Livre 1 section 7 (vv. 244-292)

ad praecedentem sectionemad sequentem sectionem
(1470) (CLAVDVS ERAT) : comme le Seigneur augmentait chaque jour le nombre des fidèles qui mettaient tout en commun, Pierre et Jean, comme le raconte Luc en Actes 3, montaient au Temple vers la neuvième heure. (CLAVDVS ERAT.) Cum dominus fideles omnia inuicem communicantes quottidie augeret: petrus et Ioannes ut in. iii. capite narrat: Lucas : ascendebant in templum ad horam orationis nonam.
(1471) Mais un homme qui était boiteux depuis le sein de sa mère et était âgé de quarante ans était placé chaque jour près de la porte du Temple que l'on appelait "Belle Porte" afin de demander l'aumône à ceux qui entraient dans le Temple. Quidam uero claudus ex utero matris natus xl. annos ad portam templi quotidie ponebatur quæ dicebatur speciosa: ut peteret elemosynam ab introeuntibus in templum .
(1472) Donc comme il la lui demandait, Pierre lui dit : "regarde nous" et comme celui-ci était attentif en espérant recevoir quelque chose, Pierre lui dit : "de l'or et de l'argent je n'en ai pas, mais ce que j'ai je te le donne, au nom de Jésus Christ de Nazareth lève-toi et marche". Et, aussitôt guéri, il entra avec eux dans le Temple, et tout le peuple, qui connaissait parfaitement le boiteux, plein de stupeur devant un si grand miracle, accourut pour honorer les apôtres sous le portique que l'on appelait "Portique de Salomon". Ei ergo iam roganti dixit petrus: respice in nos. cum is intenderet sperans se aliquid accepturum. Tum petrus aurum et argentum non est mihi. quod autem habeo: hoc tibi do. In nomine iesu christi nazareni surge et ambula.ac 3, 6 et protinus sanatus intrauit cum illis in templum: et omnis popu[33v]Ius qui claudum probe cognosceret: plenus stupore tanti miraculi cucurrit ad apostolos honorandos in porticum quæ dicebatur salomonis.
(1473) Telle est l’histoire que le poète raconte dans sa septième section ; il y ajoute cependant une claire compréhension de ce mystère, comme je le dirai en son lieu et place. Hanc historiam narrat hic poeta in .vii. sectione: addita tamen huius mysterii præclara intelligentia: ut dicam suo in loco.
(1474) Mais voici d’abord comment il raconte cette histoire. historia autem prius narratur in hunc modum
(1475) (erat claudus ("il y avait un boiteux")) évidemment dans la ville de Jérusalem, où se trouvaient les apôtres ; cui ("à qui") évidemment le boiteux ; prima dies ("le premier jour") évidemment celui de sa naissance, quand il naquit ; dedit exordia ("donna les commencements") autrement dit le début, uitae ("de sa vie") ; cum strage membrorum ("en même temps que la ruine de ses membres") autrement dit en lui faisant perdre l’usage des ses membres qui boitaient. (erat claudus) scilicet in urbe hierusalem in qua erant apostoli: cui scilicet claudo prima dies scilicet natuitatis cum natus est: dedit exordia id est principium:uitæ: cum strage membrorum id est cum damno membrorum claudicantium.
(1476) C’était en effet un boiteux de naissance, et il ne pouvait en aucune manière marcher, mais on le portait, et il était déposé par ses porteurs près des portes du temple ; claudus ("un boiteux") dis-je, gerens octo lustra ("comptant huit lustres de vie") autrement dit quarante ans, car cinq fois huit font quarante, vu que le lustre couvre un espace de cinq ans. Erat enim claudus ex utero matris: et ipse per se nullo pacto poterat incedere sed baiulabatur: et ad fores templi a gestantibus ponebatur. claudus dico : gerens octo lustra id est xl. annos: quia quinquies octo .xl sunt: cum lustrum sit quinque annorum spacium:
(1477) langore coæuo ("avec une faiblesse égale son âge") autrement dit avec une infirmité qui avait le même âge que lui, autrement dit comme l’infirmité de sa boiterie avait le même âge que le boiteux lui-même. langore coæuo id est infirmitate coetanea. hoc est cum infirmitas claudicandi esset eiusdem ætatis cum claudo.
(1478) De fait, de même que le boiteux avait quarante ans, son infirmité aussi avait quarante ans, puisqu’il était boiteux de naissance. Nam sicut claudus erat. xl. annorum: ita infirmitas quoque annorum. xl: cum claudus natus fuisset ex utero matris.
(1479) ad quem ("auquel") évidemment le boiteux placé la porte du Temple dite "Belle Porte", Petrus ait ("Pierre dit"), évidemment les mots qui suivent, évidemment respice ("regarde"), boiteux, vers nous. Ad quem scilicet claudum positum in porta templi speciosa dicta: petrus ait scilicet uerbum sequens scilicet respice: o claude in nos.
(1480) Et Pierre parla ainsi au boiteux comitante Ioanne ("en compagnie de Jean") autrement dit alors que Jean accompagnait Pierre qui entrait dans le Temple. et hoc dixit petrus claudo: comitante ioanne. id est cum ioannes petrum comitaretur introeuntem in templum.
(1481) (spes ("l’espérance")) évidemment celle qui était née dans le cœur du boiteux aux paroles de Pierre ; lusit ("s’est jouée"), autrement dit a trompé ; uotum ("ton vœu") autrement dit ton désir ; auarum ("cupide") autrement dit de boiteux cupide et désireux de recevoir l’aumône. (spes). scilicet in animo claudi concepta ex uerbo petri: lusit id est fefellit uotum id est desiderium: auarum id est claudi auari et cupidi accipiendæ elemosynæ.
(1482) De fait, comme Pierre avait dit "regarde, boiteux, vers nous", le boiteux a cru que Pierre se préparait à ouvrir sa bourse, pour en tirer une aumône qu’il lui accorderait. nam cum dixisset petrus: respice o claude in nos: credidit claudus petrum parare crumenam: ut inde ei elemosynam largiretur.
(1483) Mais cette espérance s’est jouée de son vœu et de son désir excessivement avide de recevoir une aumône, parce que Pierre dit au boiteux : "de l’or et de l’argent je n’en ai pas" ; mais pourquoi n’attendrais-tu pas d’un homme aussi pauvre que toi, voire même plus pauvre, une aumône ? Sed hæc spes ludificata est uotum et desiderium ipsius nimis auidum accipiendæ elemosynæ. quia petrus dixit claudo: aurum et argentum non est mihiac 3, 6 quid non expectes ab homine tam paupere quam tu es: imo paupere magis elemosynam.
(1484) Voilà pourquoi Arator ajoute cumque negat ("et quand il refuse") autrement dit quand Pierre refuse au pauvre boiteux une aumône en disant : "de l’or et de l’argent je n’en ai pas", parat ("il prépare") évidemment Pierre, meliora ("des biens meilleurs") autrement dit des réalités meilleures que l’aumône, l’or et l’argent, évidemment la santé qu’aussitôt il lui apporta au nom de Jésus de Nazareth. ideo subdit (Cumque negat ) id est petrus cum negat pauperi claudo elemosynam dicens: aurum et argentum non est mihi:ac 3, 6 parat scilicet petrus meliora id est res meliores elemosyna et auro et argento scilicet sanitatem: quam statim contulit in nomine Iesu nazareni.
(1485) Or la santé est un bien dont la valeur dépasse tout prix. Est autem sanitas quolibet precio preciosior.
(1486) (quam sæpe ("combien souvent")) description pleine de finesse d’un boiteux qui passe de l’espérance au désespoir, et qui, pour finir, reçoit, au-delà de l’espérance qu’il avait conçue, la santé ; quand Pierre en effet lui dit : "regarde", il espéra obtenir une aumône, mais quand il lui rétorqua "de l’or et de l’argent je n’en ai pas", il désespéra. (quam sæpe) acuta descriptio claudi modo spem: modo desperationem concipientis et tandem consecuti sanitatem super spem: quam conceperat. cum enim dixit petrus: respice: sperauit se consecuturum elemosynam: cum rursus inquit: aurum et argentum non est mihi:ac 3, 6 desperauit.
(1487) Et pourtant ce boiteux qu’accablait et oppressait un tel désespoir, la santé vint faire sa joie ; il ne l’espérait pas, car elle dépassait son espérance, puisque c’était un miracle qui ne pouvait lui être procuré sans l’aide du Ciel et de sa puissance. Et tamen ipsum claudum desperatione tali grauatum et pressum lætificauit sanitas: quam ille non sperauerat: quæ erat supra spem: cum esset res mirabilis: nec parari nisi cœlesti numine posset.
(1488) Voilà bien une maxime universelle et générale et qui s’adapte parfaitement au sujet. Est autem sententia catholica: et generalis: et accommodatissima rei propositæ.
(1489) (Desperata ("des désespoirs") autrement dit des choses désespérées ; quam saepe ("combien souvent") autrement dit combien fréquemment ; iuuant ("secondent") autrement dit aident, grauatos ("des accablés") autrement dit des gens opprimés ; ici le boiteux était opprimé par la souffrance, en raison de son désespoir, mais, au moment même de ces tristes débuts faits d’un si grand désespoir, il y avait à deux pas et déjà tout proches la prospérité et l’immense joie de la santé, qui a aussitôt succédé à ce désespoir. (Desperata) id est res desperatæ: quam sæpe id est quantum frequenter: iuuant id est adiuuant: grauatos id est oppressos : modo hic claudus per desperationem erat pressus molestia: sed sub his principiis moestis tantæ desperationis: erat in confinio et iam in proximo prosperitas et læticia maxima sanitatis: quæ statim secuta est post illam desperationem.
(1490) Et voilà pourquoi il continue (et prosperitas uenit ad uota ("et la prospérité vint seconder ses vœux")) autrement dit, selon ce que nous désirions, la bonne fortune est venue avec sa prospérité ; je parle d’une prospérité nata semine ("née d’une semence") autrement dit d’un prémice, malo ("mauvais") autrement dit contraire ; et c’est une prosperitas coelans confinia laeta ("une prospérité qui cache d’heureux confins"), autrement dit voilant et dissimulant sous des prémices maestis ("tristes") autrement dit funestes, confinia laeta ("d’heureux confins"), autrement dit une prospérité heureuse située dans un terme proche et voisin de ces funestes prémices. et ideo subdit: (et prosperitas uenit ad uota). id est secundum nostra desideria uenit bona fortuna et prospera: prosperitas dico nata semine id est principio: malo id est contrario: et prosperitas coelans confinia læta id est obumbrans et abscondens principiis moestis id est tristibus: confinia læta id est lætam prosperitatem in propinquo termino et uicino illis tristibus principiis.
(1491) Et il faut comprendre cette sentence de manière générale, évidemment parce que la plus grande joie rejaillit la plupart du temps d’une grande tristesse, comme par exemple, si nous disions ce mot du Christ chez Luc : "ne fallait-il pas que le Christ souffre et ainsi entre dans sa gloire ?". Et generaliter est intelligenda sententia: quia scilicet læticia maxima ex magno moerore plaerumque redundat. ut exempli gratia: si diceremus illud christi apud lucam: nonne haec oportuit pati christum et ita intrare in gloriam suam? Lc 24, 26
(1492) En effet, bien que, selon la volonté préexistante du Père, et pour l’exaltation du Christ et la rédemption du genre humain ainsi que pour l’accomplissement des Ecritures, il fallait que le Christ souffre ; cependant sa gloire resplendit plus clairement et il en apparut une joie grande, après le déshonneur de cette tromperie ignominieuse et l’amertume de cette mort très douloureuse ; et les apôtres n’auraient pas éprouvé le miel si doux de la résurrection si ne l’avait pas précédé le fiel de la croix la plus amère. quamuis enim et propter patris praeordinationem. et christi exaltationem: et humani generis redemptionem: et scripturarum impletionem oportuit pati christum: tamen illa gloria clarius refulsit et illud gaudium maius apparuit: post ignominiosae illusionis dedecus et acerbissimae mortis absynthium necnon tam dulces resurrectionis fauos: [34r] persensissent apostoli: nisi crucis amarissimae fel antecessisset.
(1493) Ce qui fait dire à Jean : "les disciples se réjouirent en voyant le Seigneur", et Luc dit aussi :" ils n’y croyaient pas encore et s’étonnaient en étant pleins de joie". Vnde loannes: gauisi inquit sunt discipuli uiso domino.Jn 20, 20 Et Lucas adhuc inquit illis non credentibus et mirantibus præ gaudio .Lc 24, 41
(1494) Arator a donc bien raison de dire que la prospérité est née de principes sinistres et d’une semence contraire. Recte ergo arator dicit prosperitatem natam a principio sinistro et aduerso semine.
(1495) De même, en effet, que l’arbre naît de la semence, ainsi d’une grande tristesse naît une grande joie. Vt enim ex semine nascitur arbor: ita ex magno moerore magnum oritur gaudium.
(1496) De même ici le boiteux a espéré, puis, quand Pierre a dit qu’il n’avait ni or ni argent, a désespéré et a été accablé de tristesse, et pourtant la santé, qui était pour lui le sommet de la prospérité, est venue bientôt conformément à ses vœux et à son désir ; cette santé cachait ses confins et sa proximité sous des prémices qui poussaient au désespoir. Sicut hic claudus sperauit. mox negante petro se aurum et argentum habere: desperauit tristicia grauatus: et tamen sanitas quæ illi erat maxima prosperitas: uenit mox ad uota et desiderium: quæ sanitas coelabat confinium et uicinitatem principiis desperationis.
