Lettre au pape Vigile

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(218) (MOENIBVS undosis) c’est le second billet sous forme d’élégie, qui est adressé au souverain pontife Vigile, à qui Arator annonce son ouvrage et le remet en présent. (MOENIBVS undosis) hoc alterum est epistolium elegiacum: quod ad uigilium pontificem maximum scribitur: cui arator opus suum nuncupat: et dat muneri.
(219) Vigile était Romain d’origine. Bien qu’il ne soit pas peu blâmé par les historiens sur ses débuts, parce qu’il obtint le pontificat romain par la brigue, les sollicitations et d’injustes promesses, une fois pourtant qu’il fut installé sur le trône de Pierre, il se montra d’une constance absolue et un excellent pape. Fuit autem uigilius patria romanus: qui licet a principio non parum ab historicis uituperetur quia per ambitum et preces: iniustasque pollicitationes pontificatum romanum consecutus fuerit: tamen ubi in petri solio collocatus est: constantissimus et optimus habitus est.
(220) De fait, Théodora Augusta, l’épouse de l’empereur Justinien, désirait rendre à Anthémius le siège épiscopal de Constantinople, alors qu’il était en exil loin de Constantinople parce qu’il avait soutenu l’hérésie eutychienne. (Eutychès, abbé de Constantinople, était un adversaire de l’hérésiarque Nestorius, évêque de Constantinople. nam theodora augusta iustiniani imperatoris uxor cum anthemium constantinopolitanæ ecclesiæ episcopum cuperet restituere: qui tunc ab urbe constantinopoli exulabat: quod Eutychianæ haereseos fautor fuisset: (fuit autem eutyches constantinopolitanus abbas aduersarius Nestorio hæresiarchæ constantinopolitano episcopo.
(221) Nestorius en effet affirmait que la vierge "mère de Dieu" n’avait pas été la génitrice de Dieu, mais seulement de l’homme, comme si, dans le Christ, il y avait deux personnes distinctes, l’une le fils de Dieu, l’autre le fils d’un homme. Nestorius enim uirginem deiperam negabat dei esse genitricem sed hominis tantum. quasi in christo duæ essent personæ disiunctæ: altera dei filius: altera hominis filius.
(222) D’une opinion opposée à la sienne, Eutychès, en fuyant cette hérésie tomba dans une hérésie tout aussi détestable. Ab hoc diuersus Eutyches dum fugit hanc hæresin: incidit in hæresin æque detestabilem.
(223) Il affirmait en effet que la nature divine en même temps que la nature humaine s’étaient fusionnées dans un même composé, et qu’ainsi les deux natures n’en faisaient qu’une de sorte que l’on ne pouvait plus distinguer la nature humaine de la divine, ni la divine de l’humaine.) affirmabat enim diuinam cum humana natura in idem compositum Recidisse: adeoque unum esse utranque naturam ut nec humana a diuina natura distingueretur: nec diuina ab humana.)
(224) Augusta désirait donc rendre son siège à l’exilé Anthémius. Vigile était alors diacre et, vivant à cette époque à Constantinople, il promit à cette femme que, s’il était placé lui-même sur le siège de Pierre, il ferait réinstaller Anthémius. cum ergo Anthemium relegatum cuperet augusta resti[5v]tuere. Vigilius tunc diaconus et per id temporis constantinopoli agens mulieri pollicitus est: si in petri sede poneretur ipse: Anthemium se reducturum.
(225) Or cela était impossible à moins que Silvère, l’excellent pape de Rome, ne fût tué ou chassé du siège de Pierre par fraude et injustice. id autem non poterat fieri nisi siluerio optimo pontifice romano aut interfecto: aut a sede petri per fraudem iniusticiamque deturbato.
(226) Voilà pourquoi, après qu’on eut suborné des témoins et inventé de fausses accusations, Silvère fut déporté sur une île Pontine ; quant à Vigile, il fut mis à sa place et fut créé pape de Rome du vivant de Silvère ; mais comme Augusta demandait à Vigile de rendre son siège à Anthémius comme il le lui avait promis, Vigile n’eut de cesse de dire qu’il ne le ferait pas, car on n’avait pas à se tenir à une promesse mauvaise : il était, disait-il, placé sur le siège du bienheureux Pierre et à ce titre ne pouvait remplir une promesse qu’il avait eu l’excessive imprudence de faire quand il était encore diacre. itaque subornatis testibus et confictis criminibus Siluerius in insulam pontianam deportatus est: Vigilius uero in locum eius subrogatus: et pontifex romanus uiuente Syluerio creatus est: Cum autem Augusta a uigilio flagitaret ut restitueretur Anthemius: quemadmodum sibi pollicitus fuisset: negauit constanter uigilius se id facturum: quod malis promissis non esset standum. Sese in beati petri sede constitutum non posse id adimplere quod imprudentissime cum adhuc diaconus esset: promisisset.
(227) Ces paroles mirent l’impératrice en fureur et elle décida de chasser le même pontife de son pontificat comme elle l’avait fait pour Silvère. His uerbis furens regina constituit eundem pontificem sicut et syluerium pontificatu eiicere.
(228) Voilà pourquoi elle envoya des émissaires à Rome pour ramener Vigile, de gré ou de force, vers elle à Constantinople. itaque misit romam qui uigilium uel Volentem uel nolentem ad se constantinopolin perducerent.
(229) Mais, à son arrivée à Constantinople, l’empereur Justinien vient à sa rencontre avec une grande escorte et lui rendit un très déférent hommage comme à celui qui exerçait sur terre la fonction du Christ. Ei uero constantinopolin ingredienti iustinianus imperator cum magno comitatu fit obuiam: et ut Christi uices gerentem summopere ueneratus est.
(230) Mais Théodora, l’épouse de l’empereur, quand elle vit que Vigile était là, commença à le mettre à l’épreuve et à l’encourager à accorder ce qu’il avait promis. Verum Theodora uxor imperatoris ubi præsentem Vigilium uidit: tentare eum coepit et hortari ut quod promiserat: præstaret.
(231) Il lui répondit qu’il aimerait mieux subir quelque supplice qu’elle voulait plutôt que de changer sa décision. Cui ille malle se quoduis supplicium pati respondit: quam sententiam mutare.
(232) Comme cette femme et ceux qui étaient là le pressaient de menaces, il dit : "je suis venu voir Dioclétien et non Justinien comme je le pensais". Cum mulier et qui aderant minis instarent: ad Diocletianum se uenisse dixit: non ad Iustinianum quemadmodum arbitrabatur.
(233) Alors donc, on le battit sévèrement, des brigands lui mirent une corde au cou comme à un bandit, et on le traîna par toute la ville. Dans sa prison, mis au pain et à l’eau, il supporta l’adversité sans sourciller et ne cessait de dire : "j’aurais mérité bien pire si je subissais une peine à la mesure de mes péchés". Hic igitur grauiter Cæsus et a Crassatoribus iniecto in collum eius fune tanquam latro per totam urbem tractus: et in carcere uitam ducens pane et aqua: ita patienter et æquo animo aduersa tulit: ut semper diceret se peiora meritum si digna peccatis suis poena irrogaretur.
(234) Ce même Vigile prit soin de son troupeau et des Romains assiégés par le roi des Goths, Totila, avec un tel zèle que, alors qu’il faisait voile vers Constantinople, entraîné de force sur l’ordre d’Augusta, il fit charger en chemin, à Catane, une ville sicilienne, de nombreux navires de blé qu’il envoya à Rome afin de soulager les assiégés qui alors souffraient d’une grande disette. idem Vigilius tanta cura gregem suum et romanos obsessos a Totila Gothorum rege prosecutus est: ut cum nauigaret Constantinopolin per uim ab Augusta protractus: in itinere apud catinam urbem siciliæ multas naues frumento onerauerit ac romam miserit: quo obsessis maxima tunc rei frumentariæ inopia laborantibus subueniret.
(235) Et bien que ce blé, intercepté par les Goths, ne pût parvenir aux Romains, cela ne diminue en rien le bienfait qu’il leur rendit comme il le put. Et quamuis id frumentum a gothis interceptum ad romanos non peruenit: nihil tamen illius beneficentiam qui quod potuit præstitit: diminuit.
