine trinitatis baptizasse: licet hoc non sit scriptum. indidit autem agni titulum baptista domino iesu: et hic poeta illud idem cognomentum repetiuit: quia authore Augustino tria ministrat hic agnus immaculatus possidentibus se: lac simplicis doctrinae quo paruuli nutriuntur: lanam id est incrementa uirtutum: et esum carnis suae. Recte quoque agnus monstratur. quia erat innocens: immaculatus: immolandus: praefiguratus in agno paschali. Dans le même passage, le Maître dit aussi que les apôtres ont baptisé au nom de la Trinité, bien que cela ne soit pas dans l’Ecriture. Le Baptiste donna en outre au Seigneur Jésus le titre d’agneau, et ici le poète reprend ce même surnom, parce que, selon l’autorité d’Augustin, cet agneau immaculé apporte trois dons à ceux qui le possèdent : le lait de la simple doctrine, qui nourrit les tout-petits, la laine, autrement dit l’accroissement des vertus, et sa chair à manger. C’est juste aussi de le montrer comme agneau, car il était innocent, immaculé et voué à être sacrifié, ce qui était préfiguré dans l’agneau pascal.
1220 Recte igitur Arator sapienterque subiunxit. (Quod sonat mille) perfectum est: quatenus in mille uel in chiliade repperitur unitatis perfectio. Illud enim quod sonat id est signat et notat mille uel chilias: perfectum est. Donc Arator a vu juste et fait preuve de sagesse en ajoutant (Quod sonat mille) perfectum est (« ce que mille fait résonner est parfait"), dans la mesure où, dans mille ou dans le millier, on retrouve la perfection de l’unité. Quant à quod sonat (" ce que fait résonner"), autrement dit ce que mille ou le millier désigne et révèle, perfectum est ("c'est parfait").
1223 Cum ergo nouissima scire: et diem illum nefas sit: colligimus quaedam ex uerbis lactantii expositioni horum uersuum utilissima: ut saeculum esse mille annorum: in quo sensu hic a poeta uidetur accipi ut ipsius chiliados unitas et perfectio ab eodem ostenditur: cum uaticinio prophetico accommodatur. et ad hunc sensum uerba aratoris ita explicabimus. Donc, puisque savoir les derniers temps et connaître ce jour est sacrilège, nous ne prenons que quelques éléments des paroles de Lactance, les plus utiles pour l’explication des présents vers : le mot saeculum désigne mille ans, c’est en ce sens que le poète semble le prendre ; quand il montre l’unité dans le millier et la perfection qui en découle, il est d’accord avec la prédiction du prophète et c’est conformément à ce sens que nous allons ainsi expliquer les paroles d’Arator.
1223 Cum ergo nouissima scire: et diem illum nefas sit: colligimus quaedam ex uerbis lactantii expositioni horum uersuum utilissima: ut saeculum esse mille annorum: in quo sensu hic a poeta uidetur accipi ut ipsius chiliados unitas et perfectio ab eodem ostenditur: cum uaticinio prophetico accommodatur. et ad hunc sensum uerba aratoris ita explicabimus. Donc, puisque savoir les derniers temps et connaître ce jour est sacrilège, nous ne prenons que quelques éléments des paroles de Lactance, les plus utiles pour l’explication des présents vers : le mot saeculum désigne mille ans, c’est en ce sens que le poète semble le prendre ; quand il montre l’unité dans le millier et la perfection qui en découle, il est d’accord avec la prédiction du prophète et c’est conformément à ce sens que nous allons ainsi expliquer les paroles d’Arator.
1237 Hanc rem arator in hac sexta primi libri sectione diligenter declarat. Voilà ce qu’Arator dans la sixième section du livre 1 expose avec soin.
1241 et quia (ut in quadam ad hieronymum epistula ait augus.) plenitudo legis caritas est: qua deus proximusque diligitur: in quibus praeceptis caritatis tota lex pendet et prophetae: non iniuria arator ait per cunctos sensus gratiam spiritus sancti fuisse diffusam in corda credentium: qui adeo se amabant ut simul essent omnia omnibus communia. ut per dilectionis donum bona temporaria nihili facerent: thesaurizantes in coelo uera bona. atque ita per unam charitatis uirtutem omnis simul uirtutes comprehenderent. Et parce que (comme le dit Augustin dans une lettre à Jérôme) la plénitude de la loi c’est la charité, qui fait que l’on aime Dieu et le prochain, préceptes dont dépendent toute la loi et les prophètes, ce n’est pas à tort qu’Arator dit que c’est per cunctos sensus ("à travers tous les sens) que la grâce de l’Esprit saint s’est diffusée dans le cœur des croyants qui s’aimaient à tel point qu’ils avaient tout en commun de sorte que, par le don de la charité, il ne faisaient plus aucun cas des biens temporaires, mais se faisaient un trésor dans le ciel des vrais biens, et ainsi, par la seule vertu de charité, ils embrassaient d’un coup toutes les vertus.
1242 (gratia.) igitur expone hoc modo uersum aratoris: gratia scilicet. charitatis funditur scilicet a spiritu sancto: per cunctos sensus scilicet fidelium. (gratia.) Expliquez donc de cette manière le vers d’Arator : gratia ("la grâce") évidemment de la charité, funditur ("se déverse") évidemment sous l’action de l’Esprit saint, per cunctos sensus ("à travers tous les sens") évidemment des fidèles.
1255 Ideoque arator gratiam spiritus sancti per omnes sensus fidelium tam interiores quam exteriores (ut exposui) efusam commemorat. At quanta eadem charitas postulat suo quodam iure: ut bonum proximo largiter impendas: quod in te conferri æquum iudicas: hic quoque alter dilectionis in proximum fons: in multos riuulos a beato gregorio diuiditur: ita ut malis bona: et bonis meliora conferas: in iracundos mitis: in proteruos masuetus: in malignantes beniuolus : in indigentes liberalis: in afflictos consolator: in uictos mundi huius desideriis uelut perniciosis nexibus increpator. C’est la raison pour laquelle Arator rappelle que la grâce de l’Esprit saint s’est répandue à travers tous les sens des fidèles tant intérieurs qu’extérieurs (comme je l’ai exposé) ; mais combien cette même charité demande, pour ainsi dire de son propre droit, que l’on partage largement à son prochain un bien que tu juges équitable qu’on te remette ; cette autre source de l’amour pour le prochain est divisée par le bienheureux Grégoire en de nombreux petits ruisseaux afin que l’on compare les actes bons aux mauvais et les actes meilleurs aux bons : être doux envers les coléreux, être patient envers les obstinés, être bienveillant envers les gens pleins de malice, être libéral envers les indigents, être consolateur envers les affligés, faire des reproches à ceux qui sont liés par les désirs de ce monde comme par des liens pernicieux.
1272 Cum ergo in his. xxxiii. uersibus Arator de dono charitaris agat: nimirum quam gratiam fideles illi acceperint: et quod fuerit illud donum præcedens: sequentibus causis demonstrauit. Puisqu’ainsi, dans ces 33, vers Arator traite du don de la charité, il a démontré largement par les conséquences quelle grâce ces fidèles ont reçue et quel fut le don qui a précédé cela.
