(553) (IAMQVE quaterdenis) On demande d’ordinaire pourquoi
Arator ne fait pas comme les autres poètes une propositio, une
invocatio et une narratio. |
(IAMQVE quaterdenis) soIet
quæri cur arator non proponat inuocet
narret more cæterorum poetarum.
|
(554) Nous pouvons dire qu’il a fait sa propositio dans
l’élégie au pape Vigile : quand il dit uersibus ipse canam quos lucas
rettulit actus ("je chanterai en vers les actes que Luc a
rapportés"). |
possumus dicere Eum proposuisse in elegidio ad uigilium pontificem: cum dixit uersibus ipse
canam quos lucas rettulit actus
.
|
(555) Et de même il fait l’invocatio quand il en est besoin et
quand le matériau l’exige comme peu après Nequid in expertum studio
meditemur inani spiritus alme ueni etc. ("afin que nous ne méditions
pas avec un zèle vain un fait hors de notre expérience, Esprit nourricier,
viens"). |
Et item ipsum inuocare ubi opus est et exigente materia ut paulo
post Nequid inexpertum studio
meditemur inani spiritus alme ueni etc.
|
(556) Dans cette deuxième section, Arator montre que le Christ, par de
nombreux signes, a prouvé à ses disciples qu’après sa résurrection il avait le
même corps qu’il avait eu auparavant ; ensuite qu’après quarante jours il fut
enlevé au ciel depuis le Mont des Oliviers, tandis qu’ils le voyaient et s’en
émerveillaient ; et qu’ensuite les disciples étaient revenus à Jérusalem où
était la Vierge Mère de Dieu. |
ostendit autem in hac secunda sectione Arator christum multis signis probasse dis[12r]cipulis se post
resurrectionem idem habere corpus quod ante habuisset. deinde post. xxxx. dies e monte
oliueto assumptum fuisse in coelum illis uidentibus et
mirantibus. postea uero dicipulos rediisse
hierosolymam: ubi uirgo
deipara erat.
|
(557) Le sens et l’ordre sont : iam ("déjà") autrement
dit après la résurrection, dominus contulerat fidem ("le Seigneur
avait apporté la foi") autrement dit la croyance, quaterdenis
("quatre fois dix") autrement dit quarante, per signa ("par des
signes") autrement dit par des arguments et des indices manifesta
("évidents") autrement dit clairs, illis ("à ceux") évidemment ses
disciples, cernentibus ("qui voyaient") autrement dit qui voyaient
ce que faisait le Seigneur, quos ("que") évidemment les disciples,
iubet ("il ordonne") évidemment le Christ, esse
suos ("d’être ses") témoins in limite diffuso ("confins
les plus étendus") autrement dit sur l’étendue des frontières, usque sub
extremum mundum ("jusqu’aux confins du monde") autrement dit jusqu’au
bout du monde. |
Est autem sensus et ordo:
iam scilicet post
resurrectionem:
dominus contulerat fidem id
est credulitatem quaterdenis id est quadraginta
diebus:
per signa id est argumenta et
indicia:
manifesta id est clara:
illis scilicet discipulis
suis:
cernentibus id est uidentibus
quæ fiebant a domino:
quos scilicet discipulos:
iubet scilicet christus:
esse suos testes:
in limite diffuso id est in
finibus extensis:
usque sub extremum mundum id
est usque ad ultima mundi.
|
(558) Il faut savoir que les apôtres interrogèrent le Seigneur comme le dit
Luc : "Seigneur, est-ce dans ce temps que vas rétablir la royauté en
Israël ?". Le Christ a rejeté cette question en considérant qu’elle était
excessivement grossière et pour ainsi dire charnelle : "et vous serez mes
témoins à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités
de la terre" ; évidemment témoins de sa résurrection et de tous les autres
miracles que vous avez vus en prêchant et en répandant l’Evangile jusqu’au bout de
la terre. |
Sciendum est apostolos interrogasse dominum ut lucas ait:
domine si in tempore hoc restitues regnum israel?ac 1, 6 reiecit christus interrogationem tanquam nimis crassam et ut ita
loquar: carnalem: et
adiecit:
et eritis mihi testes in hierusalem: et in omni
iudaea et samaria et usque ad ultimum terræ:ac 1, 8 Testes scilicet resurrectionis et cæterorum
mirabilium quæ uidistis praedicando et diuulgando Euangelium usque in
ultimum terræ.
|
(559) Et il n’est rien d’étonnant à ce que les apôtres interrogent le Christ
de façon si désinvolte et si imprudente sur le royaume temporel d’Israël, alors
qu’ils n’avaient pas encore absorbé la puissance et la sagesse de l’Esprit
saint. |
Nec mirum est apostolos tam supine tamue imprudenter de regno
israel temporario christum
interrogasse: cum nondum spiritus sancti
uirtutem et sapientiam ebibissent.
|
(560) Ainsi en effet Matthieu raconte que les fils de Zébédée avaient demandé,
bien que ce ne soit pas de leur propre chef, que l’un siège à sa droite et l’autre
à sa gauche, dans l’idée que le Christ irait siéger sur un trône temporel à la
manière de tous les autres rois fragiles. Mais le Christ rejette cette demande.
"L’Esprit saint viendra sur vous" et il apportera non un royaume en Israël comme
vous le pensez, mais il vous apportera la puissance de témoigner de moi, et le
temps de ce royaume est tel qu’auparavant la renommée de l’Evangile pourra courir
non seulement à Jérusalem et sur tous les confins de la Judée et de la Samarie,
mais même aux extrémités du monde dont elle fera le tour. |
Ita enim matthæus: narrat filios Zebedei petiisse:
quamuis non per se: ut unus sederet ad dextram eius
et alius ad sinistram. quando christus in solio
temporario sessurus esset more cæterorum regum uacillantium. sed christus hoc reiicit.
superuenietac 1, 8 inquit super uos spiritus sanctus:ac 1, 8 nec regnum israel ut putatis afferet: sed
uirtutem testificandi de me uobis præstabit:
tantumque illius regni tempus Ionge est ut prius non solum hierosolymam et omnes fines iudeæ et samariæ sed mundi etiam terminos per circuitum fama
Euangelii percurrat.
|
(561) Quelqu’un hésitera peut-être quant au fait de savoir si ce témoignage a
été intégralement donné par les apôtres ou également par les successeurs des
apôtres. |
Dubitabit aliquis an id testimonium per apostolos completum
fuerit: an etiam per apostolorum sucessores.
|
(562) Les théologiens anciens ne sont pas d’accord sur ce point
délicat. |
Dissentiunt in hac ambiguitate antiqui theologi.
|
(563) Ainsi Jérôme dans son commentaire sur Matthieu dit que la parole du
psaume "sur toute la terre s’en va le son de leur voix" et cette parole du Christ
"cet évangile sera annoncé dans le monde entier" indique que le processus est
intégralement accompli par l’intermédiaire des apôtres. Mais Augustin dans la
lettre à Exitius, en accord avec Origène dans son commentaire sur Matthieu pense
que cela n’a pas été encore intégralement accompli. |
Siquidem hieronymus
super matth. dicit hoc dictum psalmi in omnem terram exiuit sonus eorum:Ps 18, 5 et illud christi prædicabitur Euangelium hoc in uniuerso mundo:Mt 24, 14 esse completum per apostolos. At augustinus in epistola ad Exitium: cui consentit origenes
super matth. sentit hoc nondum fuisse completum.
|
(564) Avec ces arguments on éclaire comment nous comprenons le vers d’Arator
quos apostolos iubet esse suos testes usque sub extremum mundum
("il ordonne à ses apôtres d’être ses témoins jusqu’à l’extrémité du monde en ses
confins les plus étendus") autrement dit jusque dans les territoires les plus
éloignés du monde, dans lesquels l’Église s’est répandue. |
Ex his constat quo intelligemus quod dicit Arator:
quos apostolos iubet esse suos testes
usque sub extremum mundum id est usque in extremas oras orbis
terrarum: in quas ecclesia diffusa est.
|
(565) Le différent entre Jérôme et Augustin, ce n’est pas nous qui allons le
trancher, parce je pense que les deux opinions se défendent, et je crois que sur
le fond ils ne sont pas en désaccord, même si en surface leurs paroles semblent se
contredire. |
Litem autem illam hieronymi et Augustini non dirimimus: quia
utrunque credo probabile: nec illos dissentire
arbitror in nucleo: licet uerba in cortice pugnare
uideantur.
|
(566) (Miracula rerum) il y a dans le Christ deux natures, la
nature divine et la nature humaine. La divinité du Christ ne pouvait être vue par
des yeux mortels, mais l’humanité a été perçue par les yeux et les sens des
apôtres. C’est pourquoi Luc, à la fin de l’évangile, dit que le Seigneur dit aux
disciples : "touchez et voyez car un esprit n’a ni chair ni os comme vous
constatez que j’en ai". |
(Miracula rerum) duæ in
christo naturæ sunt diuina et humana. diuinitas
christi non poterat uideri oculis mortalibus. at
humanitas: apostolorum oculis et sensibus
percepta est. Vnde lucas in fine Euangelii dicit dominum
dixisse discipulis:
palpate et uidete: quia spiritus carnem
et ossa non habet: sicut me uidetis
habere.Lc 24, 39
|
(567) Si c’était en effet grâce à une illusion magique que son corps avait
été formé et s’il avait été celui d’un fantôme, il aurait été peu dense et aérien,
et non un corps solide et véritable. |
Si enim magica illusione corpus illud fuisset compactum: et phantasticum: fuisset
rarum et aereum: non solidum et uerum corpus.
|
(568) Il n’aurait pas eu également les cicatrices des blessures, qu’il
encouragea Thomas à toucher comme il le dit dans l’évangile de Jean : "avance
ton doigt ici, et vois mes mains, et avance ta main et mets-la dans mon côté, et
ne sois plus incrédule". |
Non habuisset etiam cicatrices uulnerum.
quas ut palparet.
thomas: monuit
ipse cum apud Ioannem
Euange. ei dixit:
infer digitum tuum huc: et uide manus
meas et affer manum tuam et mitte in latus meum: et noli esse incredulus.Jn 20, 27
|
(569) Le Christ montra à ses disciples qu’il était le même que celui qui
avait souffert, en utilisant l’action de se nourrir quand il mangea avec ses
disciples comme le raconte Luc : "ils lui offrirent un morceau de poisson
grillé et un rayon de miel et comme il les avait mangé devant eux, prenant ce
qu’il restait il le leur donna". |
Se quoque christus esse eundem qui passus fuerat discipulis
ostendit per opera uitæ altricis cum manducauit cum discipulis ut narrat
lucas:
obtulerunt inquit ei partem piscis assi et fauum mellis et cum
manducasset coram eis sumens reliquias dedit eis.Lc 24, 42
|
(570) Il montrait qu’il avait les sensations de la vie en parlant avec eux,
en leur répondant et en les saluant. |
Vitam quoque sensibilem se habere monstrabat colloquendo
respondendo: eos salutando.
|
(571) Quant à son intelligence, il y en a une preuve évidente dans le fait
qu’il discutait avec eux des Écritures comme Luc le raconte dans son dernier
chapitre. |
Intellectus autem apertum argumentum erat disputare cum illis de
scripturis ut Lucas in
ultimo capite narrat.
|
(572) Mais quand il entra, alors que les portes étaient closes, pour
rejoindre ses disciples, il apporta la preuve qu’il était ressuscité pour une vie
glorieuse. "Le Seigneur" (comme le dit Grégoire) "offrit à leur toucher sa chair
qu’il avait fait entrer alors que les portes étaient closes, afin de montrer
qu’après la résurrection son corps était identique dans sa nature, mais différent
dans sa gloire". |
Cum uero ianuis clausis ad discipulos intrauit se resurrexisse ad
uitam gloriosam probauit.
palpandamGREG. M. in euang., 26, 1 (inquit Gregorius) dominus carnem præbuit: quam ianuis
clausis introduxit: ut esse post
resurrectionem ostenderet corpus suum eiusdem naturæ et alterius
gloriæ.GREG. M. in euang., 26, 1
|
(573) Donc de telles preuves et de tels signes une fois mis ensemble
rendirent pour les apôtres absolument certaine la foi qu’il s’agissait bien du
même homme que celui qui avait été crucifié, et qui, ressuscité, s’entretenait
avec eux, quand s’y furent ajoutés cependant (comme le dit le divin Thomas dans la
Secunda) la révélation des anges et le témoignage des Écritures,
dont le Christ ouvrit le sens aux disciples comme l’atteste Luc dans son
évangile : "alors le Seigneur dit aux disciples : ‘ô cœurs sans
intelligence et lents à croire dans tout ce qu’on dit les prophètes’". |
talia ergo argumenta et signa simul collata fidem certissimam
apostolis fecerunt eundem esse illum hominem qui crucifixus fuisset: et qui resurgens secum loqueretur: adiuncta tamen (ut diuus thomas in. iii. parte ait) angelorum
reuelatione et testimonio scripturarum: quarum
sensus christus discipulis aperuit ut lucas in Euangelio author est. Vnde dixit dominus
discipulis o stulti et tardi corde ad credendum in omnibus quae locuti sunt
prophetæ.Lc 24, 25
|
(574) Il n’a pas dit "ô cœurs sans intelligence pour croire les réalités que
vous touchez et sentez", mais bien en celles qui ont été dites par les
prophètes. |
non dixit o stulti ad credendum ea quæ palpantur uel sentiuntur: sed in omnibus qua locuti sunt prophetæ.
|
(575) Ainsi, en effet, notre libérateur leva pour ses disciples toutes les
ambiguïtés. Ils le virent, le touchèrent et il mangea avec eux. |
Ita enim liberator noster remouit omnes ambages discipulis. Visus est tactus est manducauit.
|
(576) Mais parce que nous lisons dans les divines lettres que des anges
également ont agi ainsi, comme dans la Genèse ou dans l’Exode ou dans d’autres
passages, où des anges parlèrent après avoir assumé un corps, mangèrent et firent,
à ce que l’on rapporte, d’autres actes qui sont propres aux vivants, pour éviter
de sembler en quelque point avoir trompé les sens des hommes, il tendit la main
vers les Écritures. Ainsi, même s’il semble avoir été, grâce à des artifices
magiques, capable de faire ce qu’il voulait, comme, selon le récit de Lactance,
certains païens dans leur folie le prétendent mensongèrement, ils voient cependant
que les prophètes n’auraient fait pareille prédiction pour eux-mêmes avant sa
naissance. |
At quia id quoque fecisse angeIos in diuinis litteris legimus: ut in genesi in exodo: et aliis in locis: ubi in
assumptis corporibus locuti sunt: manducauerunt: et alia quæ uiuentium sunt fecisse perhibentur: ne in aliquo humanos sensus ludificasse
uideretur: mittit manum ad scripturas: ut etsi magicis artibus uideatur potuisse quod
uoluit: ut narrante lactantio pagani quidam stolidi mentiti
sunt: tamen uideant id prophetas de se antequam
natus esset: non prædicturos fuisse.
|
(577) On me dira : à quoi rime pour moi d’aller chercher si loin ce
préambule pour montrer comment furent évidents les signes et certaines les preuves
(comme le dit Arator) par lesquelles le Christ montra et prouva à ses disciples
qu’il n’utilisait envers eux nul charme trompeur ? |
dicet quispiam: quorsum hæc tam longo
repetita principio ut ostendam quomodo fuerunt signa manifesta et documenta
certa (ut ait Arator) quibus christus
ostendit et probauit discipulis nulla se uti ad illos ludificatione.
|
(578) C’est la raison pour laquelle le poète a dit "déjà le Seigneur avait
apporté la foi", de manière emphatique et expressive, exprimant non pas cette
forme d’hypotypose que Cicéron dans les Académiques nomme
perspicuitas et les Grecs ἐναργής, mais une foi certaine en
cette vérité qui s’attacha à l’esprit des apôtres au sujet de la résurrection du
Christ non seulement en tant que Dieu, mais encore en tant qu’homme. |
ideo dixit poeta: iam dominus contulerat
fidem emphanticos et signanter: non euidentiam illam
quam cicero in academicis uocat
perspicuitatem: græci enarges nominant: sed fidem certam ueritatis illius quae mentibus
adhesit apostolorum de resurrectione christi non solum ut dei Sed etiam ut
hominis.
|
(579) Mais cette parfaite compréhension ne fut obtenue que par l’ajout de
l’autorité des saintes Écritures, qui fait naître en nous une perception certaine
et affermie des réalités de la foi qui ne sont pas manifestes. |
Comprehensio autem illa perfecte habita est adiuncta authoritate
sacrarum scripturarum: quæ gignit in nobis certam et
firmam perceptionem fidei non euidentiæ.
|
(580) Or, vu que l’objet de la foi n’est pas la vision, mais Dieu lui-même et
qu’un article de foi est quelque chose d’invisible concernant Dieu, il est évident
que les apôtres n’ont pas su de façon claire, mais bien plus cru que Dieu était
ressuscité des morts. |
Cum autem obiectum fidei sit non uisus sed ipse deus: et articulus fidei sit aliquid non uisum circa
deum: manifestum est apostolos non perspicue
sciuisse Sed certo credidisse deum a mortuis resurrexisse.
|
(581) En effet, la divinité du Christ était impossible à saisir par les yeux
des apôtres. |
Nec enim diuinitas christi sentiri poterat oculis apostolorum.
|
(582) D’où cette parole de Grégoire : "Thomas a vu une chose et en a cru
une autre. En effet la divinité ne pouvait être visible par un homme mortel. Il a
donc vu un homme et confessé sa foi en Dieu en disant ‘mon Seigneur et mon
Dieu’". |
Vnde gregorius:
thomas aliud uidit et aliud
credidit. A mortali quippe homine uideri
diuinitas non potuit. hominem ergo ui[12v]dit et
deum confessus est. dominus meus dicens et
deus meus.GREG. M. in euang., 26, 8
|
(583) Donc, de quelle manière le Christ dissipa-t-il tous les scrupules du
doute ? Arator le montre en disant miracula rerum ("les
miracles") évidemment opérés par le Christ non poterant celare deum
("ne pouvaient cacher Dieu") autrement dit ne pouvaient pas cacher et occulter la
divinité du Christ, parce que, comme le dit Jean l’évangéliste "si l’on écrivait
un à un les miracles que Jésus a faits, que ce soit avant ou après sa
résurrection, le monde ne suffirait pas pour contenir ces livres". |
Quo igitur pacto scrupulos omneis dubitationum remouit christus?
Arator ostendit: cum ait (miracula
rerum) scilicet operatarum a christo:
non poterant coelare deum id
est non poterant abscondere et occultare diuinitatem christi. quia ut inquit loannes Euangeliographus si scribantur per singula quæ Iesus fecit miracula scilicet ante uel post
resurrectionem: non mundus libros ipsos
caperet.Jn 21, 25
|
(584) Mais on me fera ici une objection et on tentera de s’opposer à moi en
disant : comment les miracles montraient-ils la divinité du Christ alors que
de nombreux saints aussi firent des miracles, tels Moïse, Elie, Elisée et
d’autres, et que Jésus déclare (Jn. 14) : "en vérité je vous le dis, celui
qui croit en moi fera les œuvres que je fais, et il en fera même de plus
grandes" ? |
Sed repugnabit aliquis hic: et contra
conabitur: quomodo miracula ostendebant
diuinitatem christi: cum multa uiri sancti etiam
miracula fecerint ut Moses:
helias:
heliseus et reliqui et loannis.xiiii. dicat Iesus:
Amen dico uobis: qui credit in me: opera quæ ego facio ipse faciet: et maiora horum faciet.Jn 14, 12
|
(585) Les théologiens font ici une réponse unanime qui résout de nœud :
ce qui importe n’est pas ce qui est fait, mais la manière de le faire, autrement
dit ce qui nous fait conclure que le Christ est Dieu, c’est qu’il agissait par sa
puissance propre et non en la recevant d’un autre, ce qui est le propre de Dieu
évidemment de manière totalement indépendante, lui dont le mode d’action ne peut
se communiquer à la créature. |
respondent theologi hunc nodum soluentes uno consensu: non esse rem factam sed modum faciendi: id ex quo possumus concludere christum fuisse
deum: quia uirtute propria et non aliunde
accepta agebat: quod est proprium dei: independenter scilicet qui modus agendi creaturæ
communicari non potest.
|
(586) En effet le Christ a accompli beaucoup de miracles non pas en réponse à
sa prière ou à sa demande, mais en prescrivant et en commandant en homme qui a le
pouvoir comme le dit l’évangéliste. |
Multa enim ægit chistus non orando: nec
petendo sed præcipiendo et imperando tanquam potestatem habens ut ait
Euangeliographus.
|
(587) Or cela, c’est en existant lui-même comme Dieu qu’il l’opérait et non
en tant qu’homme existant par la puissance de Dieu. |
Hoc autem ut ipse existens deus: et non in
dei uirtute existens homo operabatur.
|
(588) (Documenta.) Il a dit comment la divinité du Christ a
été montrée aux apôtres par l’entremise de miracles, maintenant il affirme
clairement de quelle manière son humanité a été prouvée à ces mêmes apôtres par
l’entremise de la prise de nourriture : resurgens ("de sa
résurrection") évidemment le Christ, quæ documenta ("quelles
preuves") autrement dit des signes et des indices, daret sic certa
("plus sûres pouvait-il donner") autrement dit plus certaines quam
mandere ("que de manger") autrement dit de partager un repas évidemment
avec eux : c’étaient là les preuves les plus certaines. Corpora
humana ("les corps humains") autrement dit des hommes probant
uitam ("prouvent leur vie") autrement dit montrent qu’ils vivent et
qu’ils ne sont pas morts his ("par cela") autrement dit par de tels
actes, manger, et partager un repas. |
(Documenta.) dixit quomodo diuinitas christi patefacta fuit
apostolis per miracula: nunc declarat quo pacto
humanitas monstrata fuit eisdem per epulationem:
resurgens scilicet christus
quæ documenta id est
signa et indicia daret sic
certa id est certiora quam mandere id est comedere scilicet cum illis: quae documenta certissima erant.