(236) Mais ce n’est pas de ce siège que parle Arator dans le billet sous forme d’élégie qu’il adresse à Vigile, quand il fait son éloge en disant qu’il a secouru le troupeau enfermé et assiégé à l’intérieur de la ville de Rome, mais bien du siège mené par Vitigès qui avait précédé de quelques années Totila. Nec uero de hac obsidione intelligit Arator in hoc epistolico ad Vigilium eligidio cum eum laudat: quod gregi incluso et obsesso intra urbem romam subuenerit: sed de Vitigitis regis gothorum obsidione: qui Totilam paucis ante annis præcesserat.
(237) Vitigès, en effet, quitta Ravenne avec cent cinquante, selon Procope, cent mille, selon Pandolfo et quelques autres, soldats pour marcher contre Rome et l’assiégea tandis que les Romains à l’intérieur souffraient de la faim et de la peste. Mouit enim Vitigis ex rauenna cum centum et quinquaginta prout scribit procopius: uelut pandulfus et quidam alii uolunt cum centum milibus armatorum romam uersus: eamque circunsedit: romanis intus et fame et peste laborantibus.
(238) En ce temps-là Vigile était diacre et aprocrisaire à Constantinople au moment où, comme nous l’avons dit plus haut, il revint à Rome et fut nommé pape après l’expulsion de Silvère ; il aida alors beaucoup Bélisaire, le très puissant général qui conduisait au nom de l’empereur Justinien la guerre à Rome contre les Goths. Quo Tempore Vigilius tunc diaconus et constantinopoli apocrisiarius cum romam ut supra diximus: rediisset: pulsoque siluerio pontifex ipse creatus esset: multum iuuit Bellisarium ducem præstantissimum: qui pro iustiniano imperatore tunc romæ aduersus Gothos bellum gerebat.
(239) Le siège de la ville de Rome dura un an et neuf jours ; il ne fait aucun doute que c’est de lui que parle Arator, du moins pour qui a jeté un œil attentif sur les histoires de ce temps. Durauit autem obsidio urbis romæ anno integro et diebus nouem: de qua intelligere Aratorem nemo dubitauerit: qui attentiori oculo historias de illis temporibus perlustrauerit.
(240) Maintenant que nous avons brièvement parcouru le contexte, expliquons la lettre dans laquelle, quand Arator montre qu’il doit beaucoup à Vigile grâce à l’action et aux conseils duquel il est passé du monde à l’état de clerc et jouit de statione, ("le mouillage") sûr de l’Église, il dit quel est son but dans ce poème : il désire ardemment en effet embrasser par ses vers les Actes des Apôtres. His ita breuiter excursis explanemus epistolam: in qua ubi ostendit Arator se multum debere Vigilio: cuius opera et monitis a prophanis ad sacra translatus tuta ecclesiæ statione fruatur: dicit quid destinet in hoc poemate. Se enim ardere uersibus complecti actus apostolorum.
(241) Pour finir, il dédie son ouvrage à Vigile. Postremo opus suum Vigilio dedicat.
(242) (Moenibus undosis) Le sens est : 'Pour ma part tandis que je voyais les troubles de la guerre, j’étais une partie du peuple romain qui redoutait les traits des Goths. A ce moment-là, tu es venu, toi Vigile, depuis Constantinople et tu nous as tous libérés du siège de l’ennemi'. (Moenibus undosis) sensus est. ego cum eum uiderem motus bellorum: fui unus et pars populi romani qui timuit tela gothorum. Quo tempore tu Vigili ueniens ab urbe constantinopoli nos omnes ab obsidione hostium liberauisti.
(243) 'Voilà pourquoi tu nous as accordés à tous le salut du corps, mais à moi c’est à la fois le salut du corps et celui de l’âme que tu as accordés, quand tu as fait que, par tes encouragements j’abandonne le monde et la cour comme une mer et que j’entre dans l’Église comme sur une terre ferme'. itaque uitam corporalem omnibus tribuisti: mihi uero et uitam corporis et uitam animæ tribuisti: cum fecisti tuis monitis ut mundum et aulam tanquam mare desererem: et ecclesiam intrarem ueluti terram stabilem.
(244) Il dit moenibus undosis ("du haut des remparts tempétueux") autrement dit en proie aux flots et nullement solides en raison du siège des ennemis. dicit autem moenibus undosis id est fluctuantibus et nequaquam firmis propter obsidionem hostium.
(245) Il y a des gens qui interprètent undosis ("tempétueux") comme désignant Venise ; en effet les remparts de Venise sont sur l’eau, tout le monde le sait. sunt qui dicant undosis id est uenetis: sunt enim moenia Venetiarum in undis: ut notum est.
(246) En effet, ce sont des Padouans (comme le rapportent quelques historiens de Venise) qui émigrèrent de Padoue avec leur roi vers ce qui était alors une île et qui est maintenant le Rialto et ils y placèrent les premiers fondements de la ville de Venise. Patauini enim (ut tradunt nonnulli scriptores rerum uenetarum) cum suo rege in insulam cui tunc fuit: et nunc est riuo alto nomen: migrauerunt ex urbe patauio: primaque ibi urbis uenetæ fundamenta iecerunt.
(247) Ceci se produisit par peur des Huns et du très cruel roi Attila si l’on en croit les mêmes auteurs. quod factum esse metu Hunnorum et Attilae regis ferocissimi iidem authores prodiderunt.
(248) Comme ce roi barbare, avide de guerre et qui par nature aimait à verser le sang, après avoir dévasté la Thrace, la Mésie et l’Illyricum, menaçait Byzance, après en avoir été repoussé, il fit route vers l’Italie ; son arrivée fut d’autant plus terrible pour l’Italie que ce mal avait grandi en s’approchant, car il s’était adjoint comme alliés les rois de quatre peuples extrêmement féroces, les Hérules, les Gépides, les Alains et les Turcalains. cum rex barbarus: et rei bellicæ cupidus: et suapte natura cruentus thraciam: Mysiam: illyricumque foede populatus Byzantio immineret: inde repulsus mouit in italiam: cuius aduentus eo fuit italiae terribilior: quo propius id malum processerat: assumptis in commilitium quattuor ferocissimarum gentium Erulorum: Gepidarum: Halanorum et turcilinguorum regibus.
(249) Quand donc le roi de Padoue apprit cela, alors qu’il avait obtenu un refuge en Italie près de l’Adriatique, avec ses hommes, ses richesses et son pouvoir qui l’emportait largement parmi les siens, il passa sur les îles et une côte entourée de marais et de la mer. hoc ergo patauinorum rex cum animaduerteret qui italiæ recessum circa adriam obtinebat: cum uiris opibus et authoritate inter suos longe principibus: in insulas et littora stagno marique circumflua transiuit.
(250) Son exemple fut suivi par tous les riches (de fait plus chacun est riche plus il veut s’éloigner du danger, pour ne pas devenir la proie des ennemis avec sa fortune) et ils émigrèrent vers le roi de Venise, non seulement lors de l’invasion des Huns, mais encore de celle des Goths et de tous les autres barbares qui après les Huns attaquèrent l’Italie ; si donc le reste du texte était cohérent avec cela et si l’ancre de l’histoire fixait cette hypothèse, nous comprendrions parfaitement qu’Arator était à Venise et moenibus undosis ("du haut des remparts tempétueux"), pour se protéger des armes des Goths. Cuius exemplum ditissimus quisque Secutus (nam ut quisque maxime diues est: ita periculo longissime uult abesse: ne cum fortunis hosti ipse prædæ sit) ad regem uenetorum migrauit non solum in transitu Hunnorum sed etiam gottorum et cæterorum barbarorum: qui post hunnos italiam inuaserunt; si ergo cætera conuenirent: et historiæ anchora stabiliret hoc ipsum: pulchre intelligeremus Aratorem fuisse in urbe ueneta et moenibus undosis ut tutus esset ab armis gotthicis.
(251) Et ce qu’il dit de la cour pourrait se comprendre du fait qu’il se trouvait chez le roi de Venise. Et quod ait de aula: apud regem Venetorum fuisse intelligeremus.
(252) Mais voilà, cette hypothèse ne tient pas plus qu’une barque sans lest qui tangue sur le flot agité. sed hæc sententia quasi cymba sine saburra instabilis fluctu iactante mouetur.