(1497) Quant à ce que les physiciens pensent de la conjonction des contraires que l’on trouve dans la nature et en nous, pourquoi toujours dans des moments joyeux passe quelque inquiétude, pourquoi dans les moments d’inquiétude quelque joie, de sorte qu’il n’existe pas vraiment de pureté ni dans le plaisir ni dans la tristesse, puisqu’ "il n’est pas de rose sans épine, ni de miel sans fiel", je l’ai dit dans la Relectio de uerbis obliquis. Quid autem physici sentiant de coniugatione contrariorum quæ in rerum natura ac nobis inuenitur: cur semper lætis aliquid sollicitum interuenit: cur sollicitis lætum: ut nulla sit plane sinceritas uel in uoluptate uel in mœrore: quoniam ubi uber ibi tuber sit: ubi mel ibi fel: dixi in relectione de uerbis obliquis.
(1498) En effet, le mot d’Homère n’est pas qu’une invention de poète : il décrit devant le seuil de Jupiter, deux amphores pleines, l’une de miel, l’autre de fiel ; et aucun homme ne peut recevoir purement de l’une sans l’autre, mais les deux se mêlent et se marient ; cela, nous dit-il, est vrai non seulement de la vie humaine, mais aussi de la nature ; tantôt elle est une mère, tantôt une marâtre, on le voit bien partout, parfois elle est indulgente et douce mais cependant pas partout, parfois elle est sauvage et hostile, mais sans être cependant totalement dépourvue auparavant de tous les avantages. Nec enim illud Homeri uatis plasma: quo fingit ante iouis limen duo esse dolia plena: alterum mellis alterum fellis: nec ulli hominis dari alterum sine altero purum: sed mixtum in coniugio: illud inquit non tamtum uerum in uita hominum sed et in natura rerum: quæ modo mater modo nouerca ubique terrarum uisitur: quandoque indulgens et blanda non tamen ubique: quandoque sæua et infesta non ante omnino omnibus commodis spoliata.
(1499) (Gaudebit ("il se réjouira")) egenus ("le nécessiteux") autrement dit le pauvre, évidemment, le boiteux ; plus gaudebit meruisse manu uacua ("il se réjouira plus d’avoir obtenu d’une main vide") évidemment le bien de la santé, alors même que la main est vide d’aumône ; autre interprétation de gaudebit egenus meruisse ("il se réjouira, le nécessiteux, d’avoir obtenu") évidemment le bien de la santé, plus ("plus") ce qui est plus et plus grand manu uacua ("d’une main vide") que d’une main pleine. (Gaudebit.) egenus id est pauper scilicet claudus: plus gaudebit: meruisse manu uacua scilicet bonum sanitatis cum manus sit uacua elemosynæ. uel aliter gaudebit claudus: meruisse scilicet bonum sanitatis: plus quod plus est: et maius uacua manu quam manu plena.
(1500) De fait, s’il avait eu la main emplie d’or et d’argent, puisque Pierre lui aurait donné l’aumône, il n’aurait pas obtenu autant que ce qu’il a obtenu alors sans recevoir aucune aumône et la main vide, car c’est bien plus important de rendre la santé en laissant la main vide, que d’avoir la main pleine d’or en gardant son infirmité. nam si manum plenam auro uel argento habuisset dante elemosynam petro: non tantum consecutus fuisset: quam tum consecutus fuit nulla accepta elemosyna et manu uacua. quia pluris est facienda sanitas manu uacua: quam manus plena auri manente infirmitate.
(1501) Voilà pourquoi le poète ajoute : qui ("lui qui") évidemment le boiteux, poscens munera ("demandant des cadeaux") autrement dit demandant à Pierre le don de l’aumône, est datus («a été donné") évidemment le boiteux, sibi ("à lui-même"), autrement dit le boiteux a été restitué à lui-même par Pierre. ideo addit poeta: qui scilicet claudus: poscens munera id est dona elemosynæ a petro: est datus scilicet claudus sibi id est restitutus sibi a petro est ipse claudus.
(1502) Il y a là une amplification artistement faite qui met l’emphase sur le présent donné par Pierre au boiteux lui-même. Et est amplificatio artificiosa exaggerans munus datum a petro ipsi claudo.
(1503) De fait, même si nous portons aux nues l’or, l’argent et tous les autres dons de ce monde, nous faisons cependant plus de cas de nous-mêmes. Nam licet aurum et argentum cætera dona huiusmodi magni faciamus: pluris tamen facimus nos ipsos.
(1504) A quel prix, donc, nous estimons-nous nous-mêmes ? Bien plus que l’or ! Ainsi, Pierre a apporté au boiteux un don plus grand que tous les autres qui lui faisaient l’aumône. quanto ergo maioris nos ipsos quam aurum æstimamus: tanto maius donum petrus claudo contulit quam cæteri elemosynam tribuentes.
(1505) Mais comment Pierre a-t-il rendu le boiteux à lui-même : il est extrêmement facile de le voir. Sed quomodo petrus claudum restituit sibi : id uidere perfacile est.
(1506) De fait, le boiteux ne s’appartenait plus, puisqu’il ne pouvait utiliser ses membres pour marcher, puisqu’il fallait le dos d’un autre pour le porter, puisqu’il était sous l’esclavage de sa maladie, privé de toute liberté. Nam claudus non erat suus: cum suis membris non incederet: cum alieno uectaret dorso. cum esset sub mancipatu ægritudinis: expers libertatis.
(1507) Or Pierre fait qu’il s’appartienne à lui-même, il le donne à lui-même et le restaure en lui donnant la santé ; cela fit qu’il pouvait commander à lui-même et à ses membres, en sorte qu’il était libre du joug de la boiterie et n’avait plus besoin de l’aide d’autrui. petrus autem illum suum fecit: eum sibi dedit: et restituit data sanitate: qua factum est ut sibi imperaret et suis membris: ut esset liber a iugo claudicationis: ut non alieni egeret auxilii.
(1508) (Nulla hic mihi uena ("je n’ai ici nul filon")) Arator revient à son récit qu’il a partagé en intercalant une digression pour amplifier le présent donné par Pierre. (Nulla hic mihi uena .) Redit ad historiam: quam diuisit interposita digressione amplificante munus datum a petro.
(1509) Ainsi d’ailleurs Lucain utilise souvent l’insertion, car il est rare qu’il tisse tout d’une pièce son poème d’un fil continu. Ainsi dans iamque iræ patuere deum manifestaque belli signa dedit mundus ("déjà les colères des dieux se montrèrent, et le monde donna des signes évidents de la guerre"), très rapidement il coupe le fil de la narration en disant Cur hanc tibi rector olympi ("pourquoi pour toi, maître de l’Olympe cette...") etc. ; à cette manière d’écrire, comme nous l’avons dit, Arator s’est tenu en bon émule de Lucain ; si vous ne le remarquez pas avec soin, ce sera partout une pierre d’achoppement, comme si vous marchiez dans les ténèbres. Ita sane lucanus frequenter commate utitur: continuo ductu haud semper carmen texens. Vt iamque iræ patuere deum: manifestaque belli signa dedit mundus.LVCAN. 2, 1-2 mox filum historiæ abrumpit cum ait: Cur hanc tibi rector olympi et. c. LVCAN. 2, 4 Hunc autem scribendi morem (ut supra diximus) tenuit Arator Lucani æmulus: quem nisi diligenter obserues: passim offendes perinde ac si in tenebris ambulares.
(1510) Voilà donc, je l’ai dit une fois pour toutes et une fois pour toute je l’ai fait remarquer à votre attention, mais il y aura plus d’une fois où cela sera utile quand vous trébucherez sur l’explication de nombreux vers. Hoc ergo semel dictum: et semel mente uigili animaduersum: non semel proderit in explanatione multorum uersuum titubantibus.
(1511) Peu auparavant, le poète a dit ad quem comitante ioanne respice petrus ait ("à qui, en compagni de Jean, Pierre dit : ‘regarde’") et, puisque le boiteux a regardé, on fait maintenant le lien avec le récit. Dixit poeta paulo ante: ad quem comitante ioanne respice petrus ait: et cum claudus respexisset. connectitur historia modo.
(1512) (respondit ("il répondit")) Pierre évidemment, et non aux paroles du boiteux, puisque le boiteux n’a rien dit, mais à son intention et à son espérance. (respondit) scilicet petrus non uerbis claudi: cum claudus nullum uerbum dixerit: sed eius intentioni et spei.
(1513) En effet, le boiteux espérait qu’il recevrait une aumône de Pierre, soit une pièce d’or, soit d’argent ; à cette espérance, Pierre répondit en disant hic ("ici") évidemment sur moi, nulla uena ("nul filon") autrement dit rien qui ne puisse contenir, nul canal souterrain ou fluvial ; metalli ("de métal") autrement dit abondant en métal, or ou argent, quae ("qui") évidemment le filon de métal, fundat ("puisse verser") autrement dit répandre en abondance ; opes ("des biens") autrement dit des richesses évidemment pour moi, à partir desquelles je pourrais t’accorder une aumône, autrement dit "je n’ai rien", ego pauper ero ditior ("moi, pauvre, je serai plus riche") autrement dit plus opulent, aegro ("qu’un malade") évidemment que toi et qu'un boiteux comme toi, comment non ? sperabat enim claudus se accepturum elemosynam a petro: uel aureum nomisma: uel argenteum: huic spei respondit petrus dicens: hic scilicet apud me: nulla uena scilicet est: id est nullum conceptaculum: nullus meatus uel subterraneus uel fluuialis: metalli id est abundans metallo auro uel argento: quæ scilicet uena metalli: fundat id est abunde spargat: opes id est diuitias: scilicet mihi. ex quibus possim tibi largiri elemosynam. hoc est ego nihil habeo. Ego pauper: ero ditior id est locupletior: ægro scilicet te et claudo: quid minime:
(1514) Autre interprétation : ego pauper ero ditior ægro ("moi pauvre, je serai plus riche qu’un malade") évidemment dans la mesure où je suis en bonne santé et toi malade, et dans la mesure où, au nom de Jésus, je t’offre la santé ; de fait, cela je le possède ; en outre, dans ce que tu veux et désires, je ne suis pas plus riche parce que je n’ai pas d’or, ni d’argent, ni d’aucun autre métal, comme nous l’a commandé le Seigneur en disant : "n’ayez pas d’or, ni d’argent, ni de monnaie dans vos ceintures" ; comme Pierre avait dit cela, le boiteux était privé de son espérance et accablé de désespoir, pensant que Pierre n’avait rien de plus à lui donner. uel aliter ego pauper ero ditior ægro. si quatenus sanus sum et tu æger: et quatenus in nomine lesu sanitatem tibi pæsto: nam hoc habeo. Cæterum in eo quod tu uis et speras: non sum ditior: quia non habeo aurum: non argentum: non ullum metallum ut præcepit nobis dominus dicens. nolite possidere aurum. nec argentum nec pecuniam in Zonis uestris.Mt 10, 9 hoc cum dixisset petrus: claudus deiectus a spe: erat grauatus desperatione: putans nihil amplius habere petrum quod ei daret.
(1515) D’où ce qui a été dit plus haut desperata iuuant ("des desespoirs secondent") autrement dit aident, grauatos ("les accablés") autrement dit, au-delà de l’espérance et souvent inopinément, des situations désespérées se rétablissent. Vnde supra dictum est: Desperata iuuant. id est adiuuant grauatos id est preter spem et inopinato subleuantur sæpe desperatæ res.
(1516) Ainsi par exemple, Moïse, quand il avait décidé de prendre la fuite, fut le gardien des brebis d’autrui ; mais le même Moïse fut tiré d’une si grande abjection pour s’élever tellement qu’il se trouva comme un égal devant le roi dont, peu auparavant, il avait été l’esclave et fut placé à la tête de six cent mille personnes, devint fameux dans toutes les nations, lui qui auparavant n’était connu que d’une personne et ne commandait qu’à des brebis, et pour finir, lui qui était privé de liberté et nécessiteux, devint le garant et le vengeur de celle d’autrui. Vt uerbi gratia: moses cum fuga sibi consuluisset: pauit alienas oues. Idem tamen a tanta abiectione erigitur mirabiliter adeo: ut ei regi tanuam par obiiceretur cui nuper seruierat: et sexecentis hominum millibus præficeretur: omnibus illustris gentibus: qui paulo ante uni notus ouibus præerat. ac postremo qui suæ libertatis erat indigus egensque fit alienæ assertor ac uindex.
(1517) Il semble donc bien que la prospérité de Moïse naquit d’une semence contraire et funeste comme le dit Arator. Videtur nimirum mosis prosperitas fuisse aduerso et sinistro nata semine ut ait Arator.