Corpora humana id est
hominum:
probant uitam id est
ostendunt se uiuere et non esse mortua his id est talibus epulando scilicet et
comedendo.
|
(589) De fait, puisque l’âme vitale a trois offices qui la soutiennent :
se nourrir, croître et se reproduire, le premier est le plus nécessaire à la vie
car il touche à l’être même qui, sans le secours de cet acte, ne peut se maintenir
ni se conserver. |
Nam cum sint tria uegetalis animæ officia:
alere: augere:
gignere: primum uiuentibus maxime necessarium
est: utpote quod attingat essentiam: quæ sine hac ope teneri et conseruari non
possit.
|
(590) L’âme alimente grâce à la chaleur qui lui est innée et propre et par
celle-ci comme par quelque machine elle opère la digestion. |
Alit anima per calorem natiuum et uernaculum et per hunc quasi per
machinamentum quoddam concoctionem facit.
|
(591) De même en effet que l’artisan abat la forêt sans être abattu par elle
et en perfectionne la matière, de même la créature animée, grâce à la chaleur qui
est en elle, amollit la nourriture, la réduit et la digère. |
Vt enim faber cædit non cæditur a sylua quam cædit: et materiam expolit: ita
animans per insitum calorem cibum molit et comminuit et coquit.
|
(592) Donc l’âme, telle une nourrice, alimente ; ce qui est alimenté
c’est le corps qui a la vie comme source de son alimentation : nous sommes
alimentés par cette nourriture que nous nommons aliment. |
Alit ergo uis animæ nutrix: alitur corpus
quod altricem animam obtinet: alimur cibo quod
alimentum numcupamus.
|
(593) Maintenant que vous avez bien cela en mémoire, il faut savoir que le
Christ n’a pas mangé parce qu’il avait besoin de quelque chose, comme les apôtres
qui, sans aliments, ne pouvaient absolument pas vivre et se maintenir. De fait,
bien que l’augmentation ainsi reçue soit temporaire, aussi longtemps que la vie
est conservée, jamais il ne se produit que nous ne nous nourrissions pas. |
His ita in memoriam subiectis: est
sciendum christum non indigentia comedisse sicut apostoli qui sine alimento
minime uiuere et consistere poterant: Nam licet
augmentum temporarium sit: tamen quamdiu uita
seruatur: nullo tempore committitur ut non
alamur.
|
(594) Ceux-là donc avaient besoin de nourriture. Le Christ, après sa
résurrection, ou encore nous, après que nous serons ressuscités, n’aurons plus
besoin d’aliment. |
illi ergo cibo indigebant: christus post
resurrectionem uel nos posteaquam resurrexerimus:
alimento non indigebimus.
|
(595) Donc il mange avec eux pour leur montrer qu’il a un corps vivant avec
une âme qui le soutient, et non un corps fantomatique ou aérien tel qu’en prennent
d’ordinaire les esprits qui, même si on les voit manger, ne sont pas dits vivants
au sens propre, puisqu’ils n’ont pas d’âme et que ce corps n’est pas vivifié par
une force nourricière et par les autres puissances de l’âme, comme je l’ai montré
dans ma dissertation de Verbis Obliquis. |
Comedit ergo ut ostenderet se habere corpus uiuum anima
uegetali: non phantasticum aut aereum quale
spiritus assumere solent. qui licet comedere
uideantur: non tamen proprie dicuntur uiuere cum
animam non habeant: nec corpus illud nutrice
potentia et aliis animæ uiribus uiuificatum sit ut ostendi in quadam
relectione: de uerbis obliquis.
|
(596) D’où il s’ensuit qu’on ne peut pas parler au sens propre de l’acte de
se nourrir pour un corps formé à partir d’un ange. |
Vnde nec proprie epulatio illa corporis ab angelo formati dici
potest.
|
(597) Donc le Christ mange en raison de sa puissance et non par nécessité,
évidemment pour montrer qu’il a la puissance d’une âme nourricière et par là
toutes les autres capacités de l’âme et non parce que son corps désormais immortel
et glorieux aurait besoin d’aliment. |
christus ergo comedit potestate non necessitate: ut scilicet ostenderet se habere potestatem animæ nutricis et
per hanc reliquas animæ uires: non quod corpus illud
iam inmortale et gloriosum alimenti egeret.
|
(598) En effet il est une manière pour la terre assoiffée d’absorber l’eau et
une autre pour le rayon brûlant du soleil. |
Aliter enim absorbet aquam terra sitiens:
aliter solis radius calens.
|
(599) Celui-ci le fait par sa puissance, celle-là en raison d’un
manque. |
hic potentia: illa indigentia.
|
(600) Et le corps du Christ n’a pas été le seul à ressusciter de cette
manière : les corps de tous les saints également ressusciteront de cette
manière évidemment en ne manquant plus d’aucun aliment. |
Nec solum corpus christi resurrexit tale:
Sed etiam omnium sanctorum corpora eiusmodi resurgent nullius sciliet
alimenti indigentia.
|
(601) Puisqu’en effet, selon la définition des théologiens, le don est un
ornement permanent de l’âme, suffisant pour la vie du corps et qui persévère de
manière constante dans une éternelle béatitude, et qu’il est quadruple dans le
corps qui ressuscite comme l’indique l’Apôtre en 1 Co. : "ce qui est semé
dans la corruption, lèvera dans l’incorruptibilité ; ce qui est semé dans
l’absence de gloire, lèvera dans la gloire ; ce qui est semé dans la
faiblesse lèvera dans la puissance ; ce qui est semé comme un corps animal
lèvera comme corps spirituel" : le premier don rendra le corps se relevant
pour la gloire impassible, le second lumineux, le troisième subtil, le quatrième
agile. Puisque donc les corps des saints sont appelés à ressusciter ornés de tant
de joyaux, ils n’auront besoin, je ne dis pas de nourriture qui de quelque manière
restaure la fragilité de la nature, mais bien de quoi que ce soit d’autre. |
Cum enim dos (ut theologi diffiniunt ) sit perpetuus ornatus animæ
et corporis uitæ sufficiens et in æterna beatitudine iugiter perseuerans et
illa sit quadruplex in corpore resurgente ut in prima ad corinthios.
epistola innuit apostolus:
Seminatur in corruptione: surget in
incorruptione: seminatur in ignobilitate
surget in gloria. seminatur in infirmitate
surget in uirtute: seminatur corpus animale
surget spirituale:1 Co 15, 42-44 prima dos impatibile: secunda clarum: tertia subtile: quarta
agile corpus reddet ad gloriam resurgens: cum ergo
tot monilibus ornata sanctorum corpora sint resurrectura: non dico cibi qui naturae fragilitatem aliquo modo reparat: sed nec alicuius rei omnino egebunt.
|
(602) En effet, Dieu a fait l’âme si puissante que, de sa parfaite et absolue
béatitude, rejaillit dans le corps une santé perpétuelle et l’absence de la faim,
de la soif, du chaud et du froid, de la fatigue et de toutes les peines dont nous
sommes abondamment affectés dans la vie présente. |
Tam potentem enim fecit deus animam ut ex eius perfecta ac
cumulatissima beatitudine redundet in corpus perpetua sanitas et uacuitas
famis sitis caloris frigoris: lassitudinis et omnium
quibus abundamus in hac uita: ærumnarum.
|
(603) Et si quelqu’un dit : si le corps du Christ avait alors le don de
la luminosité comment se fait-ils qu’il n’apparaissait pas resplendissant comme
dans la transfiguration, je réponds ainsi : parce que les disciples, s’ils
l’avaient vu sous son aspect glorieux, sans aucun doute ne l’auraient pas reconnu
et leurs yeux mortels n’auraient pu endurer une si grande splendeur. |
Et siquis dicat si corpus christi dotem tunc claritatis habebat: quo pacto apparebat non fulgens ut in
transfiguratione: dico sane: quia discipuli si illum in specie gloriosa uidissent procul
dubio non agnouissent: nec oculi mortales tantum
splendorem sustinuissent.
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(604) De fait, si dans la transfiguration, dans laquelle certains prétendent
qu’il n’y avait pas don mais similitude du don, les apôtres purent à peine
supporter la lumière de l’aspect du Seigneur, hé bien, auraient-ils supporté le
don dans sa vérité et la clarté de son corps de gloire ? |
Nam si in transfiguratione: in qua non dos
sed dotis similitudo a quibusdam fuisse perhibetur:
uix lucem aspectus dominici apostoli perferebant:
quid? ueram dotem et claritatem corporis
gloriosi pertulissent?
|
(605) Donc cela était le fait d’un ordre de son âme, afin que la lumière ne
vienne pas frapper la vue des disciples. |
Imperio igitur animæ fiebat ne lux uisus discipulorum
repercuteret.
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(606) L’âme bienheureuse en effet soit permettra à l’action du corps qui la
contient de s’exercer librement, soit la contiendra et la limitera au gré de sa
volonté et elle pourra, selon son bon vouloir, soit resserrer la bride soit la
relâcher. |
Anima enim beata corporis sui actus uel libere sinet ire: uel continebit cohercebitque pro arbitrio: et premere et laxas dare habenas ad libitum
poterit.
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(607) C’est aussi ce que nous voyons qu’il est arrivé au Christ puisque, par
un ordonnancement divin, il avait encore un corps passible. |
Quod etiam christo uidemus accidisse cum ordinatione diuina corpus
adhuc haberet patibile.
|
(608) De fait, dans la transfiguration, il montra son corps lumineux de
l’éclat du soleil ; dans la mer il le rendit agile traversant le flot à pied
sec ; dans la cène il le donna impassible à manger à ses disciples, sans
qu’il soit cependant détruit par leurs dents ; dans sa sortie du sein de la
vierge, il prouva que ce même corps qui était le sien était subtil ; ou
encore, si l’on en juge par le miracle particulier que voici, il montra que son
corps était subtil et agile quand il se tira des mains des Juifs qui désiraient le
lapider, et qui ne comprirent pas comment il s’était échappé de leurs mains. |
Nam in transfiguratione corpus suum ostendit clarum solis
iubare: in mari agile fecit sicco pede fluctus
transmittens: in coena illud dedit impatibile
discipulus manducandum: nec tamen eorum dentibus
conterendum: in exitu claustri uirginalis
subtile idem illud esse probauit: uel si hoc
peculiare miraculum iudicatur: subtile et agile
corpus suum esse tum declarauit cum se e manibus iudeorum eripuit illum
lapidare cupientium: nec quomodo inde euasisset
intelligentium.
|
(609) A partir ce que je viens de dire il est évident que quand Arator dit
que le Seigneur a mangé avec ses disciples, ce n’est pas par un quelconque manque
que le Christ a agi ainsi, ni parce qu’après la résurrection nous aussi nous
ferons des banquets comme le disent les musulmans et quelques hébreux que la
lettre tue, mais bien pour montrer à ces témoins de très grande valeur la vérité
de sa nature et de son corps. |
Ex his liquet cum ait Arator
dominum comedisse cum discipulis: non indigentia
illud factum fuisse a christo: nec quia nos post
resurrectionem epulaturi simus ut dicunt otomanici et nonnulli hebreorum
quos littera occidit: sed ut ueritatem naturæ et
corporis sui ostenderet testibus illis grauissimis.
|
(610) (Coelum petiturus.) le Seigneur qui allait monter au
ciel le quarantième jour après sa résurrection autrement dit le jour de
l’Ascension apparut à ses disciples dans la cité de Jérusalem. Et le Christ
conduisait ses disciples hors de la cité à Béthanie (cette ville est sur le flanc
du Mont des Oliviers), étant désormais sur le point de monter au ciel comme Luc le
raconte à la fin de son évangile, et ainsi, après avoir passé sous silence tout ce
qu’il a fait pendant ces quarante jours, il rapproche implicitement du premier
jour de la résurrection le dernier dans lequel il est monté au ciel. |
(Coelum
petiturus.) dominus ascensurus in coelum
in die quadragesimo post resurrectionenm id est in die assumptionis apparuit
discipulis in ciuitate hierusalem: Eduxit autem christus
discipulos extra ciuitatem in bethaniam: quæ uilla est in latere
montis oliueti iam
ascensurus in coelum ut narrat lucas in fine Euangelii: et ita
prætermissis omnibus: quae per quadraginta dies
gesta sunt: primo resurrectionis diei tacite
coniungit nouissimum quo in coelum assumptus est.
|
(611) Il dit donc le Christ, évidemment petiturus coelum ("sur
le point de rejoindre le ciel") autrement dit sur le point d’y monter,
progreditur ("s’avance") autrement dit sort de la cité de
Jérusalem pour aller à Béthanie lustrare ("pour parcourir")
autrement dit pour faire le tour nemus oliuæ ("le Mont des
Oliviers") autrement dit de la forêt et de la multitude d’oliviers qui se trouve
sur le Mont des Oliviers près de Jérusalem. |
Dicit ergo christus scilicet petiturus coelum id est ascensurus:
progreditur id est procedit
extra ciuitatem hierusalem in
bethaniam:
Iustrare id est circumire:
nemus oliuæ id est syluam et
multitudinem oliuarum quæ est in monte
oliueto prope hierusalem:
|
(612) (Quia germine) il montre la raison pour laquelle c’est
depuis le Mont des Oliviers que le Christ est monté dans le ciel. Parce que,
dit-il, locus ("le lieu") autrement dit le Mont des Oliviers est
locus luminis et pacis ("un lieu de lumière et de paix"), qui
germine sacro ("par sa semence sacrée") autrement dit par
l’huile, dénote une réalité sacrée, parce que l’huile germe et naît des oliviers
qui naissent sur le Mont des Oliviers. On peut dire oletum qui
vient de olea comme aussi olivetum qui vient de
oliva. |
(Quia germine)
ostendit causam ob quam christus a monte
oliueto ascendit in coelum. quia
inquit locus id est
mons oliueti est locus luminis et pacis:
germine sacro id est oleo rem
sacram denotante: quod oleum germinat et nascitur ab
oliuis nascentibus in oliueto
monte: Id oletum dici potest ab olea
: ut oliuetum
ab oliua.
|
(613) De fait, olea et oliva désignent l’arbre,
oleum et olivum le liquide lui-même. |
nam olea et oliua arborem significant:
oleum et oliuum liquorem ipsum.
|
(614) Assurément, le divin Ambroise, qui comme deux colonnes égales consolide
la ferme doctrine de l’Église et l’orne de la blancheur de son éloquence unique a
dit : "voici la raison pour laquelle le Seigneur vint au ciel à partir du
Mont des Oliviers : pour planter les nouveaux oliviers des vertus dans le
ciel". |
Sane diuus ambrosius
pariæ columnæ instar doctrina solida dei ecclesiam fulciens: et candore eloquii singularis exornans:
ideo inquit dominus a monte uenit oliueti: ut nouellas oliuas in sublimi uirtutum plantaret.AMBR. in Luc., 9, 2
|
(615) Mais comment, va-t-on me dire, interprétons-nous les paroles d’Ambroise
et d’Arator ? Bien assurément si nous comprenons que par le sommet du Mont
est désignée la divinité du Christ, d’où les apôtres attendaient les dons promis
de l’onction spirituelle, de la lumière et de la paix ; ce sont ces deux
réalités qui sont signifiées par le germe de l’oliver. |
Sed quomodo dicet aliquis uerba ambrosii et Aratoris
interpretabimur Sane recte: si per uerticem montis
deitatem christi intelligimus: a qua apostoli munera
spiritalis unctionis: et lucis et pacis promissa
expectabant: quæ duo per germen oliuæ
significantur.
|
(616) L’huile d’olive en effet éclaire quand elle est dans une lampe et
c’était un rameau d’olivier qui, chez les Anciens, était signe de paix ainsi que
Virgile le montre en Enéide 8 quand il dit à propos d’Enée :
paciferaeque manum ramum prætendit oliuæ ("il tend de sa main un
rameau d’olivier qui apporte la paix"). |
oleum enim in lucerna illluminat: et oliua
ramus apud antiquos pacis signum erat: Vt uergilius in octauo de ænea loquens ostendit.
paciferaeque manum ramum prætendit oliuæ.VERG. Aen., 8, 115
|
(617) De là vient aussi que nous lisons chez les mythographes que, quand au
sujet du nom d’Athènes Neptune et Minerve se disputaient, Neptune, après avoir
frappé le rivage fit sortir un cheval, l’animal adapté pour les guerres, mais
Pallas, ayant jeté sa lance, fit naître un olivier, ce qui, en tant qu’emblème de
la paix, fut jugé le meilleur. |
Vnde etiam apud fabulosos authores legimus cum de nomine
athenarum
neptumnus et minerua disceptarent: percusso littore equum a neptumno animal bellis aptum: iacta
uero hasta a pallade oliuam fuisse
procreatam: quae res ut pote pacis insigne: melior iudicata est.
|
(618) Ainsi le sommet du Mont des Oliviers est locus luminis et
pacis ("un lieu de lumière et de paix"), parce que, sur son sommet,
pousse l’olivier qui, par ses branches, est emblème de la paix et, par son huile,
chasse les ténèbres et éclaire. Ainsi la divinité du Christ qui est notre tête et
met en fuite, par la vérité de son enseignement et la lumière de sa grâce, les
ténèbres de l’ignorance, de la faute et de la géhenne. |
Est ergo cacumen oliueti locus luminis et pacis: quia in uertice
ipsius oliua procreatur: quae ramis indicium pacis
est et insigne: et oleo tenebras repellit et
illuminat: ita deitas christi: qui uertex ueritate doctrinæ et Iumine gratiæ tenebras
ignorantiæ culpae et gehennæ fugat.
|
(619) Il est dit aussi pacis locus ("lieu de paix") parce que
le Seigneur enfin laissa la paix dans le cœur des apôtres, troublé par la tempête
de la Passion du Seigneur. |
pacis etiam locus dicitur: quia tempestate dominicæ passionis turbata
apostolorum corda dominus tandem in pace reliquit.
|
(620) Je veux dire que le Christ donna aux apôtres la paix, mais non à la
manière dont le monde la donne ; il leur donna cette vraie paix qui est la
sérénité de l’esprit, la tranquillité intérieure et la simplicité de cœur ;
celui qui possède ces trois biens n’obscurcit pas son intelligence des nuées des
erreurs, ne jette pas sa volonté dans des voies détournée par une licence sans
frein et ne laisse pas la bride sur le cou à ses sens par nature effrénés ou alors
répand cette paix, en conservant l’ordre voulu, envers Dieu, son prochain et
lui-même. |
pacem inquam non quo mundus dat: dedit
christus apostolis: sed illam ueram pacem quæ est
serenitas mentis: tranquillitas animi: simplicitas cordis: quæ
tria qui habet nec intellectum errorum nebulis obscurat: nec uoluntatem inmoderata libertate in deuia præecipitat: nec efrenatis natura sua sensibus latas habenas
permittit efunditue seruato ordine erga deum proximum seque ipsum.
|
(621) (Vult inde) il aborde un autre mystère : pourquoi
le Seigneur a-t-il voulu revenir au ciel depuis le Mont des Oliviers et pas
ailleurs ? |
(Vult inde) aliud
tangit mysterium cur dominus e monte
oliueti et non aliunde in coelum uoluerit reuerti.
|
(622) Mais pour que le sens d’Arator, qui est difficile, soit clair il faut
savoir quelques éléments préalables. |
Sed quædam sunt praecognoscenda ut sensus uerborum Aratoris difficilis pateat:
|
(623) Premièrement l’existence d’un arbre qui est le baumier ; cet
arbre, comme le dit Pline, est fendu avec du verre, une pierre ou un couteau en os
et il laisse s’écouler un suc qui l’emporte sur tous les autres parfums. |
ac primum esse balsamum arborem: quae ut
ait plinius incidatur uitro aut
lapide osseisue cultellis: quaeque emittat succum
qui omnibus odoribus præfetur.
|
(624) Ce suc est désigné du nom grec d’opobalsamum
(ὀποϐάλσαμον). |
Succus ille graeca dictione opobalsamum nuncupatur.
|
(625) Si nous en croyons les Anciens cet arbre ne se trouve sur terre qu’en
Judée. |
Hæc arbor si ueteribus credimus soli terrarum iudaeæ concessa est.
|
(626) A ce préambule il faut ajouter un bref résumé de ce qu’ont rapporté le
Maître des Sentences en 4, distinction 7 et Bonaventure dans le
Breviloquium au sujet du sacrement de confirmation et du
chrême. |
huic proloquio adiungendum est breui summa id quod magister in .
iiii. Sente. dist.vii: et
diuus Bonauentura in breuiloquio de
sacramento confirmationis et chrismate retulerunt.
|
(627) Le mot chrême est un mot grec qui vient de χρίω ('oindre') ; c’est
ce qui fait qu’on parle du Christ autrement dit l’Oint car le Christ est roi et
prêtre, deux fonctions qui, selon la Loi, imposaient l’onction. |
Est autem chrisma graecum uocabulum dictum
a chrio id est ungo: unde etiam
dicitur christus id est unctus: quia christus
rex est et sacerdos: quibus ex lege debebatur
unctio.
|
(628) Ici nous lisons dans le psaume : "c’est pourquoi Dieu ton Dieu t’a
oint d’une huile d’allégresse plus que tes semblables", ce qu’il faut comprendre
du Christ sous le rapport de son humanité parce que sa divinité n’avait besoin de
rien. |
Hic in psalmo
scriptum legimus propterea unxit te deus deus tuus oleo læticiæ præ consortibus
tuis.Ps 44, 8 quod de christo secundum hominem intelligendum est. quia deitas nullo indiguit.