(253) Ou bien alors on dira qu’il emploie undosis ("tempétueux") parce que nous lisons qu’à peu près du temps de Vigile ou un peu après, autrement dit sous le règne de Justin qui succéda à Justinien, on vit de nombreux prodiges qui annonçaient des désastres à venir et des armées de feu dans le ciel. Vel ergo undosis dices: quia legimus iisdem fere temporibus Vigilii aut Paulo infra ea tempora: Hoc est imperante iustino Qui iustiniano successit: uisa fuisse multa prodigia futuras clades portendentia: et igneas in cælo acies.
(254) Ainsi, également, le Tibre, qui coule en traversant l’enceinte de la ville de Rome, connut une crue gigantesque qui causa par son inondation de très grands malheurs au peuple de Rome. ita uero in immensum Tyberis fluuius Qui per moenia urbis romæ labitur: creuit: ut inundatione sua maximas populo romano calamitates intulerit.
(255) Le bienheureux Grégoire mentionne ces faits dans l’une de ses homélies, comme d’ailleurs Paul Diacre et plusieurs autres auteurs. De[6r] his meminit beatus Gregorius in homilia quadam: meminit quoque paulus diaconus et alii complures.
(256) Mais, parce que les historiens de ce temps n’écrivaient pas les faits en respectant aussi bien l’ordre chronologique que les Anciens, il pourrait bien se faire que ces événements aient été contemporains d’Arator. Sed quia illius ætatis historici non ita ordinate scripserunt ut antiquiores: fortasse tempestate Aratoris talia contigerunt.
(257) C’est la raison pour laquelle il dit moenibus undosis ("du haut des remparts tempétueux"), autrement dit des remparts inondés par le Tibre ; comme Horace également qui se plaint des crues du Tibre au premier livre des Odes : "nous avons vu le blond Tibre, quand ses eaux violemment furent rejetées du litoral étrusque, venir renverser" etc.  ob quæ ait moenibus undosis id est moenibus inundatis a Tyberi: ut Horatius quoque queritur tyberis incrementa in .i. carminum Vidimus flauum tyberim retortis littore ethrusco uiolenter undis ire deiectumHOR. carm., 1, 2, 13-15 et cætera
(258) Il dit donc 'moi cernens incendia ("apercevant les incendies") et le tumulte des guerres eram pars ("j’étais une part") autrement dit un membre du peuple romain pauentis tela ("qui craignait les traits") évidemment des ennemis'. ait igitur ego cernens incendia et æstus bellorum eram pars id est unus populi romani pauentis tela scilicet hostium.
(259) 'Mais toi, Vigile', avec l’apposition publica libertas ("liberté publique") autrement dit 'libérateur de nous tous qui craignions la servitude et le joug des Goths', aduenis soluere ("tu viens délivrer") ; syntaxe grecque autrement dit 'tu viens pour délier les liens' ; gregi incluso ("le troupeau enfermé"), autrement dit le peuple romain assiégé par les Goths et libéré peu après par Bélisaire, l’officier de Justinien, comme nous l’avons dit. Aduenĭs ("tu viens") est abrégé comme nescĭs et dormĭs. tu uero Vigili app. publica libertas id est omnium liberator qui seruitutem et iugum gothorum timebamus: aduenis soluere: syntaxis græca: id est uenis ad soluendum uincula: gregi incluso id est populo romano obsesso a gothis: ac mox liberato per bellisarium iustiniani ducem ut diximus Aduenis ut nescis et dormis corripitur.
(260) Papa autrement dit "père". De fait "père" se dit en grec πάππας. Papa id est pater. nam papas uero a græcis pater dicitur.
(261) Mais πάππος veut dire "grand-père" et on dit pappi pour les fleurs de chardons. at pappus significat auum: et pappi carduorum flores dicuntur.
(262) On enlève 's' quand on décline en latin, comme chez Quintilien où l’on trouve le nom propre Euthya alors qu’en grec cela se dit Euthyas. remouetur autem s latine declinando ut apud Quintilianum Euthya nomen proprium: quod euthyas ab illis dicitur.
(263) (de gladiis) évidemment des Goths. (de gladiis) scilicet gothorum.
(264) (rapiuntur) autrement dit ils sont libérés et arrachés. (rapiuntur) id est liberantur et eripiuntur.
(265) (oues) autrement dit ses concitoyens romains soumis au pontife romain Vigile comme à leur pasteur. (oues) id est ciues romani pontifici romano Vigilio tanquam suo pastori subditæ.
(266) (pastore ministro) évidemment Vigile, dont l’aide et le conseil ont été utiles à Bélisaire, l’officier de Justinien qui libéra les Romains. (pastore ministro) scilicet uigilio cuius ministerio et consilio usus est Belisarius Iustiniani dux: qui romanos liberauit.
(267) (Inque humeris ferimur) autrement dit 'nous, Romains, comme des brebis nous sommes portés sur tes épaules pieuses alors que nous avions erré' ; te reuocante ("tandis que tu nous rappelles") de l’erreur et du désastre des ennemis. (Inque humeris ferimur) id est nos romani tanquam oues portamur tuis humeris piis cum aberraremus: te reuocante nos ab errore et clade hostili.
(268) Il fait allusion à Luc 15 : "qui parmi vous s’il a cent brebis et en perd une va la chercher et quand il l’a trouvée il la met sur ses épaules et se réjouit" etc. Alludit autem ad illud Euangelii .lu. xv. quis Ex uobis homo qui habet centum oues et si perdiderit unam: uadit ad illam: et cum inuenerit eam imponit in humeros suos gaudensLc 15, 4 etc.
(269) (Corporeum satis) le propos se déploie avec une amplification oratoire : satis est ("ce serait déjà assez"), dit le poète, autrement dit beaucoup et en suffisance pour chacun d’euasisse periculum corporeum ("avoir échappé à un danger corporel") autrement dit 'pour la vie de notre corps, grâce à toi, Vigile, qui nous libéras, nous et notre vie, des ennemis'. (Corporeum satis). crescit oratio rhetorica amplificatione: satis est (inquit poeta) id est multum et sufficiens cuicunque sit euasisse periculum corporeum id est uitæ corporalis scilicet per te uigili: qui liberasti nos et uitam nostram ab hostibus.
(270) Mais plus précieux et plus grand est ce qui suit : salus ("le salut") évidemment animæ meæ ("de mon âme") nascitur inde ("en résulte") autrement dit 'résulte pour moi de ce même pasteur, Vigile'. At plus id est maius et preciosius hoc quod sequitur: salus scilicet animæ meæ nascitur inde id est ab eodem pastore Vigilio mihi.
(271) De fait, il veut dire que, grâce aux monitions de Vigile, il a quitté le monde et rejoint l’Église du Christ. Nam Vigilii monitis significat se mundo relicto ad ecclesiam christi migrasse.
(272) Or autant l’âme vaut mieux que le corps, d’autant il faut préférer le salut de celle-ci à celui de celui-là, et il y a une dette plus grande pour celui qui nous libère des ennemis invisibles et des démons, que pour celui qui le fait d’ennemis visibles et mortels. Quanto autem anima præstat corpori: tanto salus illius saluti huius anteferenda est: et plus debetur ei qui liberat ab hostibus inuisibilibus et dæmonibus: quam ei qui a uisibilibus et mortalibus.
(273) C’est pourquoi il ajoute (Ego naufragus) sur la mer de ce monde autrement dit 'moi qui avais souvent péché et fait naufrage' ; subeo ("je trouve refuge") autrement dit 'j’entre dans l’Église du Christ'. ideo subiicit (Ego naufragus) in mari huius mundi id est qui sæpe peccaueram et naufragium feceram: subeo id est intro ecclesiam: christi
(274) dimissa aula. ("après avoir quitté la cour") après avoir quitté les soucis de la cour et ceux qui sont vains. Par ces mots Arator veut dire qu’il a été un moment occupé dans le palais de l’empereur de Constantinople ou de quelque autre prince. dimissa aula. dimissis curis aulicis et inanibus. his uerbis significat Arator se aliquando Versatum fuisse in atrio imperatoris constantinopolitani uel alicuius Principis alterius.