1283 Si ergo dicet aliquis: gratia tam late patet: ut cuncta munera spiritus sancti non naturalia sed gratuita significet: Id enim notat gratiæ uocabulum: quo pacto uis ut in uersu Aratoris (Funditur interea) per cunctos gratia sensus: gratia pro charitate accipiatur? Ego uero ac lubens isti ambiguitati obuiam ibo: ac præter eas (quas paulo ante causas rettuli) allegabo nunc antonomasian figuram: qua plerunque etiam si nomen proprium non ponamus: per id quod uice eius fungitur : ipsum nihilominus intelligimus. Vt cum dicimus philosophus hoc dixit: intelligitur Aristoteles ab his: qui uno in philosophia pede claudicant. Qui uero sani sunt utroque pede : platonem credunt significari. Si donc quelqu’un dit : l’étendue de la grâce est telle qu’elle signifie tous les dons de l’Esprit saint qui ne sont pas issus de la nature, mais d’un don gratuit (en effet c’est cela que dénote le mot "grâce"), comment veux-tu que dans le vers d’Arator (Funditur interea) per cunctos gratia sensus ("entre temps se déverse à travers tous les sens la grâce"), le mot "grâce" soit pris au sens de charité ? Je vais volontiers aller au devant de cette ambiguïté : outre les raisons que j’ai données peu auparavant, j’alléguerai maintenant la figure d’antonomase, qui fait que très souvent, même si nous ne mettons pas le mot propre, par ce à quoi nous avons recours à sa place, nous comprenons néanmoins ce mot même ; ainsi quand nous disons "philosophe", voici ce que dit ce mot : on comprend Aristote si l’on va dans la philosophie sur un seul pied et en claudiquant ; mais ceux qui sont en bonne santé et marchent sur leurs deux pieds, pensent que l’on veut parler de Platon.
1288 Nihil facilius: si Augustini uerba libro de trinitate. xv. adduxerimus in patrocinium: quæ magister quoque in primo repetiuit: ad quæ hic uidetur Arator alludere: Dilectio (inquit lucerna supra candelabrum hipponensis ecclesiæ olim posita et lucem ueritatis a confusione tenebrarum splendore clarifici sermonis pulsis undique caliginibus longe lateque enubilans) dilectio inquit dei diffusa est in cordibus nostris (ut ait apostolus) per spiritum sanctum: qui datus est nobis. nullum est isto dono dei excellentius. Solum est quod diuidit inter filios regni: et filios perditionis. Dantur et alia per spiritum munera : sed sine charitate nihil prosunt. Nisi ergo tantum impertiatur cuiquam spiritus sanctus: ut eum dei et proximi faciat amatorem: a sinistra non transfertur ad dexteram. Nec spiritus sanctus proprie dicitur donum: nisi propter dilectionem: quam qui non habuerit: etsi loquatur omnibus linguis: et habuerit prophetiam: et omnem scientiam: et omnem fidem: et distribuerit substantiam suam: et tradiderit corpus suum ita ut ardeat: non ei prodest. Quantum ergo bonum est: sine quo ad æternam uitam neminem tanta bona perducunt? Ipsa uero dilectio uel charitas (nam unius rei nomen est utrunque) perducit ad regnum. Rien de plus facile, si nous nous appuyons sur les paroles d’Augustin au livre 15 du de Trinitate, que le Maître a rappelé dans son livre 1 et auxquelles Arator semble ici faire allusion : "l’amour" (dit la lumière jadis posée sur le lampadaire de l’église d’Hippone, qui éclaire de la lumière de la vérité avec son discours qui dissipe la confusion des ténèbres, en repoussant en tout sens les nuées) : "l’amour de Dieu", dit-il donc, "se diffuse dans nos cœurs, comme le dit l’Apôtre, par l’Esprit saint qui nous a été donné ; il n’est rien de plus excellent que ce don de Dieu. C’est lui, et lui seul, qui fait le départ entre fils du royaume et fils de perdition. L’Esprit donne aussi d’autres présents, mais sans la charité, ils ne servent à rien. Donc, si une personne ne reçoit pas le don de l’Esprit saint qui le fera aimer Dieu et son prochain, il ne passe pas de la gauche vers la droite. Et l’Esprit saint n’est pas proprement appelé un don, si ce n’est en raison de l’amour, car celui qui n’a pas l’amour, même s’il parlait toutes les langues et avait le don de prophétie et toute la science et toute la foi et distribuerait ses biens et livrerait son corps pour qu’il soit brûlé, cela ne lui sert à rien. Qu’il est donc grand ce bien sans lequel de si grands biens ne conduisent personne à la vie éternelle ? Cet amour même", ou plutôt cette charité (car il n’y a qu’un nom pour les deux) "conduit au Royaume".
1299 Vltra adhuc quæres: quomodo funditur (ut ait arator) per cunctos sensus. Mais tu vas encore me demander : comment funditur ("se déverse")-t-elle (comme dit Arator) per cunctos sensus ("à travers tous nos sens") ?
1304 Quod etiam subdit poeta: scilicet locuples in amore uoluntas: confirmat hanc ipsam expositionem. nam cum dixisset (gratia funditur) per cunctos sensus: subiungit: et uoluntas locuples in amore metit diuitias scilicet coelestes: et geminatas centies. C’est exactement ce que dit ensuite le poète : évidemment locuples in amore uoluntas ("une opulente volonté dans l’amour") confirme l’exposé que je viens de faire ; de fait, comme il avait dit (gratia funditur) per cunctos sensus ("la grâce se déverse à travers tous les sens") il ajoute uoluntas locuples in amore metit diuitias ("une opulente volonté dans l’amour mesure les richesses") évidemment célestes et reçues au centuple.
1317 et hoc subdit poeta. (et crescit) in omnes id est fideles illud patrimonium: ille census communis: quod faciunt commune sibi: cum totum illud patrimonium esset commune unicuique eorum: et capessunt totum id est patrimonum illud fideles: quod nihil uolunt scilicet iidem fideles: esse proprium sibi sed commune. Et le poète ajoute (et crescit in omnes ("et grandit en tous")) autrement dit ce patrimoine dans les fidèles ; cette richesse commune quod faciunt commune sibi ("qu’ils rendent commune"), puisque tout leur patrimoine était commun à chacun d’eux et capessunt totum ("et ils acquièrent la possession de tout") autrement dit les fidèles acquièrent la possession de ce patrimoine, quod nihil uolunt ("qu’ils ne veulent en rien") évidemment ces mêmes fidèles esse proprium ("posséder en propre") pour eux mêmes, mais qu’ils veulent mettre en commun.
1319 (Quo fonte cucurrit) ostensurus Arator originem et principium charitatis tam excellentis : attentum facit lectorem: proponens quid uelit dicere: et inuocans spiritus sancti gratiam: quo dignius rem possit declarare. (Quo fonte cucurrit ("de quelle source a découlé")) au moment où Arator va montrer l’origine et le principe d’une si excellente charité, il attire l’attention de lecteur, en lui proposant ce qu’il va dire et en invoquant la grâce de l’Esprit saint afin de pouvoir expliquer ces faits plus dignement.
1323 Significat autem poeta fontem et originem tantae bonitatis fuisse spiritum sanctum fusum in cordibus fidelium. Le poète veut dire que la source et l’origine d’une si grande bonté, ce fut l’Esprit saint répandu dans le cœur des fidèles.
1327 Respondet arator: ideo bis datum fuisse spiritum sanctum: ut gemina dilectio gemina præbitione ostenderetur signareturque. Nam in deuteronomio: dilectio in deum præcipitur: et in leuitico dilectio in proximum: a quibus pendent prophetæ et uniuersa lex: ut apud matthæum et marcum affirmat christus Voici la réponse d’Arator : l’Esprit saint a été donné deux fois pour montrer et marquer par une double offrande la double nature de l’amour ; de fait, dans le Deutéronome, on prescrit l’amour de Dieu et, dans le Lévitique, l’amour du prochain ; de cela dépendent toute la loi et les prophètes, comme l’affirme le Christ en Matthieu et Marc.