|
(629) L’Esprit, de fait, lui a été donné sans mesure alors que les autres
l’ont reçu selon une certaine mesure. |
spiritus autem illi datus est non ad mensuram cum alii secundum
mensuram acceperint.
|
(630) Et comme le dit l’évangéliste : "c’est de sa plénitude que tous
nous avons reçu". |
Et ut ait euangelista
de plenitudine eius nos omnes accepimus.Jn 1, 16
|
(631)
chrisma ("le chrême"), autrement dit l’onguent ou l’onction, est
utilisé dans le sacrement de confirmation afin que le chrétien soit comme un
vaillant combattant renforcé pour confesser le nom du Christ avec audace et devant
tous. |
chrisma autem id est
unguentum uel unctio in confirmationis sacramento sumitur: ut christianus tanquam fortis pugil roboretur ad nomen christi
audacter et publice confitendum.
|
(632) La formule dans ce sacrement est : "je te signe du signe de la
croix, je te confirme du chrême du salut au nom du Père, et du Fils, et du saint
Esprit, Amen". |
Forma uerborum in hoc sacramento est:
signo te signo crucis: confirmo te
chrismate salutis in nomine patris et flii et spiritus sancti
amen.LITVRG. ROMAN. formula confirmationis
|
(633)
chrisma ("le chrême") est fait d’un mélange d’huile d’olive et de
baume ; c’est avec ce chrême que la main de l’évêque trace le signe de la
croix sur le front du confirmand. |
chrisma autem fit ex oleo
oliuarum et balsamo: quo chrismate manus episcopi
signum crucis imprimit fronti confirmandi.
|
(634) L’huile, par son éclat, dénote la lumière de l’intelligence, le baume,
par son parfum, l’odeur de bonne renommée et de vie honnête ; ce sont ces
deux ou trois qualités qu’offre l’odeur de la grâce divine, sans laquelle l’homme
chute mille fois. |
oleum suo nitore lumen intelligentiæ denotat: balsamum sua fragrantia odorem bonæ famæ et uitæ honestæ: illa duo uel tria præstat odor diuinæ gratiæ: sine qua homo millies cadit.
|
(635) Mais le courageux soldat du Christ ne doit pas rougir du signe de la
croix qui était jadis le supplice le plus ignominieux et réservé aux
bandits ; c’est la raison pour laquelle il reçoit sur le front l’étendard
triomphal du Christ, prêt ainsi à enfoncer en toute sécurité les formations de
bataille des ennemis et à périr soit sur la croix soit de tout autre genre de
mort. |
At uero miles christi strenuus signum crucis: quæ olim erat ignominiosissima et latronum supplicium: non debet erubescere: ideo
in fronte uexillum christi triumphale suscipit paratus hostium cuneos
securus penetrare: et uel cruce uel alio quouis
mortis genere occumbere.
|
(636) C’est sur le front, dis-je, qu’il reçoit ce signe, en un emplacement
découvert et évident et qui est le lieu de la pudeur ; d’où vient
l’expression perfricare frontem ("se frotter le front") ; et
comme l’a dit Juvénal : quando recepit eiectum semel attrita de fronte
ruborem ("quand revient la pudeur qu’on avait auparavant chassée en se
frottant le front") ; la croix, dis-je, brille à l’emplacement où
apparaissent de préférence la crainte et la pudeur. |
In fronte inquam signum illud accipit in loco aperto: et obuio: et in sede
pudoris: unde dicimus perfricare frontem: et quando recepit eiectum semel attrita de fronte ruborem:IVV. 13, 239-240 dixit iuuenalis in loco
inquam illo micat crux: in quo potissimum timor
apparet et pudor.
|
(637) Mais de fait la gloire de la croix ne peut être annoncée librement par
qui redoute le châtiment de la croix ou son ignominie ou en rougit. |
Verum enimuero non potest libere Crucis gloria præedicari ab eo
qui crucis poenam ignominiamue aut metuat aut Erubescat.
|
(638) D’où vient que l’apôtre André, l’un des grands de la troupe des douze
et le frère de Pierre Barjona, tandis que ses bourreaux le menaçaient de le
torturer et de le mettre en croix, disait : "moi, si je redoutais la croix,
je n’annoncerai absolument pas la gloire de la croix". |
Vnde andreas apostolus unus
procerum agminis bisseni frater petri
Barionæ: minitantibus lanienam et
crucem carnificibus:
ego aiebat si crucem expauescerem:
gloriam crucis minime prædicarem.BERNARD. CLAR. serm. vig. sanct. Andr. 4
|
(639) Assurément la confession de foi du soldat du Christ est en général
armée pour le combat, de sorte que nous comprenons (comme le dit le Maître des
Sentences) que "dans l’onction du baptême l’esprit saint descend pour consacrer à
Dieu cette habitation", et que dans le chrême, autrement dit la confirmation,
vient dans l’homme la grâce des sept dons de l’Esprit avec toute plénitude de
sainteté et de courage. |
ita sane confessio militis christiani ad pugnam armari solet: ut intelligamus (quod ait magister
in unctione baptismi spiritum sanctum descendere ad habitationem
deo consecrandam:PET. LOMB. sent., 4, 7, 4, 1 In chrismate uero: hoc est in confirmatione
septiformem gratiam Cum omni plenitudine sanctitatis Et uirtutis uenire in
hominem.
|
(640) Une fois remis cela dans notre esprit, la route s’éclaire pour
comprendre le vers d’Arator qui dit uult ("il veut") évidemment le
Seigneur, reuerti inde ("s’en retourner de cet endroit"), autrement
dit revenir au ciel à partir de ce lieu, évidemment le Mont des Oliviers ;
unde ("d’où") autrement dit à partir duquel lieu,
odor ("un parfum"), évidemment du baume qui naît sur cette
montagne ou aussi en d’autres lieux de Judée ; diuinus
("divin") autrement dit dénotant une réalité divine ; commendat
creaturam ("donne du prix à une créature") autrement dit l’orne comme
de l’étendard qui appartient en propre au roi qui a souffert en croix ;
micantem ("étincelant"), dis-je, autrement dit la créature
humaine ointe qui resplendit fronte signata ("le front signé"),
évidemment par le chrême, quand le chrême, autrement dit l’onction faite d’huile
et de baume abluit ("eut lavé") extérieurement, autrement dit
purifié intérieurement en donnant la grâce des sept dons de l’Esprit saint ;
unctos desuper ("ayant reçu l’onction d’en-haut") autrement dit
de la grâce céleste ; le chrême, dis-je, dont le nom vient de nomine
christi ("du nom du Christ"), parce que, de même que le Christ est dit
l’Oint pour les raisons que nous avons énoncées plus haut, ainsi l’onction se dit
chrême parce qu’extérieurement le front du confirmand est oint d’huile et de baume
et interius ("jusqu’au plus intime") le saint Esprit l’oint de
l’huile et du baume de ses dons. |
His ita in mentem reuocatis iam lucet uia intelligentiæ in uersu
Aratoris:
uult inquit scilicet dominus
Reuerti inde id est
redire in coelum ab illo loco scilicet monte oliueti:
unde id est a Quo loco:
Odor scilicet balsami Quod
nascitur in monte illo uel in aliis locis etiam iudeæ:
diuinus id est denotans rem
diuinam:
Commendat creaturam id est
ornat tanquam uexillo proprii regis qui passus est in cruce: dico micantem id est splendentem creaturam scilicet humanam unctam fronte signata: scilicet chrismate: cum chrisma id est
unctio oleo et balsamo confecta exterius:
abluit id est mundat interius
conferendo septiformem gratiam spiritus sancti:
unctos desuper id est superna
gratia:
chrisma dico:[13v] dictum scilicet de nomine christi.
quia sicut christus dicitur unctus ob eas causas quas supra diximus ita
chrisma dicitur unctio: quia exterius oleo et
balsamo ungitur frons confirmati: et interius ungit spiritus sanctus
oleo et balsamo suorum donorum.
|
(641) D’où vient que l’Apôtre en 2 Co. déclare : "parce que nous sommes
pour Dieu la bonne odeur du Christ". |
Vnde apostolus
in ii. ad corinthios epistola:
quia2 Co 2, 15 inquit:
christi bonus odor sumus deo.2 Co 2, 15
|
(642) "Dans l’Écriture sainte en effet", comme le dit le divin Grégoire en
Moral. 34, "on a coutume de représenter les vertus par les odeurs des onguents. De
là vient que dans le Cantique la fiancée désirant son fiancé dit : ‘nous
courons dans le parfum de tes onguents’". |
In scriptura enim sacra (ut inquit diuus
gregorius.
iiii. et
tricesimo moralium) unguentorum odoribus opinio solet signari uirtutum. Hinc sponsa in canticis sponsum desiderans
dicit: In odorem unguentorum tuorum
currimus.
|
(643) Puisqu'un sacrement, comme le dit le Maître des Sentences livre 3, "est
la forme visible de la grâce invisible", le sacrement du chrême dans l’huile et le
baume et dans l’onction du front portent la similitude de la réalité dont il sont
le signe. De même que l’huile désigne la grâce qui illumine, l’odeur du baume
désigne le parfum de la renommée et de la vie honnête et ainsi de suite comme nous
l’avons dit, et on ne s’étonnera pas de voir Arator passer du singulier au pluriel
quand il dit creaturam micantem ("une créature étincelante")
autrement dit l’homme confirmé et desuper unctos ("ceux qui avaient
reçu l’onction d’en-haut") autrement dit les gens confirmés par le chrême. |
Cum autem sacramentum: ut in.
iii. ait magister
sit inuisibilis gratiæ uisibilis forma:PET. LOMB. sent., 4, 1, 2 ideo chrismatis sacramentum in oleo et balsamo et in frontis unctione
gerit similitudinem eius rei cuius signum est. ut
oleum gratiam signat illuminantem: balsami odor
fragrantiam famæ et uitæ honestae et reliqua ut diximus nec mireris quod
arator transit a singulari ad
pluralem numerum: cum ait creaturam micantem id est hominem
confirmatum: et desuper unctos id est homines confirmatos
chrismate.
|
(644) C’est en effet une manière de parler qui est extrêmement usitée chez
les poètes comme dans ce passage d’Iliade 13 : ἔρχομαι εἴ τί
τοι ἔγχος ἐνὶ κλισίῃσι λέλειπται οἰσόμενος· τό νυ γὰρ κατεάξαμεν ("je viens pour
voir si quelque lance reste dans tes tentes et l’emporter car nous avons brisé
celle... "). |
Est enim locutio apud poetas usitatissima ut illud xiii.
iliados:
erchomai ei ti toi egcos eni clisiesi leleptai oisomenos to nu gar catexamen
.HOM. Il., 13, 256
|
(645) Je laisse de côté les exemples latins pour ne pas avoir l’air
d’allonger. |
omitto exempla latinorum ne longior uidear.
|
(646) Le Christ a donc voulu reuerti ("s’en retourner") du
lieu dans lequel naissent l’huile et le baume, qui orne le front du chrétien qui
va confesser publiquement le nom du Christ. |
VoIuit igitur christus reuerti ab illo loco: in quo oleum et
balsamum nascitur: quod ornat frontem chistiani
nomen christi publice confessuri.
|
(647) (Tollitur) le sens est facile ; il dit : le
Christ tollitur ("est emporté") autrement dit élevé dans le ciel,
rediturus uictor ("pour revenir vainqueur"), évidement après
avoir vaincu la mort et le diable, in axem astrigerum ("dans le
ciel porteur d’astres") autrement dit dans le ciel qu’ornent les étoiles. |
(Tollitur) facilis
est sensus christus inquit tollitur id est assumitur in coelum:
rediturus uictor scilicet
uicta morte et diabolo:
in axem astrigerum id est in
coelum stellis ornatum.
|
(648) Périphrase pour désigner le ciel ; et par une synecdoque nous
comprenons clairement le tout. |
periphrasis coeli: et per synecdochem
aperte totum intelligimus.
|
(649) (Et habet), évidemment le Christ, secum quod
sumpsit ("avec lui ce qu’il a assumé"), autrement dit l’humanité qu’il
a prise. |
(Et habet) scilicet
christus secum:
quod sumpsit id est
humanitatem quam accepit.
|
(650) (noua pompa) un nouveau mode de procession triomphale.
De fait, quand le Christ descendit sur terre dans le sein de la vierge pour
vaincre le démon, alors Dieu dont on dit qu’il habite dans le ciel petiit
arua ("rejoignit la glèbe") autrement dit vint sur la terre, et ensuite
après que le Christ en croix eut vaincu le diable, prince de ce monde, alors
l’homme qui habite la terre rejoignit sidera autrement dit monta
dans l’empyrée au-dessus des étoiles. |
(noua pompa) nouus
modus pompæ triumphalis. Nam cum christus descendit
in terras et in uterum uirginis ut uinceret dæmonem:
tunc deus cuius habitatio dicitur esse in celo:
petiit arua id est uenit in
terras: et posteaquam christus in cruce uicit
diabolum principem huius mundi: tunc homo cuius
habitatio est in terra petiit sydera id est ascendit in coelum empyreum supra sydera.
|
(651) Comprenez cela de façon pieuse parce que, si nous parlons au sens
propre, il ne convient pas à Dieu qui est partout de descendre ou de monter, sinon
quand nous parlons du Christ sous le rapport de son humanité. |
hoc intellige pie: quia proprie loquendo
deo: qui est ubique non conuenit descendere nec
ascendere: nisi cum loquimur de christo ratione
suæ humanitatis.
|
(652) Tout (comme le dit Jean Damascène cité par le Maître des Sentences en
3) "ce que Dieu a planté dans notre nature, le Verbe l’a assumé, à savoir le corps
et l’âme intellectuelle et leur propriétés". "Dieu descendit sur terre" est donc
dit de façon juste, du moment que l’on comprend ce passage d’Augustin à
Volusianus : "Dieu sait venir sans partir de la où il était ; il sait
partir en n’abandonnant pas l’endroit d’où il venait" ; il sait être
totalement partout sans que nul lieu jamais ne le contienne. |
omnia (inquit Damascenus apud magistrum in. iii.) quae in natura nostra plantauit deus uerbum assumpsit: scilicet corpus et animam intellectualem
et horum idiomataBONAV. comm. sent., 3, 12, 2, 2 Descendit ergo deus in terras recte dicitur:
dummodo intelligas illud augustini
ad uolusianum:
deus nouit uenire non recedendo ubi erat:
nouit abire non deserendo quo uenerat:AVG. epist., 137, 4 nouit ubique totus esse et nullo contineri loco:
|
(653) (Quis datur) le poète s’exprime sous l’effet de
l’admiration : quis fragor ("quel fracas") autrement dit quel
bruit des anges dans la joie qui viennent à la rencontre de leur seigneur ;
datur illi ("lui est donné") évidemment au Christ montant au
ciel de parte aetherea ("du côté de l’éther") autrement dit du côté
du ciel que l’on appelle admirable. |
(Quis datur) per
admirationem dicit poeta:
quis fragor id est quis
strepitus lætantium angelorum et occurrentium domino suo:
datur illi scilicet christo
ascendenti in celum:
de parte ætherea id est de
parte coeli quod dicitur mirabilis.
|
(654) De fait si, pour un roi terrestre qui entre dans une ville, la
population de la cité entière se répand pour aller à sa rencontre et montre sa
joie par un concert varié de trompettes et en applaudissant, que faut-il dire que
firent les citoyens de la cité céleste, anges, archanges, trônes et les autres
grands du ciel, qui couraient de même à sa rencontre, pour leur seigneur et le roi
des rois marqué de cicatrices si illustres et glorieux d’une si grande victoire.
C’est ce qu’il déclare aussitôt après en disant : chori coelestes
quantum resultant ("combien retentissent les choeurs célestes")
autrement dit combien ils bondissent et dansent et s’agitent à leur façon,
in laude ("à la louange") évidemment de leur Seigneur et
créateur, alors autrement dit quand rector Olympi ("le maître de
l’Olympe") autrement dit du ciel, évidemment le Christ, euehit
Excelsis ("emporte au plus haut") autrement dit vers les hauteurs les
plus élevées du ciel, comme Virgile it clamor caelo ("un cri va au
ciel") autrement dit vers le ciel, euehit ("emporte") autrement dit
exalte au plus haut des cieux quicquid suscepit ("ce qu’il prit en
charge") autrement dit tout ce qu’il a pris en charge ab imis ("au
plus bas") autrement dit dans les choses terrestres et humaines et cela désigne
l’âme et le corps. |
Nam si terreno regi urbem ingressuro uniuersæ ciuitatis populus
efunditur obuiam et animi hilaritatem uario tubarum concentu et plausu
ostendunt: quid dicendum est fecisse ciues illos
ciuitatis supernæ angelos archangelos thronos et reliquos proceres coelestis
ibidem occurrentes domino suo et regi regum tam claris cicatricibus
insignito: et tanta uictoria glorioso: quod declarat statim dicens:
chori coelestes quantum
resultant id est quantum resiliunt et saltant et tripudiant modo
suo in laude scilicet domini
sui et creatoris tum id est quando rector olympi id est caeli scilicet christus:
euehit Excelsis id est in
excelsa et alta coeli: ut Ver.
it clamor coeloVERG. Aen., 5, 450 id est in coelum:
euehit id est exaltat in
excelsa:
quicquid suscepit id est omne
illud quod suscepit:
ab imis id est a terrenis et
humanis: Hoc est animam et corpus.
|
(655) En effet suscepit ("il a pris en charge") cela, quand le
Verbe s’est fait chair. Ingrediens ("pénétrant"), évidemment le
Christ, polum ("la voûte") autrement dit le ciel, comitante
trophaeo ("accompagné du trophée") autrement dit de l’insigne,
carnis ("de la chair"), autrement dit du corps, locat
exuuias raptas ("il dépose les dépouilles arrachées"), autrement dit
enlevées et libérées de fauce atri profundi ("à la gorge du sombre
abîme"), autrement dit l’enfer ténébreux ; exuuias ("les
dépouilles"), autrement dit ce qu’il a pris à l’ennemi à savoir les saints
patriarches in arce lucis ("dans la citadesse de la lumière")
autrement dit dans l’empyrée, qui, selon les théologiens, est tout entier lumineux
et transparent ; et c’est in arce ("dans la citadelle"),
autrement dit au sommet. Il s’agit en effet du ciel le plus élevé et
immobile. |
hoc enim suscepit
cum uerbum caro factum est.
Ingrediens scilicet christus
polum id est coelum:
comitante trophaeo id est
insigni carnis id est
corporis:
locat exuuias raptas id est
ereptas et liberatas:
de fauce atri profundi id est
inferni tenebrosi:
exuuias id est spolia hoc est
sanctos patres in arce lucis
id est in celo empyreo quod secundum theologos totum est luminosum et
Iucidum: et est in arce id est in summo. est enim ultimum coelum et immobile.
|
(656) Au sens propre, un trophée désigne un monument et, pour ainsi dire, un
mémorial, à savoir une statue ou quelque insigne que l’on place en témoignage de
victoire en un lieu où les ennemis ont été mis en déroute. |
Est autem trophæum proprie
monimentum et ut ita loquar memoria: hoc est statua
uel aliquod insigne: quod in testimonium uictoriæ in
loco statuitur: in quo hostes in fugam uersi sunt.
|
(657) Le mot vient du verbe grec τρέπω autrement dit 'tourner'. La chair du
Christ était le trophée et le témoignage de sa victoire totale contre la
mort. |
a trepo uerbo græeco id est
uerto.
