(1470) (CLAVDVS ERAT) : comme le Seigneur augmentait
chaque jour le nombre des fidèles qui mettaient tout en commun, Pierre et Jean,
comme le raconte Luc en Actes 3, montaient au Temple vers la neuvième heure. |
(CLAVDVS ERAT.) Cum dominus fideles omnia inuicem communicantes
quottidie augeret:
petrus et Ioannes ut in.
iii. capite narrat:
Lucas
: ascendebant in templum ad horam
orationis nonam.
|
(1471) Mais un homme qui était boiteux depuis le sein de sa mère et était âgé
de quarante ans était placé chaque jour près de la porte du Temple que l'on
appelait "Belle Porte" afin de demander l'aumône à ceux qui entraient dans le
Temple. |
Quidam uero claudus ex utero matris natus xl. annos ad portam templi quotidie ponebatur quæ dicebatur speciosa: ut peteret elemosynam ab introeuntibus in
templum
.
|
(1472) Donc comme il la lui demandait, Pierre lui dit : "regarde nous"
et comme celui-ci était attentif en espérant recevoir quelque chose, Pierre lui
dit : "de l'or et de l'argent je n'en ai pas, mais ce que j'ai je te le
donne, au nom de Jésus Christ de Nazareth lève-toi et marche". Et, aussitôt guéri,
il entra avec eux dans le Temple, et tout le peuple, qui connaissait parfaitement
le boiteux, plein de stupeur devant un si grand miracle, accourut pour honorer les
apôtres sous le portique que l'on appelait "Portique de Salomon". |
Ei ergo iam roganti dixit petrus: respice in nos. cum is intenderet sperans se aliquid accepturum. Tum petrus
aurum et argentum non est mihi. quod
autem habeo: hoc tibi do. In nomine iesu christi nazareni surge et ambula.ac 3, 6 et protinus sanatus intrauit cum illis in templum: et omnis popu[33v]Ius qui claudum probe cognosceret: plenus stupore tanti miraculi cucurrit ad
apostolos honorandos in porticum quæ
dicebatur salomonis.
|
(1473) Telle est l’histoire que le poète raconte dans sa septième
section ; il y ajoute cependant une claire compréhension de ce mystère, comme
je le dirai en son lieu et place. |
Hanc historiam narrat hic poeta in .vii. sectione: addita tamen huius mysterii
præclara intelligentia: ut dicam suo in loco.
|
(1474) Mais voici d’abord comment il raconte cette histoire. |
historia autem prius narratur in hunc modum |
(1475) (erat claudus ("il y avait un boiteux")) évidemment
dans la ville de Jérusalem, où se trouvaient les apôtres ; cui
("à qui") évidemment le boiteux ; prima dies ("le premier
jour") évidemment celui de sa naissance, quand il naquit ; dedit
exordia ("donna les commencements") autrement dit le début,
uitae ("de sa vie") ; cum strage membrorum
("en même temps que la ruine de ses membres") autrement dit en lui faisant perdre
l’usage des ses membres qui boitaient. |
(erat claudus)
scilicet in urbe hierusalem in
qua erant apostoli:
cui scilicet claudo prima dies scilicet natuitatis
cum natus est:
dedit exordia id est
principium:uitæ:
cum strage membrorum id est
cum damno membrorum claudicantium.
|
(1476) C’était en effet un boiteux de naissance, et il ne pouvait en aucune
manière marcher, mais on le portait, et il était déposé par ses porteurs près des
portes du temple ; claudus ("un boiteux") dis-je,
gerens octo lustra ("comptant huit lustres de vie") autrement
dit quarante ans, car cinq fois huit font quarante, vu que le lustre couvre un
espace de cinq ans. |
Erat enim claudus ex utero matris: et
ipse per se nullo pacto poterat incedere sed baiulabatur: et ad fores templi a gestantibus ponebatur.
claudus dico :
gerens octo lustra id est
xl. annos: quia
quinquies octo .xl sunt: cum
lustrum sit quinque annorum spacium:
|
(1477)
langore coæuo ("avec une faiblesse égale son âge") autrement dit
avec une infirmité qui avait le même âge que lui, autrement dit comme l’infirmité
de sa boiterie avait le même âge que le boiteux lui-même. |
langore coæuo id est
infirmitate coetanea. hoc est cum infirmitas
claudicandi esset eiusdem ætatis cum claudo.
|
(1478) De fait, de même que le boiteux avait quarante ans, son infirmité
aussi avait quarante ans, puisqu’il était boiteux de naissance. |
Nam sicut claudus erat. xl. annorum: ita infirmitas
quoque annorum. xl: cum
claudus natus fuisset ex utero matris.
|
(1479)
ad quem ("auquel") évidemment le boiteux placé la porte du Temple
dite "Belle Porte", Petrus ait ("Pierre dit"), évidemment les mots
qui suivent, évidemment respice ("regarde"), boiteux, vers
nous. |
Ad quem scilicet claudum
positum in porta templi speciosa
dicta:
petrus ait scilicet uerbum sequens scilicet
respice: o claude in nos.
|
(1480) Et Pierre parla ainsi au boiteux comitante Ioanne ("en
compagnie de Jean") autrement dit alors que Jean accompagnait Pierre qui entrait
dans le Temple. |
et hoc dixit petrus
claudo:
comitante ioanne. id est cum ioannes
petrum comitaretur introeuntem in
templum.
|
(1481) (spes ("l’espérance")) évidemment celle qui était née
dans le cœur du boiteux aux paroles de Pierre ; lusit ("s’est
jouée"), autrement dit a trompé ; uotum ("ton vœu") autrement
dit ton désir ; auarum ("cupide") autrement dit de boiteux
cupide et désireux de recevoir l’aumône. |
(spes). scilicet in animo claudi concepta ex uerbo
petri:
lusit id est fefellit
uotum id est
desiderium:
auarum id est claudi auari
et cupidi accipiendæ elemosynæ.
|
(1482) De fait, comme Pierre avait dit "regarde, boiteux, vers nous", le
boiteux a cru que Pierre se préparait à ouvrir sa bourse, pour en tirer une aumône
qu’il lui accorderait. |
nam cum dixisset petrus:
respice o claude in nos: credidit claudus petrum parare crumenam: ut inde ei
elemosynam largiretur.
|
(1483) Mais cette espérance s’est jouée de son vœu et de son désir
excessivement avide de recevoir une aumône, parce que Pierre dit au boiteux :
"de l’or et de l’argent je n’en ai pas" ; mais pourquoi n’attendrais-tu pas
d’un homme aussi pauvre que toi, voire même plus pauvre, une aumône ? |
Sed hæc spes ludificata est uotum et desiderium ipsius nimis
auidum accipiendæ elemosynæ. quia petrus dixit claudo:
aurum et argentum non est mihiac 3, 6 quid non expectes ab homine tam paupere quam tu es: imo paupere magis elemosynam.
|
(1484) Voilà pourquoi Arator ajoute cumque negat ("et quand il
refuse") autrement dit quand Pierre refuse au pauvre boiteux une aumône en
disant : "de l’or et de l’argent je n’en ai pas", parat ("il
prépare") évidemment Pierre, meliora ("des biens meilleurs")
autrement dit des réalités meilleures que l’aumône, l’or et l’argent, évidemment
la santé qu’aussitôt il lui apporta au nom de Jésus de Nazareth. |
ideo subdit (Cumque
negat ) id est petrus cum
negat pauperi claudo elemosynam dicens:
aurum et argentum non est mihi:ac 3, 6
parat scilicet petrus
meliora id est res meliores
elemosyna et auro et argento scilicet sanitatem:
quam statim contulit in nomine Iesu
nazareni.
|
(1485) Or la santé est un bien dont la valeur dépasse tout prix. |
Est autem sanitas quolibet precio preciosior.
|
(1486) (quam sæpe ("combien souvent")) description pleine de
finesse d’un boiteux qui passe de l’espérance au désespoir, et qui, pour finir,
reçoit, au-delà de l’espérance qu’il avait conçue, la santé ; quand Pierre en
effet lui dit : "regarde", il espéra obtenir une aumône, mais quand il lui
rétorqua "de l’or et de l’argent je n’en ai pas", il désespéra. |
(quam sæpe)
acuta descriptio claudi modo spem: modo
desperationem concipientis et tandem consecuti sanitatem super spem: quam conceperat. cum enim
dixit petrus:
respice: sperauit se consecuturum elemosynam: cum
rursus inquit:
aurum et argentum non est mihi:ac 3, 6 desperauit.
|
(1487) Et pourtant ce boiteux qu’accablait et oppressait un tel désespoir, la
santé vint faire sa joie ; il ne l’espérait pas, car elle dépassait son
espérance, puisque c’était un miracle qui ne pouvait lui être procuré sans l’aide
du Ciel et de sa puissance. |
Et tamen ipsum claudum desperatione tali grauatum et pressum
lætificauit sanitas: quam ille non sperauerat: quæ erat supra spem: cum
esset res mirabilis: nec parari nisi cœlesti numine
posset.
|
(1488) Voilà bien une maxime universelle et générale et qui s’adapte
parfaitement au sujet. |
Est autem sententia catholica: et
generalis: et accommodatissima rei propositæ.
|
(1489) (Desperata ("des désespoirs") autrement dit des choses
désespérées ; quam saepe ("combien souvent") autrement dit
combien fréquemment ; iuuant ("secondent") autrement dit
aident, grauatos ("des accablés") autrement dit des gens
opprimés ; ici le boiteux était opprimé par la souffrance, en raison de son
désespoir, mais, au moment même de ces tristes débuts faits d’un si grand
désespoir, il y avait à deux pas et déjà tout proches la prospérité et l’immense
joie de la santé, qui a aussitôt succédé à ce désespoir. |
(Desperata) id
est res desperatæ:
quam sæpe id est quantum
frequenter:
iuuant id est adiuuant:
grauatos id est oppressos
: modo hic claudus per desperationem erat
pressus molestia: sed sub his principiis moestis
tantæ desperationis: erat in confinio et iam in
proximo prosperitas et læticia maxima sanitatis: quæ
statim secuta est post illam desperationem.
|
(1490) Et voilà pourquoi il continue (et prosperitas uenit ad
uota ("et la prospérité vint seconder ses vœux")) autrement dit, selon
ce que nous désirions, la bonne fortune est venue avec sa prospérité ; je
parle d’une prospérité nata semine ("née d’une semence") autrement
dit d’un prémice, malo ("mauvais") autrement dit contraire ;
et c’est une prosperitas coelans confinia laeta ("une prospérité
qui cache d’heureux confins"), autrement dit voilant et dissimulant sous des
prémices maestis ("tristes") autrement dit funestes,
confinia laeta ("d’heureux confins"), autrement dit une
prospérité heureuse située dans un terme proche et voisin de ces funestes
prémices. |
et ideo subdit: (et prosperitas uenit ad uota). id est secundum nostra desideria uenit bona
fortuna et prospera: prosperitas dico nata semine id est
principio:
malo id est contrario: et prosperitas coelans confinia læta id est obumbrans et
abscondens principiis
moestis id est tristibus:
confinia læta id est lætam
prosperitatem in propinquo termino et uicino illis tristibus principiis.
|
(1491) Et il faut comprendre cette sentence de manière générale, évidemment
parce que la plus grande joie rejaillit la plupart du temps d’une grande
tristesse, comme par exemple, si nous disions ce mot du Christ chez Luc : "ne
fallait-il pas que le Christ souffre et ainsi entre dans sa gloire ?". |
Et generaliter est intelligenda sententia: quia scilicet læticia maxima ex magno moerore plaerumque
redundat. ut exempli gratia: si diceremus illud christi apud lucam:
nonne haec oportuit pati christum et ita intrare in gloriam
suam?
Lc 24, 26
|
(1492) En effet, bien que, selon la volonté préexistante du Père, et pour
l’exaltation du Christ et la rédemption du genre humain ainsi que pour
l’accomplissement des Ecritures, il fallait que le Christ souffre ; cependant
sa gloire resplendit plus clairement et il en apparut une joie grande, après le
déshonneur de cette tromperie ignominieuse et l’amertume de cette mort très
douloureuse ; et les apôtres n’auraient pas éprouvé le miel si doux de la
résurrection si ne l’avait pas précédé le fiel de la croix la plus amère. |
quamuis enim et propter patris praeordinationem. et christi exaltationem: et humani
generis redemptionem: et scripturarum impletionem
oportuit pati christum: tamen illa gloria clarius
refulsit et illud gaudium maius apparuit: post
ignominiosae illusionis dedecus et acerbissimae mortis absynthium necnon tam
dulces resurrectionis fauos:
[34r] persensissent apostoli: nisi crucis
amarissimae fel antecessisset.
|
(1493) Ce qui fait dire à Jean : "les disciples se réjouirent en voyant
le Seigneur", et Luc dit aussi :" ils n’y croyaient pas encore et
s’étonnaient en étant pleins de joie". |
Vnde loannes:
gauisi inquit sunt discipuli uiso domino.Jn 20, 20 Et Lucas
adhuc inquit illis non credentibus et mirantibus præ gaudio .Lc 24, 41
|
(1494) Arator a donc bien raison de dire que la prospérité est née de
principes sinistres et d’une semence contraire. |
Recte ergo arator dicit
prosperitatem natam a principio sinistro et aduerso semine.
|
(1495) De même, en effet, que l’arbre naît de la semence, ainsi d’une grande
tristesse naît une grande joie. |
Vt enim ex semine nascitur arbor: ita ex
magno moerore magnum oritur gaudium.
|
(1496) De même ici le boiteux a espéré, puis, quand Pierre a dit qu’il
n’avait ni or ni argent, a désespéré et a été accablé de tristesse, et pourtant la
santé, qui était pour lui le sommet de la prospérité, est venue bientôt
conformément à ses vœux et à son désir ; cette santé cachait ses confins et
sa proximité sous des prémices qui poussaient au désespoir. |
Sicut hic claudus sperauit. mox negante
petro se aurum et argentum
habere: desperauit tristicia grauatus: et tamen sanitas quæ illi erat maxima
prosperitas: uenit mox ad uota et desiderium: quæ sanitas coelabat confinium et uicinitatem
principiis desperationis.