(275) (Perfida) de manière allégorique autrement dit 'je laisse de côté la vie frauduleuse et pleine de ruses des mondains', qui, en raison de sa mutabilité, est à bon droit comparée à la mer qui jamais ne demeure en place mais toujours est incertaine et fluctuante. Il faut savoir que le mot mundanus ("mondain") s’emploie chez les gens d’Église pour blâmer, en identifiant le mondain et le pécheur. (Perfida) allegorice id est relinquo uitam fraudulentam et dolosam mundanorum: quæ ob suam mutabilitatem merito comparatur mari nunquam stabili sed dubio et fluctuanti: sciendum mundani uocabulum apud ecclesiasticos in reprehensionem dici: ut sit mundanus peccator.
(276) Au contraire, chez les Anciens, le mot est utilisé sans nuance de blâme pour ce qui est une partie du monde, comme un certain philosophe à qui on demandait à quelle partie du monde il appartenait et qui répondit qu’il était mundanus autrement dit qu’il avait le monde entier pour patrie. Contra apud antiquos sine ulla reprehensione dicitur pro eo quod est mundi pars: ut quidam philosophus rogatus cuias esset: respondit se esse mundanum id est se habere mundum totum pro patria.
(277) (Transferor ad niueas caulas petri.) du monde comparé à la mer vers l’Église du Christ, dans laquelle Pierre ou le vicaire de Pierre font paître les brebis du Christ sans trouble et sans tempête. (Transferor ad niueas caulas petri.) a mundo tanquam a mari ad ecclesiam christi: in qua petrus uel petri uicarius pascit oues christi sine turbine et sine ulla tempestate.
(278) Caula ("bergerie") désigne une étable pour les moutons, soit provient de aula en ajoutant 'c' soit encore vient de καύλος autrement dit "bâton", puisque les paysans utilisent des bâtons pour fabriquer les étables pour les moutons. Caula est stabulum ouium uel ab aula addita. C: uel a caulos id est uirga. Quoniam rustici uirgis: ouium stabula conficiunt.
(279) Il les appelle niueas caulas ("bergeries neigeuses"), parce que les brebis du Christ sont blanches et couleur de neige en raison de la simplicité chrétienne qui est vraie et non feinte. La propriété du contenu est donc attribuée au contenant. Vocat autem niueas caulas: quia oues Christi Candidæ sunt et niueæ simplicitate Christiana hoc est uera non ficta. proprietas ergo contenti attribuitur Continenti
(280) (Et fruor) il dit la même chose : après avoir quitté la mer de la vie mondaine fruor iam statione soli optati ("je jouis désormais d’un mouillage sur une terre désirée") autrement dit sur un rivage désiré dans lequel je suis désormais en sécurité parce que quiconque est en dehors de l’Église est soumis aux dangers de la mer, mais sur le rivage il est en sécurité. (Et fruor) idem dicit: et relicto mari uitæ mundanæ fruor iam statione soli optati id est littore optato: in quo sum iam securus. quia quisquis extra ecclesiam est periculis maritimis subditur. At in litore tutus est.
(281) Il semble faire allusion à Jean 21 : "quand ce fut le matin, Jésus se tenait sur le rivage". Videtur ergo alludere ad illud Euangeliographi Ioannis .xxi. Mane autem facto stetit Iesus in littore.Jn 21, 4
(282) Sur ce passage l’Aigle d’Hippone commente : "venant au matin, il se tint désormais sur la terre ferme après sa résurrection". Quo in loco Aquila hipponensis Mane inquit adueniens stetit iam post resurrectionem in solido.
(283) Donc de même que notre libérateur se tint sur le rivage en signifiant ainsi qu’il ne marcherait plus sur les eaux de cette vie avec les disciples comme il le faisait auparavant mais qu’il était passsé à l’état de la vie immuable, de même Arator veut dire que, d’une certaine manière, il se tient sur la terre ferme et jouit d’un mouillage sur la terre du rivage quand il a quitté le flot du siècle, bien que, dans les deux passages, la terre ferme ne désigne pas la même réalité. ergo ut liberator noster in litore stetit significans se non amplius super aquas huius uitæ ambulaturum cum discipulis antea solebat: sed ad statum uitæ immutabilis transisse: ita Arator uult significare se aliquo modo in solido stare et frui statione littoris: cum fluctus sæculi reliquit: quamuis aliter uelut hic solidum et ibi.
(284) (Littoris) Matthieu 14 écrit que le Seigneur vint à la quatrième veille vers ses disciples sur leur barque en marchant sur les eaux ; comme ils étaient effrayés le Christ leur dit "n’ayez pas peur, c’est moi". Pierre alors lui répondit et dit : "si c’est toi, Seigneur, ordonne que je vienne à toi sur les eaux". Le Seigneur lui dit : "viens". Pierre descendit de la barque et il marchait sur les eaux pour venir vers Jésus. (Littoris) mattheus .xiiii. scribit dominum ambulantem super aquas quarta noctis uigilia ad discipulos naui uectos uenisse: quibus territis dixit christus: nolite timere: ego sum. Respondens autem petrus dixit: si tu es domine iube me uenire super aquas. domino dicente: ueni: descendens petrus de nauicula ambulabat super aquam ut ueniret ad Iesum.Mt 14, 25
(285) Arator dit donc : c’est Pierre qui parauit sinus littoris ("a préparé les criques du rivage") autrement dit une région sûre et un repli sinueux du rivage, ad nostra carbasa ("pour nos barques") autrement dit pour les voiles qui tendaient vers le rivage de l’Église. Il dit 'c’est Pierre cuius fuit uia sicca in mediis fluctibus ("qui marcha au sec au milieu des flots") autrement dit qui marcha à pied sec sur les eaux par ordre du Seigneur. dicit ergo arator: Ille petrus parauit sinus littoris id est tutam regionem et sinuosum littoris gremium: ad nostra carbasa id est uela tendentia ad litus ecclesiæ: ille inquit petrus: cuius fuit uia sicca in mediis fluctibus id est qui sicco pede ambulauit super aquas domino iubente.
(286) On peut aussi le rapporter au Seigneur : le Christ évidemment qui marcha sur les eaux. Potest etiam ad dominum referri: ille scilicet christus qui ambulauit super aquas.
(287) (Esse reus) il semble faire allusion à un récit évangélique bien que ce soit de manière implicite. En effet Luc raconte au chapitre 17 que, comme le Seigneur entrait dans un village, accoururent vers lui dix lépreux, qui de loin criaient et disaient : "Jésus, maître, prends pitié de nous". Quand il les vit le Seigneur sauveur leur dit : "allez et montrez-vous aux prêtres". En y allant ils furent purifiés. Mais l’un d’eux, qui n’était pas juif mais étranger et samaritain, quand il vit le miracle de sa guérison soudaine revint vers le Christ et se jeta à ses pieds ; plein de reconnaissance, il remercia largement son libérateur. Mais les neuf autres étaient des ingrats et oublieux du bienfait qu’ils avaient reçu il s’en allèrent. Jésus lui dit donc : "les dix n’ont-ils pas été purifiés ? Et les neuf autres, où sont-ils ? Il ne s’en est donc pas trouvé un pour revenir et rendre gloire à Dieu sinon cet étranger ?". Et il lui dit "lève-toi et va, car ta foi t’a sauvé". (Esse reus) uidetur alludere ad historiam Euangelicam quamuis dissimulanter. siquidem in .xvii. capite narrat lucas: cum dominus ingrederetur quoddam castellum: occurrisse ei .x. uiros leprosos: qui procul clamantes aiebant Iesu præceptor miserere nostri . quos ut uidit salutifer dominus: ite inquit et ostendite uos sacerdotibus : dumque irent mundati sunt. Vnus autem ex ilisLc 17, 13-15 qui non erat iudæus sed alienigena et samaritanus: ut uidit subditæ curationis miraculum ad christum reuersus pedesque eius habiliter complexus: et gratus fuit: et uberes suo liberatori gratias ægit. reliqui nouem ingrati et accepti beneficium im memores numquam regessi abierunt. Dixit ergo iesus: nonne .x. mundati sunt? et nouem ubi sunt? non est inuentus qui rediret et daret gloriam deo: nisi hic alienigena? Et ait illi: surge. uade. quia fides tua te saluum fecit.Lc 17, 17-19
(288) Arator dit donc 'ô Vigile, mon libérateur, toi qui m’as purifié de la lèpre de la vanité mondaine, je sera coupable et ingrat' si cessem ("si je tardais") 'à te rendre grâces' ; comme les neuf lépreux, à cause de leur ingratitude displicuere ("ont déplu") évidemment au Christ ; officio unius ("un seul qui fit son devoir"), évidemment le Samaritain, autrement dit par ses remerciements zélés et bienvenus pour avoir reçu le bienfait de la santé. dicit ergo arator o uigili mi liberator: et qui me a lepra mundanæ uanitatis mundauisti: ero reus et ingratus si cessem tibi agere grates: ut nouem leprosi propter ingratitudinem displicuere scilicet christo: officio unius scilicet samaritani id est officiosa et grata actione gratiarum ob acceptum beneficium sanitatis.