1328 Ergo si attendis uerba aratoris. ipse Augustinum sequitur: qui in sermone de ascensione: Arbitror inquit ideo spiritum sanctum bis datum semel in terra: et iterum de cœlo: ut comendarentur nobis duo præcepta charitatis scilicet dei et proximi. Vna est charitas: et duo præcepta. unus spiritus: et duo data. quia alia charitas non diligit proximum: nisi illa quæ diligit deum. Qua ergo charitate proximum diligimus: ipsa deum diligimus. Sed quia aliud est deus: aliud est proximus: etsi una charitate diliguntur: ideo forte duo præcepta dicuntur: et alterum maius: et alterum minus : uel propter duos motus qui in mente geruntur: dum deus diligitur et proximus. Mouetur enim mens ad diligendum deum. mouetur et ad diligendum proximum. et multo magis erga deum quam erga proximum. et cetera. Donc, si vous prêtez attention aux paroles d’Arator, celui-ci suit Augustin qui dans son Sermon sur l’Ascension déclare : "je crois que la raison pour laquelle l’Esprit saint a été donné deux fois, une fois sur terre et ensuite du ciel, est de nous recommander les deux préceptes de la charité, évidemment envers Dieu et envers le prochain. Il n’y a qu’une seule charité, deux préceptes mais un seul Esprit, et deux dons ; car aucune des deux charités n’aime son prochain si ce n’est celle qui aime Dieu, et, par la charité qui nous fait aimer le prochain, nous aimons Dieu ; mais parce que Dieu est une chose et le prochain une autre, même s’ils sont aimés par une seule et même charité, voilà la raison peut-être pour laquelle on dit qu’il y a deux préceptes, un plus grand et un plus petit ; ou alors c’est en raison des deux mouvements qui s’opèrent dans notre esprit quand Dieu et le prochain sont aimés ; en effet l’esprit est poussé à aimer Dieu et il est aussi poussé à aimer le prochain, et l’amour est bien plus grand qui s’exerce envers Dieu que celui qui s’exerce envers le prochain" etc.
1331 Quod ne quemquam fallat: cum dilectio dei sit prior ac principalior. quia proximus non est diligendus nisi propter deum : declarat poeta quomodo est prior dilectio proximi: et quomodo posterior: ad diuersa si referatur: ut paulo post dicemus. Que l’on ne s’y trompe pas, car l’amour de Dieu passe avant et est le principal, parce qu’il ne faut pas aimer son prochain sinon à cause de Dieu ; et le poète explique sous quel point de vue l’amour du prochain est premier et sous quel point de vue il est second, si on le rapporte à des réalités différentes comme nous allons le dire très prochainement.
1336 (Sacris) ordo est. spiritus almus id est sanctus bis erat concessus discipulis scilicet iam in anteacto tempore: prius in terra ante ascensionem domini: cum eis dixit dominus: accipite spiritum sanctum: et posterius in die pentecoste. quod declarat poeta cum ait (spiratur) scilicet spiritus sanctus : in illos scilicet discipulos: a christo surgente id est post resurrectionem christi: cum discipulos alloquens insufflauit: per illam sufflationem ostendere uolens. spiritum sanctum a se procedere: sicut procedit a patre. (Sacris ("aux saints") voici l’ordre : spiritus almus ("l’Esprit nourricier") autrement dit saint bis erat concessus discipulis ("avait été deux fois accordé aux disciples"), évidemment dans le temps précédent, d’abord sur terre avant l’ascension du Seigneur, quand le Seigneur leur dit "recevez l’Esprit saint" et ensuite au jour de la Pentecôte, ce que dit le poète, quand il dit (spiratur ("est insufflé")) évidemment l’Esprit saint in illos ("en eux") évidemment les disciples a christo surgente ("par le Christ quand il ressuscite") autrement dit après la résurrection du Christ, quand, s’adressant aux disciples, il répandit sur eux son souffle, voulant montrer par ce souffle que l’Esprit saint procède de lui comme il procède du Père.
1339 (Ne quid.) in re tanta inuocat Arator: qui de deo id est spiritu sancto locuturus: dei id est spiritus sancti dono et linguis eget. (Ne quid ("de peur que"), pour un sujet aussi important, Arator fait une invocation : comme il va parler de Dieu autrement dit de l’Esprit saint, il a besoin du don de Dieu autrement dit de l’Esprit saint et des langues qu’il donne.
1346 Iure igitur inuocat arator deum sine quo deus haud dici potest: C’est donc à bon droit qu’Arator invoque Dieu sans lequel Dieu ne peut être dit.
1350 Recte ergo Arator petit a præbitore linguarum linguæ facundiam. C’est donc de manière correcte qu’Arator demande à celui qui donne des langues l’éloquence pour sa propre langue.
1358 et ipse subdens declarat. Dilige tu plenus amore feruenti: deum mente . et hoc in deuteronomio. Rursus ait scilicet sancta dei præceptio in leuitico: et in Euangelio Matthei : proximus quoque sit tibi carus ut tu scilicet es tibi carus id est dilectus. Et lui même continue en disant : Dilige tu plenus amore feruenti deum mente ("toi, aime Dieu, en étant plein d’amour, d'un esprit brûlant") et cela c’est dans le Deutéronome ; Rursus ait ("il dit encore") évidemment le saint précepte de Dieu dans le Lévitique et dans l’évangile de Matthieu : proximus quoque sit tibi carus ut tu ("que ton prochain aussi te soit cher comme toi-même") évidemment tu es cher à toi-même, autrement dit aimé.
1381 (Tamen) inquit Arator posterior numero id est secunda dilectio proximi: quæ numeratur secundo loco : cum dicimus diliges deum: diliges proximum: posterior:numero id est secunda dilectio proximi: tamen ante incipit id est prior est origine: quamuis scilicet dilectio dei sit prima: ut paulo ante diximus: uel prior dignitate. (Tamen ("pourtant")) dit Arator posterior numero ("celui qui vient après par le nombre") autrement dit secunda ("le second"), l’amour du prochain qui est compté en seconde place, quand nous disons "tu aimeras Dieu, tu aimeras ton prochain" ; posterior numero ("celui qui vient après par le nombre") autrement dit l’amour second, celui du prochain tamen ante incipit ("pourtant commence avant") autrement dit est premier par son origine, quand bien même évidemment l’amour de Dieu est premier, comme nous venons de le dire, et précède en dignité.
1410 His ni fallor abunde patefecimus uerba Aratoris dicentis. (Sic forma) id est sententia canonica Ioannis ut diximus: docet scilicet in prima epistola canonica cap. quarto inquit id est sententia Ioannis: nisi diligis fratrem id est proximum: quem scilicet fratrem: potis es id est potes: cernere id est uidere: nescis amare deum quem scilicet deum: non es scilicet potis id est non potes cernere: quia est spiritus: et quia deum nemo uidit unquam ut ait Euangelista. Par ces mots, si je ne m’abuse, nous avons abondamment éclairé ce que dit Arator : (Sic forma ("ainsi la formule") autrement dit la phrase canonique de Jean comme nous l’avons dit, docet ("enseigne") évidemment dans la première lettre canonique chapitre 4 ; inquit ("dit") autrement dit la phrase de Jean : nisi diligis fratrem ("si tu n’aimes pas ton frère") autrement dit ton prochain quem ("que") évidemment ton frère ; potis es ("tu es capable") autrement dit tu peux, cernere ("apercevoir") autrement dit voir, nescis amare deum quem ("tu ne sais pas aimer Dieu que") évidemment Dieu ; non es ("tu n’es pas") autrement dit que tu ne peux pas, cernere ("apercevoir"), parce qu’il est esprit et parce que "personne n’a jamais vu Dieu" comme le dit l’Evangile.
1418 Ac primum omnium possem excusare syllabam authoritate propertii. cui uos egregii critici si ueniam datis: multo facilius Aratori difficillima tractanti concedetis. Et en premier lieu je peux excuser la quantité de cette syllabe par l’autorité de Properce ; si vous, illustres critiques, lui accordez votre pardon, il vous sera bien plus facile de le donner à Arator qui traite de sujets d’une extrême difficulté.
1431 et miramur si dixit poeta noster carnaliter: quod aduerbium uidetur esse minus elegans: etsi productam syllabam natura per licentiam contrahit: uel contractam producit: insimulari quiuis: quamquam absolutissimus a carptoribus potest: reuinci nisi uitiosus sit: non potest. Et nous nous étonnons de voir notre poète dire carnaliter ("charnellement"), car cet adverbe paraît peu élégant ; même s’il abrège en usant d’une licence une syllabe longue par nature ou en allonge une brève, quelqu’un peut bien être accusé faussement, bien que totalement parfait, par des critiques malveillants, il ne peut cependant être convaincu de culpabilité s’il n’est pas fautif.