|
(1497) Quant à ce que les physiciens pensent de la conjonction des contraires
que l’on trouve dans la nature et en nous, pourquoi toujours dans des moments
joyeux passe quelque inquiétude, pourquoi dans les moments d’inquiétude quelque
joie, de sorte qu’il n’existe pas vraiment de pureté ni dans le plaisir ni dans la
tristesse, puisqu’ "il n’est pas de rose sans épine, ni de miel sans fiel", je
l’ai dit dans la Relectio de uerbis obliquis. |
Quid autem physici sentiant de coniugatione contrariorum quæ in
rerum natura ac nobis inuenitur: cur semper lætis
aliquid sollicitum interuenit: cur sollicitis
lætum: ut nulla sit plane sinceritas uel in
uoluptate uel in mœrore: quoniam ubi uber ibi tuber
sit: ubi mel ibi fel:
dixi in relectione de uerbis
obliquis.
|
(1498) En effet, le mot d’Homère n’est pas qu’une invention de poète :
il décrit devant le seuil de Jupiter, deux amphores pleines, l’une de miel,
l’autre de fiel ; et aucun homme ne peut recevoir purement de l’une sans
l’autre, mais les deux se mêlent et se marient ; cela, nous dit-il, est vrai
non seulement de la vie humaine, mais aussi de la nature ; tantôt elle est
une mère, tantôt une marâtre, on le voit bien partout, parfois elle est indulgente
et douce mais cependant pas partout, parfois elle est sauvage et hostile, mais
sans être cependant totalement dépourvue auparavant de tous les avantages. |
Nec enim illud Homeri uatis plasma: quo
fingit ante iouis limen duo esse
dolia plena: alterum mellis alterum fellis: nec ulli hominis dari alterum sine altero purum: sed mixtum in coniugio:
illud inquit non tamtum uerum in uita hominum sed et in natura rerum: quæ modo mater modo nouerca ubique terrarum
uisitur: quandoque indulgens et blanda non tamen
ubique: quandoque sæua et infesta non ante
omnino omnibus commodis spoliata.
|
(1499) (Gaudebit ("il se réjouira")) egenus
("le nécessiteux") autrement dit le pauvre, évidemment, le boiteux ;
plus gaudebit meruisse manu uacua ("il se réjouira plus d’avoir
obtenu d’une main vide") évidemment le bien de la santé, alors même que la main
est vide d’aumône ; autre interprétation de gaudebit egenus
meruisse ("il se réjouira, le nécessiteux, d’avoir obtenu") évidemment
le bien de la santé, plus ("plus") ce qui est plus et plus grand
manu uacua ("d’une main vide") que d’une main pleine. |
(Gaudebit.) egenus id est pauper scilicet
claudus:
plus gaudebit: meruisse manu uacua scilicet bonum sanitatis cum
manus sit uacua elemosynæ. uel aliter gaudebit claudus:
meruisse scilicet bonum
sanitatis:
plus quod plus est: et maius uacua manu quam manu plena.
|
(1500) De fait, s’il avait eu la main emplie d’or et d’argent, puisque Pierre
lui aurait donné l’aumône, il n’aurait pas obtenu autant que ce qu’il a obtenu
alors sans recevoir aucune aumône et la main vide, car c’est bien plus important
de rendre la santé en laissant la main vide, que d’avoir la main pleine d’or en
gardant son infirmité. |
nam si manum plenam auro uel argento habuisset dante elemosynam
petro: non
tantum consecutus fuisset: quam tum consecutus fuit
nulla accepta elemosyna et manu uacua. quia pluris
est facienda sanitas manu uacua: quam manus plena
auri manente infirmitate.
|
(1501) Voilà pourquoi le poète ajoute : qui ("lui qui")
évidemment le boiteux, poscens munera ("demandant des cadeaux")
autrement dit demandant à Pierre le don de l’aumône, est datus («a
été donné") évidemment le boiteux, sibi ("à lui-même"), autrement
dit le boiteux a été restitué à lui-même par Pierre. |
ideo addit poeta:
qui scilicet claudus:
poscens munera id est dona
elemosynæ a petro:
est datus scilicet claudus
sibi id est restitutus
sibi a petro est ipse claudus.
|
(1502) Il y a là une amplification artistement faite qui met l’emphase sur le
présent donné par Pierre au boiteux lui-même. |
Et est amplificatio artificiosa exaggerans munus datum a
petro ipsi claudo.
|
(1503) De fait, même si nous portons aux nues l’or, l’argent et tous les
autres dons de ce monde, nous faisons cependant plus de cas de nous-mêmes. |
Nam licet aurum et argentum cætera dona huiusmodi magni
faciamus: pluris tamen facimus nos ipsos.
|
(1504) A quel prix, donc, nous estimons-nous nous-mêmes ? Bien plus que
l’or ! Ainsi, Pierre a apporté au boiteux un don plus grand que tous les
autres qui lui faisaient l’aumône. |
quanto ergo maioris nos ipsos quam aurum æstimamus: tanto maius donum petrus claudo contulit quam cæteri elemosynam tribuentes.
|
(1505) Mais comment Pierre a-t-il rendu le boiteux à lui-même : il est
extrêmement facile de le voir. |
Sed quomodo petrus claudum
restituit sibi : id uidere perfacile est.
|
(1506) De fait, le boiteux ne s’appartenait plus, puisqu’il ne pouvait
utiliser ses membres pour marcher, puisqu’il fallait le dos d’un autre pour le
porter, puisqu’il était sous l’esclavage de sa maladie, privé de toute
liberté. |
Nam claudus non erat suus: cum suis
membris non incederet: cum alieno uectaret dorso. cum esset sub mancipatu ægritudinis: expers libertatis.
|
(1507) Or Pierre fait qu’il s’appartienne à lui-même, il le donne à lui-même
et le restaure en lui donnant la santé ; cela fit qu’il pouvait commander à
lui-même et à ses membres, en sorte qu’il était libre du joug de la boiterie et
n’avait plus besoin de l’aide d’autrui. |
petrus autem illum suum fecit: eum sibi dedit: et
restituit data sanitate: qua factum est ut sibi
imperaret et suis membris: ut esset liber a iugo
claudicationis: ut non alieni egeret auxilii.
|
(1508) (Nulla hic mihi uena ("je n’ai ici nul filon")) Arator
revient à son récit qu’il a partagé en intercalant une digression pour amplifier
le présent donné par Pierre. |
(Nulla hic mihi
uena
.) Redit ad historiam: quam
diuisit interposita digressione amplificante munus datum a petro.
|
(1509) Ainsi d’ailleurs Lucain utilise souvent l’insertion, car il est rare
qu’il tisse tout d’une pièce son poème d’un fil continu. Ainsi dans iamque
iræ patuere deum manifestaque belli signa dedit mundus ("déjà les
colères des dieux se montrèrent, et le monde donna des signes évidents de la
guerre"), très rapidement il coupe le fil de la narration en disant Cur
hanc tibi rector olympi ("pourquoi pour toi, maître de l’Olympe
cette...") etc. ; à cette manière d’écrire, comme nous l’avons dit, Arator
s’est tenu en bon émule de Lucain ; si vous ne le remarquez pas avec soin, ce
sera partout une pierre d’achoppement, comme si vous marchiez dans les
ténèbres. |
Ita sane lucanus
frequenter commate utitur: continuo ductu haud
semper carmen texens. Vt iamque iræ patuere deum: manifestaque
belli signa dedit mundus.LVCAN. 2, 1-2 mox filum historiæ abrumpit cum ait:
Cur hanc tibi rector olympi et. c.
LVCAN. 2, 4 Hunc autem scribendi morem (ut supra diximus) tenuit Arator
Lucani æmulus: quem nisi diligenter obserues: passim
offendes perinde ac si in tenebris ambulares.
|
(1510) Voilà donc, je l’ai dit une fois pour toutes et une fois pour toute je
l’ai fait remarquer à votre attention, mais il y aura plus d’une fois où cela sera
utile quand vous trébucherez sur l’explication de nombreux vers. |
Hoc ergo semel dictum: et semel mente
uigili animaduersum: non semel proderit in
explanatione multorum uersuum titubantibus.
|
(1511) Peu auparavant, le poète a dit ad quem comitante ioanne respice
petrus ait ("à qui, en compagni de Jean, Pierre dit : ‘regarde’")
et, puisque le boiteux a regardé, on fait maintenant le lien avec le récit. |
Dixit poeta paulo ante:
ad quem comitante ioanne respice
petrus ait:
et cum claudus respexisset. connectitur
historia modo.
|
(1512) (respondit ("il répondit")) Pierre évidemment, et non
aux paroles du boiteux, puisque le boiteux n’a rien dit, mais à son intention et à
son espérance. |
(respondit)
scilicet petrus non uerbis claudi: cum claudus nullum uerbum dixerit: sed eius intentioni et spei.
|
(1513) En effet, le boiteux espérait qu’il recevrait une aumône de Pierre,
soit une pièce d’or, soit d’argent ; à cette espérance, Pierre répondit en
disant hic ("ici") évidemment sur moi, nulla uena
("nul filon") autrement dit rien qui ne puisse contenir, nul canal souterrain ou
fluvial ; metalli ("de métal") autrement dit abondant en
métal, or ou argent, quae ("qui") évidemment le filon de métal,
fundat ("puisse verser") autrement dit répandre en
abondance ; opes ("des biens") autrement dit des richesses
évidemment pour moi, à partir desquelles je pourrais t’accorder une aumône,
autrement dit "je n’ai rien", ego pauper ero ditior ("moi, pauvre,
je serai plus riche") autrement dit plus opulent, aegro ("qu’un
malade") évidemment que toi et qu'un boiteux comme toi, comment non ? |
sperabat enim claudus se accepturum elemosynam a petro: uel aureum
nomisma: uel argenteum:
huic spei respondit petrus dicens:
hic scilicet apud me:
nulla uena scilicet est: id est nullum conceptaculum: nullus meatus uel subterraneus uel fluuialis:
metalli id est abundans
metallo auro uel argento:
quæ scilicet uena
metalli:
fundat id est abunde
spargat:
opes id est diuitias: scilicet mihi. ex quibus
possim tibi largiri elemosynam. hoc est ego nihil
habeo.
Ego pauper:
ero ditior id est locupletior:
ægro scilicet te et
claudo: quid minime:
|
(1514) Autre interprétation : ego pauper ero ditior ægro
("moi pauvre, je serai plus riche qu’un malade") évidemment dans la mesure où je
suis en bonne santé et toi malade, et dans la mesure où, au nom de Jésus, je
t’offre la santé ; de fait, cela je le possède ; en outre, dans ce que
tu veux et désires, je ne suis pas plus riche parce que je n’ai pas d’or, ni
d’argent, ni d’aucun autre métal, comme nous l’a commandé le Seigneur en
disant : "n’ayez pas d’or, ni d’argent, ni de monnaie dans vos
ceintures" ; comme Pierre avait dit cela, le boiteux était privé de son
espérance et accablé de désespoir, pensant que Pierre n’avait rien de plus à lui
donner. |
uel aliter ego pauper
ero ditior ægro. si quatenus sanus sum
et tu æger: et quatenus in nomine lesu sanitatem
tibi pæsto: nam hoc habeo.
Cæterum in eo quod tu uis et speras: non sum
ditior: quia non habeo aurum: non argentum: non ullum metallum ut
præcepit nobis dominus dicens.
nolite possidere aurum. nec argentum nec
pecuniam in Zonis uestris.Mt 10, 9 hoc cum dixisset petrus: claudus deiectus a spe:
erat grauatus desperatione: putans nihil amplius
habere petrum quod ei daret.
|
(1515) D’où ce qui a été dit plus haut desperata iuuant ("des
desespoirs secondent") autrement dit aident, grauatos ("les
accablés") autrement dit, au-delà de l’espérance et souvent inopinément, des
situations désespérées se rétablissent. |
Vnde supra dictum est:
Desperata iuuant. id est adiuuant grauatos id est preter spem et
inopinato subleuantur sæpe desperatæ res.
|
(1516) Ainsi par exemple, Moïse, quand il avait décidé de prendre la fuite,
fut le gardien des brebis d’autrui ; mais le même Moïse fut tiré d’une si
grande abjection pour s’élever tellement qu’il se trouva comme un égal devant le
roi dont, peu auparavant, il avait été l’esclave et fut placé à la tête de six
cent mille personnes, devint fameux dans toutes les nations, lui qui auparavant
n’était connu que d’une personne et ne commandait qu’à des brebis, et pour finir,
lui qui était privé de liberté et nécessiteux, devint le garant et le vengeur de
celle d’autrui. |
Vt uerbi gratia:
moses cum fuga sibi consuluisset: pauit alienas oues. Idem
tamen a tanta abiectione erigitur mirabiliter adeo:
ut ei regi tanuam par obiiceretur cui nuper seruierat: et sexecentis hominum millibus præficeretur: omnibus illustris gentibus: qui paulo
ante uni notus ouibus præerat. ac postremo qui suæ
libertatis erat indigus egensque fit alienæ assertor ac uindex.
|
(1517) Il semble donc bien que la prospérité de Moïse naquit d’une semence
contraire et funeste comme le dit Arator. |
Videtur nimirum mosis
prosperitas fuisse aduerso et sinistro nata semine ut ait Arator.
|
(1518) Et si nous voulons convoquer aussi les exemples d’un peuple païen dans
ce commentaire, quelle nation pourra-t-on nommer qui se soit tenue plus loin de
tout espoir de salut que le peuple romain lors de la deuxième guerre
punique ? Il fut frappé au Tessin, abattu à la Trébie, brisé à Trasimène, et
pour finir anéanti et foulé aux pieds à Cannes ; alors qu’il était ainsi
gisant à terre, de si tristes prémices, il fut conduit à une issue victorieuse et
extrêmement prospère dans la victoire qu’il obtint à Zama. |
Quod si uolumus prophani quoque populi exempla asciscere in hanc
relationem: quam gentem dicet aliquis abiisse ab
omni salutis spe longius quam romanam secundo punico bello? quæ ad Ticinum concussa
: ad trebiam perculsa: ad Trasimenum fracta: ad cannas denique
afflicta et proculcata cum iaceret: tam moestis
principiis ad exitum uictoriæ ad Zamam
partæ prosperrimum producta est.