(289) De fait, l'esprit reconnaissant et zélé du Samaritain qui revient vers celui qui l’a guéri montre clairement la détestable négligence de tous les autres et leur ingratitude dans l’oubli ; on pourrait dire aussi potero esse reus (je pourrai être coupable) autrement dit ingrat envers le Christ et pour cela coupable d’un si grand crime si cessem reddere ("si je tardais à rendre") autrement dit rapporter ou faire grates ("des grâces") autrement dit les remerciements, évidemment au Christ mon libérateur et celui qui m’a guéri, pour qui (comme il vient de le dire) il y eut au milieu des eaux un chemin désormais sec et qu’ainsi il rapporte ce bienfait comme venu non de Vigile mais du Christ. nam gratus animus et officiosus samaritani ad suum medicum reuer[6v]tentis: clarius ostendit detestabilem cæterorum negligentiam: ingratamque obliuionem: potes etiam dicere potero esse reus id est ingratus erga christum ideo reus tanti criminis: si cessem reddere id est referre uel agere grates id est gratias scilicet christo liberatori meo et sanatori: cui (ut dixit paulo supra) fluctibus in mediis iam uia sicca fuit. ita ut hoc beneficium referat acceptum non Vigilio sed christo.
(290) Ou alors si cette phrase ne semble pas cadrer avec ce qui suit comme elle semble bien s’adapter à ce qui précède, 'je serai', dit-il, 'd’une autre manière coupable de faute si alors que j’avais le rivage de l’Église à ma disposition grâce au Christ ou à Pierre' cessem reddere grates ("je tardais à rendre grâces"), évidemment par mes poèmes, autrement dit rendre grâce dans la mesure où la fragilité humaine en est capable. Vel si hæc sententia non uidetur ita quadrare inferioribus quemadmodum superioribus probe uidetur congruere: aliter ero inquit obnoxius poenæ si cum a christo uel a petro littus ecclesie paratum habuerim: cessem reddere grates scilicet carminibus id est referre gratiam prout humana fragilitas potest referre.
(291) Je vais renouveler d’une certaine manière cette interprétation : 'si après avoir abandonné les neuf déesses des païens, autrement dit les muses, je mettais tout mon zèle au service du seul Christ et de Pierre'. referam autem aliquo modo: si relictis gentilium nouem numinibus id est musis: totum studium meum unius christi uel petri officio impendam.
(292) Et puisque Jérôme dit "au temple de Dieu chacun offre ce dont il est capable : les uns de l’or, de l’argent et des pierres précieuses, d’autres de la batiste, de la pourpre et de l’écarlate, d’autres encore des peaux et des poils de chèvre", nous pouvons affirmer que c’est de l’or qu’Arator a offert à Dieu, son génie doré d’un don divin. Et cum dicat hieronymus in templo dei offert unusquisque quod potest: alii aurum et argentum et lapides preciosos: alii byssum et purpuram et coccum: alii pelles et pilos caprarum:HIER. adv. Rufin., 2, 26 possumus affirmare Aratorem aurum deo obtulisse: hoc est ingenium diuino quodam dono aureum.
(293) (Vnius officio) autrement dit à cause du ministère du seul Pierre ou du Christ, les neuf muses lui ont déplu car elles sont incomparablement moins estimables que cette unique puissance divine. Il s’agit aussi d’une emphase car le chiffre de l’ennéade, autrement dit 'neuf' est rapporté à un seul et soumis à cette personne unique. Si quelqu’un trouve un meilleur sens que ceux que je viens de proposer, je m’y rallierai volontiers, prêt à être contredit sans m’obstiner et sans montrer la moindre colère. (Vnius officio) id est propter ministerium unius petri uel christi: nouem musæ incomparabiliter illo uno numine minus æstimandæ displicuerunt. et est emphasis cum numerus enneadis id est nouem refertur ad unum et illi uni subicitur. siquis sensum supradictis meliorem inuenerit: amplectar libenter paratus refelli citra pertinaciam et citra omnem iracundiam.
(294) (sensibus ardor inest) 'je veux être reconnu par mes poèmes, voilà pourquoi je brûle' de celebrare labores ("célébrer les travaux") non d’Hercule ou des héros païens, mais de ces apôtres autrement dit Pierre et Paul, quorum uoce ("dont la voix") autrement dit la prédication orbis obtinet iter fidei ("ouvre à la foi les routes de l’univers") et du monde, autrement dit l’univers a obtenu la route du salut et de la foi, sans hypallage, mais comme suit : la foi obtient la route de l’univers autrement dit parcourt l’univers entier. (sensibus ardor inest) uolo esse gratus carminibus: ideo ardeo celebrare labores non herculeos aut heroum gentilium: sed horum apostolorum scilicet petri et pauli: quorum uoce id est præedicatione orbis et mundus ipse: obtinet iter fidei id est uiam salutis et fidei consecutus est ut non sit hypallage: sed ita: fides obtinet iter orbis id est ambulat per orbem uniuersum.
(295) Or il dit horum ("de ceux-ci") évidemment Pierre et Paul, parce que, même si d’autres apôtres aussi ont prêché la foi, c’est autour de ces deux apôtres que le bienheureux Luc a bâti son récit. Or Arator le suit. Dicit autem horum scilicet Petri et pauli: quia tametsi alii quoque apostoli fidem predicauerunt: de his praecipue contexit historiam beatus lucas: quem sequitur Arator.
(296) De fait il ajoute Versibus ipse canam quos lucas rettulit actus : historiamque sequens ("je chanterai donc en vers les actes que Luc a rapportés et, au fil de l’histoire,") autrement dit la vérité historique loquar carmina uera ("je dirai des poèmes véridiques") sans ajout d’aucune fiction, comme le font d’ordinaire les poètes païens. Nam id subiungit: Versibus ipse canam quos lucas rettulit actus: historiamque sequens id est historicam ueritatem: loquar carmina uera: nullis figmentis additis: ut solent poetæ ethnici.
(297) De fait Virgile a raconté la venue d’Enée en Italie en suivant la vérité de l’histoire mais le fait que Didon se soit tournée vers l’amour d’Enée, cela il l’a inventé. Nam Vergilius æneam in italiam uenisse narrauit ueritatem secutus historiæ: sed dido reginam ad amorem æneæ declinasse finxit.
(298) Mais Homère tantôt est dans la fiction, tantôt mêle le vrai et le faux, pour que le début le milieu et la fin ne soient pas en incohérence, comme le dit Horace. At homerus ita mentitur sic ueris falsa remiscet: primo ne medium: medio ne discrepet imum: ut ait horatius:
(299) Mais je suis vraiment très étonné : alors qu’Arator promet qu’il racontera les actes des apôtres que Luc a rapportés et que c’est ce que le poème raconte et non le récit évangélique (et Paul Diacre affirme la même chose), qu’est-ce qui est passé par la tête de Platina, personnage par ailleurs très savant, de dire dans la vie de Félix IV qu’Arator avait embrassé en hexamètres le récit évangélique. "Aux portes qui se trompe ?" Evidemment nous, car nous sommes humains et, comme nous nous trompons sur de petites choses, nous sommes éblouis par le soleil et mettons en avant nos taches soit que cause notre incurie, soit dont la nature humaine ne tient pas assez compte. Ce mot est donc bien juste : "et parfois le bon Homère dort" ; mais quittons cette digression et revenons à notre propos. Miror autem uehementer cum arator hic polliceatur se narraturum actus apostolorum quos lucas rettulit: et ipsum Poema id narret non historiam Euangelicam: Et paulus diaconus idem affirmet: quid ita Platynae uenerit in mentem uiro alioquin doctissimo dicere in uita foelicis quarti: Aratorem uersibus hexametris Euangelia complexum fuisse. in foribus quis delinquit? Certe nos homines: quam in minimis labimur: qui caligamus in sole: qui maculas nostras præferimus quas aut incuria fundit aut humana parum cauet natura. Recte ergo illud dicitur: quandoque bonus dormitat homerus.HOR. ars, 359 sed a diuerticulo propositum repetamus.