1434 satius igitur fuerit alios æquiores iudices nuncupare: apud quos iusto Examine aratoris causa: et cæterorum christianorum uatum: (nam in omnes nostros uates hæc calumnia ab istis latratoribus et criticis produci solet) et tractetur et defendat. Il sera donc préférable de nommer des juges plus équitables auprès desquels la cause d’Arator et des autres poètes chrétiens (de fait cette calomnie est étendue par ces aboyeurs de critiques à tous nos poètes), après un juste examen du cas, sera traitée et défendue.
1440 Tu dices et Aratorem et item alios: non attendere ubi in græcis dictionibus sit eta uel omega: cum dicant idola secunda breui: et ecclesia item secunda correpta: cum alterum per omega: alterum per eta scribant græci. Tu me diras aussi qu’Arator et d’autres comme lui ne prêtent aucune attention au fait que dans un mot grec il y ait un η ou un ω, puisqu’ils disent idŏla avec o bref et ecclĕsia en abrégeant le second e, alors que le premier mot prend un ω en grec et le second un η.
1442 Nam si eta corripuit Arator: nonne Idem quoque fecit iuuenalis et longe calpe relicta: ubi calpe per eta sicut penelope scribitur: et Vergilius cum subito assurgens fluctu nimbosus orion: cum scribatur per omega apud Musæum: cai thrasyn oriona cai abrochon olcon amaxes. Et persius: non hic qui in crepidas graiorum ludere gestit: utramque breuem protulit: cum prima per eta scribatur: et iota longa sit. Musæus. ploe uathy crepidos epeurea dem abydu. et item lychnu sbennymenoio: para crepida de pyrgu. Et ne mihi polydamas: po: prima in dactylo: cum scribatur per omicron: ideoque legunt pulydamas addita.y. De fait si Arator abrège des η, Juvénal ne fait-il pas de même en écrivant et longe calpĕ relicta où l’on écrit ordinairement κάλπη comme Πενελόπη et Virgile cum subito assurgens fluctu nimbosus ŏrion, alors que le mot prend un ω chez Musée οὐ θρασὺν Ὠρίωνα καὶ ἄβροχον ὁλκὸν Ἁμάξης ; et Perse non hic qui in crĕpĭdas graiorum ludere gestit donne les deux voyelles brèves alors que l’on écrit κρηπῖδα et que le i est long, voir Musée πλῶε βαθυκρήπιδος ἐπ’ εὐρέα δῆμον Ἀβύδου, et de même λύχνου σβεννυμένοιο. παρὰ κρηπῖδα δὲ πύργου ; et dans ne mihi pōlydamas, il fait de po l’initiale (longue) d’un dactyle, alors qu’on écrit Πολυδάμας et c’est ce qu’il fait qu’ils lisent Πουλυδάμας en ajoutant un υ.
1452 Nam omnes illi uates christiani: qui istius licentiæ nimiæ titulo a momis syllabariis insimulantur: iisdem ferme sæculis floruerunt: quorum recentissimus Arator est. De fait, tous les poètes chrétiens que nos clowns amateurs de prosodie réprimandent au nom d’un excès de licence poétique ont fleuri à peu près à la même époque et Arator est le plus récent d’entre eux.
1454 At arator ab hinc annos circiter mille floruit: unde colligimus: et luuencum et sedulium et prudentium superare hunc nostrum non longo æuo. Mais Arator est séparé de ces poètes par pratiquement mille ans, d’où nous concluons que Juvencus, Sédulius et Prudence ne l’emportent pas de beaucoup chronologiquement sur notre auteur.
1467 Ne igitur de cætero quisquam molestus mihi sit: uolui non per partes sed uno impetu omnes simul profligare: qui uel Aratori et cæteris antiquioribus : uel neotericis ac recentioribus poetis: syllabarum obiiciunt negligentiam: non tam quod negligentes sint: cum prophanis quoque idem contigerit: quam uel christiane et pie religioseque scribant : uel scripserunt. Sur le reste, pour éviter donc que quelqu’un ne vienne me chercher noise, j’ai voulu les réduire à néant non par morceaux mais tous d’un coup, ceux qui reprochent à Arator et aux autres Anciens comme aux modernes et aux poètes plus récents de négliger la quantité des syllabes, non tant au motif qu’ils seraient négligents, puisque le même phénomène se produit chez des auteurs profanes, que parce qu’ils écrivent aujourd’hui comme hier de manière chrétienne, pieuse et religieuse.
1473 Hanc historiam narrat hic poeta in .vii. sectione: addita tamen huius mysterii præclara intelligentia: ut dicam suo in loco. Telle est l’histoire que le poète raconte dans sa septième section ; il y ajoute cependant une claire compréhension de ce mystère, comme je le dirai en son lieu et place.
1494 Recte ergo arator dicit prosperitatem natam a principio sinistro et aduerso semine. Arator a donc bien raison de dire que la prospérité est née de principes sinistres et d’une semence contraire.
1501 ideo addit poeta: qui scilicet claudus: poscens munera id est dona elemosynæ a petro: est datus scilicet claudus sibi id est restitutus sibi a petro est ipse claudus. Voilà pourquoi le poète ajoute : qui ("lui qui") évidemment le boiteux, poscens munera ("demandant des cadeaux") autrement dit demandant à Pierre le don de l’aumône, est datus («a été donné") évidemment le boiteux, sibi ("à lui-même"), autrement dit le boiteux a été restitué à lui-même par Pierre.
1509 Ita sane lucanus frequenter commate utitur: continuo ductu haud semper carmen texens. Vt iamque iræ patuere deum: manifestaque belli signa dedit mundus. mox filum historiæ abrumpit cum ait: Cur hanc tibi rector olympi et. c. Hunc autem scribendi morem (ut supra diximus) tenuit Arator Lucani æmulus: quem nisi diligenter obserues: passim offendes perinde ac si in tenebris ambulares. Ainsi d’ailleurs Lucain utilise souvent l’insertion, car il est rare qu’il tisse tout d’une pièce son poème d’un fil continu. Ainsi dans iamque iræ patuere deum manifestaque belli signa dedit mundus ("déjà les colères des dieux se montrèrent, et le monde donna des signes évidents de la guerre"), très rapidement il coupe le fil de la narration en disant Cur hanc tibi rector olympi ("pourquoi pour toi, maître de l’Olympe cette...") etc. ; à cette manière d’écrire, comme nous l’avons dit, Arator s’est tenu en bon émule de Lucain ; si vous ne le remarquez pas avec soin, ce sera partout une pierre d’achoppement, comme si vous marchiez dans les ténèbres.
1511 Dixit poeta paulo ante: ad quem comitante ioanne respice petrus ait: et cum claudus respexisset. connectitur historia modo. Peu auparavant, le poète a dit ad quem comitante ioanne respice petrus ait ("à qui, en compagni de Jean, Pierre dit : ‘regarde’") et, puisque le boiteux a regardé, on fait maintenant le lien avec le récit.
1517 Videtur nimirum mosis prosperitas fuisse aduerso et sinistro nata semine ut ait Arator. Il semble donc bien que la prospérité de Moïse naquit d’une semence contraire et funeste comme le dit Arator.
1527 Est enim Arator eximie obscurus: et tenebris et caligine undique circunfusus. En effet Arator est un auteur particulièrement obscur et entouré partout de ténèbres et de zones d’ombres.
1546 proponit ergo poeta (sed et altera res scilicet) mystica: aperit nobis scilicet mysterium: quod geritid est præ se fert: causa id est ratio claudicationis: quæ causa et ratio conuenit cum claudicatione populi israelitici: et tempus cum tempore: et porta cum porta ut mox dicemus. oportet enim quædam prius sciri: ex quorum notione sequentium pendet intelligentia. Arator annonce donc (sed et altera res ("mais une autre réalité aussi") évidemment) mystique, aperit nobis ("nous ouvre") évidemment le mystère, quod gerit ("que porte") autrement dit révèle, causa ("la cause") autrement dit la raison de la boiterie, et ces causes et raisons se relient à la boiterie du peuple d'Israël, la durée à la durée, et la porte à la porte, comme nous allons le dire ; il est en effet indispensable de savoir d'abord quelques détails, de la connaissance desquels dépend notre compréhension du texte.