|
(1519) Ainsi donc, d’un très grand désespoir, il échoit le plus souvent pour
le bonheur des gens une joie inattendue, immense, inespérée. |
Ergo ex maxima desperatione inopinatum gaudium: ingens: insperatum hominibus plærumque
contigit.
|
(1520) Ainsi également notre boiteux désespérait déjà quand Pierre lui disait
nulla hic mihi uena metalli ego ditior ægro pauper ero ("je
n’ai ici aucun filon de métal et moi pauvre je serai plus riche qu’un malade") que
ce soit sur le mode interrogatif ou affirmatif comme je viens de
l’expliquer. |
lta quoque claudus hic iam desperans cum diceret petrus:
nulla hic mihi uena metalli ego
ditior ægro pauper ero. uel per
interrogationem: uel per affirmationem ut paulo
ante exposui.
|
(1521) Et qu’on n’aille pas s’étonner que, dans ce commentaire, je fasse ce
qui est commun à tous les commentateurs, dont le souci principal est de passer en
revue les divers sens sans s’en tenir à un seul avis, afin que chacun choisisse
(comme dans un dîner aux services variés) ce qui flatte le plus son palais. |
nec miretur quisquam me in hac interpretatione id agere: quod omnibus est commentatoribus commune: quibus præcipuum studium est per diuersos sensus
uagari: nec unam sententiam recensere: ut quisque id eligat (quemadmodum in coena uarie
instructa) quod suum magis irritat palatum.
|
(1522) En effet, tout le monde n’a pas le même goût ; chacun a son
propre palais. |
nec enim idem omnibus gustus est: sed
suum cuique palatum.
|
(1523) Du moins, nous voyons que cette méthode est familière à Origène,
illustre commentateur des divines lettres : sur le même sujet, il fournit au
lecteur une copieuse matière à réflexion, en fournissant des commentaires
différents et variés. |
Certe origeni uiro claro
in enarrandis diuinis litteris familiare hoc esse uidemus: ut eadem de re variis disserendis sententiis lectori copiosam
cogi[34v]tandi materiam subministret.
|
(1524) Cela fait que même de choses fausses, qui pourraient éventuellement
être dites, nous tirerons quelque vérité dont la compréhension nous est ouverte,
non par notre peine mais par l’erreur d’un autre. |
Quæ res facit ut ex iis: quæ fortassis
non uere dicuntur: aliquid ueri eruamus: ad cuius intelligentiam non noster labor: sed alienus error nobis aditum patefecit.
|
(1525) En effet (comme l’a admirablement dit le Stagirite au livre 2 de la
Métaphysique), s’il n’y avait pas eu Timothée nous n’aurions pas
autant progressé en musique, et si avant lui il n’y avait pas eu Phrynis, Timothée
n’aurait pas atteint le niveau qui fut le sien. |
Nec enim (ut præclare dixit stagyrita philosophus in.
ii. ton meta ta
physica libro) si timotheus non
fuisset tantum in musicis promouissemus. Et
si phrynis non
antecessisset: non tantus timotheus euasisset.ARIST. Metaph., 2, 993b
|
(1526) Voilà pourquoi il est juste que tous ceux qui lisent nos présentes
remarques (quelles qu’elles soient) recherchent ce qui est bon, même si en tout
nous n’atteignons pas notre but, et ne parvenons pas partout à la fine pointe de
la vérité, frappant une cible lointaine de coups variés ; de fait, de cette
abondance de significations, il y aura en abondance de quoi exercer et affiner
l’esprit des doctes et peut-être, à partir de nos conjectures, finira-t-on par
arriver à la vérité. |
Quare par est cunctos: qui nostra hæc
legunt (qualiacunque sint) boni consulere: etiamsi
scopum in cunctis non attingamus: nec ad ueritatis
calcem ubique perueniamus: uariis ictibus propinqua
loca ferientes. Nam ex hac copia sensuum: fiet copia doctis uiris ingeniorum exercendi
exacuendique. et fortasse ad ueritatem ex
nostris coniecturis tandem peruenietur.
|
(1527) En effet Arator est un auteur particulièrement obscur et entouré
partout de ténèbres et de zones d’ombres. |
Est enim Arator eximie
obscurus: et tenebris et caligine undique
circunfusus.
|
(1528) Mais revenons à notre affaire. |
Sed iam ad rem.
|
(1529) (Progressus ubi ("quand se mettant à marcher") :
voici l'ordre ubi ("quand") autrement dit après que ;
exiuit medicina potens ("sortit une puissante médecine")
autrement dit efficace pour guérir le boiteux ; de uoce
iubentis ("de la voix de celui qui ordonnait") évidemment celle de
Pierre, pour que le boiteux se lève et marche. |
(Progressus
ubi. ) ordo est.
ubi id est postquam:
exiuit medicina potens id
est efficax ad sanandum claudum:
de uoce iubentis scilicet
petri claudo ut surgeret et
ambularet.
|
(1530) Pierre dit en effet au boiteux : "au nom de Jésus de Nazareth,
lève-toi et marche". |
dixit enim petrus claudo
in nomine Iesu nazareni
surge et ambula.ac 3, 6
|
(1531)
ueteranus ("le vétéran") autrement dit le vieux, évidemment le
boiteux dans son infirmité ; progressus ("se mettant à
marcher") évidemment dit autrement s'avança, et fit un pas ;
atque est mis pour et ;
ueteranus ("et le vétéran") cum uixere pedes
("lorsque ses pieds se mirent à vivre") évidemment ses pieds à lui le boiteux,
gressu hospite ("recevant comme hôte la marche") autrement dit
en s'avançant d'un pas qui lui était étranger, et d'une marche qui auparavant lui
demeurait étrangère. |
ueteranus id est uetus
scilicet claudus in infirmitate:
progressus scilicet est id
est processit et gressum mouit: atque pro et
ueteranus cum uixere pedes
scilicet illi:
gressu hospite id est
peregrino incessu et ambulatione antea illi extranea.
|
(1532) Il avait, en effet, auparavant des pieds morts à cause de son
infirmité, car ils ne lui servaient à rien pour marcher. |
habebat enim prius mortuos infirmitate pedes: quippe qui gressui essent inutiles.
|
(1533) Lors donc que pour lui uixere pedes ("ses pieds se
mirent à vivre") relinquens cunabula ("délaissant son berceau")
autrement dit son lit d'enfant, autrement dit son grabat, au sens
métaphorique : en effet il était porté sur un grabat, comme un bébé dans son
berceau est porté en raison de son incapacité à marcher. |
cum ergo ei uixere
pedes:
relinquens cunabula id est
cunas hoc est grabatum: metaphorice. uehebatur enim grabato sicut infans cunis ob
infirmitatem baiulatur.
|
(1534) Il parle de cunabula longa ("long berceau") parce que
le boiteux était désormais un homme fait, et, pour lui, le berceau n'avait pas
servi qu'un peu de temps comme pour les enfants, mais longtemps. |
cunabula longa dicit: quia erat iam uir integer claudus: nec ei cunæ breues: quales
infantium sunt: congruebant:
sed longæ.
|
(1535) (ueteranus ("le vétéran")) relinquens cunabula
longa calcauit humum ("laissant son long berceau foula le sol")
autrement dit appuya fermement ses pieds par terre, comme un homme en bonne santé
et materies prisca ("une ancienne matière") autrement dit ce
corps qui avait vieilli dans l'infirmité ; mouet se ("se
déplace") évidemment sur ses propres pieds sans être déplacée par d'autres. |
(ueteranus)
relinquens cunabula longa
calcauit humum id est terram pressit firmiter utpote sanus. et materies prisca id est corpus illud antiquum in infirmitate:
mouet se scilicet suis
pedibus non mouetur ab aliis:
|
(1536) Voilà pourquoi il dit mouet se plantis nouellis ("il se
déplace sur des pieds nouvelets") autrement dit affermis par la nouvelle
médecine ; on prend la partie pour le tout. |
ideo ait mouet se
plantis nouellis id est noua medicina firmatis: et ponitur pars pro toto.
|
(1537) Le mot planta désigne le dessous du pied ; on peut
soit le prendre au sens propre et c'est nouellis ("nouvelets")
diminutif de nouveau, ou alors nouellis ("nouvelets") veut dire
nouvellement nés pour la marche à laquelle ils n'étaient pas aptes
auparavant. |
planta enim pars est ima pedis. uel accipe proprie.
nouellis id est nouis sed
per dimnutionem. uel nouellis id est nouiter natis ad gressum: cui non erant prius apti.
|
(1538) (Cui ("Elle pour qui")) évidemment la matière ancienne,
autrement dit le corps ancien, incessus ("la progression")
autrement dit la marche donnée par la parole de Pierre, protulit
("mit en avant ») autrement dit montra, cursu præpete ("par une
course précipitée") autrement dit il volait et allait vite,
quicquid ("tout ce que") autrement dit toute chose que,
ortus ("l'origine") autrement dit la naissance du boiteux,
non edidit ("ne révéla pas") autrement dit ne montra pas. |
(Cui) scilicet
materiæ priscæ id est corpori ueteri.
incessus id est gressus
datus uerbo petri:
protulit id est ostendit:
cursu præpete id est
uolucri et celeri:
quicquid id est omne illud
quod.
ortus id est natiuitas
claudi:
non edidit id est non
monstrauit.
|
(1539) Voilà une sentence pleine de subtilité ; de fait, lorsque le bébé
naît, il n'a pas la chance de s'avancer et de marcher praepete
cursu ("par une course précipitée"), ni rapidement, mais, peu à peu, il
passe d'une marche infirme à une marche plus ferme. |
Est autem sententia plena acuminis. Nam
cum nascitur infans: non praepete cursu: nec
ceIeriter ei contingit incedere et ambulare: sed
paulatim ab infirmo incessu transit ad firmiorem.
|
(1540) Mais, pour notre boiteux, ortus ("l'origine")
n'apporta, jusqu'à ce qu'il ait quarante ans, rien qui lui permît de
marcher. |
At huic claudo ortus nihil contulit usque ad annum quadragesimum ut
ambularet.
|
(1541) C'est donc alors que incessus ("la progression") donnée
par la parole de Pierre, non pas peu à peu comme cela arrive aux bébés, mais
praepete cursu ("par une course précipitée"), autrement dit en
un instant et soudain, selon le mode d'action habituel de la puissance divine,
protulit ("révéla") au boiteux quicquid ("tout ce
que"), depuis son origine et sa naissance et jusqu'à ses quarante ans, il n'avait
pas vu en lui, et que pour lui ortus ("l'origine") n'avait ni
révélé ni montré. |
Tunc ergo incessus datus uerbo petri: non paulatim ut contingit
infantibus: sed praepete cursu id est in momento temporis
et repente quemadmodum diuina uirtus agere solet:
protulit claudo quicquid ab ortu et genesi sua
ad quadragesimum usque annum in se non uiderat: nec
id unquam ortus ei ediderat
et monstrauerat.
|
(1542) On peut en effet rapporter la course précipitée à la rapidité du
boiteux qui, recouvrant admirablement la santé, ne se contente pas de s'avancer,
mais, de manière hyperbolique, vole, autrement dit marche d'un pas extrêmement
rapide. |
Potes etiam referre cursum præpetem ad claudi celeritatem: qui egregie sanus non incessu: sed hyperbolicos uolatu id est ocyssimo gressu uteretur.
|
(1543) (stat facti manifesta ("l'évidence de ce fait est
assurée")) parce que le boiteux bondit et entra avec Pierre et Jean dans le
Temple, en marchant et en louant Dieu, et "tout le peuple le vit marcher et louer
Dieu ; car ils le connaissaient, puisque c'était celui-là même qui se tenait
assis près de la Belle Porte pour mendier" comme le dit Luc. |
(stat facti
manifesta.) quia exiliens claudus
intrauit cum petro et loanne in templum ambulans et
laudans deum. et uidit omnis populus eum ambulantem et laudantem deum. cognoscebant enim illum: quoniam ipse erat qui ob elemosynam sedebat ad
speciosam portam
ac 3, 9-10 ut ait lucas.
|
(1544) Donc fides facti ("la véracité du fait") autrement dit
de ce miracle, stat manifesta ("à l'évidence est assurée") pour
tout le peuple. |
ergo fides facti
id est illius miraculi:
stat manifesta cuncto
populo.
|
(1545) (Sed et altera ("mais une autre aussi")), ici, après
avoir fini de raconter l'histoire du miracle, il propose le sens mystique caché
dans la figure de ce boiteux et dans sa guérison, et montre ce que nous devons
comprendre au sens allégorique à travers ce boiteux, la durée de quarante ans, la
Belle Porte et ceux qui portaient le boiteux. |
(Sed et
altera.) hic enarrata historia
miraculi: proponitur mysterium latens in hoc
claudo: et sanatione eius: ostenditque quid per claudum allegorice intelligere debeamus: et tempus. xl.annorum et portam speciosam: et baiulantes
claudum: etc.
|
(1546) Arator annonce donc (sed et altera res ("mais une autre
réalité aussi") évidemment) mystique, aperit nobis ("nous ouvre")
évidemment le mystère, quod gerit ("que porte") autrement dit
révèle, causa ("la cause") autrement dit la raison de la boiterie,
et ces causes et raisons se relient à la boiterie du peuple d'Israël, la durée à
la durée, et la porte à la porte, comme nous allons le dire ; il est en effet
indispensable de savoir d'abord quelques détails, de la connaissance desquels
dépend notre compréhension du texte. |
proponit ergo poeta (sed et altera res scilicet)
mystica:
aperit nobis scilicet
mysterium:
quod geritid est præ se
fert:
causa id est ratio
claudicationis: quæ causa et ratio conuenit cum
claudicatione populi
israelitici: et tempus cum tempore: et porta cum porta ut mox dicemus. oportet enim quædam prius sciri: ex quorum notione sequentium pendet intelligentia.