(1518) Et si nous voulons convoquer aussi les exemples d’un peuple païen dans ce commentaire, quelle nation pourra-t-on nommer qui se soit tenue plus loin de tout espoir de salut que le peuple romain lors de la deuxième guerre punique ? Il fut frappé au Tessin, abattu à la Trébie, brisé à Trasimène, et pour finir anéanti et foulé aux pieds à Cannes ; alors qu’il était ainsi gisant à terre, de si tristes prémices, il fut conduit à une issue victorieuse et extrêmement prospère dans la victoire qu’il obtint à Zama. Quod si uolumus prophani quoque populi exempla asciscere in hanc relationem: quam gentem dicet aliquis abiisse ab omni salutis spe longius quam romanam secundo punico bello? quæ ad Ticinum concussa : ad trebiam perculsa: ad Trasimenum fracta: ad cannas denique afflicta et proculcata cum iaceret: tam moestis principiis ad exitum uictoriæ ad Zamam partæ prosperrimum producta est.
(1519) Ainsi donc, d’un très grand désespoir, il échoit le plus souvent pour le bonheur des gens une joie inattendue, immense, inespérée. Ergo ex maxima desperatione inopinatum gaudium: ingens: insperatum hominibus plærumque contigit.
(1520) Ainsi également notre boiteux désespérait déjà quand Pierre lui disait nulla hic mihi uena metalli ego ditior ægro pauper ero ("je n’ai ici aucun filon de métal et moi pauvre je serai plus riche qu’un malade") que ce soit sur le mode interrogatif ou affirmatif comme je viens de l’expliquer. lta quoque claudus hic iam desperans cum diceret petrus: nulla hic mihi uena metalli ego ditior ægro pauper ero. uel per interrogationem: uel per affirmationem ut paulo ante exposui.
(1521) Et qu’on n’aille pas s’étonner que, dans ce commentaire, je fasse ce qui est commun à tous les commentateurs, dont le souci principal est de passer en revue les divers sens sans s’en tenir à un seul avis, afin que chacun choisisse (comme dans un dîner aux services variés) ce qui flatte le plus son palais. nec miretur quisquam me in hac interpretatione id agere: quod omnibus est commentatoribus commune: quibus præcipuum studium est per diuersos sensus uagari: nec unam sententiam recensere: ut quisque id eligat (quemadmodum in coena uarie instructa) quod suum magis irritat palatum.
(1522) En effet, tout le monde n’a pas le même goût ; chacun a son propre palais. nec enim idem omnibus gustus est: sed suum cuique palatum.
(1523) Du moins, nous voyons que cette méthode est familière à Origène, illustre commentateur des divines lettres : sur le même sujet, il fournit au lecteur une copieuse matière à réflexion, en fournissant des commentaires différents et variés. Certe origeni uiro claro in enarrandis diuinis litteris familiare hoc esse uidemus: ut eadem de re variis disserendis sententiis lectori copiosam cogi[34v]tandi materiam subministret.
(1524) Cela fait que même de choses fausses, qui pourraient éventuellement être dites, nous tirerons quelque vérité dont la compréhension nous est ouverte, non par notre peine mais par l’erreur d’un autre. Quæ res facit ut ex iis: quæ fortassis non uere dicuntur: aliquid ueri eruamus: ad cuius intelligentiam non noster labor: sed alienus error nobis aditum patefecit.
(1525) En effet (comme l’a admirablement dit le Stagirite au livre 2 de la Métaphysique), s’il n’y avait pas eu Timothée nous n’aurions pas autant progressé en musique, et si avant lui il n’y avait pas eu Phrynis, Timothée n’aurait pas atteint le niveau qui fut le sien. Nec enim (ut præclare dixit stagyrita philosophus in. ii. ton meta ta physica libro) si timotheus non fuisset tantum in musicis promouissemus. Et si phrynis non antecessisset: non tantus timotheus euasisset.ARIST. Metaph., 2, 993b
(1526) Voilà pourquoi il est juste que tous ceux qui lisent nos présentes remarques (quelles qu’elles soient) recherchent ce qui est bon, même si en tout nous n’atteignons pas notre but, et ne parvenons pas partout à la fine pointe de la vérité, frappant une cible lointaine de coups variés ; de fait, de cette abondance de significations, il y aura en abondance de quoi exercer et affiner l’esprit des doctes et peut-être, à partir de nos conjectures, finira-t-on par arriver à la vérité. Quare par est cunctos: qui nostra hæc legunt (qualiacunque sint) boni consulere: etiamsi scopum in cunctis non attingamus: nec ad ueritatis calcem ubique perueniamus: uariis ictibus propinqua loca ferientes. Nam ex hac copia sensuum: fiet copia doctis uiris ingeniorum exercendi exacuendique. et fortasse ad ueritatem ex nostris coniecturis tandem peruenietur.
(1527) En effet Arator est un auteur particulièrement obscur et entouré partout de ténèbres et de zones d’ombres. Est enim Arator eximie obscurus: et tenebris et caligine undique circunfusus.
(1528) Mais revenons à notre affaire. Sed iam ad rem.
(1529) (Progressus ubi ("quand se mettant à marcher") : voici l'ordre ubi ("quand") autrement dit après que ; exiuit medicina potens ("sortit une puissante médecine") autrement dit efficace pour guérir le boiteux ; de uoce iubentis ("de la voix de celui qui ordonnait") évidemment celle de Pierre, pour que le boiteux se lève et marche. (Progressus ubi. ) ordo est. ubi id est postquam: exiuit medicina potens id est efficax ad sanandum claudum: de uoce iubentis scilicet petri claudo ut surgeret et ambularet.
(1530) Pierre dit en effet au boiteux : "au nom de Jésus de Nazareth, lève-toi et marche". dixit enim petrus claudo in nomine Iesu nazareni surge et ambula.ac 3, 6
(1531) ueteranus ("le vétéran") autrement dit le vieux, évidemment le boiteux dans son infirmité ; progressus ("se mettant à marcher") évidemment dit autrement s'avança, et fit un pas ; atque est mis pour et ; ueteranus ("et le vétéran") cum uixere pedes ("lorsque ses pieds se mirent à vivre") évidemment ses pieds à lui le boiteux, gressu hospite ("recevant comme hôte la marche") autrement dit en s'avançant d'un pas qui lui était étranger, et d'une marche qui auparavant lui demeurait étrangère. ueteranus id est uetus scilicet claudus in infirmitate: progressus scilicet est id est processit et gressum mouit: atque pro et ueteranus cum uixere pedes scilicet illi: gressu hospite id est peregrino incessu et ambulatione antea illi extranea.
(1532) Il avait, en effet, auparavant des pieds morts à cause de son infirmité, car ils ne lui servaient à rien pour marcher. habebat enim prius mortuos infirmitate pedes: quippe qui gressui essent inutiles.
(1533) Lors donc que pour lui uixere pedes ("ses pieds se mirent à vivre") relinquens cunabula ("délaissant son berceau") autrement dit son lit d'enfant, autrement dit son grabat, au sens métaphorique : en effet il était porté sur un grabat, comme un bébé dans son berceau est porté en raison de son incapacité à marcher. cum ergo ei uixere pedes: relinquens cunabula id est cunas hoc est grabatum: metaphorice. uehebatur enim grabato sicut infans cunis ob infirmitatem baiulatur.
(1534) Il parle de cunabula longa ("long berceau") parce que le boiteux était désormais un homme fait, et, pour lui, le berceau n'avait pas servi qu'un peu de temps comme pour les enfants, mais longtemps. cunabula longa dicit: quia erat iam uir integer claudus: nec ei cunæ breues: quales infantium sunt: congruebant: sed longæ.
(1535) (ueteranus ("le vétéran")) relinquens cunabula longa calcauit humum ("laissant son long berceau foula le sol") autrement dit appuya fermement ses pieds par terre, comme un homme en bonne santé et materies prisca ("une ancienne matière") autrement dit ce corps qui avait vieilli dans l'infirmité ; mouet se ("se déplace") évidemment sur ses propres pieds sans être déplacée par d'autres. (ueteranus) relinquens cunabula longa calcauit humum id est terram pressit firmiter utpote sanus. et materies prisca id est corpus illud antiquum in infirmitate: mouet se scilicet suis pedibus non mouetur ab aliis:
(1536) Voilà pourquoi il dit mouet se plantis nouellis ("il se déplace sur des pieds nouvelets") autrement dit affermis par la nouvelle médecine ; on prend la partie pour le tout. ideo ait mouet se plantis nouellis id est noua medicina firmatis: et ponitur pars pro toto.
(1537) Le mot planta désigne le dessous du pied ; on peut soit le prendre au sens propre et c'est nouellis ("nouvelets") diminutif de nouveau, ou alors nouellis ("nouvelets") veut dire nouvellement nés pour la marche à laquelle ils n'étaient pas aptes auparavant. planta enim pars est ima pedis. uel accipe proprie. nouellis id est nouis sed per dimnutionem. uel nouellis id est nouiter natis ad gressum: cui non erant prius apti.
(1538) (Cui ("Elle pour qui")) évidemment la matière ancienne, autrement dit le corps ancien, incessus ("la progression") autrement dit la marche donnée par la parole de Pierre, protulit ("mit en avant ») autrement dit montra, cursu præpete ("par une course précipitée") autrement dit il volait et allait vite, quicquid ("tout ce que") autrement dit toute chose que, ortus ("l'origine") autrement dit la naissance du boiteux, non edidit ("ne révéla pas") autrement dit ne montra pas. (Cui) scilicet materiæ priscæ id est corpori ueteri. incessus id est gressus datus uerbo petri: protulit id est ostendit: cursu præpete id est uolucri et celeri: quicquid id est omne illud quod. ortus id est natiuitas claudi: non edidit id est non monstrauit.
(1539) Voilà une sentence pleine de subtilité ; de fait, lorsque le bébé naît, il n'a pas la chance de s'avancer et de marcher praepete cursu ("par une course précipitée"), ni rapidement, mais, peu à peu, il passe d'une marche infirme à une marche plus ferme. Est autem sententia plena acuminis. Nam cum nascitur infans: non praepete cursu: nec ceIeriter ei contingit incedere et ambulare: sed paulatim ab infirmo incessu transit ad firmiorem.
(1540) Mais, pour notre boiteux, ortus ("l'origine") n'apporta, jusqu'à ce qu'il ait quarante ans, rien qui lui permît de marcher. At huic claudo ortus nihil contulit usque ad annum quadragesimum ut ambularet.
(1541) C'est donc alors que incessus ("la progression") donnée par la parole de Pierre, non pas peu à peu comme cela arrive aux bébés, mais praepete cursu ("par une course précipitée"), autrement dit en un instant et soudain, selon le mode d'action habituel de la puissance divine, protulit ("révéla") au boiteux quicquid ("tout ce que"), depuis son origine et sa naissance et jusqu'à ses quarante ans, il n'avait pas vu en lui, et que pour lui ortus ("l'origine") n'avait ni révélé ni montré. Tunc ergo incessus datus uerbo petri: non paulatim ut contingit infantibus: sed praepete cursu id est in momento temporis et repente quemadmodum diuina uirtus agere solet: protulit claudo quicquid ab ortu et genesi sua ad quadragesimum usque annum in se non uiderat: nec id unquam ortus ei ediderat et monstrauerat.
(1542) On peut en effet rapporter la course précipitée à la rapidité du boiteux qui, recouvrant admirablement la santé, ne se contente pas de s'avancer, mais, de manière hyperbolique, vole, autrement dit marche d'un pas extrêmement rapide. Potes etiam referre cursum præpetem ad claudi celeritatem: qui egregie sanus non incessu: sed hyperbolicos uolatu id est ocyssimo gressu uteretur.
(1543) (stat facti manifesta ("l'évidence de ce fait est assurée")) parce que le boiteux bondit et entra avec Pierre et Jean dans le Temple, en marchant et en louant Dieu, et "tout le peuple le vit marcher et louer Dieu ; car ils le connaissaient, puisque c'était celui-là même qui se tenait assis près de la Belle Porte pour mendier" comme le dit Luc. (stat facti manifesta.) quia exiliens claudus intrauit cum petro et loanne in templum ambulans et laudans deum. et uidit omnis populus eum ambulantem et laudantem deum. cognoscebant enim illum: quoniam ipse erat qui ob elemosynam sedebat ad speciosam portam ac 3, 9-10 ut ait lucas.
(1544) Donc fides facti ("la véracité du fait") autrement dit de ce miracle, stat manifesta ("à l'évidence est assurée") pour tout le peuple. ergo fides facti id est illius miraculi: stat manifesta cuncto populo.
(1545) (Sed et altera ("mais une autre aussi")), ici, après avoir fini de raconter l'histoire du miracle, il propose le sens mystique caché dans la figure de ce boiteux et dans sa guérison, et montre ce que nous devons comprendre au sens allégorique à travers ce boiteux, la durée de quarante ans, la Belle Porte et ceux qui portaient le boiteux. (Sed et altera.) hic enarrata historia miraculi: proponitur mysterium latens in hoc claudo: et sanatione eius: ostenditque quid per claudum allegorice intelligere debeamus: et tempus. xl.annorum et portam speciosam: et baiulantes claudum: etc.
(1546) Arator annonce donc (sed et altera res ("mais une autre réalité aussi") évidemment) mystique, aperit nobis ("nous ouvre") évidemment le mystère, quod gerit ("que porte") autrement dit révèle, causa ("la cause") autrement dit la raison de la boiterie, et ces causes et raisons se relient à la boiterie du peuple d'Israël, la durée à la durée, et la porte à la porte, comme nous allons le dire ; il est en effet indispensable de savoir d'abord quelques détails, de la connaissance desquels dépend notre compréhension du texte. proponit ergo poeta (sed et altera res scilicet) mystica: aperit nobis scilicet mysterium: quod geritid est præ se fert: causa id est ratio claudicationis: quæ causa et ratio conuenit cum claudicatione populi israelitici: et tempus cum tempore: et porta cum porta ut mox dicemus. oportet enim quædam prius sciri: ex quorum notione sequentium pendet intelligentia.