1576 Verum enimuero claudicatio israelis ut significat Arator : fuit signum claudicationis : quæ non in carne ut ait poeta: sed in corde israelitici populi reperta postea est ab israele oriundi. Mais, à vrai dire, la boiterie d'Israël, comme le laisse entendre Arator, fut le signe d'une boiterie que l'on trouva ensuite non dans la chair, comme dit le poète, mais dans le cœur du peuple d'Israël qui allait naître d'Israël.
1597 His ita in memoriam reuocatis facile est intelligere figuram his Aratoris carminibus comprehensam. Une fois que l'on s'est souvenu de cela, il est facile de comprendre la figure qui est incluse dans ces vers d'Arator.
1621 (Qui sunt. ) lnterrogat poeta: quinam sunt: ii qui baiulant populum israeliticum claudum ad portam hoc est ad messian: sicut claudus baiulabatur ad portam templi. (Qui sunt ("qui sont")) le poète pose une question : qui donc sont ceux qui portent le peuple d'Israël boiteux jusqu'à la porte, autrement dit le Messie, comme le boiteux était porté jusqu'à la porte du Temple ?
1623 Sciendum sane Bedam egregium diuini eloquii interpretem hinc mutuari totam hanc allegoricam enarrationem sicut alia pleraque. Non enim ab Aratore discedit ungue latius. Il faut savoir à tout le moins que Bède, cet admirable commentateur de l'éloquence divine, a pris ici toute son interprétation allégorique de ce passage, comme de bien d'autres. En effet, il ne s'écarte pas d'un cheveu d'Arator.
1626 respondet Arator. Baiuli sunt isaias daniel: et quique id est quicumque a quisque uel quique id est et qui. prophetæ similes ore id est concordantes et unum dicentes sicut unus erat spiritus eos erudiens: quique prophetæ canunt obscuris scilicet uerbis et latentibus inuolucris miracula manifesta Christi Arator répond : les porteurs sont lsaias ("Isaïe"), Daniel ("Daniel") et quique ("tous ceux qui") autrement dit quels que soient ceux qui, de quisque ou alors quique est mis pour et qui ("et ceux qui") prophetæ similes ore ("semblables par leur bouche de prophète") autrement dit concordants et disant une seule et même chose, comme l'Esprit, qui les rendait savants, était le seul et unique Esprit, quique prophetæ canunt obscuris ("et tous les prophètes qui chantent en des paroles obscures") évidemment avec des significations implicites cachées, miracula manifesta Christi ("les miracles évidents du Christ").
1633 Nec hoc mirum est. aliter enim (teste hieronymo in pentateucum) audita: aliter uisa narrantur. Quod melius intelligimus melius et proferimus. ideo subdit. Hæc ianua: credita scilicet a Christo: petro: qui scilicet petrus: confessus christum: filium esse dei uiui: monstrat cognita id est uisa: non prædicit futura et non uisa ut prophetæ. Et cela n'a rien d'étonnant ; en effet, (au témoignage de Jérôme dans la préface au Pentateuque) : "ce que nous avons entendu est raconté d'une manière, ce que nous avons vu d'une autre, car nous le comprenons mieux et l'exprimons mieux" ; voilà pourquoi Arator continue en disant : Hæc ianua ("cette porte") a été confiée, évidemment par le Christ, petro ("à Pierre") qui ("qui"), évidemment Pierre, confessus christum ("ayant confessé sa foi au Christ") en disant qu'il est le Fils du Dieu vivant, monstrat cognita ("montre ce qu'il connaît") autrement dit a vu, et ne prédit pas des événements futurs et qu'il n'a pas vus, comme les prophètes.
1640 ideo subdit (Cui) scilicet petro: censuit id est præcepit: author: id est creator rerum christus: non gestare sibi peram id est pelliceum folliculum aptum portando uiatico. Voilà pourquoi le poète continue ainsi : Cui ("lui pour qui"), à Pierre évidemment, censuit ("décréta") autrement dit prescrivit ; author ("l'auteur") autrement dit le Créateur du monde, le Christ, non gestare sibi peram ("de ne pas porter de bourse pour lui-même") autrement dit ce petit sac de peau, bien commode pour porter ce dont on a besoin pour la route.
1656 Dicit autem Arator: et Beda qui aratorem sequitur: quod postea quam claudus saluus factus in porticum salomonis id est christi: qui per salomonem figurabatur: uenit: cucurrit omnis populus id est uniuersus mundus: qui significabatur per illum populum: ad porticum salomonis id est ad ecclesiam christi pacifici. Arator, et Bède qui suit Arator, disent qu'une fois le boiteux sauvé, celui-ci vint dans le Portique de Salomon autrement dit le Christ, dont Salomon est la figure, et que tout le peuple, autrement dit la totalité du monde qui était représenté par cette foule du peuple, accourut vers le Portique de Salomon, autrement dit vers l'Eglise du Christ, faiseur de paix.
1656 Dicit autem Arator: et Beda qui aratorem sequitur: quod postea quam claudus saluus factus in porticum salomonis id est christi: qui per salomonem figurabatur: uenit: cucurrit omnis populus id est uniuersus mundus: qui significabatur per illum populum: ad porticum salomonis id est ad ecclesiam christi pacifici. Arator, et Bède qui suit Arator, disent qu'une fois le boiteux sauvé, celui-ci vint dans le Portique de Salomon autrement dit le Christ, dont Salomon est la figure, et que tout le peuple, autrement dit la totalité du monde qui était représenté par cette foule du peuple, accourut vers le Portique de Salomon, autrement dit vers l'Eglise du Christ, faiseur de paix.
1663 sed allegoriam declarat Arator cum ait interrogando: qui uocatur iure pacificus id est uere salomon uere pacificus? Mais Arator explique l'allégorie quand il dit sous forme de question : qui uocatur iure pacificus ("qui est à bon droit nommé faiseur de paix") autrement dit qui est vraiment Salomon, vraiment faiseur de paix ?
1700 Hinc Arator malitiam carpit multis uersibus iudaeorum : qui non ueritatis studio aut zelo dei: sed liuore et inuidia uirulenti apostolos persequebantur. A partir d'ici, Arator s'en prend avec de nombreux vers à la malice des Juifs, qui poursuivaient les apôtres, non par souci de la vérité ou zèle pour Dieu, mais par la virulence de leur jalousie et de leur envie.
1711 Est autem prosopopoiia: cum naturæ non sentienti sensus a poeta tribuitur. C'est une προσωποποιΐα (prosopopée), quand le poète attribue à la nature, qui est dénuée de sentiment, des sentiments.
1734 intendens ergo in hanc Historiam ait Arator contra iudæam. sol agnoscit dominum et creatorem suum in cruce pendentem: cum obscuratus est ne eum uideret:uel ne impii sua fruerentur luce: tu uero iudæa non modo non agnoscis dominum tuum: sed nigra id est obscurata tenebris cœcitatis et inuidiæ: pectore rebellas scilicet contra christum regem tuum et dominum. C'est en ayant à l'esprit cette histoire qu'Arator parle contre la Judée : le soleil reconnaît son Seigneur et Créateur suspendu à la croix, quand il s'est obscurci pour ne pas le voir, ou alors pour que les impies ne puissent jouir de sa lumière ; mais toi, Judée, non seulement tu ne reconnais pas ton Seigneur, mais tu es nigra ("noire"), autrement dit obscurcie par les ténèbres de l'aveuglement et de la jalousie, et pectore rebellas ("tu te rebelles dans ton cœur"), évidemment contre le Christ, ton roi et ton Seigneur.