|
(1547) En premier lieu, le peuple d'Israël tire son nom d'Israël ; cela
est bien connu comme nous le lisons dans la Genèse. |
ac principio lsraeliticam
gentem dici ab israele
notum est ut in genesi legimus.
|
(1548) Celui-ci, qui craignait l'arrivée de son frère Esaü, comme il avait
quitté la Mésopotamie à l'insu de Laban, son beau-père, et retournait vers Isaac,
son père, en terre de Canaan et devait passer par les possessions de son frère
Esaü, Jacob donc, redoutant Esaü qui était extrêmement féroce, en raison de sa
situation d'aîné et des bénédictions qui lui avaient été assurées, et sur lequel
il était tombé, lui envoya des messagers pour l'apaiser et, devant les eaux, ils
organisèrent une entrevue. |
Qui timens aduentum fratris sui
Esau: cum
relinqueret mesopotamiam inscio
laban socero suo: et pergeret ad isaac patrem
suum in terram canaam: et iter per loca fratris sui esau esset facturus.
timens ergo Iacob præferocem Esau propter primogenita et benedictiones sibi
assertas: offensum:
misit ei nuncios quibus placaretur: ante aquam in
mutuum colloquium uenirent.
|
(1549) Après avoir fait franchir à tout le monde le gué du Iabok, Jacob
demeura seul pour pouvoir mieux s'acquitter de ses prières. |
Traductis autem omnibus ultra uadum iaboch: mansit solus lacob ut melius precibus uacaret.
|
(1550) Et voici qu'un homme lutta avec lui jusqu'au matin ; cet homme
peut se comprendre soit comme l'ange d'Esaü, sous forme d'homme qui tentait
d'empêcher Jacob lui-même de traverser, pour qu'il n'obtienne pas le droit
d'aînesse d'Esaü ; c'est là l'interprétation que donnent les Hébreux. |
Et ecce uir luctabatur cum eo usque mane.
hic uir aut intelligitur angelus Esai in
specie uiri: impediens ipsum Iacob a transitu ne consequeretur primogenita
ipsius Esai secundum interpretationem
hebreorum.
|
(1551) Mais, dans ce cas, force leur est de reconnaître que cet ange
protecteur d'Esaü ne savait rien de la décision du Ciel, par laquelle l'héritage
était destiné non à Esaü, mais à Jacob, jusqu'au moment où, dans la lutte, ce bon
ange, défenseur d'Esaü, s'aperçut que Jacob, dans sa résistance et la lutte,
montrait tant de forces qu'il l'épargna ; soit que les forces de Jacob furent
accrues par Dieu temporairement pour qu'il puisse se défendre, soit que les
siennes propres furent émoussées pour qu'il ne puisse avoir le dessus, ou
suspendues, Dieu ne lui prêtant aucune assistance, de la même manière et pour la
même raison que cela arriva aux trois enfants dans la rebelle Babylone que, dans
la fournaise aux affreux sifflements, la flamme vint lécher sans leur faire de
mal. |
Qui fateantur necesse est angelum illum ipsius Esai protectorem ignarum fuisse cœlestis
consilii: per quod potior hæreditas non
Esao sed iacobo destinabatur: donec lucta
angelus ille bonus Esai patronus
expertus est tantas uires in iacobo
resistente et colluctante: ut inde perceperit uel
lacobi uires ad tempus illud fuisse
a deo auctas at sibi resisti posset: uel suas ne
præualeret: a deo debilitatas: aut suspensas esse: deo non cooperante
sibi: ut scilicet ea ratione contigerit: qua tris pueros babylone rebelli lambit in horrisonis non noxia flamma
caminis.
|
(1552) Fions-nous à cette idée et nous devrons admettre en même temps que ce
présent de la prérogative sur l'héritage fut donné à Jacob et retiré à Esaü, sans
que le bon ange ne le sache ; autrement il n'aurait pas été un bon ange s'il
avait été contraire à la décision de Dieu. |
Quod fidamus: illud pariter concedemus
hoc prærogatitiuæ hæreditariæ munus iacobo datum et esao
ademptum: illi bono angelo fuisse ignoratum : alioquin bonus angelus non fuisset diuinæ
sententiæ contrarius.
|
(1553) Mais comme cela avait été auparavant connu par action divine de
Rébecca et d'Isaac dans son extase, il s'ensuit que certains détails ont été
révélés à des hommes sans être connus de certains anges. |
At id cum fuerit ante rebeccæ diuinitus cognitum: et
isaacho in ecstasi posito: aliqua ergo hominibus reuelata sunt: quæ nonnullis angelis haud nota fuerunt.
|
(1554) On peut aussi dire en suivant l'interprétation de nos auteurs que
l'homme qui luttait avec Jacob était un ange, sous l'aspect d'un homme qu'il
rencontra en chemin, comme si Jacob défendait son propre camp. |
Aut certe iuxta expositionem nostrorum :
uir ille qui luctabatur cum iacobo: fuit angelus in specie uiri: qui ei in uia occurrit. quasi castra
ipsum defendentia.
|
(1555) Or cet ange, voyant que Jacob doutait de la divine protection car il
avait tellement d'effroi d'Esaü son frère, de le rencontrer et de le voir arriver,
feignit de vouloir le laisser partir comme le Seigneur feignit de
s'éloigner. |
Hic autem angelus uidens iacobum diffidentem diuinæ protectionis cum adeo horreret
Esai fratris offensionem et
aduentum: finxit se ab eo uelle rece[35r]dere: quemadmodum dominus fixit se longius
ire.
|
(1556) Jacob, voyant qu'il était abandonné de son ange protecteur, lutta
alors spirituellement et corporellement contre lui, le pressant de ses prières et
de ses bras pour qu'il ne l'abandonne pas, et, en le gardant prisonnier le temps
qu'il reçoive aussi la bénédiction qu'il demandait, finit par l'obtenir. |
lacobus ergo se deseri ab angelo
protectore cernens: et spiritaliter et corporaliter
cum eo colluctatus est : precibus instans : et manibus illum ne se relinqueret: apprehendens tantisper dum benedictionem: quam petebat et consecutus est postea
impetraret.
|
(1557) Il s'ensuit que nous lisons dans le prophète Osée : Jacob "se
montra fort devant l'ange et il fut réconforté, il pleura et le pria" ; en
effet avec des pleurs et des prières, puis, en usant de ses forces physiques, il
pressait l'ange de ne pas l'abandonner. |
Vnde in osee propheta legimus
de lacob.
inualuit ad angelum: et confortatus
est. fleuit et rogauit eum.Os 12, 4 fletu enim et precibus: deinde uiribus
corporis et robore angelum urgebat ne se desereret.
|
(1558) Mais l'ange lui-même agit ainsi comme il voyait qu'il ne pouvait
l'emporter, autrement dit qu'il ne voulait pas le vaincre, pour indiquer par
là-même qu'Esaü serait supplanté par Jacob, comme lui aussi, l'ange avait été
supplanté par Jacob. |
At ipse angelus: cum uideret quod eum
superare non posset id est cum nollet eum uincere:
ut hoc ipso indicaret Esaum a Iacobo superatum iri:
sicut ipse quoque angelus ab lacobo
superabatur.
|
(1559) De fait l'ange lui dit : "si tu as été fort contre Dieu",
autrement dit son ange qui participe de la nature divine ou la représente,
"combien plus tu prévaudras contre les hommes !", autrement dit Esaü, ses
fils et sa famille. |
Nam dixit ei angelus si contra deumGn 32, 28 id est contra angelum qui deum participat uel repræsentat:
fortis fuisti: quanto magis contra
hominesGn 32, 28 id est esaum et eius filios ac
familiam præualebis?Gn 32, 28
|
(1560) Et n'allez pas vous étonner que j'ai commenté le fait qu'il ne pouvait
pas comme s'il ne le voulait pas ; c'est en effet ainsi que s'exprime
Matthieu parlant de notre rédempteur : "et là il ne pouvait faire aucun
miracle". |
Nec mireris quod sit expositum non posset id est nollet. ita enim mattheus de redemptore nostro:
Et non poterat inquit ibi uirtutem aliquam facere:Mc 6, 5
|
(1561) Donc comme l'ange ne pouvait vaincre Jacob, il lui toucha le nerf de
la cuisse et aussitôt celui-ci sécha. |
Ergo cum angelus non posset uincere iacobum: tetigit neruum femoris eius
et statim Emarcuit.
|
(1562) Les Hébreux disent que la raison pour laquelle le nerf de Jacob a été
touché par l'ange c'est pour qu'ainsi il puisse échapper de ses mains, sinon il
n'aurait pas pu échapper. |
Dicunt hebrei ideo neruum
iacobi tactum ab angelo fuisse ut
hoc modo eius manus euaderet: licet non potuerit
euadere.
|
(1563) En outre Nicolas déclare qu'il s'agit d'une punition infligée à Jacob
et il ajoute immédiatement que la raison de sa boiterie est de marquer par un
signe extérieur la boiterie de son esprit et la faiblesse de sa foi. |
Cæterum nicolaus punitum ait lacob quod :
ideoque claudicasse statim subditur: ut mentis
claudicatio et infirma eius fiducia de deo:
signaretur externo indicio:
|
(1564) D'autres disent que cette boiterie fut un signe mystique, évidemment
quand les Iduméens se rebellèrent contre Juda parce que la domination de Jacob sur
Esaü était affaiblie dans la cuisse de Jacob, autrement dit dans la postérité qui
sortirait de sa cuisse. |
Alii dicunt claudicationem illam fuisse mysticam: cum scilicet idumæi rebellauerunt contra iudam: quia dominium Iacobi super esaum minueretur in femore iacob id est in posteris de femore eius egredientibus.
|
(1565) Voilà pourquoi les Israélites s'abstiennent non de tout nerf mais
seulement de celui de la cuisse dans leurs repas, comme si c'était une figure de
ce qui advint alors. |
Quamobrem israelitæ
uitant neruum non quencumque sed femoris tantum in epulis appositis: tanquam ea res illius fuerit euentus figura.
|
(1566) D'autres se plaisent à croire que l'abstinence de ce nerf est le
mémorial de ce contact qui figea le nerf de Jacob et que le souvenir de cette
boiterie est rappelé et renouvelé par cette observance. |
placet aliis abstinentiam nerui esse monimentum illius tactus
obstupefacientis neruum iacobi: claudicationisque illius memoriam tali obseruantia [obseruantio,sic!] retractari renouarique.
|
(1567) Or comme l'ange disait à Jacob : "laisse-moi m'en aller", Jacob
lui répondit : "je ne te laisserai pas t'en aller avant que tu ne m'aies
béni". |
Cum autem diceret angelus ipsi lacob
dimitte me.Gn 32, 26 Respondit iacobus:
non dimittam te nisi benedixeris mihi.Gn 32, 26
|
(1568) L'ange lui dit : "quel est ton nom ?" et lui répondit :
"Jacob". |
Cui angelus quod nomen inquit est tibi?Gn 32, 27 Respondit ille:
lacob.
|
(1569) Alors l'ange reprit : "on ne t'appellera plus Jacob mais
Israël" ; autrement dit ton nom ne sera plus 'Jacob' qui veut dire 'lutteur'
ou 'supplanteur', comme si tu obtenais tes bénédictions en supplantant et par
tromperie, mais 'Israël', qui veut dire 'réglé avec Dieu' ou 'prince avec Dieu'
selon la traduction de Jérôme. |
Tum angelus nequaquam inquit iacob
apellabitur nomen tuum sed israel.
Gn 32, 28 id est iacob nequaquam
uocaberis hoc est luctator uel
supplantator: quasi supplantatione et fraude benedictiones obtineas: sed israel
id est directus cum deo uel princeps cum deo:
interprete Hieronymo.
|
(1570) De fait 'Israël' ne veut pas dire 'homme qui voit Dieu'. |
nam israel non significat
uirum uidentem deum.
|
(1571) Or changer ainsi le nom est une bénédiction ; on voit cela en
Genèse 32 où le nom n'est pas encore donné par l'ange, mais où il est prescrit par
Dieu de le donner. De fait en Genèse 35 il est écrit : "Dieu apparut de
nouveau à Jacob quand il revint de Mésopotamie de Syrie ; il le bénit et lui
dit : 'tu ne t'appelleras plus Jacob, mais Israël sera ton nom' et il lui
donna le nom d'Israël". |
Talis autem nominis mutatio benedictio est. hæc in geneseos.
xxxii. capite continentur: ubi nondum ab angelo nomen imponitur sed
imponendum a deo prædicitur. Nam in .xxxv. geneseos capite scriptum est.