Caro christi erat trophæum et testimonium mortis uictæ et debellatæ.
|
(658) (Terrenosque erigit artus.) Le Christ, ayant pris en
pitié l’ homme qui dès lors qu’il avait été vaincu par le démon s’était perdu, ému
dans sa miséricorde et sa bonté, descendit du ciel pour le racheter au prix de son
sang ; donc c’est avec la même pietate ("bonté") avec laquelle
il s’humilia prenant la forme de serviteur qu’il exalta l’humanité et, exaltant sa
propre humanité, ouvrit au ciel un accès pour notre humanité comme nous l’avons
dit plus haut. |
(Terrenosque erigit
artus.) christus misertus hominis: qui iam a dæmone uictus perierat: misericordia motus et pietate descendit e coelo: ut illum suo sanguine redimeret: eadem ergo pietate quam se humiliauit formam serui accipiens: ea humanitatem exaltauit:
et suam humanitatem exaltans: nostræ humanitati
aditum patefecit ut supra diximus.
|
(659) De fait le Christ montra bonté et miséricorde en descendant, mais aussi
bonté en montant au cieux. |
nam pius fuit christus et misericors in descendendo: sed pius quoque in ascendendo.
|
(660) En effet, s’il n’était pas monté au ciel, jamais la porte du ciel ne
nous aurait été ouverte ; d’où la parole de l’Apôtre en 1 Co. : "si le
Christ n’est pas ressuscité", les morts non plus ne ressusciteront pas. Ainsi si
le Christ n’est pas monté au cieux, nous non plus nous n’y monterons pas. Il est
en effet le premier et la cause de la montée au cieux des autres. |
nisi enim ascendisset: numquam coeli ianua
nobis patuisset: Vnde apostolus in .i. ad corin.
epistula:
si christus inquit non resurrexit:1 Co 15, 14 nec mortui resurgent. ita si christus non
ascendit nec nos ascendemus. est enim ipse
primitiæ: et causa ascensionis aliorum. |
(661) De fait, comme le dit Aristote dans le livre 2 de la
Métaphysique : ἕκαστον δὲ μάλιστα αὐτὸ τῶν ἄλλων καθ’ ὃ καὶ
τοῖς ἄλλοις ὑπάρχει τὸ συνώνυμον : οἷον τὸ πῦρ θερμότατον : καὶ γὰρ τοῖς
ἄλλοις τὸ αἴτιον τοῦτο τῆς θερμότητος ce qui veut dire "une chose est par
excellence, quand c'est à elle que les autres choses empruntent ce qu'elles ont en
elles ; ainsi le feu est le chaud par excellence, parce qu'il est la cause de
la chaleur des autres êtres". |
Nam ut in .ii. primæ philosophiæ dicit aristoteles:
hecaston de malista auto ton allon catho cai tois allois hyparchei to synonymon
: oion to pyr thermotaton
: cai gar tois allois to aition tuto tis thermotetos
ARIST. Metaph., 2, 993b id est unumquodque maxime cæterorum causa est ipsum: quo et cæteris nomen idem cum eadem competit ratione: ut ignis est calidissimum.
nam cæteris hic caliditatis est causa.
|
(662) Puisque donc l’ascension du Christ est la cause de l’ascension des
autres êtres, et la cause suffisante, quand le Christ est monté aux cieux, il a
préparé notre ascension et confirmé notre espérance. |
cum igitur ascensio christi sit causa ascensionis aliorum: et quidem sufficens: cum
ascendit christus ascensionem nostram parauit: et
spem nostram confirmauit.
|
(663) De même en effet que par Adam tous sont descendus, de même par le
Christ tous sont montés. |
Vt enim per Adam omnes
descendunt. ita per christum omnes ascendunt.
|
(664) Voilà pourquoi il ajoute iuit ("il s’en est allé"),
évidemment le Christ, vers le ciel et il est monté propter quem
uenerat ("à cause de qui il était venu"). |
ideo subiungit. (Iuit) scilicet christus in coelum et ascendit:
propter quem uenerat.
|
(665) En effet, s’il n’était pas ressuscité, nous non plus nous ne serions
pas ressuscités et s’il n’était pas monté aux cieux, nous non plus nous n’y
serions pas montés. |
nisi enim resurrexisset: nec nos
resurrexissemus: et nisi ascendisset: nec nos ascendissemus.
|
(666) Il a donc fait preuve de bonté en rachetant l’homme pour lequel il est
descendu, et d’une bonté égale en élevant ce même homme pour lequel il est
descendu. |
Vsus est igitur pietate in redimendo homine: proprer quem descendit: et pari pietate
in sublimando eodem homine propter quem ascendit.
|
(667) (propter quem uenerat), autrement dit à cause de l’homme
à cause duquel il était descendu du ciel. |
(propter quem
uenerat) id est propter hominem propter quem descenderat e
coelo.
|
(668) (Discipulos) altus stupor autrement dit
une profonde admiration s’empare des disciples ; tandis que ces disciples
évidemment sont en admiration devant l’ascension du Seigneur, uiri
("des hommes"), autrement dit des anges sous forme d’hommes,
perspicui ("de lumière") autrement dit brillants par exemple à
cause de leurs vêtements blancs, comme le dit Luc en Ac. 1. En effet les deux
anges qui se tenaient près des apôtres qui regardaient vers le ciel avaient des
vêtements blancs. |
(Discipulos) altus
stupor id est profunda admiratio tenet discipulos. quibus scilicet discipulis admirantibus domini
ascensionem:
uiri id est angeli in specie
uirorum:
perspicui id est clari uel
propter uestes albas ut ait lucas in .
i.
capi. actuum.
habebant enim angeli illi duo qui astiterunt apostolis intuentibus in
coelum: uestes albas.
|
(669) Mais la couleur blanche est lumineuse, ou alors lumineux à cause du
corps aérien que les anges d’ordinaire assument comme je l’ai dit dans la
Relectio de uerbis obliquis. Mais l’air est lumineux et
diaphane. |
At color albus perspicuus est uel perspicui propter corpora aerea
quæ assumere angeli solent: ut dixi in relectio[14r]ne
de uerbis obliquis. At aer perspicuus est
et diaphanus.
|
(670) (Dixere ore corusco) autrement dit avec un visage
resplendissant. En effet, les anges avaient un visage à la fois beau et brillant
qui dénotait leur brillance et beauté intérieure. Dixere ("ils
dirent") évidemment il s’agit de ces hommes aux apôtres, mais ce qu’ils dirent,
Arator ne le dit pas, car ce qui suit immédiatement après ce ne sont pas les
paroles des anges, mais du poète lui-même : quæ cognita nobis
("ces faits qui nous sont connus") etc. |
(Dixere ore
corusco) id est ore splendenti. habebant
enim faciem angeli et pulchram et claram indicem interioris claritatis et
pulchritudinis.
dixere scilicet uiri illi
apostolis: sed quid dixerint non dicit Arator. Illud enim
quod sequitur statim: non dicunt angeli sed ipse
poeta.
quæ cognita nobis et
cetera.
|
(671) Vraiment il n’y a pas lieu de s’étonner que le poète n’expose pas les
paroles des anges car elles sont extrêmement connues et dans la bouche de tous,
telles qu’on les trouve dans Luc. Ils dirent donc évidemment "hommes de Galilée,
que restez-vous à regarder vers le ciel ; ce Jésus qui a été enlevé au ciel
d’auprès de vous reviendra de la même manière que vous l’avez vu partir vers le
ciel". |
Verum non mireris poetam non exprimere uerba angelorum quia
uulgatissima sunt et in ore omnium a luca sumpta. dixere ergo scilicet
uiri galilei quid statis aspicientes in cælum: hic Iesus qui assumptus est a uobis in coelum: sic ueniet quemadmodum uidistis eum euntem
in coelum.ac 1, 11
|
(672) Voici ce que dirent les anges, comme le montre aussitôt Arator en
disant angelicis igitur postquam est affatibus usa ad messem prælecta
manus ("ainsi donc après qu’elle eut entendu ces paroles des anges, la
troupe d’abord choisie pour la moisson"). |
hoc dixerunt angeli: sicut mox ostendit
arator dicens:
angelicis igitur postquam est
affatibus usa ad messem prælecta manus.
|
(673) Mais on me dira : pourquoi des anges ont-ils été envoyés aux
apôtres ? |
Sed dicet aliquis cur angeli ad apostolos missi sunt?
|
(674) La réponse est évidente : parce que les apôtres, après avoir vu
leur Seigneur et maître élevé dans la gloire de son ascension, étaient pris de
tristesse. |
Sane quia apostoli dominum et magistrum gloriosa ascensione
eleuatum cum uidissent moerore tenebantur.
|
(675) Les anges vinrent donc pour deux raisons : pour consoler leur
tristesse devant l’ascension par la mention de son retour, d’où le fait qu’ils
dirent "il viendra" évidemment lui-même dans le même corps en présence des anges
et des hommes, et pour leur montrer qu’il était véritablement parti pour le ciel
et non pour un semblant de ciel comme Elie. |
Venerunt ergo angeli ob duas causas: et ut
ascensionis tristitiam regressionis commemoratione consolentur: unde dixerunt sic ueniet:
scilicet idem ipse in eodem corpore præsentibus angelis et hominibus. et ut uere eum ire in coelum monstrarent: et non quasi in coelum sicut heliam.
|
(676) (Quæ cognita.) Il fait une digression hors du récit et
il montre pourquoi le Christ a utilisé des anges dans l’office de consolation des
apôtres une fois qu’il fut monté au ciel. |
(Quæ cognita.) digreditur ab historia:
et ostendit cur angelis usus est christus in ministerio consolandi
apostolos: posteaquam assumptus est.
|
(677) Et par ces vers, il prouve que le Christ est Seigneur non seulement des
éléments et des êtres visibles, mais aussi des anges et des êtres invisibles et
que la créature partout obéit à son créateur. |
et his uersibus probat christum dominum esse non solum elementorum
et uisibilium: sed etiam angelorum et
inuisibilium: et creaturam creatori ubique
obsequi.
|
(678) Les astres indiquent sa naissance ; lors de sa Passion, les
éléments souffrent avec lui, quand la terre tremble et que l’air est obscurci par
une étonnante éclipse de soleil ; quand il monte au ciel, la nuée le reçoit
et quand il reviendra elle l’accompagnera pour le jugement. |
Astra indicant nascentem: patientem
elementa compatiuntur cum terra mota est et obscuratus est aer solis miranda
eclipsi: ascendentem nubes suscepit: redeuntem ad iudicium comitabitur:
|
(679)
nunc (dit le poète) iam speculemur ouantes
("observons-les maintenant dans l’allégresse") autrement dit contemplons dans la
joie, évidemment après le récit de l’ascension du Christ, cognita
autrement dit les choses connues dans les Actes des Apôtres au
sujet de l’ascension du Christ qui résonnent en nous, quae cognita nobis
("comme des faits connus") et miranda sonant ("et
admirables") aurement dit que nous entendons avec admiration. |
nunc (inquit poeta) iam speculemur ouantes id est
contemplemur gaudentes scilicet post historiam de assumptione christi
enarratam:
cognita id est res cognitas
in actibus
apostolorum de ascensione christi:
quæ cognita nobis sonant
et miranda sonant id est
cum admiratione audiuntur a nobis.
|
(680) De fait, comme le dit Augustin : "l’homme a été engendré de la
vierge et resssucité des morts pour une vie éternelle et exalté au-dessus des
cieux : voilà un acte peut-être plus puissant encore que de faire le
monde". |
Nam ut inquit Augustinus
homo de uirgine procreatus: et a mortuis
in æternam uitam resuscitatus: et super
coelos exaltatus potentius fortasse opus est quam mundum facere.
AVG. epist., 137, 14
|
(681) C’est pourquoi contemplons miranda ("les actes
admirables") du Christ, probemus ("confirmons") autrement dit
montrons, modum ("la mesure") autrement dit la dimension,
évidemment de son empire, évidemment celui du Christ, per iura
("par les lois"), autrement dit les puissances angéliques et les puissances des
éléments et des étoiles, subdita ("qu’il a soumises"), autrement
dit qui sont assujetties au Christ et lui obéissent. |
ideo contemplemur miranda christi:
probemus id est ostendamus:
modum id est mensura scilicet
imperii scilicet christi:
per iura id est potestates
angelicas uel potestates elementorum et stellarum:
subdita id est subiecta et
christo obedientia.
|
(682) De fait, les anges obéirent au Christ, comme aussi les éléments et les
étoiles, comme il va le dire aussitôt après, comme il est juste pour des créatures
de le faire pour leur créateur ; ainsi par cette obéissance des êtres
visibles et invisibles est prouvée l’immense domination du Christ notre
Seigneur. |
nam angeli paruerunt christo et elementa et stellæ: ut statim dicet: ut æquum
est creaturas suo creatori parere ideo per hanc obedientiam uisibilium et
inuisibilium probatur dominium immensum christi domini nostri.
|
(683) Et, bien que le droit soit ce qu’ordonne soit un peuple, soit une cité,
soit un prince, cependant ici le mot est pris au sens de pouvoir ; en effet
sans pouvoir il ne peut y avoir de droit. |
et licet ius sit iussum populi uel ciuitatis uel principis: tamen hic pro potestate accipitur. nec enim ius sine potestate esse potest.
|
(684) Il dit donc Virgine matre satus ("conçu d’une vierge
mère"), cet être de bonté qui absolument seul dans le monde eut une vierge pour
mère, resurgens calcata ("ressuscité après avoir foulé") autrement
dit après avoir vaincu la mort, petens sceptra ("s’emparant des
sceptres") autrement dit le royaume du ciel, nuntiat ("annonce"),
évidemment aux apôtres, acta ("les hauts-faits"), autrement dit ce
que le Christ a fait, parce que les anges annoncèrent aux apôtres de quelle
manière le Christ était monté au ciel, afin qu’ils n’aillent pas penser qu’il
était passé dans un autre lieu, et même les anges annoncèrent aux apôtres de la
part du Christ ce qu’il allait faire, évidemment le jour du Jugement, quand ils
dirent "il viendra" etc., his ministris ("par ces ministres"),
évidemment les anges dont le Christ utilise le ministère en tant qu’il est leur
véritable seigneur, d’où apparaît l’étendue de la domination du Christ lui-même,
qui commande aux anges, comme s’ils étaient ses serviteurs. |
ait ergo:
Virgine matre satus. iste pius qui unicissimus in mundo uirginem matrem
habuit:
resurgens calcata id est
uicta morte:
petens sceptra id est regna
coeli:
nuntiat scilicet apostolis
suis:
acta id est ea quæ ægit
christus: quia angeli nuntiauerunt apostolis quo
pacto christus ascenderat in coelum: ne putarent eum
in alium locum transisse: et etiam angeli
nunciauerunt apostolis a christo agenda scilicet enim die iudicii cum
dixerunt:
sic uenietac 1, 11 et cetera his
ministris. scilicet angelis. quorum ministerio utitur christus sicut uerus
dominus eorum: unde apparet dominii latitudo ipsius
christi: qui angelis imperat utpote seruis
suis.
|
(685) Apparaît également la divinité du Christ : en effet aucune nature
n’est au-dessus de la nature angélique sinon la nature divine ; c’est ce qui
fait que nous lisons dans Matthieu : "et voici que les anges s’approchèrent
et ils le servaient", évidemment le Christ. |
Apparet et diuinitas christi: nulla enim
natura est supra angelicam nisi diuina. Hinc apud
mattheum legimus:
Et ecce angeli accesserunt et ministrabant eiMt 4, 11 scilicet christo. |
(686) (Nec cessant) Il montre la domination du Christ
également sur les éléments, quand, lors de la Passion, comme nous l’avons dit, la
terre trembla et l’air s’obscurcit. |
( Nec cessant)
ostendit dominium christi et in elementa: cum in
passione ut diximus terra mota est et aer obscuratus.
|
(687) (Tonanti) autrement dit Dieu, évidemment le Christ
(Seruire), autrement dit manifester leur obéissance quand ils
furent bouleversés par la croix de leur créateur. |
(Tonanti) id est
deo scilicet christo (Seruire) id est praestare obsequium cum commota sunt cruce sui
creatoris.
|
(688) (stella comes) Il affirme la domination du Christ sur
les étoiles. |
(stella comes)
declarat christi dominium in stellas.
|
(689) De fait, quand les mages eurent vu une nouvelle étoile en orient, ils
surent qu’un homme extraordinaire était né en Judée. |
Nam cum magi nouam stellam in oriente uidissent: nouum hominem iam natum in iudea cognouerunt.
|
(690) Balaam, en effet, en Nb 23, avait annoncé par avance : "une étoile
se lèvera de Jacob et un bâton se dressera d’Israël" etc. ; les mages, ayant
pris cette étoile pour guide et connaissant l’annonce de la naissance du Christ,
vinrent en Judée avec des cadeaux pour adorer le Seigneur de gloire et la source
du salut ; cette étoile, comme le dit Jérôme, n’était jamais apparue
auparavant ; l’enfant la créa à ce moment et l’envoya comme guide aux mages,
puis, après avoir accompli son office, elle disparut. |
Balaam enim num. xxiii. praedixerat :
orietur stella ex iacob et consurget uirga ex IsraelNb 24, 17 etc: Hanc magi ducem itineris nacti: et nunciam geneseos christi cognoscentes cum
muneribus in iudaeam uenerunt ut
maiestatis dominum et salutis authorem adorarent:
Haec stella ut ait diuus hieronymus
nunquam prius apparuit: sed eam tunc
puer creauit: et magis praeuiam deputauit: quae mox peracto officio esse desiit.
|
(691) C’est pourquoi il dit stella ("l'étoile"), évidemment
nouvelle annonciatrice de la nativité, autrement dit de celle du Seigneur,
apparaissant en orient, comes ("compagne") évidemment dans le
voyage des mages, pergressa ("accompagnant") autrement dit
précédant, magos ("les mages") évidemment qui venaient voir le
Christ, militat ("combat") autrement dit fut comme un soldat pour
son chef à la guerre, honori uenientis ("en l’honneur de celui qui
vient") évidemment le Christ, dans le monde, autrement dit qui naît. |
ideo ait:
stella scilicet noua nuncia
natiuitatis id est dominicae apparens in oriente:
comes scilicet in itinere
magorum:
pergressa id est
antecedens:
magos scilicet uenientes ad
christum:
militat id est fuit ut miles
duci suo in bello:
honori uenientis scilicet
christi in mundum id est nascentis.
|
(692)
Magos ("les mages"), nous comprenons bien qu’il s’agit ici de mages
qui ne sont pas malfaisants comme ceux dont Juvénal dit "celui-ci apporte ses
incantations de mage", mais des sages Chaldéens. |
Magos hic non maleficos
intelligimus: unde illud luu.
hic magicos affert cantus: sed sapientes chaldaeaorum.
|
(693) (Nubes) Même la nuée sert son créateur :
nubes famulatur ("une nuée se met au service") autrement dit
sert, obsequio ("en hommage") autrement dit dans son ministère,
euntis ("celui qui s’en va"), évidemment le Christ, vers le
ciel. |
(Nubes) etiam nubes
seruit suo creatori.
nubes famulatur id est
seruit:
obsequio id est in
ministerium:
euntis scilicet christi in
coelum.
|
(694) Le bienheureux Luc dit en effet "et une nuée l’enveloppa", évidemment
le Christ, "et le déroba à leurs yeux" ; le Christ fut conduit dans le ciel à
la fois par toute la Trinité qui, dans tous ces effets est la cause principale, et
par lui-même, puisque son corps glorieux obéit en tout à son âme et lui est
soumis ; et enfin par la nuée qui offrit son service à son Seigneur et
créateur. |
dicit enim beatus
lucas:
et nubes suscepit: eumac 1, 19 scilicet christum.
ab oculis eorum.ac 1, 19 assumptus est autem christus in coelum a tota trinitate: quae in omnibus effectis praecipua causa est: et a se ipso: cum corpus
gloriosum suae animae unde quaque obtemperet ac sit morigerum: et a nube praestante famulatum domino suo et
creatori.
|
(695) (Angelicis) Il revient au récit. |
(Angelicis) redit
ad historiam.
|
(696) De fait, comme le raconte le bienheureux Luc, quand les apôtres eurent
entendu les paroles des anges, ils revinrent du Mont des Oliviers à Jérusalem, et
ce mont était distant de la ville de la longueur d’un chemin de sabbat, autrement
dit mille pas. |
nam ut narrat beatus
lucas: posteaquam apostoli uerba
angelorum audiuerunt: in hierusalem reuersi sunt a monte oliueti: qui mons distabat ab urbe itinere unius sabbati id est mille
passibus.
|
(697) De fait, pour les Juifs, il n’y avait pas infraction si, le jour du
sabbat, ils marchaient mille pas, puisqu’ils pensaient que cela était permis si
c’était fait dans l’idée de se reposer et non de contrevenir à la loi ; pour
le reste, ils observaient avec un scrupule extrême le sabbat, en s’abstenant de
toute activité. |
Nam iudaeis non erat fraudi si mille passus in sabbato
ambulassent: cum id recreationis non uiolationis
causa factum sibi licere arbitrarentur: alioquin
sabbatum religiosissime obseruabant ab omni opere uacantes.
|
(698) Un chemin de sabbat est donc un chemin de mille pas, le chemin qu’il
était permis aux Juifs de parcourir durant le sabbat. |
Est ergo iter sabbati iter mille passuum:
quod iter transigere licebat iudaeis in sabbato.
|
(699)
igitur voici l’ordre igitur manus ("donc la troupe")
autrement dit la multitude, évidemment des apôtres, praelecta
("d’abord choisie"), autrement dit choisie par avance, évidemment par le Christ,
ad messem ("pour la moisson"), évidemment pour convertir les
nations par leur prédication, selon ce qu’on lit en Mt 5 : "la moisson est
abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux" ; la moisson est donc la
multitude des peuples aptes à recevoir la parole et à porter du fruit, comme la
moisson est d’ordinaire pleine de grain, et les ouvriers sont les prédicateurs de
la parole et les docteurs de la loi sacrée. |
igitur. ordo est igitur
manus id est multitudo scilicet apostolorum:
praelecta id est ante electa
scilicet a christo:
ad messem scilicet ad gentes
conuertendas per praedicationem secundum illud matt .v
.
messis quidem multa: operarii autem
pauci:Mt 9, 37 messis hoc est multitudo populorum suscipiendo uerbo et ferendo
fructui aptas qualis messis granis plenae esse solet. operarii id est praedicatores uerbi et sacrae legis doctores.
|
(700)
manus praelecta ad messem ("la troupe d’abord choisie pour la
moisson") c’est dit allégoriquement, selon moi, postquam est usa affatibus
angelicis ("après qu’elle eut entendu les paroles des anges") autrement
dit les propos et l’adresse des deux anges, liquit ("a quitté")
autrement dit est partie cacumina ueneranda ("les vénérables
sommets") autrement dit dignes de vénération montis oliuiferi ("du
mont porteur d’olives") autrement dit qui porte des olives, le Mont des
Oliviers. |
manus inquam praelecta ad messem
allegorice:
postquam est usa affatibus
angelicis id est uerbis et alloquiis duorum angelorum:
liquit id est deseruit cacumina ueneranda id est digna
ueneratione montis oliuiferi id est
ferentis oliuas hoc est oliueti.