1774 Hortatur igitur his similitudinibus Arator gentem iudaicam: ut sese inserat ecclesiæ Christi: et ut uelit considerare quomodo oleaster: et spinæ ecclesiæ insertæ: naturam in foecundam exuentes fructiferam ac nouam induerunt: ut et ipsa synagoga idem faciens: sterilis esse desinat: alioquin dicet dominus: ut utar lucæ uerbis: ad cultorem uineæ: ecce anni. iii. sunt ex quo uenio quærens fructum in ficulnea hac: et non inuenio. Succide ergo illam. Vt quid etiam terram occupat? Arator exhorte donc, à travers ces comparaisons, la nation juive à se laisser greffer sur l'Eglise du Christ, et à bien vouloir considérer comment l'oléastre et les épines de l'Eglise, une fois greffées, ont quitté leur nature pour en prendre une nouvelle qui soit féconde et donne du fruit, de sorte que la Synagogue, elle-même, si elle faisait pareil, cesserait d'être stérile ; autrement le Seigneur dira, pour reprendre les paroles de Luc au cultivateur de la vigne : "Voici trois ans que je viens chercher du fruit sur ce figuier sans en trouver ; coupe-le donc car pourquoi épuise-t-il la terre ?".
1775 Affertur a poeta figura quoque uineæ: quam hebreis colendam deus olim dedit: ut matthæus et marcus referunt. Sed illi nec seruis: nec filio dei pepercerunt. Ipsum enim christum unigenitum dei filium occiderunt: et eiecerunt extra uineam: quasi uile cadauer: in quo notat iudeorum pertinacia: cum occisum dominum: et resuscitatum a suis finibus excluserunt: et gentibus miserunt. Le poète ajoute aussi la figure la vigne, que Dieu a jadis donnée en culture, comme le rapportent Matthieu et Marc ; mais les vignerons n'épargnèrent ni les serviteurs, ni le fils de Dieu ; en effet ils tuèrent le Christ lui-même, le Fils unique du Père, et ils le jetèrent hors de sa vigne, comme un vil cadavre ; en cela, il stigmatise l'entêtement des Juifs, quand ils chassèrent de leur territoire le Seigneur qu'ils avaient tué et qui était resssuscité, et l'envoyèrent auprès des nations païennes.
1778 Dicit autem poeta ut synagoga transeat et se transferat in ecclesiam christi: tanquam uinea sterilis in uineam fructuosissimam: ut uirescat bonis operibus et magno prouentu foecunda reddatur. Le poète dit donc à la Synagogue de passer et de se transférer à l'Eglise du Christ, comme une vigne stérile à une vigne qui porte beaucoup de fruit, afin de fleurir en œuvres bonnes et d'être rendue féconde en rapportant beaucoup.
1787 Nec dixit poeta somniculose aut inconsulto: ira securis imminet radicibus synagogæ: uel uineæ israeliticæ. cum enim filii malorum tolluntur: tunc certe rami scinduntur arboris infructuosæ. Et Arator n'a pas parlé négligemment et sans réfléchir, en disant que la colère de la hache menace les racines de la Synagogue ou de la vigne qu'est Israël, quand, en effet, les fils de ces méchants sont emportés, alors certes les branches de l'arbre qui ne porte pas de fruit sont coupées.
1804 Et hic dei sermo erat artifex: producebatque cete grandia et pisces in mari: ac sub cœlo aues uariis figuris: in terraque animalia propriis formis: ac iuxta hunc sensum: facilia sunt uerba aratoris Là aussi, la parole de Dieu était l'artisan, et elle produisait les grands cétacés et les poissons dans la mer et, sous le ciel, les oiseaux aux formes diverses, et, sur la terre, les animaux, chacun avec sa forme propre, et, pris dans ce sens, les mots d'Arator sont faciles à comprendre.
1809 qui sunt tirones iuxta hunc sensum facilem: exponant uerba aratoris. at: qui altius mysteria intelligere uoluerint: his nos paulo uerbosius satisfacere conuenit. Les débutants expliquent aisément en ce sens les mots d'Arator, mais ceux qui veulent comprendre plus profondément ces mystères, il convient de les satisfaire en développant un peu.
1812 ideo arator erudite uerbum dei modo sermonem nominat: modo uocem. Voilà pourquoi Arator de façon érudite nomme le mot divin parfois discours, parfois voix.
1831 Ex quibus uerbis iam colligis: quod uox dei hic non accipitur a poeta pro sono transeunte: nec sermo pro uocali oratione: De ce que je viens de dire, vous pouvez désormais déduire que la voix de Dieu ici n'est pas prise par le poète au sens d'un son qui passe, ni le discours de Dieu au sens d'une parole vocale.
1880 Hæc dixi quam breuissime de patre ac uerbo et spiritu sancto: quoniam in huius orationis exordio uidetur Arator has tres personas comprehendere sub his symbolis : quæ supra rettulimus Ces développements sur le Père, le Fils et l'Esprit saint, je les ai faits aussi brefs que possible, puisque, dans l'exorde de cette prière, Arator semble unir les trois Personnes dans les symboles que nous avons rapportés plus haut.
1886 Nec quemquam moueat: quod uerbum dei Arator uocet sermonem. Et que personne ne soit troublé par le fait qu'Arator appelle le Verbe de Dieu 'discours'.
1940 Ergo perspicuum est ex hac nostra omnino necessaria digressione cur dixerit Arator: materiemque operis sola est largita uoluntas : Donc, à partir de cette digression totalement indispensable, devient parfaitement limpide la raison qui a fait dire à Arator : materiemque operis sola est largita uoluntas ("quant à la matière de son ouvrage, sa seule volonté la lui a fournie").
1992 At in creaturis (sequimur enim dogma eorum: qui hæc distingunt in conditis) nisi deus inspiret esse: ut essentia existat in actu: et exerceat opera uitæ non operaretur. et fortasse iuxta hunc sensum dixit arator: tu deus qui facis cuncta animata id est uiuificata et exercentia opera uitae: quia uiuere uiuentibus est esse: propriis figuris etc. Mais, pour ce qui concerne les créatures (nous suivons en effet le dogme de ceux qui font ces distinctions dans les êtres créés), si Dieu ne leur insuffle pas l'être, pour que leur existence s'actualise et exerce les opérations de la vie, il n'y a pas opération ; et il se peut bien que ce soit en ce sens qu'Arator a dit : tu deus qui facis cuncta animata ("toi, Dieu, Dieu qui fais tous les êtres animés), autrement dit douées de vie et exerçant les opérations de la vie, parce que pour les vivants, vivre c'est être propriis figuris ("selon leurs formes propres") etc.
2012 Ac primum occurrit: cur Arator incipiat a creatione animatorum potius quam a creatione cœli et terrae: ut incœpit Moses: La première chose qui se présente est la raison pour laquelle Arator commence par la création des êtres animés, plutôt que par la création du ciel et de la terre, comme a commencé à le faire Moïse.
2041 sapienter ergo poeta hic admirans tantam rerum uarietatem cum inuisibilia dei: per ea quæ facta sunt intellecta conspiciantur: et substantiæ per accidentia: et figuras et alia huiusmodi sensibus nostris obuia cognoscantur. C'est donc avec sagesse qu'ici le poète admire une si grande variété dans les créatures, puisque l'on perçoit et comprend les choses invisibles de Dieu par celles qu'il a créées, et que les substances nous sont connues par leurs accidents, leur figures, et tout autre part d'elles-mêmes qui s'offre à nos sens.
2089 Illud Augustini erit multo satius huc adducere ut sequentia Aratoris uerba explicentur. uniuersas inquit creaturas et spirituales et corporales: non quia sunt ideo nouit deus sed ideo sunt: quia nouit. Il suffira largement de citer cette phrase d'Augustin pour expliquer les mots suivants d'Arator ; Augustin écrit : "toutes les créatures, spirituelles et corporelles, Dieu ne les connaît pas parce qu'elles sont, mais elle sont parce que Dieu les connaît".