Apparuit autem iterum deus lacob quando reuersus est de mesopotamia
syriæ. benedixitque ei dicens: non
uocaberis iacob sed israel erit nomen tuum. et appellauit eum israel.Gn 35, 9-10
|
(1572) Et donc, à partir de ce moment, le nom principal de Jacob fut Israël,
ce qui fait que l'on appelle Israélites la nation des Hébreux ; et même si,
par la suite, on l'appela encore parfois Jacob, ce nom ne fut pas aussi illustre
que l'autre. |
iam ergo inde iacobi
principale nomen fuit israel: unde israelitæ uocatur hebreorum natio: tam et si postea
quandoque lacob fuerit uocatus tanquam
nomine non ita insigni.
|
(1573) Après la lutte dont je viens de parler, Israël nomma ce lieu Phanuel,
autrement dit 'face de Dieu', non parce qu'il avait pu y voir Dieu, mais parce
qu'il avait vu une forme sous laquelle Dieu lui avait parlé, et que quelques
lignes au-dessus il désigne comme un homme, parce que Dieu allait être
homme. |
Post luctam supradictam uocauit israel nomen loci illius phanuel id est facies dei: non quod
deus uideri possit: sed quia formam uiderit in qua
deus locutus est. quem paulo supra dixit uirum: quia deus homo erat futurus.
|
(1574) Il se peut que cette lutte ait été seulement physique comme le pensent
les Hébreux, ou seulement spirituelle comme le dit Jérôme dans son commentaire sur
Isaïe : "contre l'ange c'était avec la prière et non ses bras que Jacob
luttait", de sorte que la lutte désigne l'appel persévérant par lequel le
vainqueur échappa à l'ange ou à Dieu qui accepta de se retirer en triomphant de
lui par des prières ; il se peut encore qu'il ait lutté des deux
manières : de cette manière Jacob fut nommé Israël, d'où vint le nom des
Israélites donné aux Hébreux, de sorte que le changement de nom qui allait se
produire soit promis en Genèse 32 et réalisé, ainsi qu'il est dit, en Genèse
35. |
Siue ergo lucta illa fuit corporea tantum ut hebrei sentiunt:
Siue spiritalis tantum ut Hieronymus ait in
esaiam.
cum angelo iacob oratione
non manibus luctabatur:DIONYS. CARTUS. in gen., 78 ut luctatio sit perseuerans pulsatio qua
uictor euasit angelum uel deum recedere uolentem precibus uincens. Siue utroque modo luctatus est: per hunc modum lacob dictus
est israel
: unde israelitæ dicti sunt Hebrei: ita ut nominis mutatio
futura in. xxxii. promissa sit: quæ in. xxxv.
geneseos capite dicatur expleta.
|
(1575) Jacob fut donc nommé Israël au temps où, après avoir lutté contre Dieu
et avoir été touché à la cuisse, il se mit à boiter. |
Fuit ergo lacob uocatus
israel:
quo tempore luctatus cum deo et tactus in femore cepit claudicare. |
(1576) Mais, à vrai dire, la boiterie d'Israël, comme le laisse entendre
Arator, fut le signe d'une boiterie que l'on trouva ensuite non dans la chair,
comme dit le poète, mais dans le cœur du peuple d'Israël qui allait naître
d'Israël. |
Verum enimuero claudicatio israelis ut significat Arator
: fuit signum claudicationis : quæ non in carne ut ait poeta: sed in
corde israelitici populi reperta
postea est ab israele oriundi.
|
(1577) De fait comme le Dieu tout-puissant avait favorisé Israël d'une si
nombreuse descendance, celle-ci en Egypte, en un bref intervalle de temps,
s'accrut à tel point que l'on y compta six-cent-mille personnes ; Pharaon,
profondément troublé parce que le peuple des Hébreux lui paraissait désormais
beaucoup trop nombreux pour qu'il se fie à lui en toute sécurité, lui le roi et
toute l'Egypte, il interdit d'élever tout enfant mâle des Israélites qui pourrait
naître après son édit royal. |
Nam cum deus omnipotens israelem tam numerosa stirpe insigniuisset: ea in ægypto non longo
temporis interuallo adeo aucta est ut in ea ad sexcenta uirorum milia
censerentur. permotus pharao quia hebreorum
gens multo numerosior uideri coeperat quam ipsi regi et uniuersæ ægypto tutum crederetur : nutriri uetuit omnem uirilem israelitarum stirpem quæ post edictum
regium nasceretur.
|
(1578) Personne ne doutait que, si toute progéniture de l'un des deux sexes
était éteinte au moment même de la naissance, en une génération, toute la race des
Israélites périrait ; ainsi à cet édit du plus impitoyable des rois, s'ajouta
un sort misérable pour l'infortunée nation. |
Nemini erat dubium: si omnis alterius
sexus soboles in ipso uitæ ingressu esset extincta:
totam israelitarum gentem hominis
ætate interituram. Huic immanissimi regis edicto
accessit afflictæ gentis fortuna miseranda.
|
(1579) En effet, par ordre du roi, la jeunesse d'Israël travaillait comme des
esclaves à consolider les digues du Nil, à forer les filons dans les montagnes et
à fouiller la boue et, si l'un d'entre eux mettait un peu moins d'ardeur à
l'ouvrage, on le menait aussitôt sous les injures pour recevoir des coups de
fouet. |
Regis enim imperio lsraelitica
iuuentus in nili
aggeribus muniendis: et in uenis montium excidendis
lutoque subigendo seruiliter operabatur. ac siquid
ab eorum aliquo minus impigre nauaretur: protinus
flagro per contumeliam admouebatur.
|
(1580) Le très grand Créateur du monde, les ayant donc pris en pitié dans la
très dure servitude de leur esclavage, envoya Moïse à Pharaon pour revendiquer
pour ses concitoyens la fin des vexations et de ce joug cruel ainsi que la
liberté. |
Horum ergo durissimam seruitutem seruientium misertus summus
opifex rerum:
mosen ad pharaonem misit: qui populares suos
a uexatione et crudeli iugo in libertatem uendicaret.
|
(1581) Celui-ci, ce Moïse, une fois établi comme chef pour mener cette
affaire et fort non tant de ses forces et de celles des siens, que de la puissance
ineffable de Dieu, devint le promoteur de la liberté et son défenseur. |
ls moses dux rei gerendæ
creatus: et non tam suis suorumue quam inefabili
dei potestate fretus israeliticæ
libertatis uindex extitit et assertor.
|
(1582) Dieu en effet, comme le roi qui était d'un entêtement extrême ne
laissait nul espoir de relâcher le peuple hébreu, frappa l'Egypte de très grandes
plaies; alors que le roi, quand il était quitte d'un danger immédiat, ne cessait
pas de les maltraiter pendant le temps où telle ou telle plaie s'atténuait, pour
finir, le cœur du pharaon, désormais brisé et plus inquiet que vaincu, donna son
congé au peuple. |
Deus enim peruicacissimo
rege relaxandi populi
hebrei nullam spem faciente:
ægyptum maximis affecit
cladibus: cum proximo rex periculo defunctus
tantisper ab iniuria abstineret dum hæc uel illa clades remitteret. postremo fractus iam et concussus magis pharaonis animus quam uictus gentem missam
fecit.
|
(1583) C'est aussi pour ce peuple que, peu après, Dieu rendit traversable les
flots en les faisant se retirer des deux côtés et en faisant que les eaux fassent
comme des murs d'un côté et de l'autre, alors que l'ennemi, qui les talonnait dans
son zèle à les poursuivre, et était témérairement entré dans le chemin qui s'était
ouvert avec toutes ses forces, fut enseveli par les mêmes flots qui, alors que
pendant plusieurs heures ils s'étaient tenus dressés et immobiles pour laisser
traverser les Hébreux, revinrent alors à leur place initiale et se réunirent de
nouveau. |
Huic ipsi mox deus mare peruium fecit fluctibus in diuersa
abeuntibus: et aquis hinc inde in murorum
speciem stantibus: cum hostis qui insequebatur
sequendi studio et ipse iter patefactum temere ingressus cum omnibus copiis
obrutus fuerit: eisdem fluctibus qui plures horas in
transitu hebreorum immoti
steterant: in se refluis: iterumque coeuntibus.
|
(1584) C'est pour cette même nation que Dieu fit couler des sources très
fécondes d'une pierre et la nourrit abondamment d'une rosée céleste (que l'on
appelle manne) pendant les quarante ans qu'elle passa dans le désert. |
Eidem genti deus uberrimos ex petra
fontes elicuit: eandem celesti rore (manna id
dicitur) quadraginta annos: quibus[35v] ea
in deserto fuit: affluenter aluit.
|
(1585) Et pourtant, après tant de bienfaits, et d'autres innombrables sur
lesquels je passe pour ne pas trop allonger, après tant de miracles, le peuple
d'Israël sembla toujours boiter non physiquement, mais dans son cœur : se
précipitant dans la chute et la sottise, il se forgea un veau qu'il adora ;
après avoir quitté l'Egypte, quand il arriva dans des déserts que n'irriguait
aucune source, qui ne donnaient nulle récolte, et que n'embellissaient aucun
arbre, oubliant les bienfaits de Dieu et sans plus craindre son immense puissance,
il se mit à accuser son chef d'abord quand il eut soif, prétextant qu'il avait
traîné une telle multitude dans des lieux arides et poussiéreux, sur des chemains
que personne n'avait auparavant reconnus. |
Et tamen post tot beneficia et alia innumera quæ ne longior
sim: mitto: post tot
miracula semper israelitica gens
claudicare non corpore sed corde et animo uisa est:
quæ in lapsum et stulticiam prona uitulum sibi aureum conflauit et
adorauit: quæ relicta ægypto ubi in solitudines nullis fontibus
irriguas : nullis segetibus uberes : nullis arboribus gratas peruenit: beneficiorum dei oblita et immensam eius potestatem haud
reuerita: modo sitibunda ducem incusabat: quia per loca arida et squalentia non exploratis
antea itineribus tantam multitudinem traheret:
|
(1586) Ensuite, quand il eut faim et connut la disette, il se plaignait et
n'hésitait pas à se répandre en invectives : "il aurait bien mieux valu
rester pris dans l'esclavage en Egypte, où on ne manquait de rien, où l'on pouvait
s'asseoir autour de marmites fumantes de ragoût de viandes, plutôt que sur ces
terres immenses et inconnues, sous la conduite d'un étranger parcourir les déserts
d'un monde, dans des étendues arides qui étaient aussi hostiles aux gens qu'aux
bêtes sauvages, où il était inévitable que toute l'armée périsse de soif, de faim
et de terreur". |
modo famelica et esuriens querebatur palamque indignabunda
prædicabat: satius fuisse se in ægypto seruitio teneri : ubi nulla rerum inopia premerentur : ubi
fumantibus carnium ollis assiderent: quam per uastas
et ignotas terras alieno ductu in deserta mundi ire non magis hominum quam
ferarum solitudine damnata: ubi necesse esset siti
fame horrore uniuersum exercitum interire.
|
(1587) C'est ce qui fait que nous lisons dans le Livre des Nombres : "le
peuple se prit à se lasser du chemin et de la peine ; il parla contre le
Seigneur et contre Moïse et dit : 'pourquoi nous as-tu fait sortir d'Egypte,
pour nous faire mourir dans le désert ; nous n'avons pas de pain, il n'y a
pas d'eau, et nous en avons la nausée de cette nourriture totalement
inconsistante'". |
Hinc in libro numerorum legimus:
Et tedere coepit populum itineris ac laboris : locutusque contra dominum et moysen ait cur eduxisti nos de ægypto ut moreremur in
solitudine? Deest panis: non sunt aquæ :
anima nostra iam nauseat super cibo isto leuissimo.Nb 21, 4-5
|
(1588) Ils en avaient assez de la manne, se plaignaient sans cesse et
faisaient des reproches à leur chef, et (chose bien plus abominable) à Dieu leur
bienfaiteur et Seigneur qui était aussi leur très sévère juge. |
Manna fastidiebant semper queruli et in ducem et (quod atrocius
est) in deum beneficum et dominum et austerissimum iudicem contumaces.
|
(1589) En effet, comment se fit-il qu'ils ne mettent que très peu de temps à
oublier Dieu qui avait secoué de leurs épaules le joug de l'Egypte, ce Dieu qui
avait opéré pourtant ces travaux magnifiques et admirables, causant la perte des
Egyptiens, mais le salut des Israélites, qui avait partagé la mer et nourri à
satiété un peuple famélique pendant les quarante ans du désert ? |
Quo enim pacto tam cito obliti sunt deum:
qui iugum ægyptiacum eorum
ceruicibus excussit? qui illa magnifica opera et
miranda:
ægyptiis Exitialia:
israelilitis salutaria operatus
est? qui diuisit maria:
qui famelicum populum quadraginta annos in heremo nutriuit ac saturauit?
|
(1590) C'est contre ces gens que, dans l'Exode, Dieu se mit en colère et
prononça contre eux, dit-on, ces paroles : "parle aux fils d'Israël : tu
es un peuple à la nuque raide, alors moi je vais monter au milieu de toi, et je
vais te détruire" ; et de nouveau, dans les Nombres, lorsque les éclaireurs
dirent : "nous sommes arrivés sur la terre vers laquelle tu nous as
envoyés ; vraiment elle ruisselle de lait et de miel, mais ceux qui la
cultivent sont redoutables, leurs villes grandes et pourvues de murs", la terre
que nous avons parcourue dévore ceux qui l'habitent, le peuple que nous avons vu
est de taille imposante, et "nous avons vu là-bas des êtres prodigieux de la race
des Géants, comparés à eux nous ne sommes que des sauterelles" ; en entendant
ce rapport la multitude des Israélites pleura cette nuit-là et se prit à gronder
en disant : "'si seulement nous étions morts en Egypte et non dans ce vaste
désert ; si seulement nous avions péri sans que le Seigneur ne nous conduise
dans cette maudite terre, sans que nous tombions sous le glaive et que nos femmes
et nos enfants soient amenés en captivité ; ne vaut-il pas mieux retourner en
Egypte ?' Et il se dirent l'un à l'autre : 'dotons-nous d'un chef et
retournons en Egypte". |
His deus irritatus in exodo dixisse in
eum perhibetur.
Loquere filiis
israel: populus duræ ceruicis
es: semel ascendam in medio tui: et delebo te.Ex 33, 5 Item in numeris: postquam exploratores dixere:
uenimus in terram: ad quam misistis nos
: quæ reuera fluit lacte et melle. Sed cultores fortissimos habet: et urbes grandes atque muratas.Nb 13, 27-28 Terra quam lustrauimus deuorat habitatores
suos: populus quem aspeximus proceræ staturæ
est.
ibi monstra quædam uidimus de genere giganteo: quibus comparati. qui locustæ
uidebamur.
Nb 13, 33 Hæc audiens multitudo
israelitica fleuit nocte illa: et
murmurati sunt dicentes.
Vtinam mortui essemus in ægypto: et non in hac uasta
solitudine. Vtinam pereamus : et non inducat nos dominus in terram
istam: ne cadamus gladio et uxores ac
liberi nostri ducantur captiui. nonne meIius
est reuerti in ægyptum? dixeruntque alter ad alterum : constituamus nobis ducem: et reuertamur in ægyptum.