(1547) En premier lieu, le peuple d'Israël tire son nom d'Israël ; cela est bien connu comme nous le lisons dans la Genèse. ac principio lsraeliticam gentem dici ab israele notum est ut in genesi legimus.
(1548) Celui-ci, qui craignait l'arrivée de son frère Esaü, comme il avait quitté la Mésopotamie à l'insu de Laban, son beau-père, et retournait vers Isaac, son père, en terre de Canaan et devait passer par les possessions de son frère Esaü, Jacob donc, redoutant Esaü qui était extrêmement féroce, en raison de sa situation d'aîné et des bénédictions qui lui avaient été assurées, et sur lequel il était tombé, lui envoya des messagers pour l'apaiser et, devant les eaux, ils organisèrent une entrevue. Qui timens aduentum fratris sui Esau: cum relinqueret mesopotamiam inscio laban socero suo: et pergeret ad isaac patrem suum in terram canaam: et iter per loca fratris sui esau esset facturus. timens ergo Iacob præferocem Esau propter primogenita et benedictiones sibi assertas: offensum: misit ei nuncios quibus placaretur: ante aquam in mutuum colloquium uenirent.
(1549) Après avoir fait franchir à tout le monde le gué du Iabok, Jacob demeura seul pour pouvoir mieux s'acquitter de ses prières. Traductis autem omnibus ultra uadum iaboch: mansit solus lacob ut melius precibus uacaret.
(1550) Et voici qu'un homme lutta avec lui jusqu'au matin ; cet homme peut se comprendre soit comme l'ange d'Esaü, sous forme d'homme qui tentait d'empêcher Jacob lui-même de traverser, pour qu'il n'obtienne pas le droit d'aînesse d'Esaü ; c'est là l'interprétation que donnent les Hébreux. Et ecce uir luctabatur cum eo usque mane. hic uir aut intelligitur angelus Esai in specie uiri: impediens ipsum Iacob a transitu ne consequeretur primogenita ipsius Esai secundum interpretationem hebreorum.
(1551) Mais, dans ce cas, force leur est de reconnaître que cet ange protecteur d'Esaü ne savait rien de la décision du Ciel, par laquelle l'héritage était destiné non à Esaü, mais à Jacob, jusqu'au moment où, dans la lutte, ce bon ange, défenseur d'Esaü, s'aperçut que Jacob, dans sa résistance et la lutte, montrait tant de forces qu'il l'épargna ; soit que les forces de Jacob furent accrues par Dieu temporairement pour qu'il puisse se défendre, soit que les siennes propres furent émoussées pour qu'il ne puisse avoir le dessus, ou suspendues, Dieu ne lui prêtant aucune assistance, de la même manière et pour la même raison que cela arriva aux trois enfants dans la rebelle Babylone que, dans la fournaise aux affreux sifflements, la flamme vint lécher sans leur faire de mal. Qui fateantur necesse est angelum illum ipsius Esai protectorem ignarum fuisse cœlestis consilii: per quod potior hæreditas non Esao sed iacobo destinabatur: donec lucta angelus ille bonus Esai patronus expertus est tantas uires in iacobo resistente et colluctante: ut inde perceperit uel lacobi uires ad tempus illud fuisse a deo auctas at sibi resisti posset: uel suas ne præualeret: a deo debilitatas: aut suspensas esse: deo non cooperante sibi: ut scilicet ea ratione contigerit: qua tris pueros babylone rebelli lambit in horrisonis non noxia flamma caminis.
(1552) Fions-nous à cette idée et nous devrons admettre en même temps que ce présent de la prérogative sur l'héritage fut donné à Jacob et retiré à Esaü, sans que le bon ange ne le sache ; autrement il n'aurait pas été un bon ange s'il avait été contraire à la décision de Dieu. Quod fidamus: illud pariter concedemus hoc prærogatitiuæ hæreditariæ munus iacobo datum et esao ademptum: illi bono angelo fuisse ignoratum : alioquin bonus angelus non fuisset diuinæ sententiæ contrarius.
(1553) Mais comme cela avait été auparavant connu par action divine de Rébecca et d'Isaac dans son extase, il s'ensuit que certains détails ont été révélés à des hommes sans être connus de certains anges. At id cum fuerit ante rebeccæ diuinitus cognitum: et isaacho in ecstasi posito: aliqua ergo hominibus reuelata sunt: quæ nonnullis angelis haud nota fuerunt.
(1554) On peut aussi dire en suivant l'interprétation de nos auteurs que l'homme qui luttait avec Jacob était un ange, sous l'aspect d'un homme qu'il rencontra en chemin, comme si Jacob défendait son propre camp. Aut certe iuxta expositionem nostrorum : uir ille qui luctabatur cum iacobo: fuit angelus in specie uiri: qui ei in uia occurrit. quasi castra ipsum defendentia.
(1555) Or cet ange, voyant que Jacob doutait de la divine protection car il avait tellement d'effroi d'Esaü son frère, de le rencontrer et de le voir arriver, feignit de vouloir le laisser partir comme le Seigneur feignit de s'éloigner. Hic autem angelus uidens iacobum diffidentem diuinæ protectionis cum adeo horreret Esai fratris offensionem et aduentum: finxit se ab eo uelle rece[35r]dere: quemadmodum dominus fixit se longius ire.
(1556) Jacob, voyant qu'il était abandonné de son ange protecteur, lutta alors spirituellement et corporellement contre lui, le pressant de ses prières et de ses bras pour qu'il ne l'abandonne pas, et, en le gardant prisonnier le temps qu'il reçoive aussi la bénédiction qu'il demandait, finit par l'obtenir. lacobus ergo se deseri ab angelo protectore cernens: et spiritaliter et corporaliter cum eo colluctatus est : precibus instans : et manibus illum ne se relinqueret: apprehendens tantisper dum benedictionem: quam petebat et consecutus est postea impetraret.
(1557) Il s'ensuit que nous lisons dans le prophète Osée : Jacob "se montra fort devant l'ange et il fut réconforté, il pleura et le pria" ; en effet avec des pleurs et des prières, puis, en usant de ses forces physiques, il pressait l'ange de ne pas l'abandonner. Vnde in osee propheta legimus de lacob. inualuit ad angelum: et confortatus est. fleuit et rogauit eum.Os 12, 4 fletu enim et precibus: deinde uiribus corporis et robore angelum urgebat ne se desereret.
(1558) Mais l'ange lui-même agit ainsi comme il voyait qu'il ne pouvait l'emporter, autrement dit qu'il ne voulait pas le vaincre, pour indiquer par là-même qu'Esaü serait supplanté par Jacob, comme lui aussi, l'ange avait été supplanté par Jacob. At ipse angelus: cum uideret quod eum superare non posset id est cum nollet eum uincere: ut hoc ipso indicaret Esaum a Iacobo superatum iri: sicut ipse quoque angelus ab lacobo superabatur.
(1559) De fait l'ange lui dit : "si tu as été fort contre Dieu", autrement dit son ange qui participe de la nature divine ou la représente, "combien plus tu prévaudras contre les hommes !", autrement dit Esaü, ses fils et sa famille. Nam dixit ei angelus si contra deumGn 32, 28 id est contra angelum qui deum participat uel repræsentat: fortis fuisti: quanto magis contra hominesGn 32, 28 id est esaum et eius filios ac familiam præualebis?Gn 32, 28
(1560) Et n'allez pas vous étonner que j'ai commenté le fait qu'il ne pouvait pas comme s'il ne le voulait pas ; c'est en effet ainsi que s'exprime Matthieu parlant de notre rédempteur : "et là il ne pouvait faire aucun miracle". Nec mireris quod sit expositum non posset id est nollet. ita enim mattheus de redemptore nostro: Et non poterat inquit ibi uirtutem aliquam facere:Mc 6, 5
(1561) Donc comme l'ange ne pouvait vaincre Jacob, il lui toucha le nerf de la cuisse et aussitôt celui-ci sécha. Ergo cum angelus non posset uincere iacobum: tetigit neruum femoris eius et statim Emarcuit.
(1562) Les Hébreux disent que la raison pour laquelle le nerf de Jacob a été touché par l'ange c'est pour qu'ainsi il puisse échapper de ses mains, sinon il n'aurait pas pu échapper. Dicunt hebrei ideo neruum iacobi tactum ab angelo fuisse ut hoc modo eius manus euaderet: licet non potuerit euadere.
(1563) En outre Nicolas déclare qu'il s'agit d'une punition infligée à Jacob et il ajoute immédiatement que la raison de sa boiterie est de marquer par un signe extérieur la boiterie de son esprit et la faiblesse de sa foi. Cæterum nicolaus punitum ait lacob quod : ideoque claudicasse statim subditur: ut mentis claudicatio et infirma eius fiducia de deo: signaretur externo indicio:
(1564) D'autres disent que cette boiterie fut un signe mystique, évidemment quand les Iduméens se rebellèrent contre Juda parce que la domination de Jacob sur Esaü était affaiblie dans la cuisse de Jacob, autrement dit dans la postérité qui sortirait de sa cuisse. Alii dicunt claudicationem illam fuisse mysticam: cum scilicet idumæi rebellauerunt contra iudam: quia dominium Iacobi super esaum minueretur in femore iacob id est in posteris de femore eius egredientibus.
(1565) Voilà pourquoi les Israélites s'abstiennent non de tout nerf mais seulement de celui de la cuisse dans leurs repas, comme si c'était une figure de ce qui advint alors. Quamobrem israelitæ uitant neruum non quencumque sed femoris tantum in epulis appositis: tanquam ea res illius fuerit euentus figura.
(1566) D'autres se plaisent à croire que l'abstinence de ce nerf est le mémorial de ce contact qui figea le nerf de Jacob et que le souvenir de cette boiterie est rappelé et renouvelé par cette observance. placet aliis abstinentiam nerui esse monimentum illius tactus obstupefacientis neruum iacobi: claudicationisque illius memoriam tali obseruantia [obseruantio,sic!] retractari renouarique.
(1567) Or comme l'ange disait à Jacob : "laisse-moi m'en aller", Jacob lui répondit : "je ne te laisserai pas t'en aller avant que tu ne m'aies béni". Cum autem diceret angelus ipsi lacob dimitte me.Gn 32, 26 Respondit iacobus: non dimittam te nisi benedixeris mihi.Gn 32, 26
(1568) L'ange lui dit : "quel est ton nom ?" et lui répondit : "Jacob". Cui angelus quod nomen inquit est tibi?Gn 32, 27 Respondit ille: lacob.
(1569) Alors l'ange reprit : "on ne t'appellera plus Jacob mais Israël" ; autrement dit ton nom ne sera plus 'Jacob' qui veut dire 'lutteur' ou 'supplanteur', comme si tu obtenais tes bénédictions en supplantant et par tromperie, mais 'Israël', qui veut dire 'réglé avec Dieu' ou 'prince avec Dieu' selon la traduction de Jérôme. Tum angelus nequaquam inquit iacob apellabitur nomen tuum sed israel. Gn 32, 28 id est iacob nequaquam uocaberis hoc est luctator uel supplantator: quasi supplantatione et fraude benedictiones obtineas: sed israel id est directus cum deo uel princeps cum deo: interprete Hieronymo.
(1570) De fait 'Israël' ne veut pas dire 'homme qui voit Dieu'. nam israel non significat uirum uidentem deum.
(1571) Or changer ainsi le nom est une bénédiction ; on voit cela en Genèse 32 où le nom n'est pas encore donné par l'ange, mais où il est prescrit par Dieu de le donner. De fait en Genèse 35 il est écrit : "Dieu apparut de nouveau à Jacob quand il revint de Mésopotamie de Syrie ; il le bénit et lui dit : 'tu ne t'appelleras plus Jacob, mais Israël sera ton nom' et il lui donna le nom d'Israël". Talis autem nominis mutatio benedictio est. hæc in geneseos. xxxii. capite continentur: ubi nondum ab angelo nomen imponitur sed imponendum a deo prædicitur. Nam in .xxxv. geneseos capite scriptum est. Apparuit autem iterum deus lacob quando reuersus est de mesopotamia syriæ. benedixitque ei dicens: non uocaberis iacob sed israel erit nomen tuum. et appellauit eum israel.Gn 35, 9-10
(1572) Et donc, à partir de ce moment, le nom principal de Jacob fut Israël, ce qui fait que l'on appelle Israélites la nation des Hébreux ; et même si, par la suite, on l'appela encore parfois Jacob, ce nom ne fut pas aussi illustre que l'autre. iam ergo inde iacobi principale nomen fuit israel: unde israelitæ uocatur hebreorum natio: tam et si postea quandoque lacob fuerit uocatus tanquam nomine non ita insigni.
(1573) Après la lutte dont je viens de parler, Israël nomma ce lieu Phanuel, autrement dit 'face de Dieu', non parce qu'il avait pu y voir Dieu, mais parce qu'il avait vu une forme sous laquelle Dieu lui avait parlé, et que quelques lignes au-dessus il désigne comme un homme, parce que Dieu allait être homme. Post luctam supradictam uocauit israel nomen loci illius phanuel id est facies dei: non quod deus uideri possit: sed quia formam uiderit in qua deus locutus est. quem paulo supra dixit uirum: quia deus homo erat futurus.