|
(701) Il dit que la cime du Mont des Oliviers est vénérable, soit parce que
c’est de là que le Seigneur a été enlevé au ciel, soit parce que ce lieu (comme le
dit Sulpice) dans lequel se sont trouvées les traces de Jésus lors de son
ascension ne put être pourvu d’un dallage, le marbre s’arrachant sous les yeux de
ceux qui le posaient, quelque marbre que l’on y appliquât. |
Dicit uerticem
oliueti uenerandum: uel quia dominus
inde in coelum assumptus est: uel quia locus ille
(ut ait sulpicius) in quo steterunt
uestigia ascendentis lesu continuari
pauimento non potuit: excussis in ora apponentium
marmoribus quaecunque ei applicabantur.
|
(702) La terre également du Mont des Oliviers d’où le Seigneur a été enlevé
au ciel comme si elle veillait sur l’empreinte des traces du Seigneur et de la
poussière qu’il avait foulée en garda fidèlement la trace. |
terra etiam illa oliueti
montis unde dominus assumptus est:
uelut custos dominici ue[14v]stigii impressionem calcati pulueris
fideliter custodit.
|
(703) (Qui). Évidemment les apôtres, calle
citato ("sur une route rapide") autrement dit sur un rapide chemin ou
sur un chemin parcouru rapidement petunt moenia nota ("ils se
dirigent vers les remparts familiers") évidemment de la ville de Jérusalem,
quo ("là où") autrement dit dans la ville dans laquelle,
quo est pris adverbialement, licet ("il est
permis") évidemment aux Juifs ire mille passibus ("d’aller par un
chemin de mille pas") autrement dit de faire route, per sua sabbata
("par leur sabbat"), car bien que les Juifs n’aient aucune activité le jour du
sabbat et ne fassent absolument rien, il leur était cependant permis à Jérusalem
de faire le trajet depuis le Mont des Oliviers, car la distance du Mont des
Oliviers à Jérusalem n’excédait pas mille pas. |
(Qui). Scilicet apostoli:
calle citato id est uia
ueloci hoc enim itinere uelociter peracto:
petunt moenia nota. scilicet urbis hierusalem:
quo id est in quam urbem. aduerbialiter quo:
licet scilicet iudaeis ire mille passibus id est iter
facere:
per sua sabbata id est in
sabbato: quanuis iudaei in sabbato uacabant et
nihil omnino agebant: tamen ab oliueto in hierusalem licebat iter facere in
sabbato: quia non intererant nisi mille passus
ab oliueto in urbem
hierusalem.
|
(704) Et veille bien à ne pas croire qu’Arator dise que les apôtres sont
revenus à Jérusalem le jour du sabbat, alors que le Seigneur a été enlevé au ciel
le cinquième jour autrement dit le jeudi et c’est le même jour que les apôtres
revinrent, mais le poète dit cela pour montrer quelle était la distance entre le
Mont des Oliviers et la ville, évidemment parce que c’est par le chemin d’un jour
de sabbat, comme le dit également Luc : "alors ils s’en retournèrent à
Jérusalem depuis le Mont que l’on appelle des Oliviers, en parcourant un chemin de
sabbat". |
Et caue ne putes Aratorem
dicere: rediisse apostolos in hierusalem in sabbato: cum dominus feria quinta id est in die iouis assumptus fuerit et
in eadem die apostoli redierint: sed hoc dicitur a
poeta ut ostendat quantum distabat oliuetum ab urbe: quia scilicet itinere unius
sabbati: sicut lucas etiam ait:
tunc reuersi sunt in hierusalem a monte qui uocatur oliueti: sabbati habens iter.ac 1, 12
|
(705) (Licet) évidemment aux Juifs. |
(Licet) scilicet
iudaeis.
|
(706) (Ire) autrement dit de faire route. |
(Ire) id est iter
facere.
|
(707) (Qua tunc statione). On appelle statio un
endroit dans lequel navires ou soldats séjournent pour un temps, ou bien un lieu
assigné à la garde, ou bien encore un lieu où l’on séjourne fréquemment et dans
lequel beaucoup se rassemblent pour décider de quelque sujet ; il dit donc
qua statione ("en un poste de veille"), évidemment dans quel
lieu de la ville de Jérusalem sedebat maria porta dei genitrix
intacta ("résidait Marie, la porte de Dieu, la mère intacte") autrement
dit la vierge mère et immaculée creantis ("du créateur") évidemment
le Christ qui fut le créateur à la fois de la vierge mère elle-même et de toute
créature, parce que, comme dit Jean, "toutes choses on été faites par lui" ;
c’est la raison pour laquelle il a ajouté formata ("formée")
évidemment la vierge Marie, a nato suo ("par son propre fils")
évidemment le Christ Jésus. |
(Qua tunc
statione). statio locus dicitur in quo
naues aut milites ad tempus consistunt: aut locus ad
custodiam assignatus: aut locus etiam in quo
frequenter consistitur: et in quem multi conueniunt
ut de aliqua re decernant: dicit igitur:
qua statione scilicet in quo
loco urbis hierusalem
sedebat maria:
porta dei:
genitrix intacta id est mater
uirgo et inmaculata:
creantis scilicet christi: qui creator fuit et ipsius mariae uirginis et
omnium creaturarum. quia ut inquit loannes:
omnia per ipsum facta sunt:Jn 1, 3 ideo subiicit formata
scilicet maria uirgo a suo
nato scilicet christo lesu.
|
(708) Il faut savoir que les apôtres eux-mêmes revinrent à Jérusalem après
l’admonition des anges, et qu’ils montèrent dans le cénacle, comme le raconte le
bienheureux Luc, dans lequel se trouvait la mère du Seigneur avec les femmes qui
accompagnaient celle-ci, et qui avaient suivi Jésus de la Galilée à Jérusalem pour
obéir aux règles de la religion et de la piété ; mais dès que le Seigneur eut
été fixé à la croix, les femmes ne quittèrent pas Marie la mère de Dieu. |
sciendum apsotolos ipsos rediisse in hierusalem post admonitionem
angelorum: et ascendisse in coenaculum ut narrat
beatus lucas: in quo erat mater
domini cum mulieribus quae ipsam comitabantur: et Iesum a
galilea in hierusalem secutae fuerant religionis
ac pietatis obsequio: Verum cum statim dominus fixus
cruci fuisset: mulieres deiperam mariam postea non dereliquerunt.
|
(709) Comme donc Arator en était arrivé à ce point de son récit, il saisit
l’occasion de faire une digression pour louer la vierge ; il suit cette
petite colombe d’une blancheur parfaite et qui est dépourvue d’absolument toute
tache avec l’éloge qu’elle mérite, car il sait bien que tout ce que tout effort
digne de sa mère concourt à la louange de celui qui s’est choisi une telle
mère. |
cum ergo in hanc narrationem incidisset Arator: nactus occasionem diuertendi
in laudes uirginis: columbellam illam candidissimam et omni prorsus uacantem labe
digno praeconio sequitur: non ignarus totum ad
laudem eius pertinere: qui matrem sibi talem
delegit: quicquid dignum genitrici suae impensum
fuerit.
|
(710) Il la loue de sa virginité qui, jointe à la fécondité, ne se rencontre
que dans la seule Marie. Ensuite il montre ce que la funeste Eve a enlevé et qui
est restitué par Marie, car elle rendit à la terre Dieu et la paix ; quand
elle engendra pour nous le rédempteur qui, pressé sur le gibet de la croix, versa
pour toute la terre la pluie du salut et daigna offrir abondamment à l’esprit
humain les gouttes de sa grâce. |
Laudat autem ipsam a uirginitate quae foecunditati coniuncta in
sola maria repperitur. deinde ostendit omne illud quod eua tristis astulit: per mariam
restitutum: cum terris deum pacemque refudit. cum nobis redemptorem peperit qui in crucis
patibulo expressus terris omnibus pluuiam salutis effudit et stillicidia
gratiae humanis mentibus praestare ubertim dignatus est.
|
(711) Marie est dite porta dei ("porte de Dieu"), comme le
chante l’Église porte du roi très-haut, parce que, de même que l’homme sort et
entre par une porte, de même c’est par elle que le Christ entra et sortit, alors
que la porte demeurait toujours close, et gardée de manière ineffable dans son
intégrité virginale pour l’entrée et la sortie du roi très-haut, selon cette
parole d’Ezéchiel : "cette porte sera fermée et ne sera pas ouverte ; et
l’homme ne passera pas par elle, car le Seigneur, Dieu d’Israël, est entré par
elle". |
dicitur autem maria porta dei: uelut canit ecclesia regis alti ianua:
quia sicut homo per portam exit et intrat: sic
christus deus intrauit e exiuit per illam: clausa
semper manente porta: et ad ingressum et regressum
summi regis integritate uirginea inefabiliter custodita: secundum illud Ezechielis:
porta haec clausa erit: et non
aperietur. et uir non transiuit per
eam. quoniam dominus deus israel
ingressus est per eam.Ez 44, 2
|
(712) On peut aussi autrement la qualifier de porte du ciel et de porte du
paradis, puisque c’est par ses mérites que nous entrons au ciel ; c’est elle
qui nous invite vers la source de vie éternelle au travers des lis blancs, des
roses en fleurs et, dans cette région de félicité absolue où vivent les
bienheureux, elle s’est acquise la dignité de la première place, et, se promenant
au milieu de plantes couvertes de rosée au milieu des charmes du paradis et des
choeurs de gazon, cueille des violettes qui jamais ne se fanent. |
aliter dicitur porta coeli uel lanua paradisi: quoniam meritis illius
coelum ingredimur: quae per albentia lilia rosasque
uernantes ad fontem perennis uitae nos inuitat: in
illa beatorum felicissima regione primi ordinis dignitatem adepta: quaeque plantis roscidis oberrans: inter paradisi amoenitates chorosque gramineos
uiolas immarcessibiles carpit.
|
(713) Dans un autre sens, dans le Cantique, on parle du "jardin clos", dans
lequel notre Phébus de sa large lumière emplit une verdure d’un charme
extrême ; c’est vraiment "le jardin des délices" où sont installées toutes
sortes de fleurs et les parfums des vertus, et il est "clos" de telle manière que
l’on ne puisse l’ouvrir à quelque force que ce soit et l’outrager de nul piège ou
tromperie. |
Aliter dicitur in canticis hortus conclusus:Ct 4, 12 in quo largo lumine phoebus
noster implet amoenissimum uiridarium: uere hortus
delitiarum : ubi consita sunt cuncta florum genera
et odoramenta uirtutum: sicque conclusus ut nesciat
ulla ui aperiri: ullis insidiis fraudibusue
uiolari.
|
(714) Mais où me conduit la piété dans mon imprudence, moi qui ne fais que
passer sur ce sujet et désire faire autre chose : ô vierge ornement du ciel,
je voudrais embrasser tous tes titres dans un bref sommaire, exactement comme si
avec un petit coquillage je tentais de puiser tout les flots de l’océan. |
Sed quo me incautum deducit pietas: qui in
transcursu et aliud agens uolo O uirgo decus
coeli: tuarum laudum titulos breui
summa complecti: perinde ac si parua concha fluctus
oceani totos cuperem exhauriri.
|
(715) Et ce n’est pas, en effet, que si je faisais cela et s’il m’était donné
la richesse d’Homère, la parole torrentueuse de Démosthène et de l’éloquence
cicéronienne, j’accèderais dans mes louanges à une éloquence digne de toi que les
anges ont annoncée, les patriarches représentée symboliquement, les prophètes
prédite, les évangélistes montrée et pour finir Gabriel le céleste envoyé a saluée
avec vénération et un extrême respect. |
nec enim tametsi hoc solum agerem: et mihi
contigisset homerica ubertas ac
demosthenis torrens:
tullianaeue eloquentiae fluuius: dignam tui laudator accederem: quam angeli praedicarunt: patriarchae
significarunt: prophetae praedixerunt: Euangeliographi monstrauerunt: Denique coelestis legatus
Gabriel uenerabili officiosissimeque salutauit.
|
(716) Ne nous étonnons donc pas si le poète chrétien fait volontiers une
digression pour célébrer les titres de la nymphe de Palestine et de la vierge mère
de Dieu, sans ignorer évidemment que l’honneur que l’on rend à sa mère se reporte
sur celui qui est né d’elle et que toute la hiérarchie et la puissance célestes
vénèrent et adorent. |
Non igitur miremur si poeta christianus libenter ad celebrandos
Nymphae palestinae deiperaeque uirginis titulos
digreditur: non nescius scilicet honorem
maternum eius esse: qui est natus ex ea quem omnis
coelorum ordo et potestas ueneratur: atque adorat:
|
(717) (A nato) formata ("formée"), évidemment
créée, par ton fils le Christ Jésus, parce que (comme le dit le promoteur très
ardent et fécond de la virginité, Jérôme), en concevant son créateur lui-même dans
le temps elle fit naître dans l’enfance celui dont elle était avant le temps la
créature ; on peut également comprendre formata ("formée")
comme ornée de grâces et de vertus variées afin qu’il se réservât pour lui-même en
elle une habitation digne de lui ; à ce sujet voir Ecc. "dans la plénitude
des saints mon séjour" ; c’est ce qui fait qu’à bon droit Bernard
déclare : vraiment dans la plénitude des saints est son séjour, car elle n’a
pas manqué de la foi des patriarches, ni de l’espérance des prophètes, ni du zèle
des apôtres, ni de la constance des martyrs, ni de la sobriété des confesseurs, ni
de la pudeur des vierges, ni de la pureté des anges. |
(A nato) formata tuo
scilicet creata a tuo filio christo lesu. quia (ut inquit accerrimus ac
facundus uirginitatis praeco hieronymus) authorem ipsum suum concipiens in tempore edidit
impuberem: quem habuerat ante tempora
conditorem: uel formata id est ornata uariis gratiis et
uirtutibus ut dignum sibi in ea habitaculum constitueret. super illud.ecc.
In plenitudine sanctorum detentio meaSi 24, 16 hinc ait merito Bernardus: Vere in plenitudine sanctorum est detentio sua: cui non defuit fides patriarcharum: nec spes prophetarum: nec
Zelus apostolorum: nec constantia martyrum: nec sobrietas confessorum:
nec mundicia uirginum: nec puritas angelorum.
|
(718) Anselme également au sujet de la conception virginale : "il
convenait en effet que la vierge bienheureuse reçût l’éclat de la pureté la plus
grande qui puisse exister en-dessous de Dieu lui-même". |
Anselmus quoque de conceptu
uirginali:
decebat siquidem ut uirgo beata ea puritate niteret: qua sub deo maior nequit intelligi.ANSELM. CANT. conc. vir., prol. 18
|
(719) Nous devons donc garder le regard en éveil pour bien voir ce que Luc en
Ac. 1 et ici Arator rapportent : de fait, il dit que les apôtres sont revenus
à Jérusalem et que tous ils ont unanimement persévété dans la prière avec les
femmes et Marie la mère de Jésus. |
Debemus autem oculis uigilantibus perspicere id quod lucas in primo actuum
capite: et Arator hic refert illle namque dixit apostolos reuersos
fuisse in hierusalem: et omnes perseuerasse unanimiter in oratione cum
mulieribus et maria matre lesu.
|
(720) Ici il dit moenia nota petunt qua tunc statione sedebat porta
maria dei ("ils se dirigent vers les remparts familiers, où résidait
alors Marie, la porte de Dieu") ; tous les disciples en effet recouraient à
la vierge elle-même comme à la très abondante fontaine de sagesse ; ils
allaient la voir au sujet de toutes les questions en suspens comme à une arche de
divins mystères ; elle était pour eux le moyen d’y accéder et cela était pour
eux la sanctuaire des secrets célestes et un oracle. |
Hic autem moenia (inquit)
nota petunt:
qua tunc statione sedebat porta
maria dei. omnes enim discipuli ad ipsam uirginem recurrebant tanquam ad fontem
sapientiae uberrimum: Hanc super dubiis
quaestionibus uelut arcam diuinorum mysterorum adibant: hoc illis adytum erat: hoc arcanorum
coelestium sacrarium atque oraculum habebatur.
|
(721) D’où le fait que Bède dans une homélie déclare "tout ce qui a été dit
sur le Seigneur ou par le Seigneur ou fait par lui, sa mère la vierge le savait et
le gardait sans son coeur et avec soin elle confiait tout à sa mémoire de sorte
que quand viendrait le temps de la prédication ou de l’écriture au sujet de
l’incarnation de celui-ci, elle puiss expliquer tout exactement comme cela s’était
passé". |
Vnde in quadam homilia
Beda uenerabilis:
omniaBED. hom., 12 inquit:
quae de domino: uel a domino dicta uel
acta cognouerat mater uirgo in corde retinebat: et sollicite cuncta memoriae comendabat: ut cum tempus praedicandae uel scribendae
incarnationis eius adueniret: sufficienter
uniuersa: prout essent gesta: explicare posset.BED. hom., 12
|
(722) Jérôme également affirme la même chose en disant que la vierge mère de
Dieu après l’ascension de son fils était toujours dans la compagnie des apôtres
jusqu’à leur dispersion à travers toutes les terres et que cette nymphe céleste
non seulement les réjouissait de son aspect divin, mais encore les enseignait,
selon l’affirmation du même Jérôme, de sa science et de sa sagesse : "au
milieu des apôtres", écrit-il, "après la résurrection, entrant et sortant, elle
conféra avec eux de manière intime au sujet de la résurrection du Christ et de son
incarnation" ; et "voici que, le Seigneur montant dans le ciel, la vierge
appelle les apôtres à l’école des vertus, elle converse avec les sénateurs du
ciel, dans la curie du paradis sous la discipline du saint Esprit et de toute la
divine majesté". |
Idem quoque affirmat hieronymus, qui deiperam ait uirginem post filii sui ascensionem cum apostolis semper
fuisse uersatam usque ad eorum dispersionem per omnis terras. nec solum eos suo diuino aspectu nympha coelestis exhilarabat: Sed etiam ut idem affirmat hieronymus.
doctrina et sapientia instituebat:
Inter apostolosps. HIER. epist., 9, 3 inquit post resurrectionem christi intrans et exi[15r]ens cum
eis familiariter de resurrectione christi atque incarnatione
contulit:ps. HIER. epist., 9, 3
Ecce domino ascendente in coelum: uocat
apostolos uirgo in schola uirtutum:
conuersatur cum senatoribus coeli: in curia
paradisi sub disciplina spiritus sancti totiusque maiestatis
diuinae.ps. HIER. epist., 9, 4
|
(723) Mais, à ce point, une ambiguïté pourra piquer certain au vif et lui
faire demander s’il est vrai que la vierge était présente à la glorieuse ascension
de son fils, alors que le bienheureux Luc dit que les apôtres retournèrent à
Jérusalem et qu’Arator aussi raconte qu’ils vinrent dans le lieu où se trouvait la
mère du Seigneur. |
Sed hic ambiguitas quaedam animum punget alicuius: qui percunctabitur numquid uirgo interfuerit assumptioni gloriosae filii
sui: cum dicat beatus lucas apostolos redisse in
hierusalem: et arator quoque eos
narret uenisse in eum locum ubi erat mater domini.
|
(724) Assurément comme les lettres divines ne donnent aucune explication à ce
sujet il ne nous est pas permis à nous non plus d’avoir l’audace d’affirmer quoi
que ce soit. |
Certe cum nihil de his diuinae litterae explicent: non licet nobis quicquam audacter affirmare.
|
(725) De fait, si le divin Jérôme a un doute pour savoir si la reine de la
curie céleste et la vierge mère de Dieu a été emportée au ciel avec son corps ou
si elle est partie en abandonnant son corps pour la raison que l’Ecriture sainte
n’en dit absolument rien, alors qu’il est extrêmement vraisemblable et
parfaitement crédible qu’elle vit avec son corps dans le royaume céleste, et si
quelqu’un a des doutes au sujet de ceux que nous croyons ressuscités avec le
Christ au témoignage de l’évangile, pour savoir s’ils sont retournés à la
poussière ou si en eux la résurrection a été complète, pourrait-on dire qu’ils ne
seraient pas de vrais témoins s’ils n’avaient pas eu une véritable résurrection et
s’ils n’étaient pareillement montés au ciel avec leur corps. Quoi ?