Nb 14, 3-4
|
(1591) Nous pourrions aussi rapporter les plaintes et les boiteries du peuple
d'Israël que l'on trouve en Exode 5, 13, 15, 16, 17, 32 et Nombres 9 et 11; pour
Nombres 14 et 22, nous les avons déjà rapportées. |
Possemus autem referre et querelas et claudicationes Israeliticæ gentis: quas continet exodi .v. caput: et .
xiii. et . xv.
xvi.
xvii.
xxxii. et numer.
ix
xi. at.
xiiii. et.
xxii numerorum iam retulimus |
(1592) Mais ce que j'ai dit suffit amplement à l'explication de nos
vers. |
Sed hæc satis superque explanationi uersuum sufficiunt.
|
(1593) Et donc, offensé par ces boiteries, "Dieu dit à Moïse : 'combien
de temps encore ce maudit peuple va-t-il me rabaisser ? combien te temps
encore va-t-il refuser de croire tous les signes que j'ai faits devant lui ?
Ainsi donc je vais les frapper de pestilence et les anéantir". |
His ergo claudicationibus offensus deus dixit ad moysen. Vsque quo detrahet mihi populus iste? quo usque non credet mihi in omnibus
signis quæ feci coram eis? feriam igitur eos
pestilentia atque consumam.
Nb 14, 11-12
|
(1594) Telle est la colère de Dieu contre les Israélites que Moïse apaisa par
ses prières ; le Seigneur reprit la parole et dit : "tous ces gens qui
ont vu ma gloire et les signes que j'ai faits en Egypte et dans le désert, et qui
m'ont mis à l'épreuve dix fois, et n'ont pas obéï à ma voix, ne verront pas la
terre que j'ai jurée à leurs pères et aucun de ceux qui m'a rabaissé ne la
verra ; mais mon serviteur Caleb, je le conduirai dans cette terre". "Vous
tous qui avez vingt ans et plus, vous n'entrerez pas dans cette terre sauf Caleb,
fils de Jéphon, et Josué, fils de Noun". "Vos cadavres resteront là étendus dans
le désert, vos fils vont errer quarante ans, la mesure des quarante jours pendant
lesquels vous avez pu voir cette terre ; un jour leur vaudra une
année". |
Hanc dei iram in israelitas repressit suis precibus moyses: Cui iterum
dixit dominus.
Omnes homines qui uiderunt maiestatem meam: et signa quæ feci in ægypto et solitudine et tentauerunt me iam per.x. uices: nec obedierunt uoci meæ: non uidebunt terram quam iuraui patribus eorum. nec quisquam ex illis qui detraxit mihi: intuebitur eam.
Seruum meum caleb inducam in
terram hanc.
Nb 14, 23-24
Omnes qui numerati estis .xx. annis et supra non intrabitis in terram
hanc: præter caleb filium lephone: et losue filium nun.
Nb 14, 29
Vestra cadauera iacebunt in solitudine.
filii uestri uagi erunt annis quadraginta iuxta numerum quadraginta
dierum: quibus considerastis terram. annus pro die imputabitur.
Nb 14, 32-34
|
(1595) Le même auteur dit dans le Deutéronome : "le Seigneur dans sa
colère le jura et dit : 'pas une personne de cette génération abominable ne
verra la bonne terre'" etc. |
Idem dicitur in deuteronomio:
dominus iratus iurauit et ait : non
uidebit quispiam de hominibus generationis huius pessimæ terram
bonam et. c.
Dt 1, 35
|
(1596) Et dans le même Deutéronome, Moïse, s'adressant au peuple, dit :
"Voici la quarantième année qui arrive pour que tu réfléchisses dans ton cœur, car
comme un homme éduque son fils, ainsi le Seigneur ton Dieu t'a éduqué". |
Et in eodem deuteronomio
moyses ad populum loquens:
En inquit quadragesimus annus est ut recogites in corde tuo: quia sicut erudit homo filium suum: sic dominus deus tuus erudiuit te.
Dt 8, 4-5
|
(1597) Une fois que l'on s'est souvenu de cela, il est facile de comprendre
la figure qui est incluse dans ces vers d'Arator. |
His ita in memoriam reuocatis facile est intelligere figuram his
Aratoris carminibus
comprehensam.
|
(1598) De fait, le boiteux guéri par Pierre, qui a été malade pendant
quarante ans, signifie le peuple d'Israël boiteux, non seulement en raison de son
origine et du fait qu'il descend d'Israël le boiteux, comme nous l'avons dit, mais
aussi parce que son cœur est rebelle et qu'il a été boiteux quarante ans dans le
désert à s'obstiner contre son Dieu. |
Nam claudus sanatus a petro
qui quadraginta annos ægrotauit:
populum israeliticum significat
claudum non solum ab incarnatione et deriuatione israelis claudi ut diximus : sed
etiam quia rebellis corde: et animo claudus fuit
quadraginta annos in deserto: et aduersus deum suum
peruicax.
|
(1599) On dit donc que notre boiteux est boiteux de naissance, ainsi le
peuple d'Israël est boiteux de naissance, autrement dit depuis son origine et
Jacob, mais celui-ci avait été boiteux aussi dans son cœur, quand il manqua par
trop de foi et renonça à l'espérance plus qu'il n'était juste, dans la crainte de
son frère Esaü. |
Dicitur hic claudus ex utero: ita
populus israeliticus claudus
ex utero id est ab origine sua et a lacob: qui claudicauerat etiam corde
cum nimis diffidit: et spem abiecit plus iusto
fratrem esaum timens.
|
(1600) C'est ce qui fait que certains expliquent ainsi sa punition au nerf de
la cuisse. |
Vnde nonnulli punitum eum aiunt in neruo femoris.
|
(1601) Pour ma part, cependant, je laisse cette discussion à de plus savants
que moi. |
hoc tamen sapientibus subdo.
|
(1602) La Belle Porte du Temple signifie le Christ qui est "plus beau
qu'aucun des fils des hommes" comme le dit le poète sacré, David. |
Porta templi speciosa
significat Christum: qui est speciosus præ fillis hominumPs 45, 3 ut ait Dauid poeta sacer.
|
(1603) Et le Seigneur lui-même se donne le nom de porte chez Jean. |
Et ipse dominus se portam uel hostium apud loannem uocat.
|
(1604) De même donc que le boiteux guéri par Pierre était placé près de la
Belle Porte du Temple et ne pouvait entrer jusqu'au moment où Pierre le fit
entrer, de même le peuple boiteux, autrement dit Israël, est porté par les paroles
de la Loi et des prophètes près du Messie, autrement dit à la porte du Temple du
Ciel, pour y demander aux chrétiens qui y entrent l'aumône de la foi et de la
sagesse. |
Sicut ergo claudus a petro
sanatus ponebatur ad portam
templi: nec poterat ingredi donec petrus eum introduxit: ita populus claudus id est israeliticus: legis prophetarumque
uocibus ad messian id est ad ostium templi coelestis affertur: ut ab ingredientibus christianis poscat elemosynam
fidei et sapientiæ.
|
(1605) Car ce sont les prophéties de l'avenir qui portent les auditeurs près
de la porte. |
Quia uaticinia futurorum qui ad portam ponunt auditores.
|
(1606) Mais ce peuple boiteux n'est pas introduit dans le Temple sinon par
l'intermédiaire de Pierre, à qui ont été remises les clés du Royaume des cieux, et
Pierre est le porteur des clés de cette sublime porte. |
Sed hic populus claudus non introducitur in templum nisi per
petrum:
cui datæ sunt claues regni celorum: et portæ illius
excelsæ clauiger petrus est.
|
(1607) Le poète dit donc gens nomen ("ce peuple, son nom")
évidemment le peuple dit d'Israël, tenet nomen ab illo israel
("tient son nom de cet Israël") autrement dit Jacob qui est nommé aussi Israël,
qui ("qui") autrement dit Jacob, æger ("malade")
autrement dit infirme de la cuisse, autrement dit boiteux, reliquerat
bella ("avait abandonné les guerres") autrement dit la guerre,
autrement dit la lutte et le combat, comme je l'ai dit, conatus
("après avoir tenté ») évidemment Israël, certare ("de se mesurer")
autrement dit de lutter et de s'affronter, deo ("à Dieu") autrement
dit avec Dieu, autrement dit avec l'ange qui représentait Dieu. |
Dicit ergo. (gens nomen.) Gens
dicta scilicet israelitica:
tenet nomen: ab illo israel id est iacob qui dictus est israel:
qui id est iacob:
æger id est infirmus in
femore: hoc est claudus :
reliquerat bella id est
bellum hoc est luctam et pugnam ut dixi.
conatus scilicet israel
certare id est luctari et
contendere deo id est cum
deo: hoc est cum angelo qui representabat
deum.
|
(1608) Il y a là une construction grecque, car nous ne disons pas
certo tibi, mais certo tecum, alors que les Grecs
disent μάχομαι σοι et ἐρίζω σοι. |
Et est constructio greca : non enim
dicimus certo tibi sed tecum.
machomai soi et ereizo[36r] soi dicunt græci.
|
(1609) Ainsi Maro : montibus in nostris solus tibi certet
Amyntas ("dans nos montagnes, seul Amyntas se mesure à toi"). |
lta maro.
montibus in nostris solus. tibi certet
amyntas.VERG. ecl., 5, 8
|
(1610) Mais reportez vous à la partie de la grammaire de Priscien sur
l'atticisme. |
Sed recurre ad Atticismum
prisciani.
|
(1611) (ipse ("lui-même")) évidemment le patriarche Israël,
tulit figuram
grauem ("porta le lourd symbole") autrement dit le symbole pénible,
corporis ("d'un corps") évidemment boiteux, quam
("que") évidemment le symbole de la boiterie, post ("après")
autrement dit ensuite, israel ("Israël") autrement dit le peuple
d'Israël, dont le nom dérive de celui du boiteux, habet ("possède")
autrement dit retient, clodus ("boiteux") autrement écrit
claudus, comme vous lirez plaustrum et
plostrum, flaurum et florum dans
la Vie de Vespasien de Suétone. |
(ipse). scilicet patriarcha israel:
tulit figuram grauem id est
molestam:
corporis scilicet
claudicantis:
quam scilicet figuram
claudicationis.
post id est postea:
israel id est populus israeliticus ab illo israel claudo deriuatus:
habet id est obtinet:
clodus id est claudus: ut plaustrum
plostrum:
flaurum
florum apud Tranquillum in Vespasiano leges.
|
(1612)
clodus ("le boiteux"), dis-je, c'est le peuple d'Israël ;
in uulnere mentis ("dans la blessure de son esprit") autrement
dit dans son obstination à avoir un cœur rebelle, comme nous venons de le dire,
qui ("qui") évidemment le peuple d'Israël ;
labens ("glissant") autrement dit tombant et titubant comme ont
coutume de le faire les boiteux, per sua crimina ("par la faute de
ses crimes") autrement dit de ses rébellions et de ses plaintes contre Moïse et
contre Dieu, fluit ("s'écoule") autrement dit glisse, tombe,
magis corde ("plus dans son cœur") autrement dit dans la
boiterie de son cœur, quam carne ("que dans sa chair") autrement
dit dans la boiterie de sa chair et de son corps. |
clodus dico israeliticus populus:
in uulnere mentis id est in
contumacia de rebellione cordis: ut dictum est a
nobis paulo ante.
qui scilicet populus israeliticus:
labens id est cadens et
titubans ut claudi solent:
per sua crimina id est
rebelliones et querelas in mosen et
deum:
fluit id est labitur cadit
magis:corde id est claudicatione cordis:
quam carne id est quam
claudicatione carnis et corporis.
|
(1613) De fait, le patriarche Jacob boitait physiquement, mais le peuple
d'Israël, qui découle de lui, boitait dans son cœur, non dans son corps. |
Nam patriarcha iacob
claudicabat corpore:
gens israelitica ab eo deriuata: claudicabat corde non corpore.
|
(1614) (et sub ipsis) spatiis ("et dans cet
espace") autrement dit dans ces temps et dans une mesure identique au nombre des
années pendant lesquelles le boiteux guéri par Pierre avait boité, le peuple
d'Israël boite évidemment dans son cœur ; remotus fine ("loin
des confins") autrement dit des frontières et des régions de l'Egypte ;
quadraginta annos ("quarante ans") cupiens
ægyptum ("regrettant l'Egypte"), comme nous l'avons dit. |
(et sub ipsis)
spatiis id est sub iisdem temporibus et sub eadem annorum
mensura qua claudus sanatus a petro
claudicauerat:
populus israeliticus claudicat
scilicet corde:
remotus:
fine id est a finibus et regionibus ægypti:
quadraginta annos:
cupiens ægyptum: ut diximus: et quærens idola scilicet
ægypti: unde in exodo uitulum aureum conflasse
et adorasse dicuntur.
|
(1615) Le mot idola est scandé comme il faut, avec la médiane
longue, car cela s'écrit avec un ω. |
Idola media longa posuit recte quia
per omega scribitur:
|
(1616) Mais au livre 2, il ne respecte pas la règle et, suivant l'autorité de
Prudence, il a écrit : ldŏla tot romæ mundo collecta subacto
("les idoles du monde entier qu'elle avait soumis rassemblées à Rome"). |
Sed in.
ii. Transgressus normam et secutus prudentii authoritatem: dixit:
ldola tot romæ mundo collecta subacto.ARATOR act., 2, 1240
|
(1617) (Ponitur debilis ("l'infirme est placé")) autrement dit
le boiteux, évidemment le peuple d'Israël, ad portam speciosam
("près de la Belle Porte") autrement dit à proximité du Messie et du Christ, qui
est la porte par laquelle s'ouvre l'accès à Dieu, à l'Eglise de Dieu et à
l'assemblée des fidèles ; ponitur ("il est placé"), dis-je, le
peuple d'Israël, ad portam ("près de la porte"), comme le boiteux
guéri par Pierre était placé à la porte du Temple. |
(Ponitur
debilis) id est claudus. scilicet populus israeliticus:
ad portam speciosam id est
iuxta messian et christum: qui est porta per quam
patet ingressus ad deum: et dei ecclesiam: et fidelium congregationem.