(1574) Il se peut que cette lutte ait été seulement physique comme le pensent les Hébreux, ou seulement spirituelle comme le dit Jérôme dans son commentaire sur Isaïe : "contre l'ange c'était avec la prière et non ses bras que Jacob luttait", de sorte que la lutte désigne l'appel persévérant par lequel le vainqueur échappa à l'ange ou à Dieu qui accepta de se retirer en triomphant de lui par des prières ; il se peut encore qu'il ait lutté des deux manières : de cette manière Jacob fut nommé Israël, d'où vint le nom des Israélites donné aux Hébreux, de sorte que le changement de nom qui allait se produire soit promis en Genèse 32 et réalisé, ainsi qu'il est dit, en Genèse 35. Siue ergo lucta illa fuit corporea tantum ut hebrei sentiunt: Siue spiritalis tantum ut Hieronymus ait in esaiam. cum angelo iacob oratione non manibus luctabatur:DIONYS. CARTUS. in gen., 78 ut luctatio sit perseuerans pulsatio qua uictor euasit angelum uel deum recedere uolentem precibus uincens. Siue utroque modo luctatus est: per hunc modum lacob dictus est israel : unde israelitæ dicti sunt Hebrei: ita ut nominis mutatio futura in. xxxii. promissa sit: quæ in. xxxv. geneseos capite dicatur expleta.
(1575) Jacob fut donc nommé Israël au temps où, après avoir lutté contre Dieu et avoir été touché à la cuisse, il se mit à boiter. Fuit ergo lacob uocatus israel: quo tempore luctatus cum deo et tactus in femore cepit claudicare.
(1576) Mais, à vrai dire, la boiterie d'Israël, comme le laisse entendre Arator, fut le signe d'une boiterie que l'on trouva ensuite non dans la chair, comme dit le poète, mais dans le cœur du peuple d'Israël qui allait naître d'Israël. Verum enimuero claudicatio israelis ut significat Arator : fuit signum claudicationis : quæ non in carne ut ait poeta: sed in corde israelitici populi reperta postea est ab israele oriundi.
(1577) De fait comme le Dieu tout-puissant avait favorisé Israël d'une si nombreuse descendance, celle-ci en Egypte, en un bref intervalle de temps, s'accrut à tel point que l'on y compta six-cent-mille personnes ; Pharaon, profondément troublé parce que le peuple des Hébreux lui paraissait désormais beaucoup trop nombreux pour qu'il se fie à lui en toute sécurité, lui le roi et toute l'Egypte, il interdit d'élever tout enfant mâle des Israélites qui pourrait naître après son édit royal. Nam cum deus omnipotens israelem tam numerosa stirpe insigniuisset: ea in ægypto non longo temporis interuallo adeo aucta est ut in ea ad sexcenta uirorum milia censerentur. permotus pharao quia hebreorum gens multo numerosior uideri coeperat quam ipsi regi et uniuersæ ægypto tutum crederetur : nutriri uetuit omnem uirilem israelitarum stirpem quæ post edictum regium nasceretur.
(1578) Personne ne doutait que, si toute progéniture de l'un des deux sexes était éteinte au moment même de la naissance, en une génération, toute la race des Israélites périrait ; ainsi à cet édit du plus impitoyable des rois, s'ajouta un sort misérable pour l'infortunée nation. Nemini erat dubium: si omnis alterius sexus soboles in ipso uitæ ingressu esset extincta: totam israelitarum gentem hominis ætate interituram. Huic immanissimi regis edicto accessit afflictæ gentis fortuna miseranda.
(1579) En effet, par ordre du roi, la jeunesse d'Israël travaillait comme des esclaves à consolider les digues du Nil, à forer les filons dans les montagnes et à fouiller la boue et, si l'un d'entre eux mettait un peu moins d'ardeur à l'ouvrage, on le menait aussitôt sous les injures pour recevoir des coups de fouet. Regis enim imperio lsraelitica iuuentus in nili aggeribus muniendis: et in uenis montium excidendis lutoque subigendo seruiliter operabatur. ac siquid ab eorum aliquo minus impigre nauaretur: protinus flagro per contumeliam admouebatur.
(1580) Le très grand Créateur du monde, les ayant donc pris en pitié dans la très dure servitude de leur esclavage, envoya Moïse à Pharaon pour revendiquer pour ses concitoyens la fin des vexations et de ce joug cruel ainsi que la liberté. Horum ergo durissimam seruitutem seruientium misertus summus opifex rerum: mosen ad pharaonem misit: qui populares suos a uexatione et crudeli iugo in libertatem uendicaret.
(1581) Celui-ci, ce Moïse, une fois établi comme chef pour mener cette affaire et fort non tant de ses forces et de celles des siens, que de la puissance ineffable de Dieu, devint le promoteur de la liberté et son défenseur. ls moses dux rei gerendæ creatus: et non tam suis suorumue quam inefabili dei potestate fretus israeliticæ libertatis uindex extitit et assertor.
(1582) Dieu en effet, comme le roi qui était d'un entêtement extrême ne laissait nul espoir de relâcher le peuple hébreu, frappa l'Egypte de très grandes plaies; alors que le roi, quand il était quitte d'un danger immédiat, ne cessait pas de les maltraiter pendant le temps où telle ou telle plaie s'atténuait, pour finir, le cœur du pharaon, désormais brisé et plus inquiet que vaincu, donna son congé au peuple. Deus enim peruicacissimo rege relaxandi populi hebrei nullam spem faciente: ægyptum maximis affecit cladibus: cum proximo rex periculo defunctus tantisper ab iniuria abstineret dum hæc uel illa clades remitteret. postremo fractus iam et concussus magis pharaonis animus quam uictus gentem missam fecit.
(1583) C'est aussi pour ce peuple que, peu après, Dieu rendit traversable les flots en les faisant se retirer des deux côtés et en faisant que les eaux fassent comme des murs d'un côté et de l'autre, alors que l'ennemi, qui les talonnait dans son zèle à les poursuivre, et était témérairement entré dans le chemin qui s'était ouvert avec toutes ses forces, fut enseveli par les mêmes flots qui, alors que pendant plusieurs heures ils s'étaient tenus dressés et immobiles pour laisser traverser les Hébreux, revinrent alors à leur place initiale et se réunirent de nouveau. Huic ipsi mox deus mare peruium fecit fluctibus in diuersa abeuntibus: et aquis hinc inde in murorum speciem stantibus: cum hostis qui insequebatur sequendi studio et ipse iter patefactum temere ingressus cum omnibus copiis obrutus fuerit: eisdem fluctibus qui plures horas in transitu hebreorum immoti steterant: in se refluis: iterumque coeuntibus.
(1584) C'est pour cette même nation que Dieu fit couler des sources très fécondes d'une pierre et la nourrit abondamment d'une rosée céleste (que l'on appelle manne) pendant les quarante ans qu'elle passa dans le désert. Eidem genti deus uberrimos ex petra fontes elicuit: eandem celesti rore (manna id dicitur) quadraginta annos: quibus[35v] ea in deserto fuit: affluenter aluit.
(1585) Et pourtant, après tant de bienfaits, et d'autres innombrables sur lesquels je passe pour ne pas trop allonger, après tant de miracles, le peuple d'Israël sembla toujours boiter non physiquement, mais dans son cœur : se précipitant dans la chute et la sottise, il se forgea un veau qu'il adora ; après avoir quitté l'Egypte, quand il arriva dans des déserts que n'irriguait aucune source, qui ne donnaient nulle récolte, et que n'embellissaient aucun arbre, oubliant les bienfaits de Dieu et sans plus craindre son immense puissance, il se mit à accuser son chef d'abord quand il eut soif, prétextant qu'il avait traîné une telle multitude dans des lieux arides et poussiéreux, sur des chemains que personne n'avait auparavant reconnus. Et tamen post tot beneficia et alia innumera quæ ne longior sim: mitto: post tot miracula semper israelitica gens claudicare non corpore sed corde et animo uisa est: quæ in lapsum et stulticiam prona uitulum sibi aureum conflauit et adorauit: quæ relicta ægypto ubi in solitudines nullis fontibus irriguas : nullis segetibus uberes : nullis arboribus gratas peruenit: beneficiorum dei oblita et immensam eius potestatem haud reuerita: modo sitibunda ducem incusabat: quia per loca arida et squalentia non exploratis antea itineribus tantam multitudinem traheret:
(1586) Ensuite, quand il eut faim et connut la disette, il se plaignait et n'hésitait pas à se répandre en invectives : "il aurait bien mieux valu rester pris dans l'esclavage en Egypte, où on ne manquait de rien, où l'on pouvait s'asseoir autour de marmites fumantes de ragoût de viandes, plutôt que sur ces terres immenses et inconnues, sous la conduite d'un étranger parcourir les déserts d'un monde, dans des étendues arides qui étaient aussi hostiles aux gens qu'aux bêtes sauvages, où il était inévitable que toute l'armée périsse de soif, de faim et de terreur". modo famelica et esuriens querebatur palamque indignabunda prædicabat: satius fuisse se in ægypto seruitio teneri : ubi nulla rerum inopia premerentur : ubi fumantibus carnium ollis assiderent: quam per uastas et ignotas terras alieno ductu in deserta mundi ire non magis hominum quam ferarum solitudine damnata: ubi necesse esset siti fame horrore uniuersum exercitum interire.
(1587) C'est ce qui fait que nous lisons dans le Livre des Nombres : "le peuple se prit à se lasser du chemin et de la peine ; il parla contre le Seigneur et contre Moïse et dit : 'pourquoi nous as-tu fait sortir d'Egypte, pour nous faire mourir dans le désert ; nous n'avons pas de pain, il n'y a pas d'eau, et nous en avons la nausée de cette nourriture totalement inconsistante'". Hinc in libro numerorum legimus: Et tedere coepit populum itineris ac laboris : locutusque contra dominum et moysen ait cur eduxisti nos de ægypto ut moreremur in solitudine? Deest panis: non sunt aquæ : anima nostra iam nauseat super cibo isto leuissimo.Nb 21, 4-5
(1588) Ils en avaient assez de la manne, se plaignaient sans cesse et faisaient des reproches à leur chef, et (chose bien plus abominable) à Dieu leur bienfaiteur et Seigneur qui était aussi leur très sévère juge. Manna fastidiebant semper queruli et in ducem et (quod atrocius est) in deum beneficum et dominum et austerissimum iudicem contumaces.
(1589) En effet, comment se fit-il qu'ils ne mettent que très peu de temps à oublier Dieu qui avait secoué de leurs épaules le joug de l'Egypte, ce Dieu qui avait opéré pourtant ces travaux magnifiques et admirables, causant la perte des Egyptiens, mais le salut des Israélites, qui avait partagé la mer et nourri à satiété un peuple famélique pendant les quarante ans du désert ? Quo enim pacto tam cito obliti sunt deum: qui iugum ægyptiacum eorum ceruicibus excussit? qui illa magnifica opera et miranda: ægyptiis Exitialia: israelilitis salutaria operatus est? qui diuisit maria: qui famelicum populum quadraginta annos in heremo nutriuit ac saturauit?
(1590) C'est contre ces gens que, dans l'Exode, Dieu se mit en colère et prononça contre eux, dit-on, ces paroles : "parle aux fils d'Israël : tu es un peuple à la nuque raide, alors moi je vais monter au milieu de toi, et je vais te détruire" ; et de nouveau, dans les Nombres, lorsque les éclaireurs dirent : "nous sommes arrivés sur la terre vers laquelle tu nous as envoyés ; vraiment elle ruisselle de lait et de miel, mais ceux qui la cultivent sont redoutables, leurs villes grandes et pourvues de murs", la terre que nous avons parcourue dévore ceux qui l'habitent, le peuple que nous avons vu est de taille imposante, et "nous avons vu là-bas des êtres prodigieux de la race des Géants, comparés à eux nous ne sommes que des sauterelles" ; en entendant ce rapport la multitude des Israélites pleura cette nuit-là et se prit à gronder en disant : "'si seulement nous étions morts en Egypte et non dans ce vaste désert ; si seulement nous avions péri sans que le Seigneur ne nous conduise dans cette maudite terre, sans que nous tombions sous le glaive et que nos femmes et nos enfants soient amenés en captivité ; ne vaut-il pas mieux retourner en Egypte ?' Et il se dirent l'un à l'autre : 'dotons-nous d'un chef et retournons en Egypte". His deus irritatus in exodo dixisse in eum perhibetur. Loquere filiis israel: populus duræ ceruicis es: semel ascendam in medio tui: et delebo te.Ex 33, 5 Item in numeris: postquam exploratores dixere: uenimus in terram: ad quam misistis nos : quæ reuera fluit lacte et melle. Sed cultores fortissimos habet: et urbes grandes atque muratas.Nb 13, 27-28 Terra quam lustrauimus deuorat habitatores suos: populus quem aspeximus proceræ staturæ est. ibi monstra quædam uidimus de genere giganteo: quibus comparati. qui locustæ uidebamur. Nb 13, 33 Hæc audiens multitudo israelitica fleuit nocte illa: et murmurati sunt dicentes. Vtinam mortui essemus in ægypto: et non in hac uasta solitudine. Vtinam pereamus : et non inducat nos dominus in terram istam: ne cadamus gladio et uxores ac liberi nostri ducantur captiui. nonne meIius est reuerti in ægyptum? dixeruntque alter ad alterum : constituamus nobis ducem: et reuertamur in ægyptum. Nb 14, 3-4
(1591) Nous pourrions aussi rapporter les plaintes et les boiteries du peuple d'Israël que l'on trouve en Exode 5, 13, 15, 16, 17, 32 et Nombres 9 et 11; pour Nombres 14 et 22, nous les avons déjà rapportées. Possemus autem referre et querelas et claudicationes Israeliticæ gentis: quas continet exodi .v. caput: et . xiii. et . xv. xvi. xvii. xxxii. et numer. ix xi. at. xiiii. et. xxii numerorum iam retulimus
(1592) Mais ce que j'ai dit suffit amplement à l'explication de nos vers. Sed hæc satis superque explanationi uersuum sufficiunt.