(300) (Alternis) Le poète propose ce qu’il va faire dans l’ensemble de l’ouvrage. (Alternis) proponit poeta quid sit facturus in toto opere.
(301) Or, puisque il y a deux choses dans le récit apostolique écrit par le bienheureux Luc, la simple narration des actes des apôtres que l’on appelle lettre et les mystères cachés dans l’histoire sainte, Arator promet qu’il expliquera les deux, chose que personne avant lui n’a faite, sinon peut-être rarement Sédulius, ou peut-être un autre ; personne d’un seul trait n’a orné tout le récit de son sens mystique pour ainsi dire avec des fleurs au parfum délicieux, comme l’a fait Arator. Cum autem duo contineat historia apostolica a beato luca scripta simplicem actuum apostolicorum narrationem: quæ apellatur littera: et mysteria in historia sacra latentia: promittit Arator se utrunque expositurum: quod ante eum nemo: nisi perquam raro fecit sedulius: aut si alius fecit: nemo uno tractu totam historiam mysticis sensibus quasi floribus suaue olentibus adornauit ut Arator.
(302) (Alternis) ne veut donc pas dire élégiaques comme peut-être tu demandes pourquoi mes poèmes sont dit 'alternés'. En effet l’ouvrage d’Arator est fait de vers non pas élégiaques, mais héroïques, mais alternés autrement dit expliquant tantôt la lettre tantôt les mystères de la lettre. (Alternis) ergo non elegiacis ut forsitan et mea quare sint alterna requiris carmina: non enim opus Aratoris elegiacis sed heroicis constat uersibus: sed alternis id est modo literam: modo literæ mysteria explanantibus.
(303) (modis) autrement dit en rythme, en vers. De fait, comme le dit dans l’Orateur M. Tullius, "dans chaque pied le rythme peut être sesquialtère, double ou égal". Par les rythmes et les modes la plupart du temps nous voulons parler des vers. (modis) id est numeris uersibus. Nam ut inquit. M. Tullius in oratore in pedibus singulis modus inest aut sexquiplex aut duplex aut par.CIC. orat., 193 per rythmos ergo et modos uersus plerunque intelligimus.
(304) (Corde) il veut dire l’intelligence. (Corde) dicit intellectu.
(305) (Mystica res) autrement dit le sens mystique. Le mot 'mystère', que les ignorants confondent avec 'ministère', vient du verbe grec μυέω comme l’adjectif 'mystique' et le nom μύστης. Bien que toutefois Eusèbe au livre 2 de la Préparation évangélique dise que 'mystère' vient de μύσος, 'crime', parce qu’il est sacrilège que quiconque, hormis le prêtre, connaisse les secrets des cultes, et parce que toute personne qui les révèle commet un crime ; cependant un commentateur fort savant d’Aristophane dans la comédie Les Grenouilles pense que le mot vient de μύω, 'ne rien dire' et de στόμα 'la bouche' parce qu’il faut que ceux qui entendent des secrets ferment leur bouche et ne les racontent à personne. Avec cette étymologie concorde celle que donne Tertullien qu’il faut garder sur tous les mystères un silence loyal. (Mystica res) id est mysticus sensus. a myeio uerbo graeco dicitur mysterium: quod imperiti dicunt ministerium et mysticus a. um et mystes. Quamuis autem Eusebius li. il. prep. Euan. dicat mysteria dicta a mysos id est scelus quia arcana sacrorum non nisi sacerdoti scire nefas sit: et quia scelus committat quisquis ea patefacit: tamen Interpres Aristophanis sane doctus in comoedia batrachon a myeio id est claudio: et stoma id est os: quod oporteat audientes arcana os claudere et nulli illa narrare: dici putat. huic etymologiæ concordat illud Tertulliani omnibus mysteriis silentii fidem deberi.
(306) C’est de là que vient l’expression courante "quelque chose arrive non sans mystère" parce que cela arrive de manière cachée et pour une raison voilée et il n’en faut pas parler. Hinc etiam solemus uulgo dicere: non sine mysterio aliquid fieri quod occulta quadam et inuolucris tecta ratione fit: et cui taciturnitas debeatur.
(307) A propos de cette expression, un savant qui se prenait et que l’on prenait pour un jurisconsulte de premier plan disait non pas "sans mystère", mais "sans ministère", en prenant le mot "ministère" pour le mot "mystère". Je ne dirai pas son nom, car nous n’écrivons pas ces pages pour aboyer contre les gens mais pour instruire. quam sententiam quidam doctor ut sibi et omnibus uidetur iuris consultissimus: non sine mysterio sed ministerio proferebat: ministerium pro mysterio accipiens. Nomini parcimus: quia non oblatrandi sed admonendi studio haec scribimus.
(308) Ce que l’on appelle dans l’Écriture sainte res mystica ("réalité spirituelle") est une réalité à laquelle on doit un silence loyal, qui est cachée sous des figures symboliques et qui cache des réalités spirituelles sous les voiles variés d’images sensibles, de sorte que les croyants s’exercent à en tirer les significations cachées et que les incroyants, en ne comprenant rien aux choses voilées sous des symboles, soient détournés de la moquerie ainsi que le dit ce mot de l’évangéliste : "ne donnez pas les choses saintes aux chiens", alors même que (comme dans sa sagesse le dit le divin Thomas) Dieu veille à tout, selon que la nature de chaque être y est adaptée et que toute notre connaissance va du sens à la vue, de la vue à l’intelligence plus profonde, ce n’est pas injustice si les réalités spirituelles et les biens intelligibles dans les lettres divines sont cachés par des métaphores corporelles et couverts par des comparaisons sensibles : c’est pour nous l’unique moyen d'entrer dans la connaissance . Dicitur ergo res mystica in sacra scriptura: res cui debetur silentii fides: quae typicis figuris occultatur: et uaris imaginum sensibilium inuolucris spiritalia abscondit: ut et fideles eruendo latentes sensus exerceantur: et infideles non intelligendo typis circumuelata abirrisione absterreantur secundum illud Euengeliographi: nolite sanctum dare canibusMt 7, 6 cum autem (ut diuus thomas sapienter ait) deus omnibus consulat: prout singulorum naturae congruit: nostraque omnis cognitio a sensu ad uisa: a uisis ad ulteriorem intelligentiam proficiscatur non iniuria spiritalia et bona intelligibilia in diuiis litteris methaphoris corporalibus cooperiuntur et similitudinibus sensibilibus teguntur unum cognoscendi initium nobis est.
(309) De là vient que le bienheureux Denys dans la Hiérarchie céleste dit : "il est impossible pour nous de voir briller le rayon divin sinon voilé par la variété du voile des symboles". hinc beatus dionysus in caælesti hierarchia: impossibile est inquit nobis aliter lucere diuinum radium nisi uarietate uelaminum sacramentorum circumuelatum.IOH. SC. ERIG. Dionys. hier. cael. 1, 2
(310) Alors que personne n’aille s’étonner qu’Arator n’indique cependant que deux sens, le littéral et le spirituel, alors que sous ces deux-là nous mettons tous les autres. nec uero miretur quisquam quia arator duos tamen sensus notet. scilicet literalem et mysticum: cum sub his duobus reliquos omnes conprehendamus.