Oserions-nous apporter une réponse définitive à une question que nous pouvons
ignorer sans danger pour nous ? De fait, il est bien mieux de renfermer les
bornes de notre intelligence certes réduites dans les limites de sa faiblesse que
de juger sans réfléchir et dans une téméraire affirmation sur des sujets
insondables et des actions divines qui nous échappent. |
Nam si diuus hieronymus
de curiae coelestis regina ac deipera
uirgine dubitat an assumpta fuerit cum corpore: an abierit relicto corpore: propterea quod hoc sacra scriptura minime declarat: cum sit uero simillimum maximeque credibile cum
corpore eam in regno coelesti degere: si de iis
quoque ambigit: quos cum domino teste euangelio
resurrexisse credimus: utrum redierint in
puluerem: an in illis completa sit
resurrectio: quod ueri testes non essent nisi
eorum uera fuisset resurrectio et cum corpore pariter ascendissent: quid? audebimus certo
diffinire: quod nobis sine periculo licet
ignorare? profecto satius est cancellos nostrae
intelligentiae sane exinguos intra imbecillitatem suam cohercere: quam de inscrutabilibus atque inaccessis dei
actionibus inconsulto ac temeraria assertione iudicare.
|
(726) Mais s’il nous est permis à l’exemple des saints les plus accomplis de
laisser libre cours à nos pieux sentiments envers celle qui fut l’origine de notre
salut, je me rangerai en lui faisant toute confiance à l’avis du divin Ambroise
qui dit que le Seigneur après sa résurrection est apparu d’abord à sa mère ;
ainsi quelque autre saint me convainc aisément que la vierge elle-même a assisté
de manière particulière à la joie de l’ascension du Seigneur et que, le jour de
pentecôte, elle a reçu avec les apôtres la grâce de l’Esprit saint qu’elle avait
possédé en totale plénitude depuis la conception du Christ. |
Verum si licet exemplo sanctissimorum uirorum: piis in nostrae salutis
auctricem affectibus: habenas
efundere: sicut prona fide in sententiam
diui Ambrosii eo: qui dominum ait post resurrectionem primo
suae genitrici apparuisse: ita a quodam alio sancto uiro facile persuadeor
ipsam ascensionis dominicae gaudiis praecipue interfuisse: atque in die pentecostes cum apostolis spiritus sancti gratiam
accepisse: quam a conceptione christi plenissime
habuit.
|
(727) (Mala criminis.) Il faut savoir qu’Eve, tant qu’elle fut
dans le paradis et au moment où elle commit son péché, était vierge. |
(Mala criminis.) scire oportet Euam quam diu in paradiso fuit et
quando peccauit: uirginem fuisse.
|
(728) Et si quelqu’un demande : pourquoi ne s’unirent-ils pas
alors ?, La réponse se trouve chez le Maître des Sentences, suivant l’avis
d’Augustin : "une fois la femme créée la transgression suivit immédiatement
et ils furent chassés du paradis, soit parce que Dieu ne leur avait pas encore
donné l’ordre de s’unir. Et ils pouvaient attendre l’autorité divine puisque le
désir ne les pressait pas. Dieu à la vérité n’avait pas donné cet ordre car il
avait la prescience de leur chute de ceux qui devaient assurer la propagation du
genre humain". Vu donc qu’Eve était vierge quand elle commit son péché, elle
l’était aussi quand elle poussa son mari au péché. Et Marie, mère de Dieu, était
vierge en vérité mais par l’effet contraire à celle-ci. De fait quand la première
vierge apporta tous les maux par son péché, une seconde vierge apporta tous les
biens par le Christ. |
quod siquis quaerat: cur ergo ibi non
coierunt. Respondet magister in.ii. ex sententia Augustini: quia creata muliere mox transgressio facta est: et eiecti sunt de paradiso: Vel
quia nondum deus iusserat ut coirent. Et
poterat diuina expectari authoritas ubi concupiscentia non
angebat. Deus uero non iusserat: quia casum eorum praesciebat: de quibus homo propagandus erat:PET. LOMB. sent., 2, 20, 2 Cum ergo Eua uirgo fuerit cum
peccauit: et cum ad peccatum uirum suum
impulit: Et uirgo quoque fuerit maria deipera in re et effectu illi
aduersa. nam prima
uirgo cuncta mala attulit per peccatum:
secunda uirgo maria cuncta bona per
christum:
|
(729) C’est la raison pour laquelle Arator déclare uirgo
secunda ("une seconde vierge") évidemment Marie, fugat
("met en fuite") autrement dit repousse et envoie au loin, évidemment par le
Christ son fils, mala criminis ("les maux issus du crime")
autrement dit le péché, Euae autrement dit la première
vierge. |
ideo ait Arator.
Virgo secunda scilicet
maria:
fugat id est repellit et
procul abigit scilicet per christum filium suum:
mala criminis id est
peccati:
Euae scilicet primae
uirginis.
|
(730) Ici Albert dans le Traité sur l’Annonciation de l’ange
déclare : "Eve condamne, Marie sauve, d’où cette même Eve a changé son nom.
Celle ci engendre tous les hommes dans le monde, celle-là dans le ciel ;
celle-ci est mère charnelle, celle-là spirituelle. Celle-ci est la mère des
misères, celle-là la mère de miséricorde ; celle-ci est le principe de la
mortalité, celle-là le principe de la régénération ; celle-ci perdit la
grâce, celle-là trouva la grâce ; celle-ci passa et nous fit passer de la
grâce à la faute, celle-là nous fit nous relever de la faute dans la grâce ;
celle-là fut créée du côté de l’homme endormi, celle-là du coeur vigilant de
Dieu ; celle-ci fut l’occasion de la perdition de son mari, celle-là pour son
mari le secours de la rédemption ; celle-ci est fiancée à l’origine de toutes
les femmes corrompues, celle-ci est fiancée pour demeurer la vierge des
vierges ; celle-ci la première perdit sa virginité, celle-là la première
consacra sa virginité à Dieu ; celle-ci fut trompée par le diable, celle-là
enseignée par un ange ; le diable vainquit celle-ci par orgueil, celle-là
vainquit le diable par humilité". |
Hic super
anunciatione Angelica
Albertus ille:
Eua inquit dannat:
maria saluat. unde ipsam nomen Euae
mutauit. Illa omnes homines generat in
mundum: ista in coelum: illa mater carnalis: ista
spiritualis. Illa mater miseriae: ista mater misericordiae. Illa principium mortalitatis:
ista principium regenerationis. illa gratiam
perdidit: ista gratiam inuenit. Illa transiuit et nos transire fecit de
gratia in culpam. ista nos surgere fecit de
culpa in gratiam. Illa de latere uiri
dormientis facta: ista de corde dei
uigilantis. Illa uiro suo occasio fuit
perditionis: haec uiro suo adiutorium
redemptionis. illa desponsatur origo
corruptarum: haec desponsatur mansura
uirgo uirginum. Illa prima uirginitatem
perdidit: ista prima uirginitatem deo
Consecrauit. Illa a diabolo decepta: ista ab angelo edocta. Illam diabolus uicit per superbiam: ista diabolum uicit per humilitatem.
|
(731) Par ces mots d’Albert, nous voyons combien de maux Eve la première
vierge apporta qui furent enlevés tous par la seconde vierge, Marie, la mère de
Dieu. |
His uerbis alberti
uidemus quot mala attulit eua prima uirgo
quae omnia sustulit uirgo secunda maria
deipera.
|
(732) (nulla est.) c’est pourquoi nulla est iniuria
sexus ("elle ne connaît pas la souillure due à son sexe") féminin,
parce que, si, par une femme, la mort entra dans le monde, par une femme, la vie y
revint ; et si pour les femmes le péché d’Eve fut une cause de déshonneur,
pour ces mêmes femmes ce fut pour leur honneur et leur beauté que cela leur fut
rendu par une femme, évidemment la vierge Marie. |
(nulla est.) ideo nulla
est iniuria sexus muliebris: quia si per
mulierem mors intrauit in mundum: per mulierem uita
rediit: Et si mulieribus est dedecori peccatum
Euae: eisdem
decori est et ornamento per mulierem restitutio scilicet mariam uirginem.
|
(733) De là vient que dans une homélie, saint Maxime déclare : "Eve
transporta aux enfers la postérité qui naquit de sa chair, la vierge bénie dirigea
par sa progéniture ses enfants vers les cieux ; de la chair d’Eve naquirent,
dit-on, les fils des hommes, de la chair de Marie renaquirent, dit-on, les fils de
Dieu ; que tombent donc désormais les reproches faits à Eve car tous nous
sommes joyeux grâce à l’enfantement de la bienheureuse vierge Marie" et la vie
qu’Eve avait détruite, la vierge Marie la restaure. |
Hinc in quadam homelia
sanctus Maximus:
eua posteros ex sua carne
nascentes transtulit ad inferos:
benedicta uirgo ex sua prole
natos dirigit ad coelos. Ex carne Euae nati dicuntur filii hominum: ex carne mariae filii renati dicuntur filii dei. Caedat ergo nunc improperium Euae: quia
uniuersi sumus laeti per partum beatae
mariae uirginis:ps.ILDEF. TOL. serm., 12 et uitam quam destruxerat Eua
reparat uirgo maria.
|
(734) C’est la raison pour laquelle il ajoute (restituit),
évidemment la bienheureuse vierge, évidemment le bien quod prima
tulit ("ce que la première a emporté") autrement dit que la première
vierge Eve emporta en péchant. |
ideo subdit (Restituit) scilicet beata
uirgo illud scilicet bonum quod prima tulit id est prima uirgo eua abstulit peccando.
|
(735) De fait, par le Christ, fils de Marie, nous sommes libérés d’un
châtiment à la fois temporel et éternel, comme le dit le Maître des Sentences, 3
dist. 19 : "Du châtiment éternel il nous libéra par la remise de notre dette,
du châtiment temporel il nous libèrera totalement dans le futur quand son dernier
ennemi, la mort, sera détruit ; nous attendons encore en effet la rédemption
du corps, car selon l’âme nous sommes rachetés en partie et non en totalité, de la
faute non du châtiment, et pas totalement de la faute, car nous sommes rachetés
non de telle manière qu’elle n’existe plus mais de telle manière qu’elle ne domine
plus sur nous". |
Nam per christum filium mariae a poena temporaria et aeterna liberamur ut ait
magister in.iii. dist.
xix:
Ab aeterna quidem relaxando debitum: a
temporali uero penitus nos liberabit in futuro: quando nouissima mors inimica destruetur. Adhuc enim expectamus redemptionem
corporis. secundum animas uero iam
redempti sumus ex parte non ex toto a culpa non a poena. Nec omnino a culpa. non enim sic redempti sumus ut non sit sed ut non
dominetur.PET. LOMB. sent., 3, 19, 3
|
(736) (Non uoce) l’ordre est : dolor ("le
chagrin") évidemment que nous montrons à cause de la corruption d’Eve, non
excitet querelas (" qu'il n’engage à se plaindre") autrement dit ne
provoque de plaintes, uoce ("notre voix") autrement dit le son de
notre voix ; aut dolor non fatiget gemitu corda ("qu’aucun
chagrin ne fatigue en gémissant les coeurs") évidemment des hommes ;
moerentia ("attristés") autrement dit pleins de tristesse ;
pro antiqua lege ("pour la Loi ancienne") autrement dit à cause
de la loi infligée au genre humain à cause du péché de nos premiers parents mais
principalement d’Eve qui pécha davantage. |
(Non uoce) ordo est
dolor scilicet quem
ostendimus propter corruptelam euae:
non excitet quaerelas id est
non moueat quaerimonias:
uoce id est uocis sonitu:
aut dolor non fatiget gemitu corda
scilicet hominum:
moerentia id est
contristata:
pro lege antiqua id est
propter legem inflictam humano generi propter peccatum primorum parentum sed
praecipue euae, quae plus peccauit.
|
(737) Dieu en effet disposa un loi, une sanction et un décret depuis les
temps anciens qui stipula que quiconque serait de la descendance du premier homme
créé serait soumis à la mort civile qui provoque la perte des biens lors de l’exil
de sa patrie, et à la mort naturelle qui fait s’éteindre la vie elle-même qui est
de tout ce qui se trouve dans la vie l’objet ce qui est le plus agréable. |
Posuit enim legem et sanctionem et decretum ab antiquis temporibus
deus: ut quisquis a protoplasto deriuaretur: subiectus esset morti ciuili: qua bona e patria amittuntur: morti
naturali: qua uita ipsa qua nihil in uita est
iucundius: extingueretur:
|
(738) Les hommes se plaignent donc et accusent Eve et avec Eve tout le sexe
féminin parce qu’à cause d’elle, dans l’âme des hommes Dieu détourna l’âme et le
corps. |
Queruntur ergo homines: et euam et cum eua sexum foemineum criminantur:
quod propter eam in hominum anima deuertit deus et animam et corpus.
|
(739) L’âme en effet en raison du péché des premiers parents reçut selon
Bède, dans les biens naturels qui étaient les siens, quatre blessures : la
faiblesse, l’ignorance, la malice et la concupiscence. |
Anima enim propter peccatum primorum parentum in bonis naturalibus
authore beda: quattuor uulnera accepit:
infirmitatis ignorantiae: malitiae et
concupiscentiae.
|
(740) Que dire des biens gratuits ? Quand l’âme, après le péché, salit
l’image divine, honora le démon, se mit au service du crime, se plongea dans la
culpabilité d’un supplice éternel, il affaiblit la puissance du libre arbitre et
pour finir, il appela toutes ses créatures pour venger les ennemis de leur
créateur, une fois que sa grâce fut perdue. |
Quid loquar de gratuitis? cum anima post
peccatum diuinam imaginem deformauit: honorauit
daemonem: famulata est facinori: in reatum se confecit aeterni supplicii: debilitauit potentiam liberi arbitrii: postremo omnes creaturas in ultionem inimicorum
creatoris sui amissa gratia peruocauit.
|
(741) Pour ce qui concerne les blessures naturelles du corps qui dérivent
désormais de cette source, le divin Grégoire en énumère sept : le froid, la
chaleur, la soif, la faim, la peine, la maladie, et la mort. |
At corporis uulnera naturalia iam inde ab illo fonte manantia
septem enumerat diuus
gregorius. frigus calorem: sitim famen laborem aegritudinem et mortem.
|
(742) Quant à la femme elle fut punie avec d’autant plus de rigueur et de
sévérité qu’elle avait péché plus gravement : "en effet", comme le dit le
Maître des sentences 2, dist. 22, "la femme semble avoir péché en voulant usuper
l’égalité de la divinité et, gonflée d’une excessive présomption, elle crut qu’il
en serait ainsi. Quant à Adam, il ne crut pas même-cela et songea à la puissance
et à la miséricorde de Dieu, tandis que, se comportant comme de coutume à l’égard
de son épouse, il consentit à ce qu’elle lui suggérait, en ne voulant pas lui
faire de peine et la laisser en colère contre lui" ; il craignait que sans la
consolation de sa présence elle ne se flétrisse et meure ; "ce n’était certes
pas qu’il fût vaincu par la concupiscence charnelle", comme le dit Augustin,
"sentiment qu’il n’avait jamais ressenti, mais poussé par une bienveillance
amicale, ce qui le plus souvent se produit de sorte que l’on offense Dieu en ne
voulant pas offenser son ami ; qu’il n’aurait pas dû agir ainsi, l’issue
juste de la divine sentence le montra". |
at mulier quo gra[15v]uius peccauit eo rigidius
seueriusque punita est: plus enim (ut magister in.ii. dist. xxii.) mulier deIiquisse uidetur: quae uoluit usurpare diuinitatis
aequalitatem: et nimia presumptione
elata credidit ita futurum.
adam uero nec illud credidit: et de potentia et de misericordia dei
cogitauit: dum uxori morem gerens eius
persuasioni consensit nolens eam contristari et a se alienatam
relinquere:PET. LOMB. sent., 2, 22, 4, 1 quam credebat sine suo solatio contabescere et interire:
non quidem carnali uictus concupiscentiaPET. LOMB. sent., 2, 22, 4, 3 ut Augustinus ait:
quam nondum senserat: sed amicabili
quadam beniuolentia: qua plaerumque fit ut
offendatur deus ne offendatur amicus. quod
eum facere non debuisse diuinae sententiae iustus exitus
indicauit.PET. LOMB. sent., 2, 22, 4, 3
|
(743) Ce fut donc d’une autre manière qu’Adam fut trompé : sans avoir
aucune connaissance de la sévérité divine il crut qu’il avait commis une péché
véniel, mais il ne fut pas séduit par la ruse du serpent qui séduisit la
femme. |
Ergo aliter adam deceptus
est: Inexpertus enim diuinae seueritatis ueniale
commissum credidit: sed dolo illo serpentino non est
seductus: quo mulier seducta est.
|
(744) Eve en effet crut qu’était vraie la phrase "vous serez comme des
dieux", ce qu’Adam, lui, ne crut pas. |
Eua enim credidit illud uerum futurum:
Eritis sicut dii:Gn 3, 5 quod adam non credidit.
|
(745) Donc la faute de la femme est plus grande ; chez elle, il y eut la
présomption que donne un orgueil plus grand et c’est autant contre elle, que
contre son prochain et contre Dieu qu’elle pécha. |
Plus ergo mulier deliquit: in qua maioris tumoris praesumptio fuit: quae etiam in se et in proximum et in deum
peccauit.
Vir autem in se et in deum.
|
(746) Pour cette raison, on sévit contre elle en redoublant ses maux, par
l’ajout de tribulations dans la conception, de douleurs dans l’enfantement, de
soumission dans la vie conjugale. |
ob hanc causam geminatis malis in eam animaduersum est: additis in conceptu aerumnis: in partu doloribus: in conuictu maritali
dominio.
|
(747) Ces griefs, lorsque les gens considèrent la faute d’une personne,
évidemment Eve, ils les reportent sur l’ensemble de la nature féminine et ils se
plaignent : hélas femmes toujours insidieuses envers les hommes, c’est vous
qui en vous précipitant pour saisir par insolence un honneur interdit, avez
accablé tout les genre humain d’un même crime. |
Quae homines cum considerant personae culpam scilicet Euae: transferunt in
uniuersam naturam muliebrem: et querelas afferunt
Heu uiris foeminae semper insidiosae: uos: dum uetitum honorem per insolentiam inuaditis: totum genus humanum uno scelere obruistis.
|
(748) Quoi de plus pernicieux que ce naufrage ? Quoi de plus détestable
que ce péché ? |
quod illo naufragio perniciosius? quid
illo peccato detestabilius?
|
(749) Nous avions pour patrie un paradis de délices dans les champs duquel
Dieu nous avait placés. Toutes les choses dont on se vante à travers le monde
comme les biens particuliers de chaque patrie, Dieu les y avait placées, mais
aussi d’autres innombrables qui ne se trouvent nulle part ailleurs dans le monde
sinon dans ce jardin fleuri. |
Patria nobis erat paradisus uoluptatis in cuius aruis deus
posuit: quaecunque per orbem singulae patriae
sibi esse bona peculiaria iactitant: posuit etiam
alia innumera quae nusquam gentium nisi in agro illo florigero
inueniuntur.
|
(750) C’est là que l’on trouvera le baume de Jéricho, les fruits qui
guérissent, l’encens sabéen, et l’ébène indien. |
illic reperies balsama hiericontina: poma medica: thus sabeum:
indicum ebenum.
|
(751) En un unique lieu se rassemblèrent les présents de toutes les terres,
et il n’est pas besoin pour les habitants de ce lieu d’affronter leur vie aux
flots de la mer, pour apporter d’ailleurs les biens qui leur font défaut. |
In unum locum conuenere munera cunctarum terrarum: nec illius loci habitatores fluctibus maritimis
animas obiicere opus est: ut ea quibus carent
aliunde apportent.
|
(752) Dieu ordonna en effet que pullule à cet endroit tout ce qui se trouvait
partout dans le monde, et il ordonna que nous puissions voir dans les autres
régions du monde les vallons, les prés, les forêts, les collines selon les saisons
de l’année arriver à maturité et offrir les charmes d’un apport varié de récoltes,
semences, produits et fruits. |
lussit enim illic pullulare deus, quicquid ubique gentium fuit: atque ita iussit ut in aliis regionibus
conualles: prata: syluas
colles certi anni temporibus uideamus pubescere ac lasciuire uario frugum
seminum fructuum pomorumque prouentu.
|
(753) Mais en vérité, à cet endroit, quelle que soit la saison, les avantages
des autres saisons ne font pas défaut, mais à chaque saison les produits de toutes
les saisons sont donnés de la même façon. |
Verum enimuero ibi (sit quaelibet anni pars) reliquarum anni
partium commoda non desiderantur: sed singulis omnia
pariter conferuntur.
|
(754) C’est ce qui fait qu’en toute saison les ornements du printemps y
renaissent, les forêts s’habillent de frondaisons, les prés partout offrent le
sourire de leurs fleurs et de leurs herbages ; les champs sont doucement
caressés d’une abondance variée de récoltes et de fruitiers qui exhalent des
parfums d’une douce et incroyable suavité ; et là la nature déploie sa
puissance et les richesses de tous ces biens de sa riche corne d’abondance, en
invitant les yeux, les oreilles et l’esprit au spectacle magnifique et admirable
qu’elle donne, si bien que, si ailleurs elle semble une marâtre, ici elle semble
une mère d’une extrême indulgence, si ailleurs elle semble dégénérer, ici elle est
dans la noblesse qui lui est propre, et on y voit dans sa splendeur originelle la
nature mère. |
Quo fit ut in quacumque tempestate: ueris
ornamenta ibi reuiuiscant: syluae frondibus
induantur: prata floribus omnifariam herbisque
arrideant: campi frugum et fruticum multiplici
copia subblandiantur: e quibus halat mira atque
incredibilis suauitas odorum: adeoque ibi uires
explicat suas et fortunas cunctorum bonorum diuiti amaltheae cornu ostentat
natura: ad pulcherrimum atque admirandum sui
spectaculum oculos auris mentemque aduocans: ut
alibi nouerca ibi mater indulgentissima esse uideatur: alibi degenerare: ibi in propria
nobilitate: atque in genuino splendore parens
natura conspiciatur.
|
(755) Qui pourrait, dans un discours à leur mesure, dire les souffles de
Zéphyr qui charment les oreilles quand, à travers un bois plein d’agréments et sur
l’étendue arborée d’une terre gratifiée d’un éternel printemps, de son doux
souffle, il agite les frondaisons et se glissant tour à tour dans les branches
couvertes de fruit, il charme les coeurs de son doux sifflement, quand par moment
aussi l’air qui là-bas est toujours paisible et calme résonne des chants les plus
tendres des oiseaux et que les eaux font retentir les rives où elles
coulent ? |
quis pari queat sermone consequi aures demulcentis sibila
Zephyri? cum per nemus moenissimum et
semperuernantis humi tractus arboriferos molliter spirans frondes quatit? ramosque pomiferos innuicem committens leni sibilo
animos allicit? cum interim quoque aer ibi semper
serenus et purus auicularum blandissimis concentibus resonet: ac lymphae riuis manantibus obstrepant?