(1593) Et donc, offensé par ces boiteries, "Dieu dit à Moïse : 'combien de temps encore ce maudit peuple va-t-il me rabaisser ? combien te temps encore va-t-il refuser de croire tous les signes que j'ai faits devant lui ? Ainsi donc je vais les frapper de pestilence et les anéantir". His ergo claudicationibus offensus deus dixit ad moysen. Vsque quo detrahet mihi populus iste? quo usque non credet mihi in omnibus signis quæ feci coram eis? feriam igitur eos pestilentia atque consumam. Nb 14, 11-12
(1594) Telle est la colère de Dieu contre les Israélites que Moïse apaisa par ses prières ; le Seigneur reprit la parole et dit : "tous ces gens qui ont vu ma gloire et les signes que j'ai faits en Egypte et dans le désert, et qui m'ont mis à l'épreuve dix fois, et n'ont pas obéï à ma voix, ne verront pas la terre que j'ai jurée à leurs pères et aucun de ceux qui m'a rabaissé ne la verra ; mais mon serviteur Caleb, je le conduirai dans cette terre". "Vous tous qui avez vingt ans et plus, vous n'entrerez pas dans cette terre sauf Caleb, fils de Jéphon, et Josué, fils de Noun". "Vos cadavres resteront là étendus dans le désert, vos fils vont errer quarante ans, la mesure des quarante jours pendant lesquels vous avez pu voir cette terre ; un jour leur vaudra une année". Hanc dei iram in israelitas repressit suis precibus moyses: Cui iterum dixit dominus. Omnes homines qui uiderunt maiestatem meam: et signa quæ feci in ægypto et solitudine et tentauerunt me iam per.x. uices: nec obedierunt uoci meæ: non uidebunt terram quam iuraui patribus eorum. nec quisquam ex illis qui detraxit mihi: intuebitur eam. Seruum meum caleb inducam in terram hanc. Nb 14, 23-24 Omnes qui numerati estis .xx. annis et supra non intrabitis in terram hanc: præter caleb filium lephone: et losue filium nun. Nb 14, 29 Vestra cadauera iacebunt in solitudine. filii uestri uagi erunt annis quadraginta iuxta numerum quadraginta dierum: quibus considerastis terram. annus pro die imputabitur. Nb 14, 32-34
(1595) Le même auteur dit dans le Deutéronome : "le Seigneur dans sa colère le jura et dit : 'pas une personne de cette génération abominable ne verra la bonne terre'" etc. Idem dicitur in deuteronomio: dominus iratus iurauit et ait : non uidebit quispiam de hominibus generationis huius pessimæ terram bonam et. c. Dt 1, 35
(1596) Et dans le même Deutéronome, Moïse, s'adressant au peuple, dit : "Voici la quarantième année qui arrive pour que tu réfléchisses dans ton cœur, car comme un homme éduque son fils, ainsi le Seigneur ton Dieu t'a éduqué". Et in eodem deuteronomio moyses ad populum loquens: En inquit quadragesimus annus est ut recogites in corde tuo: quia sicut erudit homo filium suum: sic dominus deus tuus erudiuit te. Dt 8, 4-5
(1597) Une fois que l'on s'est souvenu de cela, il est facile de comprendre la figure qui est incluse dans ces vers d'Arator. His ita in memoriam reuocatis facile est intelligere figuram his Aratoris carminibus comprehensam.
(1598) De fait, le boiteux guéri par Pierre, qui a été malade pendant quarante ans, signifie le peuple d'Israël boiteux, non seulement en raison de son origine et du fait qu'il descend d'Israël le boiteux, comme nous l'avons dit, mais aussi parce que son cœur est rebelle et qu'il a été boiteux quarante ans dans le désert à s'obstiner contre son Dieu. Nam claudus sanatus a petro qui quadraginta annos ægrotauit: populum israeliticum significat claudum non solum ab incarnatione et deriuatione israelis claudi ut diximus : sed etiam quia rebellis corde: et animo claudus fuit quadraginta annos in deserto: et aduersus deum suum peruicax.
(1599) On dit donc que notre boiteux est boiteux de naissance, ainsi le peuple d'Israël est boiteux de naissance, autrement dit depuis son origine et Jacob, mais celui-ci avait été boiteux aussi dans son cœur, quand il manqua par trop de foi et renonça à l'espérance plus qu'il n'était juste, dans la crainte de son frère Esaü. Dicitur hic claudus ex utero: ita populus israeliticus claudus ex utero id est ab origine sua et a lacob: qui claudicauerat etiam corde cum nimis diffidit: et spem abiecit plus iusto fratrem esaum timens.
(1600) C'est ce qui fait que certains expliquent ainsi sa punition au nerf de la cuisse. Vnde nonnulli punitum eum aiunt in neruo femoris.
(1601) Pour ma part, cependant, je laisse cette discussion à de plus savants que moi. hoc tamen sapientibus subdo.
(1602) La Belle Porte du Temple signifie le Christ qui est "plus beau qu'aucun des fils des hommes" comme le dit le poète sacré, David. Porta templi speciosa significat Christum: qui est speciosus præ fillis hominumPs 45, 3 ut ait Dauid poeta sacer.
(1603) Et le Seigneur lui-même se donne le nom de porte chez Jean. Et ipse dominus se portam uel hostium apud loannem uocat.
(1604) De même donc que le boiteux guéri par Pierre était placé près de la Belle Porte du Temple et ne pouvait entrer jusqu'au moment où Pierre le fit entrer, de même le peuple boiteux, autrement dit Israël, est porté par les paroles de la Loi et des prophètes près du Messie, autrement dit à la porte du Temple du Ciel, pour y demander aux chrétiens qui y entrent l'aumône de la foi et de la sagesse. Sicut ergo claudus a petro sanatus ponebatur ad portam templi: nec poterat ingredi donec petrus eum introduxit: ita populus claudus id est israeliticus: legis prophetarumque uocibus ad messian id est ad ostium templi coelestis affertur: ut ab ingredientibus christianis poscat elemosynam fidei et sapientiæ.
(1605) Car ce sont les prophéties de l'avenir qui portent les auditeurs près de la porte. Quia uaticinia futurorum qui ad portam ponunt auditores.
(1606) Mais ce peuple boiteux n'est pas introduit dans le Temple sinon par l'intermédiaire de Pierre, à qui ont été remises les clés du Royaume des cieux, et Pierre est le porteur des clés de cette sublime porte. Sed hic populus claudus non introducitur in templum nisi per petrum: cui datæ sunt claues regni celorum: et portæ illius excelsæ clauiger petrus est.
(1607) Le poète dit donc gens nomen ("ce peuple, son nom") évidemment le peuple dit d'Israël, tenet nomen ab illo israel ("tient son nom de cet Israël") autrement dit Jacob qui est nommé aussi Israël, qui ("qui") autrement dit Jacob, æger ("malade") autrement dit infirme de la cuisse, autrement dit boiteux, reliquerat bella ("avait abandonné les guerres") autrement dit la guerre, autrement dit la lutte et le combat, comme je l'ai dit, conatus ("après avoir tenté ») évidemment Israël, certare ("de se mesurer") autrement dit de lutter et de s'affronter, deo ("à Dieu") autrement dit avec Dieu, autrement dit avec l'ange qui représentait Dieu. Dicit ergo. (gens nomen.) Gens dicta scilicet israelitica: tenet nomen: ab illo israel id est iacob qui dictus est israel: qui id est iacob: æger id est infirmus in femore: hoc est claudus : reliquerat bella id est bellum hoc est luctam et pugnam ut dixi. conatus scilicet israel certare id est luctari et contendere deo id est cum deo: hoc est cum angelo qui representabat deum.
(1608) Il y a là une construction grecque, car nous ne disons pas certo tibi, mais certo tecum, alors que les Grecs disent μάχομαι σοι et ἐρίζω σοι. Et est constructio greca : non enim dicimus certo tibi sed tecum. machomai soi et ereizo[36r] soi dicunt græci.
(1609) Ainsi Maro : montibus in nostris solus tibi certet Amyntas ("dans nos montagnes, seul Amyntas se mesure à toi"). lta maro. montibus in nostris solus. tibi certet amyntas.VERG. ecl., 5, 8
(1610) Mais reportez vous à la partie de la grammaire de Priscien sur l'atticisme. Sed recurre ad Atticismum prisciani.
(1611) (ipse ("lui-même")) évidemment le patriarche Israël, tulit figuram grauem ("porta le lourd symbole") autrement dit le symbole pénible, corporis ("d'un corps") évidemment boiteux, quam ("que") évidemment le symbole de la boiterie, post ("après") autrement dit ensuite, israel ("Israël") autrement dit le peuple d'Israël, dont le nom dérive de celui du boiteux, habet ("possède") autrement dit retient, clodus ("boiteux") autrement écrit claudus, comme vous lirez plaustrum et plostrum, flaurum et florum dans la Vie de Vespasien de Suétone. (ipse). scilicet patriarcha israel: tulit figuram grauem id est molestam: corporis scilicet claudicantis: quam scilicet figuram claudicationis. post id est postea: israel id est populus israeliticus ab illo israel claudo deriuatus: habet id est obtinet: clodus id est claudus: ut plaustrum plostrum: flaurum florum apud Tranquillum in Vespasiano leges.
(1612) clodus ("le boiteux"), dis-je, c'est le peuple d'Israël ; in uulnere mentis ("dans la blessure de son esprit") autrement dit dans son obstination à avoir un cœur rebelle, comme nous venons de le dire, qui ("qui") évidemment le peuple d'Israël ; labens ("glissant") autrement dit tombant et titubant comme ont coutume de le faire les boiteux, per sua crimina ("par la faute de ses crimes") autrement dit de ses rébellions et de ses plaintes contre Moïse et contre Dieu, fluit ("s'écoule") autrement dit glisse, tombe, magis corde ("plus dans son cœur") autrement dit dans la boiterie de son cœur, quam carne ("que dans sa chair") autrement dit dans la boiterie de sa chair et de son corps. clodus dico israeliticus populus: in uulnere mentis id est in contumacia de rebellione cordis: ut dictum est a nobis paulo ante. qui scilicet populus israeliticus: labens id est cadens et titubans ut claudi solent: per sua crimina id est rebelliones et querelas in mosen et deum: fluit id est labitur cadit magis:corde id est claudicatione cordis: quam carne id est quam claudicatione carnis et corporis.
(1613) De fait, le patriarche Jacob boitait physiquement, mais le peuple d'Israël, qui découle de lui, boitait dans son cœur, non dans son corps. Nam patriarcha iacob claudicabat corpore: gens israelitica ab eo deriuata: claudicabat corde non corpore.
(1614) (et sub ipsis) spatiis ("et dans cet espace") autrement dit dans ces temps et dans une mesure identique au nombre des années pendant lesquelles le boiteux guéri par Pierre avait boité, le peuple d'Israël boite évidemment dans son cœur ; remotus fine ("loin des confins") autrement dit des frontières et des régions de l'Egypte ; quadraginta annos ("quarante ans") cupiens ægyptum ("regrettant l'Egypte"), comme nous l'avons dit. (et sub ipsis) spatiis id est sub iisdem temporibus et sub eadem annorum mensura qua claudus sanatus a petro claudicauerat: populus israeliticus claudicat scilicet corde: remotus: fine id est a finibus et regionibus ægypti: quadraginta annos: cupiens ægyptum: ut diximus: et quærens idola scilicet ægypti: unde in exodo uitulum aureum conflasse et adorasse dicuntur.
(1615) Le mot idola est scandé comme il faut, avec la médiane longue, car cela s'écrit avec un ω. Idola media longa posuit recte quia per omega scribitur:
(1616) Mais au livre 2, il ne respecte pas la règle et, suivant l'autorité de Prudence, il a écrit : ldŏla tot romæ mundo collecta subacto ("les idoles du monde entier qu'elle avait soumis rassemblées à Rome"). Sed in. ii. Transgressus normam et secutus prudentii authoritatem: dixit: ldola tot romæ mundo collecta subacto.ARATOR act., 2, 1240
(1617) (Ponitur debilis ("l'infirme est placé")) autrement dit le boiteux, évidemment le peuple d'Israël, ad portam speciosam ("près de la Belle Porte") autrement dit à proximité du Messie et du Christ, qui est la porte par laquelle s'ouvre l'accès à Dieu, à l'Eglise de Dieu et à l'assemblée des fidèles ; ponitur ("il est placé"), dis-je, le peuple d'Israël, ad portam ("près de la porte"), comme le boiteux guéri par Pierre était placé à la porte du Temple. (Ponitur debilis) id est claudus. scilicet populus israeliticus: ad portam speciosam id est iuxta messian et christum: qui est porta per quam patet ingressus ad deum: et dei ecclesiam: et fidelium congregationem. ponitur dico populus istaeliticus ad portam: sicut claudus sanatus a petro ad portam templi ponebatur.