2090 Cum ergo deus: cui esse est suum intelligere: per suam scientiam sit causa omnium rerum adiuncta uoluntate: docte arator de creatione loquens: scientiam dei nominauit: et adiunxit: materiemque operis sola est largita uoluntas. Donc, puisque Dieu, dont l'être même est intelligence, est par son savoir la cause de toute chose, par l'adjonction de sa volonté, c'est en savant qu'Arator, en parlant de la création, a évoqué le savoir de Dieu et a ajouté materiemque operis sola est largita uoluntas ("quant à la matière de son ouvrage, sa seule volonté la lui a fournie").
2096 Cum autem forma iuxta scoti dogma: uel sit totius: ut humanitas: quæ est ipsa quiditas (ut ita loquar: ) uel forma sit pars concretæ substantiæ: Carmen Aratoris ita explicabimus. Or puisque la forme, selon l'enseignement de Duns Scot, soit est celle du tout, comme l'humanité, ce qui revient à dire la quidité même (pour ainsi dire), soit est celle d'une substance formée par condensation, nous expliquerons ainsi le poème d'Arator.
2106 Hæc uerba Augustini satis aperte uersui Aratoris possunt accommodari: ut dicamus creas formas rerum. scilicet eas per quas res perficiuntur et terminantur. quasi quibusdam notis: per nomina id est per omnes illas stabiles: quæ ita repræsentant res et notant: ut nomina uel uocalia uel intellectualia repræsentant res tanquam symbola et notæ rerum. Ces considérations d'Augustin peuvent assez ouvertement s'appliquer au vers d'Arator, et ainsi nous pouvons dire creas formas rerum ("tu crées les formes des choses") évidemment celles par lesquelles les choses sont achevées et définies, comme par quelques signes, per nomina ("par leurs noms") autrement dit par ces rationalités stables qui représentent et marquent les choses, de sorte que des noms, dans le langage ou dans l'intellect, représentent ces choses comme des symboles et des signes.
2123 Hæc ergo inspiciens poeta ait: (et Creas) scilicet tu deus formas rerum scilicet animatarum et ianimarum per nomina id est per uerba et uocabula ipsarum rerum creatarum. Donc en voyant cela le poète dit : et creas ("et tu crées"), évidemment toi Dieu, formas rerum ("les formes des choses") évidemment animées et inanimées, per nomina ("par leur nom") autrement dit par les mots et les désignations des choses créées elles-mêmes.
2152 quæ uerba uigilanti oculo spectans Arator subdit. ( Mox spiritus) oris id est dei patris a patre filioque emanans id est spiritus sanctus homousios: curuauit æthera id est cœlum: nexuit id est ligauit. sola id est terram scilicet sua firmitate: fudit æquora scilicet suo fluore et natura liquida: et sola uoluntas scilicet dei: est largita id est dedit materiem operis scilicet mundani. Observant ces paroles avec un œil vigilant, Arator ajoute mox spiritus oris ("bientôt l'Esprit de sa bouche") autrement dit de Dieu le Père, qui émane du Père et du Fils, autrement dit l'Esprit saint ὁμοούσιος, curuauit æthera ("courba l'éther") autrement dit le ciel, nexuit ("affermit") autrement dit lia, sola ("le sol") autrement dit la terre, évidemment dans sa forme solide, fudit æquora ("fit couler les eaux") évidemment dans leur flux et leur nature liquide, et sola uoluntas ("la seule volonté") évidemment de Dieu, est largita ("lui a fourni) autrement dit a donné, materiem operis ("la matière de son ouvrage") évidemment le monde.
2153 Est autem notandum mente uigili: quam acute: et quam docte hos uersus scripserit Arator de mundana fabrica: in quibus licet uidere: nihil ab eo positum fuisse frustra aut temere: sed cuncta scatere uerba eius diuini mysterii arcanis. Il faut remarquer avec attention, avec quelle précision et quelle science Arator a écrit ces vers sur la création du monde, dans lesquels on peut voir qu'il n'a rien mis de vain ou à la légère, mais que tous ses mots fourmillent des secrets du divin mystère.
2156 Ego igitur modum mihi seruare uideor. non excurrere: si hos uersus Aratoris diligentius adhuc explicauero: cum hoc sit in præsentiarum opus nostrum: Pour ma part donc, il me semble que je garde la mesure, et que je ne fais pas d'excursus, si j'explique avec grand soin ces vers d'Arator, puisque c'est là pour l'occasion notre travail.
2200 Erudite igitur Arator (rerumque inquit creas per nomina formas.) per formas maxime intelligo formas substantiales. C'est donc avec grande science qu'Arator écrit : rerumque creas per nomina formas ("tu crées les formes des choses par leur nom") et par 'formes' j'entends très exactement les formes substantielles.
2235 Est autem aduertendum: quia Arator inducens apostolos dei fabricam commendantes: sequitur mosem prophetam genesin rerum describentem in capite liminari sui operis illius diuini: ac profundissimi: in quo tauri merguntur: et agni uix pedes tinguntur. Il faut alors remarquer qu'Arator, en mettant en scène les apôtres qui font l'éloge de l'acte divin de création, suit le prophète Moïse, quand il décrit la genèse du monde dans le chapitre liminaire de son divin et très profond ouvrage, dans lequel "les taureaux se noient alors que les pieds des agneaux en sont à peine mouillés".
2236 Sed omissa infinita pene multitudine interpretationum: uidetur poeta adhærere eorum sententiæ: qui aiunt deum creasse celum empyreum: locum splendidum: immotum: et contemplationi aptum (nec enim nunc utrum sit coelum empyreum corporeum an incorporeum disserimus) et terram id est materiam omnium corporum: quæ sunt sub empyreo. Mais, passant sur la multitude pratiquement infinie des interprétations, Arator semble adhérer à l'opinion de ceux qui disent que Dieu a créé le ciel empyrée, lieu éclatant, immobile et apte à la contemplation (nous n'allons pas disserter maintenant pour savoir si le ciel empyrée est corporel ou incorporel) et la terre, autrement dit la matière de tous les corps qui sont sous l'empyrée.
2257 At dicet aliquis: cur apostolos uere sapientes non inducit poeta de substantiæ spiritualis creatione (cum sit hæc multo potior corporea ac melioris notæ) dicentes ac memorantes. Mais on me dira : pourquoi le poète n'a-t-il pas mis en scène des apôtres qui parlaient de la création de la substance spirituelle (alors que celle-ci est bien préférable à la corporelle et meilleure dans ses caractéristiques) et qui en faisaient mention.
2264 Hoc arator aduertit cum scripsit: (Cum fierent scilicet) res: uox scilicet dei dicentis germinet terra: erat semenid est cuncta agens et dans terræ uirtutem germinandi. Cela Arator l'a remarqué quand il écrit : cum fierent ("quand elles étaient faites") évidemment les choses, uox ("la voix") évidemment de Dieu qui disait : "que la terre fasse germer" erat semen ("était semence"), autrement dit faisant tout et donnant à la terre la puissance de germination.
2279 Erudite ergo poeta: cum fierent inquit scilicet res uariæ in originali illa procreatione: uox erat semen: dicente deo: Germinet terra herbam uirentem: et facientem semen. Producant aquæ reptile animæ uiuentis etc. C'est donc de manière fort savante que notre poète a dit cum fierent ("quand elles étaient faites") évidemment les choses variées, lors de cette création originelle, uox erat semen ("sa voix était semence") puisque Dieu disait : "que la terre fasse germer l'herbe verte qui porte sa semence", "que les eaux produisent le reptile à l'âme vivante".
2293 docte ergo Arator ( uox inquit erat semen) id est uerbum dei et imperium: tunc id ægit per se et in momento: quod nunc agit per semen natura condita: et per temporum successionem: natura conditrice cooperante: ut dixi. C'est donc de manière savante qu'Arator écrit uox erat semen ("sa voix était semence"), autrement dit la parole de Dieu et son ordre, Dieu qui alors fait par lui-même et de façon immédiate ce que la nature créée fait maintenant par l'entremise de la semence, et au fil du temps, la nature créatrice coopérant avec lui comme je l'ai déjà dit.