ponitur dico populus istaeliticus
ad portam: sicut claudus sanatus a petro ad portam
templi
ponebatur.
|
(1618) La Belle Porte dans le Temple tirait son nom de son caractère
remarquable par sa beauté et sa hauteur ; elle fut construite par le roi
Joathan, roi de Juda comme on le dit en 2 Chron., mais, comme il était arrivé
qu'elle avait été incendiée par les Chaldéens, comme on le lit au second livre des
Rois, elle fut rebâtie au même endroit avec une égale magnificence et conserva son
nom. |
porta speciosa dicebatur in
templo: quam et pulchritudine et sublimitate conspicuam. ædificauit loathan rex iuda ut proditur in .
ii. paralipomenon
sed fortassis cum ea per chaldæos
conbusta fuerit ut quarto regum libro
traditur: fuit ibidem alia magnifica æque et
retento nomine instaurata.
|
(1619) (Vltra) non ualet ("au-delà il n'a pas
la force") évidemment le peuple boiteux, autrement dit ne peut pas, ire
ultra ("aller au-delà") autrement dit entrer dans l'Eglise de Dieu, et
n'a pas la force non plus de tangere limina portæ («toucher le
seuil de la porte"), autrement dit celui du Christ, le Messie. |
(Vltra.) non ualet scilicet claudicans populus id est non
potest ire ultra id est in
ecclesiam dei intrare: nec ualet tangere: limina
portæ id est Christi et messiæ.
|
(1620) Le poète indique aussitôt après la cause : culpa
("sa faute") évidemment sa rébellion et son obstination contre Dieu,
negauit iter ("a barré le chemin"), autrement dit l'entrée,
évidemment pour le peuple d'Israël, qui boite comme nous l'avons dit. |
Causa subditur.
culpa scilicet rebellionis
et peruicaciæ in deum:
negauit iter id est
ingressum scilicet populo
israelitico claudicanti ut diximus:
|
(1621) (Qui sunt ("qui sont")) le poète pose une
question : qui donc sont ceux qui portent le peuple d'Israël boiteux jusqu'à
la porte, autrement dit le Messie, comme le boiteux était porté jusqu'à la porte
du Temple ? |
(Qui sunt. ) lnterrogat poeta: quinam sunt: ii qui baiulant populum
israeliticum claudum ad portam hoc est ad messian: sicut claudus baiulabatur ad portam templi.
|
(1622) Et il répond que ce sont prophetæ ("les prophètes")
lsaias ("Isaïe"), Daniel ("Daniel") et les
autres, qui ont parlé de la porte qui est le Christ et ont écrit des oracles à son
sujet. |
respondet quia sunt prophetæ:
lsaias:
Daniel
: et alii qui de porta quæ Christus est: locuti sunt et uaticinia conscripserunt.
|
(1623) Il faut savoir à tout le moins que Bède, cet admirable commentateur de
l'éloquence divine, a pris ici toute son interprétation allégorique de ce passage,
comme de bien d'autres. En effet, il ne s'écarte pas d'un cheveu d'Arator. |
Sciendum sane Bedam egregium diuini eloquii interpretem hinc mutuari totam
hanc allegoricam enarrationem sicut alia pleraque.
Non enim ab Aratore discedit ungue
latius.
|
(1624) Le poète dit donc : (qui sunt ("qui sont"))
évidemment ceux qui portent, qui solent ferre ("qui ont coutume de
transporter") autrement dit porter, Israel ("Israël") autrement dit
le peuple d'Israël, clodum ("boiteux") dans son cœur, autrement dit
dans les prophéties secrètes qu'il tire de son esprit, et certant
adiungere ("rivalisent pour joindre") évidemment le boiteux,
portæ ("à la porte") autrement dit le Messie, quæ
("qui"), la Belle Porte, prodit ("révèle") Jésus, autrement dit le
montre, de suo nomine ("à partir de son nom"), parce que, de même
que la porte est nommée Belle, de même on dit de Jésus qu'il est beau. |
dicit ergo: (qui sunt) scilicet illi baiulantes:
qui solent ferre id est
portare israel id est
israeliticum populum
clodum:
pectore id est arcanis uaticiniis e pectore depromptis: et certant adiungere scilicet claudum portæ id est messiæ:
quæ
porta speciosa
:
prodit iesum id est monstrat de suo nomine quia sicut porta dicitur
speciosa:
ita et lesus speciosus uocatur.
|
(1625) Qui sont donc ceux qui transportent le peuple boiteux comme les Juifs
transportaient le boiteux, qui l'était dans son cœur et dans son corps, jusqu'à la
Belle Porte ? |
qui ergo sunt illi baiulantes claudum populum: sicut iudæi pectore suo et
corpore claudum ad portam
speciosam baiulabant?
|
(1626) Arator répond : les porteurs sont lsaias
("Isaïe"), Daniel ("Daniel") et quique ("tous ceux
qui") autrement dit quels que soient ceux qui, de quisque ou alors
quique est mis pour et qui ("et ceux qui")
prophetæ similes ore ("semblables par leur bouche de prophète")
autrement dit concordants et disant une seule et même chose, comme l'Esprit, qui
les rendait savants, était le seul et unique Esprit, quique prophetæ canunt
obscuris ("et tous les prophètes qui chantent en des paroles obscures")
évidemment avec des significations implicites cachées, miracula manifesta
Christi ("les miracles évidents du Christ"). |
respondet Arator. Baiuli sunt
isaias
daniel:
et quique id est
quicumque a quisque uel quique id est et qui.
prophetæ similes ore id est
concordantes et unum dicentes sicut unus erat spiritus eos erudiens:
quique prophetæ canunt
obscuris scilicet uerbis et latentibus inuolucris miracula manifesta Christi
|
(1627) (porta ("la porte")), autrement dit le Christ en Jean
10 quand il dit : "pour vous, moi je suis la Porte", évidemment par laquelle
on entre dans l'Eglise et dans la gloire. |
(porta). ait id est christus in decimo
ca. apud ioannem
:
ego sum uobis porta:Jn 10, 9 scilicet qua ad ecclesiam dei intratur et ad
gloriam.
|
(1628)
ille erit fur nocens ("celui-là sera un voleur et un coupable"),
comme l'antéchrist, par exemple Mahommet, fur ("un voleur") un
mauvais chrétien qui entre de quelque manière sans passer par le Christ, soit
parce que sa croyance à son sujet n'est pas bonne, soit parce qu'il cherche non la
gloire du Christ, mais la sienne. |
ille erit fur nocens: ut antichristus ut maumetus
:
fur malus christianus
quoquomodo præter Christum intrans. uel non bene de
eo sentiendo: uel non eius gloriam sed suam
quærendo.
|
(1629) Donc celui-là erit fur nocens ("sera un voleur et un
coupable") qui recusat intrare per me ("qui refuse d'entrer par
moi") autrement dit par ma foi et mon humilité, et par mes autres vertus. |
ille ergo erit fur
nocens:
qui recusat intrare per me
id est per fidem mei et per meam humilitatem: et
alias uirtutes meas.
|
(1630) (Possunt ("ils peuvent")) quelqu'un pourrait me
demander pourquoi les prophètes ne peuvent pas introduire le boiteux alors que
Pierre, lui, le peut ? |
(Possunt.) diceret quispiam: cur
prophetæ non possunt introducere claudum: et
petrus potuit?
|
(1631) Arator répond : parce que les prophètes disent des réalités
futures et cernenda ("qui restent à voir"), mais Pierre, lui, dit
uisa ("des réalités qu'il a vues") ; de même, parce que
cette porte est confiée à Pierre, qui est le portier et le gardien de la cour
céleste, et non aux prophètes. |
Respondet: quia prophetæ dicunt futura et
cernenda
: at petrus
dicit uisa. Item quia hæc porta commissa est petro: qui est ostiarius et ianitor aulæ coelestis: non prophetis.
|
(1632) Voici l'ordre : prophetae loquentes magis cernenda
("les prophètes qui disent plutôt des réalités qui restent à voir") autrement dit
futures ; quam uisa ("que des réalités qu'ils ont vues")
autrement dit passées ; possunt portare ("peuvent porter")
autrement dit le boiteux ; ad portam ("jusqu'à la porte") et
non queunt ("ne sont pas capables") autrement dit ne peuvent pas
le faire entrer. |
ordo est.
prophetae loquentes magis
cernenda id est futura:
quam uisa id est
præterita:
possunt portare id est
claudum ad portam: et non introducere:
queunt id est possunt.
|
(1633) Et cela n'a rien d'étonnant ; en effet, (au témoignage de Jérôme
dans la préface au Pentateuque) : "ce que nous avons entendu est raconté
d'une manière, ce que nous avons vu d'une autre, car nous le comprenons mieux et
l'exprimons mieux" ; voilà pourquoi Arator continue en disant :
Hæc ianua ("cette porte") a été confiée, évidemment par le
Christ, petro ("à Pierre") qui ("qui"), évidemment
Pierre, confessus christum ("ayant confessé sa foi au Christ") en
disant qu'il est le Fils du Dieu vivant, monstrat cognita ("montre
ce qu'il connaît") autrement dit a vu, et ne prédit pas des événements futurs et
qu'il n'a pas vus, comme les prophètes. |
Nec hoc mirum est. aliter enim (teste
hieronymo in pentateucum) audita: aliter uisa narrantur. Quod melius intelligimus melius et
proferimus.HIER. praef. Vulg. pent. ideo subdit.
Hæc ianua:
credita scilicet a Christo:
petro:
qui scilicet petrus:
confessus christum: filium esse dei uiui:
monstrat cognita id est
uisa: non prædicit futura et non uisa ut
prophetæ.
|
(1634) Chez Matthieu, chapitre 16, le Seigneur dit à Pierre : "tu es
Pierre", évidemment la pierre que j'ai posée, de façon à conserver la dignité de
fondement de tout, et toi, sur ce fondement que je suis, tu arrangeras des pierres
pures et tu rejetteras les pierres lépreuses, et "sur cette pierre je bâtirai mon
Eglise, et je te donnerai les clés du Royaume des cieux". |
Apud matthæum.
xvi. cap. dixit dominus petro.
Tu es petrusMt 16, 18 scilicet a me petra: ita tamen ut mihi
retineam dignitatem fundamenti: tu super me
ordinabis lapides mundos et abiicies leprosos.
et super hanc petram edificabo ecclesiam meam. Et tibi dabo claues regni celorum Mt 16, 18-19 etc.
|
(1635) (Non) sonat ("il ne fait pas résonner")
autrement dit il ne dit pas, Pierre évidemment, uentura ("des
réalités à venir") autrement dit futures, comme le faisaient les prophètes. |
(Non) sonat id
est non dicit scilicet petrus
:
uentura id est futura ut
prophetæ.
|
(1636) (Vetus o ("Vieillard")) apostrophe à chacun des deux
boiteux, évidemment celui qui sert de figure, et qui a été guéri par Pierre, et
celui qui est figuré, autrement dit le peuple d'Israël, qui sera guéri de son
aveuglement et de son obstination et entrera par la porte, s'il prie le portier,
Pierre, de le faire entrer dans l'Eglise de Dieu, comme le boiteux l'a prié et l'a
encouragé à le faire entrer dans le Temple. |
(Vetus o.) apostrophe ad utrunque claudum: scilicet figurantem: qui sanatus est a
petro: et
figuratum id est populum
israeliticum: qui sanabitur a
cæcitate et peruicacia sua: et per portam
ingredietur: si hostiarium petrum orauerit ut se introducat in
ecclesiam dei: sicut claudus ille orauit petrum et exortauit:
ut se in templum intromitteret.
|
(1637)
O clode uetus ("Vieillard boiteux") autrement dit peuple d'Israël,
toi qui es un vétéran dans la boiterie, iacebis ("tu resteras
gisant") comme le boiteux, sine fine ("sans fin") autrement dit
pour une durée infinie, ni ("à moins que") mis pour
nisi, roges petrum ("tu ne demandes à Pierre")
évidemment qu'il te fasse entrer dans l'Eglise de Dieu par la porte qui est le
Christ, autrement dit par la foi dans le Christ. |
O clode uetus id est o
popule israelitice ueterane in
claudicatione:
iacebis scilicet claudus:
sine fine id est infinito
tempore:
ni id est nisi roges petrum scilicet ut te
introducat in ecclesiam dei: per portam id est
christum hoc est fidem christi.
|
(1638)
Qui ("Lui qui"), Pierre évidemment, pellens
("poussant") autrement dit écartant de lui, noxia ("la
culpabilité") autrement dit ce qui apporte condamnation et dommages à l'âme comme
par exemple les richesses, uitat onus auri ("évite le fardeau de
l'or") autrement dit ne se charge pas d'or, et ne veut pas en voir, en
disant : "de l'or et de l'argent, je n'en ai pas". |
Qui scilicet petrus:
pellens id est remouens a
se:
noxia id est damnosa et
detrimentum animæ afferentia scilicet diuitias:
uitat onus auri id est non
onerat se nec uult habere aurum: dicens aurum et argentum non est mihi.ac 3, 6
|
(1639) L'or, en effet, comme un vêtement dans lequel on est empêtré, en
raison de son poids excessif, n'est pas tant porté que traîné, et n'est pas tant
utile et expédient que gênant et cause de chute ; mais, il nous charge plus
qu'il ne nous sert, et son abondance est vaine, et sa surabondance cause de
culpabilité ; pour finir l'or, à la manière d'un immense et énorme
gouvernail, nous fait plus couler qu'il ne nous dirige. |
Aurum enim uelut laciniosum indusium: ob
nimium pondus non tam gestatur quam trahitur : nec
tam expedit explicatue quam impedit et precipitat.