(1618) La Belle Porte dans le Temple tirait son nom de son caractère remarquable par sa beauté et sa hauteur ; elle fut construite par le roi Joathan, roi de Juda comme on le dit en 2 Chron., mais, comme il était arrivé qu'elle avait été incendiée par les Chaldéens, comme on le lit au second livre des Rois, elle fut rebâtie au même endroit avec une égale magnificence et conserva son nom. porta speciosa dicebatur in templo: quam et pulchritudine et sublimitate conspicuam. ædificauit loathan rex iuda ut proditur in . ii. paralipomenon sed fortassis cum ea per chaldæos conbusta fuerit ut quarto regum libro traditur: fuit ibidem alia magnifica æque et retento nomine instaurata.
(1619) (Vltra) non ualet ("au-delà il n'a pas la force") évidemment le peuple boiteux, autrement dit ne peut pas, ire ultra ("aller au-delà") autrement dit entrer dans l'Eglise de Dieu, et n'a pas la force non plus de tangere limina portæ («toucher le seuil de la porte"), autrement dit celui du Christ, le Messie. (Vltra.) non ualet scilicet claudicans populus id est non potest ire ultra id est in ecclesiam dei intrare: nec ualet tangere: limina portæ id est Christi et messiæ.
(1620) Le poète indique aussitôt après la cause : culpa ("sa faute") évidemment sa rébellion et son obstination contre Dieu, negauit iter ("a barré le chemin"), autrement dit l'entrée, évidemment pour le peuple d'Israël, qui boite comme nous l'avons dit. Causa subditur. culpa scilicet rebellionis et peruicaciæ in deum: negauit iter id est ingressum scilicet populo israelitico claudicanti ut diximus:
(1621) (Qui sunt ("qui sont")) le poète pose une question : qui donc sont ceux qui portent le peuple d'Israël boiteux jusqu'à la porte, autrement dit le Messie, comme le boiteux était porté jusqu'à la porte du Temple ? (Qui sunt. ) lnterrogat poeta: quinam sunt: ii qui baiulant populum israeliticum claudum ad portam hoc est ad messian: sicut claudus baiulabatur ad portam templi.
(1622) Et il répond que ce sont prophetæ ("les prophètes") lsaias ("Isaïe"), Daniel ("Daniel") et les autres, qui ont parlé de la porte qui est le Christ et ont écrit des oracles à son sujet. respondet quia sunt prophetæ: lsaias: Daniel : et alii qui de porta quæ Christus est: locuti sunt et uaticinia conscripserunt.
(1623) Il faut savoir à tout le moins que Bède, cet admirable commentateur de l'éloquence divine, a pris ici toute son interprétation allégorique de ce passage, comme de bien d'autres. En effet, il ne s'écarte pas d'un cheveu d'Arator. Sciendum sane Bedam egregium diuini eloquii interpretem hinc mutuari totam hanc allegoricam enarrationem sicut alia pleraque. Non enim ab Aratore discedit ungue latius.
(1624) Le poète dit donc : (qui sunt ("qui sont")) évidemment ceux qui portent, qui solent ferre ("qui ont coutume de transporter") autrement dit porter, Israel ("Israël") autrement dit le peuple d'Israël, clodum ("boiteux") dans son cœur, autrement dit dans les prophéties secrètes qu'il tire de son esprit, et certant adiungere ("rivalisent pour joindre") évidemment le boiteux, portæ ("à la porte") autrement dit le Messie, quæ ("qui"), la Belle Porte, prodit ("révèle") Jésus, autrement dit le montre, de suo nomine ("à partir de son nom"), parce que, de même que la porte est nommée Belle, de même on dit de Jésus qu'il est beau. dicit ergo: (qui sunt) scilicet illi baiulantes: qui solent ferre id est portare israel id est israeliticum populum clodum: pectore id est arcanis uaticiniis e pectore depromptis: et certant adiungere scilicet claudum portæ id est messiæ: quæ porta speciosa : prodit iesum id est monstrat de suo nomine quia sicut porta dicitur speciosa: ita et lesus speciosus uocatur.
(1625) Qui sont donc ceux qui transportent le peuple boiteux comme les Juifs transportaient le boiteux, qui l'était dans son cœur et dans son corps, jusqu'à la Belle Porte ? qui ergo sunt illi baiulantes claudum populum: sicut iudæi pectore suo et corpore claudum ad portam speciosam baiulabant?
(1626) Arator répond : les porteurs sont lsaias ("Isaïe"), Daniel ("Daniel") et quique ("tous ceux qui") autrement dit quels que soient ceux qui, de quisque ou alors quique est mis pour et qui ("et ceux qui") prophetæ similes ore ("semblables par leur bouche de prophète") autrement dit concordants et disant une seule et même chose, comme l'Esprit, qui les rendait savants, était le seul et unique Esprit, quique prophetæ canunt obscuris ("et tous les prophètes qui chantent en des paroles obscures") évidemment avec des significations implicites cachées, miracula manifesta Christi ("les miracles évidents du Christ"). respondet Arator. Baiuli sunt isaias daniel: et quique id est quicumque a quisque uel quique id est et qui. prophetæ similes ore id est concordantes et unum dicentes sicut unus erat spiritus eos erudiens: quique prophetæ canunt obscuris scilicet uerbis et latentibus inuolucris miracula manifesta Christi
(1627) (porta ("la porte")), autrement dit le Christ en Jean 10 quand il dit : "pour vous, moi je suis la Porte", évidemment par laquelle on entre dans l'Eglise et dans la gloire. (porta). ait id est christus in decimo ca. apud ioannem : ego sum uobis porta:Jn 10, 9 scilicet qua ad ecclesiam dei intratur et ad gloriam.
(1628) ille erit fur nocens ("celui-là sera un voleur et un coupable"), comme l'antéchrist, par exemple Mahommet, fur ("un voleur") un mauvais chrétien qui entre de quelque manière sans passer par le Christ, soit parce que sa croyance à son sujet n'est pas bonne, soit parce qu'il cherche non la gloire du Christ, mais la sienne. ille erit fur nocens: ut antichristus ut maumetus : fur malus christianus quoquomodo præter Christum intrans. uel non bene de eo sentiendo: uel non eius gloriam sed suam quærendo.
(1629) Donc celui-là erit fur nocens ("sera un voleur et un coupable") qui recusat intrare per me ("qui refuse d'entrer par moi") autrement dit par ma foi et mon humilité, et par mes autres vertus. ille ergo erit fur nocens: qui recusat intrare per me id est per fidem mei et per meam humilitatem: et alias uirtutes meas.
(1630) (Possunt ("ils peuvent")) quelqu'un pourrait me demander pourquoi les prophètes ne peuvent pas introduire le boiteux alors que Pierre, lui, le peut ? (Possunt.) diceret quispiam: cur prophetæ non possunt introducere claudum: et petrus potuit?
(1631) Arator répond : parce que les prophètes disent des réalités futures et cernenda ("qui restent à voir"), mais Pierre, lui, dit uisa ("des réalités qu'il a vues") ; de même, parce que cette porte est confiée à Pierre, qui est le portier et le gardien de la cour céleste, et non aux prophètes. Respondet: quia prophetæ dicunt futura et cernenda : at petrus dicit uisa. Item quia hæc porta commissa est petro: qui est ostiarius et ianitor aulæ coelestis: non prophetis.
(1632) Voici l'ordre : prophetae loquentes magis cernenda ("les prophètes qui disent plutôt des réalités qui restent à voir") autrement dit futures ; quam uisa ("que des réalités qu'ils ont vues") autrement dit passées ; possunt portare ("peuvent porter") autrement dit le boiteux ; ad portam ("jusqu'à la porte") et non queunt ("ne sont pas capables") autrement dit ne peuvent pas le faire entrer. ordo est. prophetae loquentes magis cernenda id est futura: quam uisa id est præterita: possunt portare id est claudum ad portam: et non introducere: queunt id est possunt.
(1633) Et cela n'a rien d'étonnant ; en effet, (au témoignage de Jérôme dans la préface au Pentateuque) : "ce que nous avons entendu est raconté d'une manière, ce que nous avons vu d'une autre, car nous le comprenons mieux et l'exprimons mieux" ; voilà pourquoi Arator continue en disant : Hæc ianua ("cette porte") a été confiée, évidemment par le Christ, petro ("à Pierre") qui ("qui"), évidemment Pierre, confessus christum ("ayant confessé sa foi au Christ") en disant qu'il est le Fils du Dieu vivant, monstrat cognita ("montre ce qu'il connaît") autrement dit a vu, et ne prédit pas des événements futurs et qu'il n'a pas vus, comme les prophètes. Nec hoc mirum est. aliter enim (teste hieronymo in pentateucum) audita: aliter uisa narrantur. Quod melius intelligimus melius et proferimus.HIER. praef. Vulg. pent. ideo subdit. Hæc ianua: credita scilicet a Christo: petro: qui scilicet petrus: confessus christum: filium esse dei uiui: monstrat cognita id est uisa: non prædicit futura et non uisa ut prophetæ.
(1634) Chez Matthieu, chapitre 16, le Seigneur dit à Pierre : "tu es Pierre", évidemment la pierre que j'ai posée, de façon à conserver la dignité de fondement de tout, et toi, sur ce fondement que je suis, tu arrangeras des pierres pures et tu rejetteras les pierres lépreuses, et "sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et je te donnerai les clés du Royaume des cieux". Apud matthæum. xvi. cap. dixit dominus petro. Tu es petrusMt 16, 18 scilicet a me petra: ita tamen ut mihi retineam dignitatem fundamenti: tu super me ordinabis lapides mundos et abiicies leprosos. et super hanc petram edificabo ecclesiam meam. Et tibi dabo claues regni celorum Mt 16, 18-19 etc.
(1635) (Non) sonat ("il ne fait pas résonner") autrement dit il ne dit pas, Pierre évidemment, uentura ("des réalités à venir") autrement dit futures, comme le faisaient les prophètes. (Non) sonat id est non dicit scilicet petrus : uentura id est futura ut prophetæ.
(1636) (Vetus o ("Vieillard")) apostrophe à chacun des deux boiteux, évidemment celui qui sert de figure, et qui a été guéri par Pierre, et celui qui est figuré, autrement dit le peuple d'Israël, qui sera guéri de son aveuglement et de son obstination et entrera par la porte, s'il prie le portier, Pierre, de le faire entrer dans l'Eglise de Dieu, comme le boiteux l'a prié et l'a encouragé à le faire entrer dans le Temple. (Vetus o.) apostrophe ad utrunque claudum: scilicet figurantem: qui sanatus est a petro: et figuratum id est populum israeliticum: qui sanabitur a cæcitate et peruicacia sua: et per portam ingredietur: si hostiarium petrum orauerit ut se introducat in ecclesiam dei: sicut claudus ille orauit petrum et exortauit: ut se in templum intromitteret.
(1637) O clode uetus ("Vieillard boiteux") autrement dit peuple d'Israël, toi qui es un vétéran dans la boiterie, iacebis ("tu resteras gisant") comme le boiteux, sine fine ("sans fin") autrement dit pour une durée infinie, ni ("à moins que") mis pour nisi, roges petrum ("tu ne demandes à Pierre") évidemment qu'il te fasse entrer dans l'Eglise de Dieu par la porte qui est le Christ, autrement dit par la foi dans le Christ. O clode uetus id est o popule israelitice ueterane in claudicatione: iacebis scilicet claudus: sine fine id est infinito tempore: ni id est nisi roges petrum scilicet ut te introducat in ecclesiam dei: per portam id est christum hoc est fidem christi.
(1638) Qui ("Lui qui"), Pierre évidemment, pellens ("poussant") autrement dit écartant de lui, noxia ("la culpabilité") autrement dit ce qui apporte condamnation et dommages à l'âme comme par exemple les richesses, uitat onus auri ("évite le fardeau de l'or") autrement dit ne se charge pas d'or, et ne veut pas en voir, en disant : "de l'or et de l'argent, je n'en ai pas". Qui scilicet petrus: pellens id est remouens a se: noxia id est damnosa et detrimentum animæ afferentia scilicet diuitias: uitat onus auri id est non onerat se nec uult habere aurum: dicens aurum et argentum non est mihi.ac 3, 6
(1639) L'or, en effet, comme un vêtement dans lequel on est empêtré, en raison de son poids excessif, n'est pas tant porté que traîné, et n'est pas tant utile et expédient que gênant et cause de chute ; mais, il nous charge plus qu'il ne nous sert, et son abondance est vaine, et sa surabondance cause de culpabilité ; pour finir l'or, à la manière d'un immense et énorme gouvernail, nous fait plus couler qu'il ne nous dirige. Aurum enim uelut laciniosum indusium: ob nimium pondus non tam gestatur quam trahitur : nec tam expedit explicatue quam impedit et precipitat. Atque oneri potius quam usui exuberans irritam habet copiam: noxiam nimietatem. De[36v]nique aurum uelut ingens et enorme gubernaculum potius mergit quam regit.