|
(756) Mais qui saurait décrire les eaux paisibles de l’Euphrate et celles
très impétueuses du Tigre qui arrosent sur leurs rives partout verdoyantes des
champs opulents ; on dit qu’ils naissent dans le paradis et qu’ensuite ils
s’écoulent pour parcourir la région de l’Asie que l’on nomme du nom grec de
Mésopotamie car elle est comprise entre le cours de ces deux fleuves. |
lam uero quis referat uel Eufratis lenes: uel tigridis
rapidissimas aquas uiridantibus undique ripis agros uberes permeantium: qui in paradiso nasci perhibentur: indeque deriuatim eam Asiae regionem comprehendunt: quae
graeco nomine ideo mesopotamia dicitur: quod utrinque duorum amnium ripi media
intercipiatur?
|
(757) En effet, il ne convient pas sur ce point de se rallier à l’opinion du
très saint et très éloquent Jérôme quand il dit : "Salluste, auteur en qui on
peut avoir toute confiance, affirme que l’on montre en Arménie les sources tant du
Tigre que de l’Euphrate ; nous nous rendons alors compte qu’il faut
comprendre autrement ce qui est dit au sujet du paradis". |
Nec enim Sanctissimi atque
eloquentissimi hieronymi opinionem in hac re sequi decet: qui salustiusHIER. sit. nom. hebr., 202 (inquit) author certissimus asserit tam tigris quam Eufratis in Armenia fontes demonstrari:
Ex quo animaduertimus aliter de paradiso intelligendum.HIER. sit. nom. hebr., 202
|
(758) Cette opinion, bien qu’elle ait l’appui du poids d’un si grand homme a
pourtant été remise en cause depuis longtemps par de nombreux savants. |
haec sententia licet pondere tanti uiri fulta sit: tamen a multis doctis iam pridem explosa est.
|
(759) Si, en effet, Adam, le premier homme n’avait pas succombé à l’amour de
sa très douce femme, que nous aurions été fortunés et vraiment heureux ! Nous
aurions eu le bonheur de vivre dans un lieu extrêmement agréable, et de jouir de
l’arbre de la vie qui possédait par dessein divin un force telle, comme
l’attestent les théologiens, que tout homme qui mangeait de son fruit se trouvait
conforté dans une santé physique inaltérable et ne s’amoindrissait ou ne
succombait sous aucune infirmité ou faiblesse due à l’âge. |
si enim protoplastus adam
amori, suauissimae coniugis non succubuisset: o nos
fortunatos uereque foelices: quibus uiuere in loco
amoenissimo: et ligno uitae frui contigisset: quod talem diuinitus habebat uim sic ut theologi
testantur: ut qui ex eius fructu comederet
corpus eius stabili sanitate firmaretur: nec ulla
infirmitate uel aetatis inbecillitate in deterius uel in occasum
laberetur.
|
(760) Oh que nous aurions été heureux si nous avions vécu dans notre propre
maison et sur notre propre sol ! |
O nos beatos qui in domo propria et patrio solo uixissemus.
|
(761) Là nous aurions joui de l’amour saint du saint qui est né sans aucune
forme de souillure, là du tranquille repos, de la vie innocente, de la jeunesse
perpétuelle, de la sécurité en tout, et rien d’hostile n’aurait pu nous
arriver. |
Hic sancta uenus: sancti atque omni absque labe
nati nobis fuissent: Hic quies tranquilla: uita innocens: iuuentus
perpetua: tuta omnia:
nihil hostile nobis accidisset.
|
(762) Pour finir, après quelques siècles, notre roi habitant parmi nous pour
notre honneur nous aurait ouvert l’accès au ciel sans aucun trépas ni le moindre
nuage de mort. |
Denique post aliquot saecula fortassis rex noster ad decus nostrum
in nobis habitans: nobis in coelum aditum absque
funere absque ullo mortis nubilo aperuisset.
|
(763) Quant à l’ennemi antique dont la première vierge ne reconnut pas les
ruses, et dont elle ne perçut pas la tromperie, tromperie que nul temps ne saurait
abolir, cette couleuvre tortueuse, dis-je, aurait ouvert sa gueule en vain sans
recevoir aucun fruit de sa jalousie et, frustrée dans son espérance, serait
descendue seule au plus profond du tartare avec la foule maudite des spectres et
des lémures. |
Hostis uero antiquus: cuius dolos
prima illa uirago non cognouit: cuius non aduertit fraudem: fraudem nullo aeuo abolendam: ille
inquam tortuosus coluber incassum hiauisset nullo suae inuidiae fructu
percepto: et a spe frustratus in ima tartari
solus cum plebe laruarum ac lemurum nefanda descendisset.
|
(764) La triste plainte des mortels que, nous, très misérables fils d’Eve,
nous versons contre Eve, lui enleva le courage et, de je ne sais quelle manière,
la contraignit à sortir du chemin qui lui était fixé. |
Abstulit animum et nescio quo pacto a destinato itinere digredi
coegit tristis querimonia mortalium: quam in
Euam
Euae miserrimi filii fundimus.
|
(765) C’est cette plainte qu’Arator réprime en disant non uoce
querelas excitet ("n’engage notre voix à se plaindre"). |
Hanc arator cohercet cum ait
non uoce querelas excitet
et.c.
|
(766) (Scelera ipsa) Imitation de Lucain qui en Phars. 1 dit
iam nihil o superi querimur scelera ipsa nefasque / hac mercede
placent ("désormais, ô dieux du ciel, nous ne nous plaignons plus de
rien ; les crimes et les sacrilèges à ce prix nous plaisent"). |
(Scelera ipsa). imitatio est lucani qui in primo pharsaliae
lam inquit nihil o superi querimur:
scelera ipsa nefasque hac mercede placent:LVCAN. 1, 33-34
|
(767) Le sens est donc, s’il n’y a pas eu d’autre moyen ou d’autre raison
pour que le Fils descende du ciel, sinon pour racheter le péché de nos premiers
parents, il est juste et bien adapté que les maux et les scelera
("crimes") nous plaisent et que nous les choisissions pour ce prix si grand,
autrement dit cette si grande récompense que nous avons reçue, le fait que le
Verbe se soit fait chair, que Dieu habite parmi nous et nous rachète. |
Est ergo sensus. si non fuit alia uia aut
ratio: qua dei filius e coelo descenderet nisi
ut redimeret peccatum primorum parentum: iustum est
et congruum ut mala et scelera nobis placeant et a nobis optentur hac tanta mercede idest hoc tanto premio
accepto ut uerbum caro fieret: et deus In nobis
habitaret ac nos redimeret.
|
(768) C’est la raison pour laquelle l’Église chante : "Bienheureuse
faute qui nous valut un tel et si grand rédempteur". |
ideo canit ecclesia O foelix culpa quae talem ac tantum meruit habere redemptorem.LITVRG. ROMAN. exsultet
|
(769) Grandes sont les pertes dues à ce péché. Mais elles sont compensées
très largement par les avantages que nous recevons grâce au Christ
rédempteur. |
Magna sunt damna illius peccati. Sed plus
commoda ponderant quae per redemptorem christum accepimus.
|
(770) Entre autres bienfaits que nous avons reçus de l’auteur de notre salut
et que nous avons rappelés plus haut, il y a encore quelque chose de grand dans le
fait qu’il prescrivit des limites bien définies à la domination du serpent
venimeux lui-même, dont l’empire s’étendait librement dans toutes les
directions ; c’est ce que déclare Jean dans l’Apocalypse en
ces termes : "j’ai vu un ange qui descendait du ciel et portait la clé de
l’abîme et une grande chaîne et il se saisit du dragon, l’antique serpent qui est
le diable et Satan et il l’attacha et l’envoya dans l’abîme et le referma". |
Inter reliqua emolumenta quae ab authore salutis accepimus et
supra memorauimus: hoc quoque magnum est quod ipsi
angui uenenoso cuius imperium longe lateque uagabatur: certos dominii fines praescripsit: Quam
in apocalypsi loannes his uerbis declarat:
uidiap 20, 1-2 inquit angelum descendentem de coelo habentem clauem abyssi et catenam
magnam et aprehendit draconem serpentem antiquum quae est diabolus
et sathanas et alligauit[16r] eum et misit in abyssum et
clausit.ap 20, 1-2
|
(771) Il referma, autrement dit il limita la puissance de nuisance de celui
dont l’empire était extrêmement vaste. |
clausit id est potestatem nocendi limitauit: cuius imperium latissimum erat.
|
(772) Par la désignation de l’ange, nous comprenons le Christ, par la chaîne,
sa puissance d’une sévérité absolue par laquelle la rage du diable, vaincue, est
jetée dans les profondeurs des enfers. |
per angelum autem christum intelligimus:
et per catenam potentiam seuerissimam: qua diaboli
rabies uincta in ima inferorum truditur.
|
(773) Il faut savoir que les théologiens se disputent au sujet du problème
suivant : est-ce que la raison pour laquelle le Verbe s’est fait chair a été
la tromperie de nos premiers parents ou alors la volonté d’honorer
l’homme ? |
sciendum theologos rixari super illo problemate: utrum scilicet ratio ob quam uerbum caro factum est: fuerit fraus primorum parentum an decus humanum.
|
(774) Si en effet Adam n’avait pas péché, certains affirment que le fils de
Dieu n’aurait pas habité parmi nous. |
si enim Adam non peccasset: dicunt quidam filius dei non habitasset in
nobis:
|
(775) D’autres, pourtant, disent que, quand bien même il n’aurait pas péché,
le Fils aurait pris cependant la nature humaine pour être pour nous un
ornement. |
Alii uero quanuis (aiunt) non peccasset:
nihilominus ut nobis ornamento foret hominis naturam assumpsisset.
|
(776) Ainsi le divin Bonaventure et avec lui quelques autres affirment que la
raison de l’envoi du Fils de Dieu dans la chair a été notre rédemption à cause de
ce que dit l’Apôtre : "mais quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son
fils né de la femme, fait sous la loi afin de racheter ceux qui étaient au pouvoir
de la loi". |
siquidem diuus
bonauentura: cumque hoc nonnulli alii
autumant nostram redemptionem esse rationem missionis filii dei in carnem: propterea quod dixit apostolus:
At ubi uenit plenitudo temporis: misit
deus filium suum natum ex muliere: factum
sub lege ut eos qui sub lege erant redimeret.Ga 4, 4
|
(777) De même Augustin : "si Dieu n’aimait pas les pécheurs, il ne
descendrait pas du ciel vers la terre". |
Item Augustinus:
si deus peccatores non amaret: ad terram
de coelo non descenderet.AVG. in euang. Ioh., 49, 25
|
(778) Au contraire d’autres citent le même Augustin dans le de Spritu
et Anima qui déclare : "la raison pour laquelle Dieu s’est fait
homme est de donner en lui la béatitude à l’homme entier de sorte que si l’homme
entre en lui-même par l’intellect ou s’il sort hors de lui par les sens, il trouve
sa nourriture dans son créateur, sa nourriture intérieure dans la connaissance de
la divinité, sa nourriture extérieure dans la chair du sauveur". |
E contrario eundem Augustinum citant alii in.li.
de spiritu et
anima ita dicentem: Propterea deus factus est homo ut totum hominem in se beatificaret: ut siue homo ingrederetur intus per
intellectum: siue egrederetur extra per
sensum: in creatore suo pascua
inueniret. Pascua intus in cognitione
deitatis: pascua foris in carne
saluatoris.ps. AVG. spir. et anim., 9
|
(779) Cette raison avancée par Augustin semble tenir dans les bornes de la
chute de la nature humaine. |
Haec autem ratio ab Augustino inducta uidetur stare
Lapsu humanae naturae circunscripto.
|
(780) Alexandre ajoute également une autre autorité, celle de Bernard que
rejoint Jean Scot ; pour ne pas allonger, je passe aussi sur les raisons
qu’apporte Scot pour prouver que si Adam n’avait pas péché, le verbe divin se
serait fait chair et serait venu mais non comme un rédempteur et fils de Dieu
sujet à la souffrance. |
Adducit et aliam Bernardi
authoritatem Alexander: cui loannes scottus accedit: quam ne
longior sim omitto et quas adducit Scotus: ut probet quod si adam non pecasset:
uerbum diuinum caro factum esset: uenissetque non ut
redemptor et patibilis filius dei.
|
(781) parce que, cette âme pour laquelle il avait choisi par avance non
seulement la plus haute gloire mais encore de la faire coéternelle à lui-même, ne
se serait pas unie à un corps sujet à la souffrance s’il n’avait pas fallu
accomplir la rédemption. |
quia illa anima: cui non solum summam
gloriam: sed etiam sibi coaeuam quam
praeoptasset: non fuisset unita corpori patibili
si non esset redemptio faciunda.
|
(782) Et cette sentence, le chantre mantouan de notre époque, le plus noble
des poètes, l’explique dans ces vers : "la raison de sa venue ne fut pas la
tromperie de nos parents, mais l’honneur de l’humanité. Il vint vers les malades
pour mourir parce que mourir c’était les guérir ; sans ce sanglant désastre,
il serait venu vers les bien-portants, il les aurait porté sains et saufs dans les
astres et il aurait fait de nous des citoyens de l’Olympe etc.". |
Et hanc sententiam mantuanus
Vates nostro aeuo summe nobilis illis carminibus explicat.
Nec fuit aduentus ratio fraus illa parentum: sed decus humanum. Venit
moriturus ad aegros: quod fuerit sanare
mori. sine caede cruenta ad sanos
uenturus erat: laturus in astra incolumes et
nos ciues facturus olympi: etc.SPAGNOL. Alph., 6, 569-573
|
(783) Mais dans ces matières, ne vaut-il pas bien mieux et n’est-ce pas bien
plus avantageux de ne pas fouiller les entrailles de la divine providence, alors
surtout que nous sommes des hommes qui nous souvenons de notre faiblesse et de
notre fragilité ? |
In his autem quanto est melius ac praestabilius uiscera diuinae
prouidentiae non scrutari praesertim homines suae hebetudinis suaeque
fragilitatis memores?
|
(784) Si cependant il m’est permis d’exprimer ma propre opinion, la raison
que donne Jean l’Ecossais me semble ordinairement préférable à celle que donnent
d’autres qui pensent le contraire. |
Si tamen quid sentiam licet fari: potior
mihi loannis caledonii
ratio quam aliorum contra sentientium uideri solet.
|
(785) Arator, de son côté, semble être de cet avis quand il dit
mundoque redempto ("pour le monde racheté"), évidemment par le
Fils de Dieu revêtant la nature de l’homme, sors melior ("un destin
meilleur"), autrement dit une condition meilleure uenit ("est
venu"), autrement dit s’est produit pour le bien évidemment de l’homme, de
clade ("du désastre"), autrement dit de la perte que nous avons reçue à
cause du péché de nos premiers parents. |
Arator autem non hoc sentire uidetur
cum ait (Mundoque) redempto
scilicet per filium dei naturam hominis induentem:
sors melior idest melior
condicio:
uenit id est contingit
scilicet homini:
de clade id est de damno quod
accepimus per peccatum primorum parentum.
|
(786) Il convient, afin de comprendre ces mots d’Arator, de ne pas ignorer ce
que le Maître des Sentences écrit livre 2 distinction 19, puisque nous verrons de
quelle manière les hommes grâce au Christ, le libérateur du genre humain, sont
dans un état meilleur qu’avant le péché. De fait, si nous considérons de quelle
manière l’homme dans son état d’innocence était immortel et bienheureux et de
quelle manière il est orné et paré d’un autre genre d’immortalité, la différence
apparaîtra clairement et de manière évidente entre l’état de l’homme avant le
péché et après le péché. |
illud oportet non ignorare ut haec aratoris uerba intelligamus: quod
magister scribit in
secundo dist. xix. quando
uidebimus quo pacto homines per liberatorem humani generis Christum sunt in
meliori statu quam ante peccatum. Nam si
consideramus quomodo in statu innocentiae primus homo fuerit immortalis: et beatus: quo pacto alio
immortalitatis genere sit insignitus et notabilis:
tum discrimen apparebit manifestum et euidens inter statum hominis ante
peccatum et post peccatum.
|
(787) Le premier homme donc, Adam, tant qu’il était innoncent, était d’une
certaine manière mortel et d’une certaine manière immortel : il pouvait
mourir et pouvait ne pas mourir, son corps animal avait besoin de nourriture et
d’aliments, ce qui fait que l’homme est dit avoir été créé pour une âme
vivifiante, évidemment qui donne la vie au corps avec l’aide de la nourriture, et,
ainsi, dans cet état premier, l’homme possédait le pouvoir de mourir, évidemment
s’il n’avait pas utilisé le fruit de l’arbre de vie (même si sur ce point, ce que
d’autres pensent ne m’intéresse pas), en même temps qu’il possédait le pouvoir de
ne pas mourir s’il était demeuré dans le devoir de l’obéissance, entretenant
toujours sa jeunesse par les nourritures qui donnent vie, jusqu’au moment où d’un
corps animal il serait passé à un corps spirituel. |
Protoplastus igitur adam adhuc
innocens: erat quodammodo mortalis et quodammodo
immortalis: quia poterat mori et poterat non
mori: egebatque corpus ipsius animale cibi et
alimoniae: unde et homo factus dicitur in animam
uiuentem scilicet uitam corpori dantem per cibi praesidium: et ita in primo statu homo habuit posse mori scilicet si non
usus fuisset fructu ligni uitalis: quanquam super
hoc quid alii sentiant non curo: et habuit posse non
mori si in officio obedientiae perseuerasset uitali alimonia semper
iuuenescens donec ab animali corpore transisset ad spiritale.
|
(788) Dans le second état, autrement dit après le péché, il eut le pouvoir de
mourir et de ne pas pouvoir ne pas mourir, autrement dit de ne pas pouvoir être
immortel, parce que, dans cet état, mourir est inévitable, selon ce mot de
l’Apôtre : "il a été fixé que l’homme meure une fois". |
In secundo statu idest post peccatum:
habuit posse mori: et non posse non mori hoc est non
posse esse immortalem: quia in hoc statu moriendi
est necessitas: secundum illud apostoli
statutum est hominibus semel mori.Hb 9, 27
|
(789) Dans le troisième état, autrement dit après la rédemption par le Christ
qui donne la résurrection et offrira aux saints une immortalité meilleure, l’homme
aura le pouvoir de ne pas mourir et de ne pas pouvoir mourir, car l’impossibilité
de mourir s’attache à cet état qui est celui d’après la résurrection ; ce ne
sera pas comme cela était dans le premier état, évidemment qu’il pouvait ne pas
mourir, mais bien mieux qu’il ne pourra pas mourir puisque, créature désormais
spirituelle et agile, il n’aura plus besoin de nourriture et sera immortel pour
une raison pérenne. |
In tertio statu id est post redemptionem christi qui dat
resurrectionem: et meliorem immortalitatem
sanctis praestabit: homo habebit posse non mori et
non posse mori: quia ad illum statum post
resurrectionem pertinet impossibilitas moriendi: non
sicut in statu primo fuit: scilicet quod possit non
mori: sed etiam quod non poterit mori iam
spirituale et agile ac cibis non egens et stabili ratione immortale.
|
(790) Voilà pourquoi Arator dit sors melior ("un destin
meilleur") autrement dit un état meilleur, évidemment le troisième état obtenu
grâce au Christ le rédempteur, uenit ("est venu") évidemment pour
l’homme après la résurrection que le Christ offrira au dernier jour,
melior ("meilleur") évidemment que le premier état dans lequel
le corps était animal et d’une certaine manière mortel, comme nous l’avons
montré. |
ideo ait arator
sors melior id est melior
status scilicet tertius per christum redemptorem:
uenit homini scilicet post
resurrectionem quam praestabit christus in nouissimo die:
melior scilicet quam primus
status in quo corpus erat animale et aliquo modo mortale vt ostendimus.
|
(791) Mais ici va naître une ambiguïté propre à intéresser les gens habiles,
mais très peu adaptée à la foule des débutants et des gens mal dégrossis. |
sed hic orietur ambiguitas ingeniosis apta: rudi turbae et pingui minime idonea.
|
(792) En effet dans son Traité sur la Genèse le divin Augustin
déclare : il sera en effet renouvelé de sa vieillesse non pas dans le corps
animal dans lequel il a été mais dans un corps meilleur autrement dit spirituel,
quand ce qui est mortel revêtira l’immortalité vers laquelle Adam aurait dû
évoluer si en péchant il n’avait pas mérité la mort de son corps animal. |
dicit enim diuus Augusti. super genesi. Renouabitur enim a uetustate non in corpus animale quale fuit: sed in melius id est spirituale: cum hoc mortale induet immortale: in
quod mutandus erat Adam nisi morte
corporis animalis peccando meruisset.
|
(793) Comment donc (dit quelqu’un à partir ce ces mots) sors melior
uenit de clade ("un destin meilleur est venu du désastre"), puisque,
même si le désastre n’était pas venu, Augustin affirme que l’homme aurait évolué
vers cette si désirable immortalité ? |
Quo (inquit et ex his uerbis quispiam) sors melior uenit de clade: cum etiam si cladis non uenisset:
Augustinus
dicat hominem in illam potissimam immortalitatem mutandum fuisse?
|
(794) Alors quel genre de bien le désastre du péché a-t-il apporté puisque
sans péché nous aurions pu être véritablement immortels et spirituels ? |
quod ergo boni clades peccati attulit cum sine peccato potuissemus
esse uere inmortales atque spiritales?
|
(795) Voici ce que nous pouvons répondre : sors melior
("un destin meilleur"), en comparant le troisième état avec le premier, comme dit
Augustin "il sera renouvelé" en effet non dans le corps animal dans lequel il a
été, mais en mieux. |
possumus respondere sors
melior comparando tertium statum statui primo: ut augustinus ait: renouabitur: enim non in corpus animale quale fuit: Sed in melius.