Atque oneri potius quam usui exuberans irritam habet copiam: noxiam nimietatem. De[36v]nique aurum uelut ingens et enorme gubernaculum potius mergit
quam regit.
|
(1640) Voilà pourquoi le poète continue ainsi : Cui ("lui
pour qui"), à Pierre évidemment, censuit ("décréta") autrement dit
prescrivit ; author ("l'auteur") autrement dit le Créateur du
monde, le Christ, non gestare sibi peram ("de ne pas porter de
bourse pour lui-même") autrement dit ce petit sac de peau, bien commode pour
porter ce dont on a besoin pour la route. |
ideo subdit (Cui) scilicet petro:
censuit id est præcepit:
author: id est creator rerum christus:
non gestare sibi peram id
est pelliceum folliculum aptum portando uiatico.
|
(1641) De fait chez Matthieu, le Seigneur dit aux disciples : "ne
possédez pas d'or, ni d'argent, ni de monnaie dans votre ceinture, ne prenez pas
de bourse pour la route". |
Nam apud mattheum dixit dominus discipulis :
nolite possidere aurum: nec argentum: nec pecuniam in Zonis uestris: non peram in uia.Mt 10, 9
|
(1642) Par ces mots, le Maître éternel enseigne à celui qui va faire retentir
le clairon de la parole divine qu'il ne doit s'inquiéter d'aucun souci du
nécessaire, ou de ce qui permet de se procurer le nécessaire. |
Quibus uerbis monet doctor æternus:
Buccinatorem uerbi diuini nulla cura debere sollicitari rerum
necessariarum: uel rerum quibus necessaria
comparantur.
|
(1643) Les biens temporels en effet sont une cause de trouble violent quand
on les recherche ; une fois qu'on les a, le trouble à les posséder est encore
plus violent et, quand on les a acquis, ils se glissent dans le corps de qui les
possède, et entraînent vers eux son esprit dans un amour immodéré
d'eux-mêmes. |
Temporaria enim ærumnose quæruntur: et
quæsita ærumnosius possidentur: partaque abeunt in
membra possidentis. trahentia ad se animum
immoderata sui dilectione.
|
(1644) Cet état de fait étouffe et blesse gravement la parole de Dieu, et
soumet à la terre la particule de souffle divin qui est en nous. |
Quæ res suffocat et prægrauat uerbum dei:
atque summittit humi diuinæ particulam auræ.
|
(1645) Le prédicateur doit donc avoir en Dieu une confiance si grande que,
même s'il ne prévoit rien pour les dépenses de sa vie présente, il sache de façon
absolument certaine que rien ne lui manquera, de peur que, tandis qu'il est
entraîné de nouveau vers des biens qui passent, il en annonce moins ceux qui ne
passent pas. |
Tanta autem fiducia in deo debet esse prædicatori: ut præsentis uitæ sumptus et si non præuideat: tamen sibi non defuturos certissime sciat: ne dum retrahitur ad caduca: minus prædicet æterna.
|
(1646) "Regardez", dit Jésus chez Matthieu, "les oiseaux du ciel qui ne
sèment ni ne récoltent" et pourtant ils sont nourris par la providence de Dieu et
n'ont aucun souci, cela est bien plus justement applicable à vous qui êtes des
fils. |
RespiceMt 6, 26 (inquit iesus apud matthæum) uolatilia cœli: quæ non serunt nec
metunt:Mt 6, 26 et tamen dei prouidentia aluntur absque
cura: multo ergo uos iustius: qui filii estis.
|
(1647) Par ces paroles, le Maître céleste, en prescrivant, dans tout son
discours, le mépris du siècle et la confiance dans les réalités futures, a voulu,
par la foi, extirper de ses amis l'amour des biens présents et le désespoir
d'obtenir des biens futurs, pour éviter que leur ardeur à faire le bien ne s'en
endorme. |
his uerbis magister cœlestis contemptum sæculi et fiduciam
futurorum toto sermone præcipiens: amorem præsentium
et desperationem futurorum a suis per fidem uoluit excutere: ne ob hæc in bene agendo torpescerent.
|
(1648) De fait, quelque grande soit la peine que nous devons prendre, car il
est écrit "c'est à la sueur de ton front que tu te nourriras de ton pain",
cependant, l'inquiétude qui trouble notre esprit, il faut totalement la
supprimer. |
Nam quamuis labor exercendus sit: quia
scriptum est in sudore uultus tui uesceris pane tuo:Gn 3, 19 tamen sollicitudo:
quæ mentem perturbat: omnino tollenda est.
|
(1649) En un autre sens, le Seigneur prescrit de ne pas porter de bourse,
parce qu'une bourse est faite du cuir d'un animal mort, autrement dit, il prescrit
de ne rien porter qui soit mort, rien d'humain, mais seulement ce qui est éternel
et divin, et de ne pas non plus craindre un seul pas vers la mort, ni de se
laisser détourner du but fixé à chacun par aucun danger. |
Aliter præcepit dominus non gestare peram: quia ex corio mortui animalis pera fiat id est nihil morticinum
gerere: nihil humanum sed æternum ac diuinum. nec idem ullum mortis gradum timeat: neue reflectatur ullo periculo ab destinato sibi
scopo.
|
(1650) (Pete ("demande")) il s'adresse encore au boiteux, que
tu sois le peuple d'Israël ou celui qui demande l'aumône, pete
("demande"), à Pierre évidemment, dona salutis ("les dons du
salut") autrement dit de la santé de l'âme et du corps, suivant qu'on le rapporte
à l'un des boiteux, non secteris ("ne t'attache pas") autrement dit
ne recherche pas avec inquiétude, opes ("des biens") autrement dit
des richesses, fragiles ("fragiles") autrement dit qui s'écoulent,
quas ("que") debet spernere ("doit mépriser")
cum domino ("avec le Seigneur"), évidemment le Christ, pauvre
dans cette vie, debet ("doit"), évidemment le boiteux guéri,
qui ("qui"),évidemment l'homme guéri, erit diues
("sera riche"), post limina templi ("de l'autre côté du seuil du
Temple") autrement dit quand il sera entré au-delà du seuil et de la porte du
Temple avec le boiteux. |
(Pete.) adhuc alloquitur claudum.
o claude : uel popule
israelitice. uel qui petis
elemosynam:
pete scilicet a petro
dona salutis id est
sanitatis in anima uel in corpore : si ad alium
claudum sensum refers.
non secteris id est non
quæras sollicite:
opes id est diuitias:
fragiles id est fluxas:
quas scilicet opes:
debet spernere:
cum domino scilicet Christo
paupere in hac uita:
debet scilicet sanatus
claudus:
qui scilicet sanus erit diues:
post limina templi. id est postquam ingressus fuerit limen et portam
templi cum claudo.
|
(1651) (Templi (« le Temple")) autrement dit l'Eglise
militante qui déborde de biens spirituels en grand nombre, et, pour le dire d'un
mot, est pleine de tous les biens. |
(Templi.) id est ecclesiæ militantis quæ affluit in numeris
bonis spiritalibus: et ut dicam in summa: cunctis bonis plena.
|
(1652) Quand il est entré au-delà du seuil de ce Temple, Paul a dit :
"comme n'ayant rien, nous possédons tout". |
Huius templi limen ingressus paulus dixit:
Tanquam nihil habentes et omnia possidentes.2 Co 6, 10
|
(1653) Autre possibilité : templi ("le Temple"),
autrement dit l'Eglise triomphante, où le bonheur est puissé, non en partie mais à
pleine cuve. |
Vel templi id
est ecclesiæ triumphantis: ubi non in parte, sed in toto alueo felicitas hauritur.
|
(1654) (Porticus Salomonis ("le Portique de Salomon")) :
"tout le peuple", dit Luc "accourt vers eux", évidemment Pierre et Jean "près du
Portique de Salomon, dans la stupéfaction". |
(Porticus
Salomonis.) Curritac 3, 11 inquit lucas
omnis populus ad eosac 3, 11 scilicet petrum et loannem:
ad porticum
salomonis stupentes.ac 3, 11
|
(1655) Ce portique a été construit par Salomon, puis renversé par les
Chaldéens, mais au retour de la captivité à Babylone, un autre portique du même
nom a été construit, comme nous l'avons déjà dit plus haut à propos de la Belle
Porte. |
hæc porticus
ædificata a salomone per chaldeos euersa est: sed post reditum captiuitatis babylonicæ alia retento nomine ædificata est: ut supra de porta speciosa diximus.
|
(1656) Arator, et Bède qui suit Arator, disent qu'une fois le boiteux sauvé,
celui-ci vint dans le Portique de Salomon autrement dit le Christ, dont Salomon
est la figure, et que tout le peuple, autrement dit la totalité du monde qui était
représenté par cette foule du peuple, accourut vers le Portique de Salomon,
autrement dit vers l'Eglise du Christ, faiseur de paix. |
Dicit autem Arator: et Beda qui aratorem
sequitur: quod postea quam claudus saluus factus
in porticum salomonis id
est christi: qui per salomonem figurabatur: uenit: cucurrit omnis populus id est uniuersus mundus: qui significabatur per illum populum: ad porticum salomonis id est ad ecclesiam christi pacifici.
|
(1657) De fait le nom 'Salomon' se traduit par pacificus
("faiseur de paix"), ou alors 'rétributeur', si on le traduit d'hébreu en
latin. |
Nam salomon interpretatur pacificus: uel
retributor a lingua hebrea in
nostam transferendo.
|
(1658) Le Christ est bien le vrai pacificus ("faiseur de
paix"), car, médiateur, il nous réconcilie avec Dieu et répand sur toutes les
terres la vraie paix. |
Est autem Christus uerus pacificus: quia mesites nos deo
concilians: ueram pacem in omnes terras
fundit.
|
(1659) C'est ce qui fait qu'Isaïe dit : "son empire s'étendra, et la
paix n'aura pas de fin", et Daniel : c'est lui "la pierre arrachée de la
montagne" qui, quand le royaume de la terre s'effondrera, occupera seul dans le
monde un royaume de paix. |
Vnde Esaias:
multiplicabitur inquit eius imperium: et
pacis non erit finis.Es 9, 7 Et Daniel: ipse est lapis de monte abscissus:Dn 2, 34 qui terreno regno ruente: solus per orbem pacificum tenet imperium.
|
(1660) En péchant en effet, nous étions étrangers à Dieu, mais nous obtenons
la paix en recevant en nous le Christ né pour nous. |
Peccando enim eramus a deo extranei:
pacem consequimur: qui Christum suscipimus natum.
|
(1661) De fait, pour les impies, il n'est nulle paix dit le prophète, car, de
quelque manière que ce soit, ils persécutent le Christ. |
Nam impiis nulla pax est ut ait propheta:
qui Christum quoquomodo persequuntur.
|
(1662) (Hunc ("celui-ci")), le boiteux évidemment,
habet ("le possède") autrement dit le reçoit, porticus
salomonis ("le Portique de Salomon"), parce que le boiteux guéri par
Pierre vint avec les apôtres dans le Portique de Salomon et aussitôt le peuple
accourut vers eux, dans la stupéfaction. |
(Hunc) scilicet
claudum:
habet id est recipit:
porticus salomonis. quia claudus sanatus a petro uenit cum apostolis in porticum salomonis: et ad eos cucurrit statim populus miraculum
stupens:
|
(1663) Mais Arator explique l'allégorie quand il dit sous forme de
question : qui uocatur iure pacificus ("qui est à bon droit
nommé faiseur de paix") autrement dit qui est vraiment Salomon, vraiment faiseur
de paix ? |
sed allegoriam declarat Arator cum ait interrogando:
qui uocatur iure pacificus
id est uere salomon uere pacificus?
|
(1664) Pourquoi n'est-ce pas ce Salomon, fils de David, qui était une figure,
mais donc celui qui sera iure ("à bon droit"), autrement dit
vraiment pacificus ("faiseur de paix"), fide
regnante ("quand la foi règnera") à travers le monde ? |
quid non ille salomon
filius dauid:
qui fuit figura: qui ergo erit iure id est uere pacificus:
fide regnante per orbem:
|
(1665) Pourquoi n'est-ce nul autre que le Christ qui sera semper
pacificus ("toujours faiseur de paix") ? |
quid nullus alius: nisi Christus. et qui erit semper pacificus nisi Christus?
|
(1666) Vraiment aucun autre. |
quid nullus alius.
|
(1667) Le poète dit de fait semper ("toujours") autrement dit
pour l'éternité, parce que ce n'est pas seulement sur un seul peuple, celui des
Juifs, que le Christ règne spirituellement et pour l'éternité, mais sur toute
l'Eglise qui, par la foi et sa profession de foi, se rattache au sort des
patriarches, soit dans ceux qui, nés par le sort des patriarches, n'ont pas
dégénéré en olivier sauvage, soit dans ceux qui, greffés sur l'olivier sauvage,
ont été greffés pour donner un bon olivier. |
Dicit autem semper id est in æternum. Quia non
solum in una gente iudæorum
spiritaliter: et in æternum regnat Christus: sed in tota ecclesia: quæ
per fidem et confessionem ad patriarcharum pertinet sortem : siue in illis qui de patriarcharum sorte nati in
oleastrum non degenerauerunt: siue in his qui de
oleastro incisi : in oliuam bonam sunt inserti.
|
(1668) (Hic ("celui-ci")), le Christ prince de paix
évidemment, protegit omnem ("protège toute personne") autrement dit
tout fidèle, par son inestimable paix, qui ("qui"), le fidèle
évidemment, placet ("plaît") évidemment au Christ, petro
ductore ("avec Pierre comme guide") et portier et pasteur,
Quo ("par lequel"), Pierre évidemment, præsule
("à sa tête") autrement dit comme pasteur agissant en lieu et place du Christ,
surgit ("il se redresse"), évidemment le fidèle qui boitait dans
son esprit sous le poids de ses manques de foi et de ses péchés. |
(Hic) scilicet
Christus uerus pacificus:
protegit omnem id est
fidelem pace sua inæstimabiIi:
qui scilicet fidelis:
placet scilicet Christo.
petro ductore et ianitore
et pastore.
Quo scilicet petro:
præsule id est pastore et
uices christi gerente:
surgit scilicet fidelis
claudicans animi infidelitate et peccatis.
|