2294 Vt autem hanc naturalem tarditatem a natura creatrice remoueret poeta subiicit. (Nec distulit ortus imperium natura) sequens id est natura condita a deo: non distulit et procrastinauit (ortus) id est natiuitates et formationes suas: sicut nunc uidemus: quod iacto semine: non protinus prodit seges: sed prius quam oriatur aut nascatur: in longum tempus differtur ipsius natiuitas et ortus: ac postea perfectio. Pour que l'on ne rapporte pas ce retard naturel à la nature créatrice, le poète ajoute Nec distulit ortus imperium natura sequens ("la nature suivant son ordre ne différa pas leur naissance") autrement dit la nature créée par Dieu ne différa pas et ne procrastina pas leur ortus ("naissance"), autrement dit leur venue à l'existence et leur formation, comme nous voyons à présent que, une fois jetée la semence, les céréales ne lèvent pas tout de suite, mais qu'avant qu'elles ne viennent à l'être et ne naissent, leur venue à l'existence et leur naissance est longuement différée, et ensuite seulement vient leur achèvement.
2307 Recte ergo scripsit poeta: natura a deo condita: sequens imperium id est mandatum et uerbum sui creatoris: nec distulit: non in longum traxit: ortus suos: sed statim obediuit conditori. Le poète a donc eu raison d'écrire natura ("la nature") créée par Dieu, sequens imperium ("suivant son ordre") autrement dit le commandement et la parole de son créateur, nec distulit ("ne différa pas"), ne fit pas traîner en longueur, ortus ("leur naissance"), mais obéït aussitôt à son créateur.
2308 (Mox spiritus oris.) dixi mox aduerbium significare postea: uel paulo post: quoniam uidetur sentire arator cum his: qui successionem in distictione atque ornatu rerum statuunt seruatam a conditore: ita ut illa interualla non defectum: sed inefabilem sapientiæ diuinæ ordinem arguant. (Mox spiritus oris("bientôt l'Esprit venu de sa bouche")) j'ai dit que mox est un adverbe qui signifie 'ensuite', ou 'peu après', puisque Arator semble s'accorder avec ceux qui établissent, dans la séparation et l'ornement des créatures, un ordre de succession qui aurait été conservé par le Créateur, en sorte qu'ils considèrent ces intervalles non comme une limite, mais comme un ordonnancement ineffable de la sagesse divine.
2326 Recte ergo poeta ait: curuauit æthera id est globauit sphæricumque reddidit coelum: quæ figura omnia continenti complectentique congruetissima est. C'est donc avec justesse que le poète écrit curuauit æthera ("il a courbé l'éther) autrement dit il en a fait un globe et il a rendu le ciel sphérique, figure qui est parfaitement cohérente avec le fait qu'il contient et embrasse tout.
2333 Et in hoc sensu: aethera hic uocat Arator [:] quicquid a conuexitate globi lunaris usque in empyreum coelum protenditur moueturque: quo nomine orbes septem planetarum: et firmamentum uariis signis: cingulis: stellisque distinctum. et cœlum crystallinum comprehenduntur. Et c'est en ce sens qu'Arator appelle ici éther tout le ciel qui s'étend et se meut depuis la courbure du globe lunaire jusqu'à l'empyrée ; sous ce nom il embrasse les sept cercles des planètes, et le firmament marqué par les divers signes, les diverses ceintures et les diverses étoiles, et le ciel cristallin.
2348 Hos ergo orbes Arator uocat aethera uno uocabulo ob eam causam quam dixi. Ce sont donc là les cercles qu'Arator appelle d'un seul nom, éther, pour la raison que j'ai dite.
2359 docte ergo Arator (nexuit sola) id est ligauit scilicet centro mumdi: quod est immobile et stabile: sola id est terram: nexuit inquit scilicet uinculo naturæ grauis et ponderum: quæ ipsi terræ indidit diuini oris spiritus. C'est donc savamment qu'Arator écrit nexuit sola ("il affermit le sol") autrement dit il l'attacha, évidemment au centre du monde, qui est immobile et stable, sola ("le sol") autrement dit la terre, nexuit ("il affermit"), dit-il, évidemment par le lien de sa nature lourde et de son poids que l'Esprit venu de la bouche divine assigna à la terre elle-même.
2398 Et quoniam scriptura congregationes aquarum siue salsarum: siue dulcium maria appellat: ut mare galileæ : mare tyberiadis cum lacus sit: minime debet mirum uideri si poeta sacer: æquora uocauit quascumque aquas. Et puisque l'Ecriture nomme mers des amas d'eau aussi bien salée que douce, comme la Mer de Galilée, la Mer de Tibériade, alors que ce sont des lacs, il ne doit absolument pas sembler étonnant que notre poète sacré ait appelé æquora ("eaux") n'importe quelles eaux.
2456 sit ergo hæc dixisse satis: quibus intelligimus Aratorem erudite scripsisse: (Sola nexuit scilicet) spiritus dei: et fudit æquora id est aquas: nectitur solum et uincitur in centro suis ponderibus: ut sit stabile et fixum et immobile. Contentons-nous donc ce que j'ai dit et qui nous aide à comprendre qu'Arator a fait preuve d'érudition en écrivant Sola nexuit ("il affermit le sol"), évidemment l'Esprit de Dieu, et fudit æquora ("il fit couler les eaux"), autrement dit l'eau ; le sol est affermi et lié dans le centre par son propre poids, en sorte qu'il est stable, fixe et immobile.
2462 Deinde cum ait materiam fuisse datam uolente deo: ostendit deum libere materiam creasse: ex qua omnia condidit: hoc est per modum artis: quæ in homine adeo sui iuris est: ut possit pro arbitrio arte uti uel non uti. non autem per modum naturæ: quæ ad unum tantum suo impulsu fert. Ensuite, quand il dit que la matière a été donnée, selon la volonté de Dieu, il montre que Dieu a librement créé la matière à partir de laquelle il a tout fait, autrement dit par la mesure de l'art qui même dans l'homme dépend de la volonté au point que, selon son libre arbitre, celui-ci peut se servir de son art ou ne pas s'en servir, et non par la mesure de la nature, car elle n'emporte par l'impulsion de l'instinct que vers un seul but.
2469 Cum autem sua bonitas sit sua uoluntas: recte poeta materiemque inquit operis sola est largita uoluntas. Vt si quispiam architectus non ob suam utilitatem sed ob suam tantum aliis perfectionem communicandam: constitueret egregiam ac pulcherrimam domum. Or puisque sa bonté c'est sa volonté, le poète a eu raison de dire materiemque operis sola est largita uoluntas ("la matière de son ouvrage, c'est sa seule volonté qui la lui a fournie"), comme si un architecte construisait une maison remarquable et de toute beauté, non pour sa propre utilité, mais seulement pour communiquer aux autres sa perfection.
2474 Cum ergo ait Arator materiam huius corporis mundani: largitam et datam fuisse uoluntate diuina: excludit eorum errorem: qui eam deo coeternam esse dixerunt. Quand donc Arator dit que la matière de ce corps du monde a été le résultat de la largesse et d'un don de la volonté divine, il rejette l'erreur de ceux qui disent que la matière est co-éternelle à Dieu.
2488 Pie igitur simul ac docte Arator ait: sola uoluntas scilicet dei: non naturalis necessitas: largita est scilicet de nihilo. materiem scilicet operis et fabricæ corporeæ. C'est donc à la fois avec piété et savoir qu'Arator dit : sola uoluntas ("la seule volonté") évidemment de Dieu, et non une nécessité de nature largita est ("a fourni") évidemment à partir de rien materiem ("la matière") évidemment de l'operis ("son ouvrage") et de la création des corps.
2491 quomodo enim (opponet quispiam) poeta tam doctus ac subtilis: id postremo inter dei opera numerauit: quod in principio a deo conditum est. nam in principio creauit deus cœlum et terram id est materiam.
2492 At hic Arator ultimam posuit materiam: cum ait materiamque operis sola est largita uoluntas.