(311) De fait, sous le sens littéral, dont Augustin écrit, dans le traité Contre Vincentius le donatiste, qu’il est le seul dont on puisse tirer argument, sont contenus les quatre sens suivants indiqués par les théologiens : historique, étymologique, analogique et parabolique ; sous le sens spirituel les trois suivants : allégorique, anagogique, tropologique, bien que la plupart des anciens théologiens ne nomment que trois sens à savoir le sens historique, le sens allégorique et le sens tropologique, en incluant sous le sens allégorique le sens anagogique ; ainsi fait Hugues dans le livre 3 des Sentences. nam sub litterali: ex quo solo ut Augus. contra uicentium donatistam scribit potest trahi argumentum: continent illi quattuor sensus a theologis notati: historicus: etymologicus: analogicus: parabolicus: sub mystico uero uel spiritali illi tres allegoricus anagogicus: tropologicus: quamquam plerique ueterum theologorum tres tantum nominent scilicet histori[7r]cum allegoricum et tropologicum sub sensu allegorico anagogicum comprehendentes: Vt hugo in tertio sententiarum.
(312) Du moins le divin Grégoire qui, fidèle son nom, a traité dans un commentaire attentif le livre de Job le héros divin et a chassé toutes les ténèbres de ce livre en l’entourant des plus belles explications, fait mention de ces trois sens en ces termes : "mais il faut savoir que nous parcourons certains points par un commentaire historique, en usant de l’allégorie nous examinons certain points en menant une enquête symbolique, et nous en expliquons certains grâce aux seuls outils de l’allégorie morale ; quelques uns en revanche, nous les analysons avec plus de soin en appliquant les trois méthodes et nous appliquons à eux selon les trois sens. De fait nous commençons par poser les fondements historiques, puis, en usant de la signification symbolique nous dressons la demeure de l’esprit dans la citadelle de la foi et pour finir en usant de la grâce de l’interprétation morale nous habillons notre édifice comme si nous y mettions une couleur". Certe diuus Gregorius qui a suo nomine non recedens uigilanti expositione Iob diuini herois librum prosecutus est: et pulcherrimis commentariis circumfusis cunctas eius libri tenebras depulit: hos tres commemorat his uerbis. sciendum uero est: quod quædam historica expositione transcurrimus: et per allegoriam quædam typica peruestigatione perscrutamur. quaedam per sola allegoricae moralitatis instrumenta discutimus nonnulla autem per cuncta simul sollicitius exquirentes tripliciter indagamus. Nam primum quidem fundamenta historiae ponimus. deinde per significationem typicam: in arcem fidei: fabricam mentis erigimus. ad extremum quoque per moralitatis gratiam quasi super ducto edificium colore uestimus.GREG. M. epist., 5
(313) C’est aussi pourquoi Arator au livre 2 déclare Qui canit ecclesiæ tria dogmata : sæpius edit : historicum : morale sonans : typicumque uolumen ("celui qui chante les triples enseignements de l’Église publie assez souvent un livre qui fait entendre les sens historique, moral et symbolique"). Ita quoque Arator in secundo: Qui canit (inquit) ecclesiæ tria dogmata: sæpius edit: historicum: morale sonans: typicumque uolumen.ARATOR act., 2, 890-891
(314) (Littera) c’est donc le sens littéral qui comprend les sens historique, étymologique, analogique et parabolique. (Littera) ergo id est sensus literalis comprehendens historicum: etymologicum: analogicum: parabolicum.
(315) (Mystica res) c’est le sens spirituel qui contient en lui les sens allégorique, anagogique et tropologique. Nous en dirons quelques mots dans le commentaire du livre 2. (Mystica res) id est spiritalis sensus continens sub se allegoricum anagogicum tropologicum: Et de his in secundo nonnihil dicemus.
(316) (Metrica uis sacris) le poète prévient une objection implicite. Quelqu’un pourrait en effet dire qu’un poème ne convient pas au sérieux des saintes et divines lettres. Il répond à cette anthypophore par l’exemple de ces mêmes divines lettres. (Metrica uis sacris) occurrit tacitæ obiectioni. Diceret enim quispiam carmem non congruere grauitati sacrarum diuinaruumque literarum. Huic anthypophorae respondet exemplo earundem diuinarum literarum.
(317) De fait, dit Arator, les psaumes du roi David et les prophètes les plus austères et les plus illustres sont écrits en vers lyriques et il est manifeste en outre que les cantiques du prophète Jérémie et beaucoup de paroles de Job le héros de toute patience sont composés en vers héroïques et en hexamètres. Cela rend manifestes le sérieux et le poids d’un poème par l’exemple de l’Écriture divine elle-même. Nam inquit Arator psalmi dauid regis: et prophetæ grauissimi clarissimique lyricis pedibus scripti sunt: et constant. Præterea cantica hieremiae prophetæ: et multa dicta lob herois patientissimi heroicis et hexametris uersibus conposita sunt: unde constat grauitas carminis et pondus: ipsius diuinæ scripturæ exemplo.
(318) Et, parce qu’on pourrait contredire Arator par le témoignage des faits eux-mêmes, puisque, à titre d’exemple dixit Dominus domino meo ("Oracle du Seigneur à mon seigneur") n’est pas un poème, et parce que pereat dies in qua natus sum ("que périsse le jour où je suis né") n’est pas un vers héroïque, le poète ajoute que la force du mètre et son rythme ne se trouvent pas dans les psaumes traduits en grec ou en latin mais dans linguæ origine ("leur langue originelle"), autrement dit dans la langue originale et première, la langue hébraïque dans laquelle David, Jérémie et tous les autres ont écrit. Et quia aliquis posset Aratorem refellere ipsius testimonio rei. Cum uerbi gratia: dixit dominus domino meo:Ps 109, 1 non sit carmen: et pereat dies in qua natus sum:Jb 3, 3 quia non sit Versus heroicus: ideo subiungit metricam uim et rationem non inueniri in psalmis translatis in græcam linguam uel latinam: sed in linguæ origine id est in lingua originali et primigenia: hoc est hebraica in qua scripsit Dauid hieremias et cæteri.
(319) Mais tout cela Arator l’a tiré du divin Jérôme qui dit dans le Prologue sur Job : "et s’il semble à quelqu’un incroyable qu’il existe des mètres chez les hébreux et que la manière de notre Horace ou des Grecs Pindare, Alcée et Sappho, soit présente dans le psautier ou les lamentations de Jérémie ou presque tous les cantiques des Écritures, qu’il lise Philon, Josèphe, Origènet et Eusèbe de Césarée et il verra bien à leur témoignage que je dis vrai". Hoc uero totum a diuo Hieronymo accepit Arator: qui in prologo super lob: Quod si cui inquit uidetur incredulum metra scilicet esse apud hebreos: et in morem nostri flacci: graecique pindari: et alcæi: et sapphus: uel psalterium: uel lamentationes hieremiæ: uel omnia ferme scripturarum cantica conprehendi: legat philonem: losephum: origenem: Cæsariensem Eusebium et eorum testimonio me uerum dicere comprobabit.HIER. praef. Vulg. Iob
(320) Arator dit donc : que personne ne vienne s’offusquer dans les choses sacrées et l’histoire apostolique de trouver un poème et des vers héroïques ou d’une autre sorte ; que personne ne le méprise alors que l’habileté métrique et uis non sit incognita ("la force n’est pas inconnue") autrement dit est connue et utilisée dans les livres saints. dicit ergo arator nemo fastidiat in rebus sacris et historia apostolica Carmen et metrum heroicum uel alterius generis: nemo respuat: cum metrica facultas et uis non sit incognita id est sit cognita et usitata in sacris libris.