(1640) Voilà pourquoi le poète continue ainsi : Cui ("lui pour qui"), à Pierre évidemment, censuit ("décréta") autrement dit prescrivit ; author ("l'auteur") autrement dit le Créateur du monde, le Christ, non gestare sibi peram ("de ne pas porter de bourse pour lui-même") autrement dit ce petit sac de peau, bien commode pour porter ce dont on a besoin pour la route. ideo subdit (Cui) scilicet petro: censuit id est præcepit: author: id est creator rerum christus: non gestare sibi peram id est pelliceum folliculum aptum portando uiatico.
(1641) De fait chez Matthieu, le Seigneur dit aux disciples : "ne possédez pas d'or, ni d'argent, ni de monnaie dans votre ceinture, ne prenez pas de bourse pour la route". Nam apud mattheum dixit dominus discipulis : nolite possidere aurum: nec argentum: nec pecuniam in Zonis uestris: non peram in uia.Mt 10, 9
(1642) Par ces mots, le Maître éternel enseigne à celui qui va faire retentir le clairon de la parole divine qu'il ne doit s'inquiéter d'aucun souci du nécessaire, ou de ce qui permet de se procurer le nécessaire. Quibus uerbis monet doctor æternus: Buccinatorem uerbi diuini nulla cura debere sollicitari rerum necessariarum: uel rerum quibus necessaria comparantur.
(1643) Les biens temporels en effet sont une cause de trouble violent quand on les recherche ; une fois qu'on les a, le trouble à les posséder est encore plus violent et, quand on les a acquis, ils se glissent dans le corps de qui les possède, et entraînent vers eux son esprit dans un amour immodéré d'eux-mêmes. Temporaria enim ærumnose quæruntur: et quæsita ærumnosius possidentur: partaque abeunt in membra possidentis. trahentia ad se animum immoderata sui dilectione.
(1644) Cet état de fait étouffe et blesse gravement la parole de Dieu, et soumet à la terre la particule de souffle divin qui est en nous. Quæ res suffocat et prægrauat uerbum dei: atque summittit humi diuinæ particulam auræ.
(1645) Le prédicateur doit donc avoir en Dieu une confiance si grande que, même s'il ne prévoit rien pour les dépenses de sa vie présente, il sache de façon absolument certaine que rien ne lui manquera, de peur que, tandis qu'il est entraîné de nouveau vers des biens qui passent, il en annonce moins ceux qui ne passent pas. Tanta autem fiducia in deo debet esse prædicatori: ut præsentis uitæ sumptus et si non præuideat: tamen sibi non defuturos certissime sciat: ne dum retrahitur ad caduca: minus prædicet æterna.
(1646) "Regardez", dit Jésus chez Matthieu, "les oiseaux du ciel qui ne sèment ni ne récoltent" et pourtant ils sont nourris par la providence de Dieu et n'ont aucun souci, cela est bien plus justement applicable à vous qui êtes des fils. RespiceMt 6, 26 (inquit iesus apud matthæum) uolatilia cœli: quæ non serunt nec metunt:Mt 6, 26 et tamen dei prouidentia aluntur absque cura: multo ergo uos iustius: qui filii estis.
(1647) Par ces paroles, le Maître céleste, en prescrivant, dans tout son discours, le mépris du siècle et la confiance dans les réalités futures, a voulu, par la foi, extirper de ses amis l'amour des biens présents et le désespoir d'obtenir des biens futurs, pour éviter que leur ardeur à faire le bien ne s'en endorme. his uerbis magister cœlestis contemptum sæculi et fiduciam futurorum toto sermone præcipiens: amorem præsentium et desperationem futurorum a suis per fidem uoluit excutere: ne ob hæc in bene agendo torpescerent.
(1648) De fait, quelque grande soit la peine que nous devons prendre, car il est écrit "c'est à la sueur de ton front que tu te nourriras de ton pain", cependant, l'inquiétude qui trouble notre esprit, il faut totalement la supprimer. Nam quamuis labor exercendus sit: quia scriptum est in sudore uultus tui uesceris pane tuo:Gn 3, 19 tamen sollicitudo: quæ mentem perturbat: omnino tollenda est.
(1649) En un autre sens, le Seigneur prescrit de ne pas porter de bourse, parce qu'une bourse est faite du cuir d'un animal mort, autrement dit, il prescrit de ne rien porter qui soit mort, rien d'humain, mais seulement ce qui est éternel et divin, et de ne pas non plus craindre un seul pas vers la mort, ni de se laisser détourner du but fixé à chacun par aucun danger. Aliter præcepit dominus non gestare peram: quia ex corio mortui animalis pera fiat id est nihil morticinum gerere: nihil humanum sed æternum ac diuinum. nec idem ullum mortis gradum timeat: neue reflectatur ullo periculo ab destinato sibi scopo.
(1650) (Pete ("demande")) il s'adresse encore au boiteux, que tu sois le peuple d'Israël ou celui qui demande l'aumône, pete ("demande"), à Pierre évidemment, dona salutis ("les dons du salut") autrement dit de la santé de l'âme et du corps, suivant qu'on le rapporte à l'un des boiteux, non secteris ("ne t'attache pas") autrement dit ne recherche pas avec inquiétude, opes ("des biens") autrement dit des richesses, fragiles ("fragiles") autrement dit qui s'écoulent, quas ("que") debet spernere ("doit mépriser") cum domino ("avec le Seigneur"), évidemment le Christ, pauvre dans cette vie, debet ("doit"), évidemment le boiteux guéri, qui ("qui"),évidemment l'homme guéri, erit diues ("sera riche"), post limina templi ("de l'autre côté du seuil du Temple") autrement dit quand il sera entré au-delà du seuil et de la porte du Temple avec le boiteux. (Pete.) adhuc alloquitur claudum. o claude : uel popule israelitice. uel qui petis elemosynam: pete scilicet a petro dona salutis id est sanitatis in anima uel in corpore : si ad alium claudum sensum refers. non secteris id est non quæras sollicite: opes id est diuitias: fragiles id est fluxas: quas scilicet opes: debet spernere: cum domino scilicet Christo paupere in hac uita: debet scilicet sanatus claudus: qui scilicet sanus erit diues: post limina templi. id est postquam ingressus fuerit limen et portam templi cum claudo.
(1651) (Templi (« le Temple")) autrement dit l'Eglise militante qui déborde de biens spirituels en grand nombre, et, pour le dire d'un mot, est pleine de tous les biens. (Templi.) id est ecclesiæ militantis quæ affluit in numeris bonis spiritalibus: et ut dicam in summa: cunctis bonis plena.
(1652) Quand il est entré au-delà du seuil de ce Temple, Paul a dit : "comme n'ayant rien, nous possédons tout". Huius templi limen ingressus paulus dixit: Tanquam nihil habentes et omnia possidentes.2 Co 6, 10
(1653) Autre possibilité : templi ("le Temple"), autrement dit l'Eglise triomphante, où le bonheur est puissé, non en partie mais à pleine cuve. Vel templi id est ecclesiæ triumphantis: ubi non in parte, sed in toto alueo felicitas hauritur.
(1654) (Porticus Salomonis ("le Portique de Salomon")) : "tout le peuple", dit Luc "accourt vers eux", évidemment Pierre et Jean "près du Portique de Salomon, dans la stupéfaction". (Porticus Salomonis.) Curritac 3, 11 inquit lucas omnis populus ad eosac 3, 11 scilicet petrum et loannem: ad porticum salomonis stupentes.ac 3, 11
(1655) Ce portique a été construit par Salomon, puis renversé par les Chaldéens, mais au retour de la captivité à Babylone, un autre portique du même nom a été construit, comme nous l'avons déjà dit plus haut à propos de la Belle Porte. hæc porticus ædificata a salomone per chaldeos euersa est: sed post reditum captiuitatis babylonicæ alia retento nomine ædificata est: ut supra de porta speciosa diximus.
(1656) Arator, et Bède qui suit Arator, disent qu'une fois le boiteux sauvé, celui-ci vint dans le Portique de Salomon autrement dit le Christ, dont Salomon est la figure, et que tout le peuple, autrement dit la totalité du monde qui était représenté par cette foule du peuple, accourut vers le Portique de Salomon, autrement dit vers l'Eglise du Christ, faiseur de paix. Dicit autem Arator: et Beda qui aratorem sequitur: quod postea quam claudus saluus factus in porticum salomonis id est christi: qui per salomonem figurabatur: uenit: cucurrit omnis populus id est uniuersus mundus: qui significabatur per illum populum: ad porticum salomonis id est ad ecclesiam christi pacifici.
(1657) De fait le nom 'Salomon' se traduit par pacificus ("faiseur de paix"), ou alors 'rétributeur', si on le traduit d'hébreu en latin. Nam salomon interpretatur pacificus: uel retributor a lingua hebrea in nostam transferendo.
(1658) Le Christ est bien le vrai pacificus ("faiseur de paix"), car, médiateur, il nous réconcilie avec Dieu et répand sur toutes les terres la vraie paix. Est autem Christus uerus pacificus: quia mesites nos deo concilians: ueram pacem in omnes terras fundit.
(1659) C'est ce qui fait qu'Isaïe dit : "son empire s'étendra, et la paix n'aura pas de fin", et Daniel : c'est lui "la pierre arrachée de la montagne" qui, quand le royaume de la terre s'effondrera, occupera seul dans le monde un royaume de paix. Vnde Esaias: multiplicabitur inquit eius imperium: et pacis non erit finis.Es 9, 7 Et Daniel: ipse est lapis de monte abscissus:Dn 2, 34 qui terreno regno ruente: solus per orbem pacificum tenet imperium.
(1660) En péchant en effet, nous étions étrangers à Dieu, mais nous obtenons la paix en recevant en nous le Christ né pour nous. Peccando enim eramus a deo extranei: pacem consequimur: qui Christum suscipimus natum.
(1661) De fait, pour les impies, il n'est nulle paix dit le prophète, car, de quelque manière que ce soit, ils persécutent le Christ. Nam impiis nulla pax est ut ait propheta: qui Christum quoquomodo persequuntur.
(1662) (Hunc ("celui-ci")), le boiteux évidemment, habet ("le possède") autrement dit le reçoit, porticus salomonis ("le Portique de Salomon"), parce que le boiteux guéri par Pierre vint avec les apôtres dans le Portique de Salomon et aussitôt le peuple accourut vers eux, dans la stupéfaction. (Hunc) scilicet claudum: habet id est recipit: porticus salomonis. quia claudus sanatus a petro uenit cum apostolis in porticum salomonis: et ad eos cucurrit statim populus miraculum stupens:
(1663) Mais Arator explique l'allégorie quand il dit sous forme de question : qui uocatur iure pacificus ("qui est à bon droit nommé faiseur de paix") autrement dit qui est vraiment Salomon, vraiment faiseur de paix ? sed allegoriam declarat Arator cum ait interrogando: qui uocatur iure pacificus id est uere salomon uere pacificus?
(1664) Pourquoi n'est-ce pas ce Salomon, fils de David, qui était une figure, mais donc celui qui sera iure ("à bon droit"), autrement dit vraiment pacificus ("faiseur de paix"), fide regnante ("quand la foi règnera") à travers le monde ? quid non ille salomon filius dauid: qui fuit figura: qui ergo erit iure id est uere pacificus: fide regnante per orbem:
(1665) Pourquoi n'est-ce nul autre que le Christ qui sera semper pacificus ("toujours faiseur de paix") ? quid nullus alius: nisi Christus. et qui erit semper pacificus nisi Christus?
(1666) Vraiment aucun autre. quid nullus alius.
(1667) Le poète dit de fait semper ("toujours") autrement dit pour l'éternité, parce que ce n'est pas seulement sur un seul peuple, celui des Juifs, que le Christ règne spirituellement et pour l'éternité, mais sur toute l'Eglise qui, par la foi et sa profession de foi, se rattache au sort des patriarches, soit dans ceux qui, nés par le sort des patriarches, n'ont pas dégénéré en olivier sauvage, soit dans ceux qui, greffés sur l'olivier sauvage, ont été greffés pour donner un bon olivier. Dicit autem semper id est in æternum. Quia non solum in una gente iudæorum spiritaliter: et in æternum regnat Christus: sed in tota ecclesia: quæ per fidem et confessionem ad patriarcharum pertinet sortem : siue in illis qui de patriarcharum sorte nati in oleastrum non degenerauerunt: siue in his qui de oleastro incisi : in oliuam bonam sunt inserti.
(1668) (Hic ("celui-ci")), le Christ prince de paix évidemment, protegit omnem ("protège toute personne") autrement dit tout fidèle, par son inestimable paix, qui ("qui"), le fidèle évidemment, placet ("plaît") évidemment au Christ, petro ductore ("avec Pierre comme guide") et portier et pasteur, Quo ("par lequel"), Pierre évidemment, præsule ("à sa tête") autrement dit comme pasteur agissant en lieu et place du Christ, surgit ("il se redresse"), évidemment le fidèle qui boitait dans son esprit sous le poids de ses manques de foi et de ses péchés. (Hic) scilicet Christus uerus pacificus: protegit omnem id est fidelem pace sua inæstimabiIi: qui scilicet fidelis: placet scilicet Christo. petro ductore et ianitore et pastore. Quo scilicet petro: præsule id est pastore et uices christi gerente: surgit scilicet fidelis claudicans animi infidelitate et peccatis.