(321) De fait lyrici pedes ("des vers lyriques") comme le trochée, l’iambe etc. qui se trouvent chez les poètes lyriques composuere ("ont composé") les psaumes c’est à dire les cantique du prophète David. On nomme poètes lyriques ce qui composaient des vers de ce genre, comme chez nous Horace, chez les Grecs Pindare ; évidemment on les appelle lyriques, car de tels vers étaient chantés avec accompagnement de la cithare, comme le divin David, le psalmiste, l’atteste lui-même très souvent : "louez-le sur le psaltérion et la cithare". nam lyrici pedes ut trocheus iambus et alii: qui in Lyricis poetis sunt: composuere psalmos id est cantica dauid prophetæ. Lyrici poetæ dicti sunt qui tales uersus componebant: quales apud nos oratius: apud grecos scripsit pindarus: scilicet ideo lyrici dicti quod tales uersus ad citharam canebantur: ut ipse quoque diuinus dauid psalmographus plaerunque testatur. Laudate eum in psalterio et cithara:Ps 150, 3
(322) Un point m’étonne : pourquoi Arator dit-il que cantica hieremie constare hexametris ("les cantiques de Jérémie sonnaient en hexamètres"), ce à quoi s’oppose le divin Jérôme à qui l’on doit accorder plus de crédit en tant qu’il est parfaitement au fait de ces langues et de toutes leurs possibilités métriques, qu’à Arator qui se déclare ignorant de ce point quand il dit dicunt cantica hieremiæ et dicta quoque lob constare hexametris ("on rapporte aussi que les cantiques de Jérémie et les aproles de Job sonnaient en hexamètres"). illud miror: cur hic arator dicat cantica hieremie constare hexametris: cum contra sentiat diuus hieronymus: cui illarum linguarum et omnis metricæ facultatis consultissimo maior fides adhiberi debet: quam Aratori qui se ignarum eius rei fatetur cum ait: dicunt cantica hieremiæ et dicta quoque lob constare hexametris.ARATOR ad Vigil., 26
(323) Au sujet des paroles de Job lui-même, Jérôme dit comme Arator ; de fait dans le même prologue, il dit : "A partir du début du livre jusqu’aux paroles de Job aux Hébreux, c’est de la prose. Ensuite à partir des paroles de Job où il dit 'que périsse le jour où je suis né' jusqu’au moment où avant la fin du volume il est écrit 'voilà pourquoi je me fais des reproches à moi-même', ce sont des hexamètres répartis en dactyles et spondées, et en raison des particularités de la langue, ces vers regardent aussi vers d’autres pieds qui ne comportent pas le même nombre de syllabes, mais le même nombre de temps". de dictis ipsius lob idem affirmat hieronymus quod Arator. nam in prologo eodem A primo (inquit) uoluminis usque ad uerba lob apud hebreos prosa oratio est. Porro a uerbis lob: in quibus ait: Pereat dies in qua natus sum:Jb 3, 3 usque ad eum locum: ubi ante finem uoluminis scriptum est: lccirco ipse me reprehendo:Jb 42, 26 hexametri uersus sunt dactylo spondeoque currentes: et propter linguæ idioma crebro respicientes et alios pedes: non earundem syllabarum sed eorundem temporum.HIER. praef. Vulg. Iob
(324) Voilà ce que Jérôme a expliqué sur le livre de Job et non sur les cantiques de Jérémie dont il dit qu’ils sont faits de pieds lyriques à la manière d’Horace chez nous et de Pindare en Grèce. Voilà ce que Jérôme a expliqué sur le livre de Job et non sur les cantiques de Jérémie dont il dit qu’ils sont faits de pieds lyriques à la manière d’Horace chez nous et de Pindare en Grèce.
(325) Mais il est bien connu que Pindare et Horace dans leurs poèmes lyriques ne se servent pas d’hexamètres, mais d’autres genres de mètres. Et puisque notre esprit doit être plus enclin à approuver, pour autant toutefois qu’on reste sous le patronage de la vérité, qu’à blâmer, nous pouvons excuser Arator parce qu’il arrive parfois que les vers lyriques admettent des hexamètres avec d’autres genres de mètres comme par exemple Horace : laudabunt alii claram rhodon aut mitylenen ("d’autres vanteront l’illustre Rhodes et Mytilène"). Dans cette ode et dans quelques autres, il y a de nombreux hexamètres. Constat uero pindarum et oratium in carminibus lyricis non uti hexametris sed aliis generibus metrorum. et quoniam esse debemus animo ad probandum quantum licet saluo ueritatis patrocinio: quam ad improbandum propensiore: possumus excusare Aratorem: quia lyrici uersus nonnunquam hexametros admittunt cum aliis generibus metrorum ut oratius: laudabunt alii claram rhodon aut mitylenen.HOR. carm., 1, 7, 1 In qua ode et in aliis quibusdam uersus hexametri multi sunt.
(326) (In origine linguæ) évidemment hébraïque, cela est vrai pour les psaumes et les cantiques de Jérémie ; de fait le livre Job (selon les dires de Jérôme) fait entendre de l’hébreu et de l’arabe et parfois du syrien. (In origine linguæ) scilicet hebraicæ. hoc uerum est de psalmis et canticis hieremiæ: Nam liber lob (ut hieronymus est author) hebraico arabicoque sermone: et interdum syro resonant.
(327) Pour les paroles de Job qui sonnaient en hexamètres, c’est à dire en rythme, comprendre du chapitre 3 au chapitre 41, parce que des chapitres 1 à 3 c’est de la prose et du 41 à la fin également, parfois ils sont marqués de rythmes doux et sonores mais sans être assujettis à la loi du mètre. Dicta autem lob constare hexametris sonis id est numeris a tertio capite usque ad. xli. intellige quia a primo usque ad tertium caput: prosa oratio est: et a quadragesimo primo usque ad finem quoque est prosa. media quandoque hexametris: quandoque rythmis dulcibus et tinnulis sed lege merica solutis distinguntur.
(328) (Hoc tibi magne pater) : il offre et donne en présent son poème à Vigile le pontife romain, à qui il dit qu’il ne donne rien en fait mais s’acquitte d’une dette pour les services et les bienfaits qu’ils a reçus de Vigile. (Hoc tibi magne pater) offert et dat muneri poema suum uigilio pontifici romano: cui se nihil dare dicit: sed debitum soluere pro meritis et beneficiis quæ accepit a Vigilio.
(329) (Munus amoris) autrement dit le présent qui montre l’amour que je te porte ; respice quod soluo ("considère que j’acquitte") ma dette et que je n’ajoute pas un nouveau bienfait, je n’apporte pas quelque faveur, mais je la rends. (Munus amoris) id est munus quod ostendit amorem erga te meum: respice quod soluo debitum: non nouum beneficium accumulo: non fero gratiam sed refero.
(330) (Te duce) il expose les bienfaits de Vigile à son égard en plus de ceux dont il a parlé plus haut. De fait, il dit qu’il est lu alors qu’il est une jeune recrue et novice dans ce genre d’écrit et qu’il tire son autorité de Vigile car il est son chef et ce lui qui approuve son ouvrage. Il y a une antithèse : te duce ("par toi, mon chef"), et mon général, alors que moi je ne me dis que soldat débutant dans ce service, et te magistro ("de toi mon maître"), tandis que tu m’enseignes, disco dogmata ("j’apprends les enseignements"), autrement dit les sentences saintes. (Te duce) declarat beneficia uigilii in seipsum præter ea quæ supra dixit. nam ait se tyronem et in hoc scribendi genere nouitium legi: et authoritatem habere propter uigilium qui sit dux et aprobator sui operis. et est antitheton: te duce et imperatore: ego miles rudis in hac militia legor: et te magistro et docente me: disco dogmata id est sententias sacras.
(331) C’est pourquoi il affirme que, s’il a quelque autorité et s’il connaît les divines lettres, il rapporte tout cela à Vigile de qui il l’a reçu. Itaque affirmat se si authoritatem habeat: si sciat diuinas literas Vigilio referre id totum acceptum.
(332) De fait il ajoute siquid placet ab ore ("s’il sort de la bouche quelque chose qui plaît") évidemment de ma bouche dans ce que j’ai composé et dit, la louange n’est pas pour moi mais pour monitoris ("mon mentor") autrement dit Vigile qui m’a conseillé et enseigné. Ainsi si je suis lu, autrement dit si on lit mon ouvrage et mon poème et s’il va servir de pâture non aux mites et aux cafards mais à l’esprit des savants, si j’apprends, autrement dit si j’ai appris les divines sentences que je distille dans mes vers, en cela ce n’est pas à moi qu’en revient la louange, mais à toi qui a été mon maître, mon mentor et mon chef. Nam subiungit: siquid placet ab ore scilicet meo compositum uel enunciatum: Laus huius non est mea: sed monitoris id est Vigilii monentis et docentis me. Vnde si ego legor id est si opus et poema meum legitur: et non pascit tineas et blatas sed animos doctorum: si disco id est didici sententias diuinas: quas spargo per uersus meos: in his non ego laudabor sed tu qui doctor et monitor fuisti et dux:[7v]