|
(796) Ou alors si cela ne suffit pas, disons que notre condition est
meilleure en raison de l’honneur dont nous sommes marqués et ornés, quand le Fils
du Seigneur revêt notre humanité, honneur qui auparavant nous était visible dans
la forme du Fils, ou alors melior sors ("un destin meilleur") parce
que la justice originelle ne suffisait pas à entrer dans le paradis sans la grâce
du baptême qui rend l’homme agréable et bien accueilli de Dieu, et digne de la vie
éternelle comme on le dit en Sentences 2, dist. 32, et pour d’autres innombrables
raisons que notre faiblesse ne peut embrasser. |
uel si hoc non facit satis: dic
conditionem nostram meliorem ob decus quo insignimur et illustramur: filio domini nostram humanitatem induente: se quod ante nobis in filii forma conspiciendum
uel melior sors: quia iusticia originalis non sufficiebat ad
ingressum paradisi sine gratia baptismi: quae
hominem facit gratum: et acceptum deo uitaque
aeterna dignum: ut in.ii.Sen. dist.xxxii. traditur: atque alias ob causas innumeras quas imbecillitas nostra non
attingit.
|
(797) (persona) autrement dit Eve seulement, et non la nature
féminine dans son ensemble, dedit ruinam ("a provoqué la ruine"),
autrement dit le malheur de faire chuter Adam ; par sa chute, nous tous, ses
descendants, avons chuté ; non natura ("non sa nature"),
évidemment la nature féminine entière, de même que ce n’est pas toute la nature
féminine qui nous donna Jésus le Sauveur, mais la seule vierge Marie, gloire du
sexe féminin. Or quand Arator dit persona ruinam dedit ("la
personne a provoqué la ruine"), comprenez comme quand on dit que par un seul homme
le péché est entré dans le monde, autrement dit dans la nature humaine, parce que
la femme a péché avant l’homme et la femme a été créée de l’homme. |
(persona) id est
eua tantum:
non uniuersa natura muliebris:
dedit ruinam idest casum hoc
est fecit cadere Adam: quo cadente nos omnes eius posteri cecidimus:
non natura scilicet foeminea
tota. sicut non tota natura Muliebris dedit
nobis Salutiferum lesum: sed sola uirgo
Maria sexus gloria foeminei. cum
autem dixit Arator
persona ruinam dedit: sic intellige ut cum dicitur peccatum per unum
homi[16v]nem intrasse in mundum idest in naturam humanam. quia mulier ante uirum peccauit: et mulier de uiro facta est.
|
(798) Ou alors comme le dit aussi le Maître des Sentences livre 2 distinction
22 : "alors que la femme péchait, si l’homme n’avait pas péché, le genre
humain n’aurait pas du tout péri de la corruption du péché". |
Vel ut magister
in.ii. dist. xxii ait etiam peccante muliere si uir non peccasset:
humanum genus minime peccatis corruptum periret.PET. LOMB. sent., 2, 22, 4, 10
|
(799) Donc la femme dedit ruinam ("a provoqué la ruine"),
parce que, péchant la première, elle poussa son mari Adam vers sa ruine et, à
cause de sa chute, nous sommes tous tombés. |
Dedit ergo ruinam mulier: quia prius peccans uirum Adam in ruinam impulit: cuius casu
omnes cecidimus.
|
(800) (Tunc foemina) c’est une comparaison entre Eve, la
première vierge, et la seconde vierge, Marie : Eve était vierge et cependant
elle fut grosse en concevant sans homme, non pas un enfant mais la morgue de son
orgueil, en voulant usurper l’égalité avec la divinité ; enflée d’une
excessive insolence elle crut qu’il en serait ainsi. |
(Tunc foemina)
comparatio est primae uirginis Euae ad
secundam uirginem mariam: Virgo erat Eua: et tamen grauida facta est
concipiendo sine uiro non infantem: sed fastum
superbiae uolens usurpare diuinitatis aequalitatem:
et nimia insolentia elata credidit ita futurum.
|
(801) Eve conçut aussi l’esprit d’orgueil, comme le garantit Augustin, en ne
voulant pas avouer son péché mais en le rejetant sur l’autre en disant "le serpent
m’a trompé et j’ai mangé", différente par le sexe, mais égale par la morgue car la
femme avait la même morgue que l’homme. |
Concepit etiam Eua spiritum
superbiae ut augustinus author
est: dum non uult peccatum confiteri sed refert
in alterum dicens:
serpens decepit me et comedi:Gn 3, 13 in impari sexu sed pari fastu. quia parem
habuit fastum mulier cum uiro.
|
(802) Et donc ils firent également preuve d’orgueil en se cherchant des
excuses ; l’orgueil, en effet, porte en lui la laideur de la confusion, non
l’humilité de la confession. |
pariter ergo superbierunt sese excusantes.
superbia enim habet confusionis deformitatem: non
confessionis humilitatem.
|
(803) Mais tout au contraire, la vierge Marie, unique modèle d’humilité, qui,
alors qu’elle est mère de Dieu, se nomme servante, ne s’enfla pas comme Eve de
l’esprit d’orgueil, mais du minuscule corps du Christ enfant formé en elle par le
saint Esprit. |
At uirgo Maria contra: humilitatis unicum specimen: quae mater dei se ancillam uocat: tumuit
non spiritu superbiae ut Eua: sed infantis Christi corpusculo intus per spiritum
sanctum formato.
|
(804) Et c’est ainsi qu’apparaissent la différence et les contradictions
entre la première et la seconde vierge. Il dit donc tunc ("alors"),
évidemment dans le paradis terrestre, foemina ("une femme"),
évidemment la vierge Eve, foeta ("enceinte") autrement dit grosse
et en attente d’enfant, tumuit ("fut grosse"), évidemment de la
morgue de son orgueil, paritura periclum ("du danger qu’elle va
engendrer") évidemment pour tout le genre humain ; il appelle danger la
perte, car le danger précède ordinairement la perte et le désastre. |
Et ita apparet diuersitas ac repugnantia inter primam et secundam
uirginem. ait igitur tunc scilicet in paradiso terrestri:
foemina scilicet Eua uirgo:
foeta idest grauida et
praegnans tumuit scilicet
fastu superbiae:
paritura
periclum scilicet uniuerso
humano generi. damnum uocat periclum quia periclum
praecedere solet damnum et cladem.
|
(805) Donc, ce qu’engendra Eve, ce fut le péché : elle conçut en elle
l’orgueil si l’on parle de façon métaphorique et elle engendra la perte par le
péché. |
partus ergo Euae fuit
peccatum: concepit autem intra se superbiam
metaphorice loquendo. et peperit damnum per
peccatum.
|
(806)
Nunc ("maintenant"), autrement dit dans la venue du Seigneur par
l’action du saint Esprit, le corps du Christ a été formé dans le sein de la
vierge, tumuit ("elle fut grosse"), évidemment la vierge Marie, et
non pas de manière métaphorique mais dans son ventre qui en réalité grossit ;
paritura deum ("du Dieu qu’elle va engendrer"), évidemment le
Christ qui est Dieu et homme ; mortalia gignens ("donnant
naissance à une vie mortelle"), évidemment la vierge bienheureuse, autrement dit
le corps mortel et passible du Christ, et ferens divina ("portant
une vie divine"), autrement dit Dieu. |
Nunc id est in aduentu domini
cum per spiritum sanctum christi corpus in utero uirginis formatum est:
tumuit scilicet uirgo maria non metaphorice sed reuera utero
tumescente:
paritura deum scilicet
christum qui deus et homo est.
mortalia gignens scilicet
beata uirgo id est corpus illud
christi mortale et patibile et ferens
diuina idest deum.
|
(807) De fait, dès que la bienheureuse vierge dit "voici la servante" et
offrit son accord au céleste envoyé, la divinité opéra dans le sein de la vierge
quatre miracles. |
Nam simul ac beata uirgo
dixit:
ecce ancilla:Lc 1, 38 et assensum coelesti legationi praestitit:
quattuor miracula in utero uirginis diuinitas operata est.
|
(808) Le premier fut la génération du corps du Christ du sang pur de la
vierge, autrement dit sa conception et sa formation ; en effet le corps saint
n’a pas été formé dans une succession d’étapes comme tous les autres corps, mais
tout entier en un seul moment. |
Vnum fuit corporis christi de puris sanguinibus uirginis generatio idest conceptio et
formatio. Non enim per successionem formatum est
sanctum corpus ut caetera corpora: sed repente
totum.
|
(809) Le deuxième fut la création ex nihilo de l’âme du Christ
dans le même moment où son corps était formé. |
Alterum fuit animae christi de nihilo creatio in eodem momento quo
fuit formatum corpus.
|
(810) Le troisième fut l’infusion de l’âme dans ce corps ; en effet,
l’âme ne se joignit pas au corps qui était le sien après un intervalle de quarante
jours comme dans tous les autres cas, mais, au moment-même où le corps fut formé,
il fut aussi vivifié par l’âme. |
Tertium animae in corpus illud infusio.
Non enim completis quadraginta diebus anima: sicut
in caeteris: suo corpori coniuncta fuit: sed eodem momento et corpus formatum et anima
uiuificatum.
|
(811) Le quatrième fut l’assomption par la divinité de notre humainté ;
comme en effet l’atteste Richard en Sentences 3 : qu’y a t-il d’étonnant si
l’Esprit saint dans le même moment forma le corps et y instilla l’âme de façon à
constituer par l’étroite union des deux une nature humaine qui fut assumée dans
l’unité de la personne du Fils de Dieu, quand il forma de manière immédiate sans
semence d’homme sa chair qu’une puissance créée ne saurait former que dans le
temps. Ce qui fut auparavant le fut non dans l’ordre du temps, mais dans celui de
la nature, comme on dit que la nature est avant car elle est la cause de celui-ci
ou est présupposée par lui. |
Quartum humanitatis nostrae a diuinitate assumptio. Vt enim Ricardus in
tertio. Sen.
author est: quid mirum si spiritus sanctus eodem
momento corpus formauit: animam infudit: ita ut utriusque glutino naturam humanam
constitueret: quae in unitatem personae filii
dei assumpta sit: cum sine uirili semine statim
carnem formauerit: quam nisi in tempore uirtus
creata formet. Fuit autem ibi prius non temporis sed
naturae ordine: ut Prius natura dicitur quod est
causa ipsius uel praesupponitur ab eo.
|
(812) Ainsi en effet la chair est conçue avant que l’âme ne fût créée car
elle est présupposée par l’âme ; l’âme est créée avant d’être infusée, et
elle est infusée avant que ne soit constituée la nature humaine ; la nature
humaine est constituée avant d’être assumée par la personne divine et il ne faut
pas comprendre cela comme si la nature humaine constituée dans le sein de la
vierge avait été déterminée pour une quelconque existence en elle-même, avant de
l’être dans le Verbe, mais la priorité n’est que d’ordre ainsi que nous venons de
l’écrire. |
Ita enim caro prius concipitur quam anima creatur: quia praesupponitur ab anima. prius creatur anima quam infunditur:
prius infunditur quam natura humana constituitur:
prius natura humana constituitur quam a persona diuina assumitur. quod non sic est intelligendum quasi natura humana
illa in utero uirginis constituta fuerit terminata ad aliquam existentiam
prius in seipsa quam in uerbo: sed eo tantum prioris
ordine quem praescripsimus.
|
(813) Jamais en effet, ce qui veut dire ni dans le temps ni dans un moment,
cette humanité n’a existé en acte en elle-même ; s’il en était autrement, qui
dirait en vérité que le Fils de Dieu a été conçu dans la vierge ? |
Nunquam enim: hoc est nec in tempore nec
in momento humanitas illa actu extitit in se ipsa:
alioquin quis uere diceret filium dei conceptum in uirgine?
|
(814) C’est donc à bon droit qu’il dit gignens ("donnant
naissance") évidemment en un moment, mortalia ("à une vie
mortelle"), autrement dit un corps mortel et vivifié par une âme, et dans le même
moment ferens diuina ("portant une vie divine") autrement dit le
Fils de Dieu qui est Dieu, de telle sorte qu’elle est θεοτόκος, autrement dit
vierge mère de Dieu. |
merito igitur dicit gignens scilicet in momento mortalia id est corpus mortale: et anima uiuificatum: et
eodem momento ferens diuina
idest filium dei deum: ut sit theotocos idest deipera uirgo.
|
(815) A partir de là on voit bien comme la première vierge
tumuit ("fut grosse"), et comme la seconde ne le fut pas, et
combien l’une s’oppose à l’autre de sorte que l’une soit le remède de
l’autre. |
Ex his constat quomodo prima
uirgo
tumuit: et quo non secunda: et quantum altera
alteri sit contraria: ut alterius altera sit
remedium.
|
(816) En effet on soigne les contraires par les contraires : en effet le
froid ne meurt que sous l’effet de la chaleur et l’amertume n’est éteinte que par
la douceur. |
Contraria enim contrariis curantur: non
enim moritur frigus nisi in calore: nec amaritudo
extinguitur nisi in dulcedine.
|
(817) De fait, de même que la mort n’est morte que dans la vie, et de même
qu’Adam a péché dans la douceur de l’arbre interdit, alors que le Christ a apporté
la réparation dans l’amertume de la croix et du fiel, ainsi il était parfaitement
cohérent que l’orgueil d’Eve soit guéri par l’humilité de la vierge mère de
Dieu. |
Nam quemadmodum non est mortua mors nisi in uita: utque adam peccauit in
dulcedine ligni uetiti: christus satisfecit in
amaritudine crucis et fellis: sic ualde congruum
fuit ut superbia Euae: contraria deiperae uirginis
humilitate sanaretur.
|
(818) Et de même que l’une s’opposa à l’autre, de même les effets produits
par l’une combattent les effets produits par l’autre : Eve fut un obstacle en
apportant la mort, Marie un secours en apportant la vie, d’Eve naquit le mal dont
la honte passe dans toutes les femmes, de la vierge mère de Dieu naît le bien dont
l’honneur ôte le déshonneur des femmes. |
Et sicut altera fuit aduersa alteri: ita
alterius effectus effectibus alterius repugnant.
Eua occidendo obfuit:
maria uiuificando profuit. ab Eua ortum
malum est cuius obprobrium in omnes transit mulieres: a uirgine deipera bonum
nascitur: cuius decus mulierum dedecus tollit.
|
(819) De fait, si l’homme tomba à cause de la femme, désormais il n’est
relevé que par la femme ; c’est pourquoi il ajoute per quam
("par cette femme") évidemment la vierge Marie, mediator ("le
médiateur"), évidemment le Christ, prodiit ("s’est avancé"),
autrement dit est sorti, in orbem ("dans le monde"), et
portauit ("et a emporté"), évidemment le Christ, ueram
carnem ("une chair bien réelle"), autrement dit un vrai corps et non un
corps de fantôme ou feint, mais le même selon le nombre qui fut dans le sépulcre,
ad aethera ("vers l’éther") autrement dit le ciel. |
Nam si uir decidit per foeminam: iam non
erigitur nisi per feminam. ideo subiicit: (per
quam scilicet uirginem) mariam:
mediator scilicet Christus:
prodiit idest exiuit:
in orbem idest in mundum:
et portauit scilicet
Christus:
ueram carnem id est uerum
corpus: non phantasticum aut fictum sed illud
idem numero quod fuit in sepulchro:
ad aethera idest coelum.
|
(820)
aethera prosodie grecque sur le cinquième pied pour celui qui
connaît la quantité des syllabes. |
aethera accentus graecus
quintae perito syllaborum.
|
(821) Il dit prodiit ("s’est avancé") dans le monde, sans
homme évidemment comme nous l’avons dit ; de fait un homme peut s’avancer
dans le monde de quatre manières : sans homme ni femme, comme Adam, d’un
homme sans femme comme Eve, d’un homme et d’une femme comme nous sommes tous nés,
ou d’une femme sans homme comme seul le Christ s’est avancé. |
dicit autem prodiit
in mundum sine uiro scilicet ut diximus. Nam
quattuor modis homo potest prodire in mundum: aut
sine uiro et femina ut adam: aut de uiro sine foemina ut Eua: aut de uiro et
femina ut omnes generamur: aut de foemina sine uiro
ut solus Christus prodiit.
|
(822) En effet, comme le dit le bienheureux André au proconsul Egéas :
il était cohérent que le premier Adam s’avançât de la terre vierge, autrement dit
intacte et non travaillée, et qu’ainsi le second Adam, à savoir le Christ,
s’avançât d’une vierge immaculée et qui s’était tenue éloignée de toute étreinte
d’homme, et que, de même que celle dont était formé le premier homme était baignée
des fleuves du paradis, de même celle-ci seule fut baignée de la grâce céleste
comme des fleuves du paradis. |
Vt enim beatus andreas
Egeae proconsuli retulit: consentaneum erat ut primus Adam ex terra uirgine idest intacta et
inexercita prodiit: ita Adam secundus hoc est
Christus: ex uirgine
illibata et ab omnis uiri complexibus abhorrente prodiret: utque illa unde protoplastus formatur paradisi
fluminibus rigabatur: ita haec solum coelesti gratia
tanquam paradisi amnibus rigata est.
|
(823) Eve commença à pécher et Adam mit le point final ; la mère de Dieu
commença la réparation, le Christ l’accomplit et la mena à sa perfection ;
voilà pourquoi il dit per quam prodiit ("par cette femme s’est
avancé") le Christ dans le monde comme passant par une porte, lui qui fut le
rédempteur et libérateur du genre humain. |
Eua peccatum inchoauit: uir absoluit.
deipera reparationem incepit: Christus absoluit ac perfecit. ideo ait per quam
prodiit in mundum quasi per portam Christus: qui redemptor et liberator humani generis extitit.
|
(824) Les Grecs appellent le Christ μεσίτης, là où les théologiens latins
parlent de médiateur. "Nous n’avons", comme dit l’Apôtre, "qu’un seul médiateur
entre Dieu et les hommes, un homme, le Christ Jésus", comme un arbitre placé au
milieu pour faire la paix, autrement dit réconcilier les hommes avec Dieu. C’est
là l’arbitre que Job appelle de ses vœux : "si seulement" nous avions un
arbitre. |
christus a graecis dicitur mesites: a latinis theologis
mediator.
Vnus enim1 Tm 2, 5
[17r] ut apostolus ait:
mediator dei et hominum homo christus lesus:1 Tm 2, 5 quasi in medio arbiter ad componendam pacem idest reconciliandum
homines deo. Hic est arbiter quem lob desiderat.
Vtinam essetJb 16, 4 nobis arbiter.
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(825) Le Maître des Sentences livre 3 distinction 19 dit : "nous sommes
réconciliés avec Dieu grâce à la mort du Christ, ce qu’il ne faut pas comprendre
comme si par le Christ Dieu avait commencé à nous aimer alors qu’il nous
détestait, mais à cause du péché nous avions avec lui qui n’avait pour nous
qu’amour une relation d’inimitié". Il est donc "le médiateur en ce qu’il est au
milieu entre Dieu et les hommes et il réconcilie ces hommes avec Dieu en retirant
de devant les yeux de Dieu les pauvres offenses des hommes", autrement dit en
détruisant les péchés par lesquels Dieu était offensé et qui faisaient de nous ses
adversaires. |
Magister in tertio senten. dist. xix.
Reconciliati inquit sumus deo per mortem christi: quod non
sic intelligendum est: quasi per christum
nos deus coeperit amare quos oderat: sed
propter peccatum cum eo habebamus inimicitias qui habebat erga nos
charitatem. Est ergo mediator eo quod medius inter deum et homines: ipsos reconciliat deo: et
offendicula hominum tollit ab oculis dei:PET. LOMB. sent., 3, 19, 6, 3 idest dum peccata delet quibus deus offendebatur: et nos inimici eius eramus:
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(826) C’est la Trinité entière qui nous réconcilie par l’usage de sa
puissance, évidemment en détruisant les péchés, mais le Fils seul le fait par
l’accomplissement plénier de son obéissance, ce qui fait qu’il est le seul à être
dit médiateur. |
Reconciliat nos tota trinitas uirtutis usu: scilicet dum peccata delet: Sed filius
solus impletione obedientiae: unde et solus mediator
dicitur.
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(827) Il opère en effet une médiation entre les hommes et Dieu selon sa
nature humaine et non selon sa divinité, car il n’est pas médiateur en Dieu et
Dieu, car il n’y a qu’un seul Dieu ; de fait, en ce qu’il est Dieu, il n’est
pas médiateur mais égal au Père ; mais selon l’humanité il a quelque chose de
semblable à Dieu à cause de sa justice et de son innocence, et quelque chose de
semblable à l’homme à cause de sa faiblesse mortelle qui le rapproche de nous,
comme, par sa pureté immaculée, il est voisin de Dieu. |
Mediat enim inter homines et deum trinitatem secundum hominis
naturam non secundum diuinitatem. non enim est
mediator inter deum et deum: quia tantum unus est
deus. nam in quantum deus non mediator sed
aequalis patri est. at secundum humanitatem habet
aliquid simile deo per innocentiam et iusticiam: et
aliquid simile hominibus per infirmitatem mortalem:
qua nobis propinquat: ut per immaculatam puritatem
deo uicinus est.
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(828) Or voilà bien ce qui convenait à un médiateur intercédant entre deux
extrêmes : qu’il ne soit pas en tout semblable aux hommes car il aurait été
loin de Dieu ou en tout semblable à Dieu car il aurait été loin des hommes, et
ainsi n’aurait pas été médiateur. |
Hoc autem quasi inter duo extrema mediatori intercedenti
congruebat: ne per omnia similis hominibus: longe esset a deo: aut per
omnia deo similis: longe esset ab hominibus: et ita mediator non esset.
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(829) C’est exactement le sentiment du divin Ambroise dans son
Commentaire de l’épître aux Galates quand il dit : "cet
arbitre, l’apôtre nous apprend qu’il faut le comprendre à cause de l’assomption de
la chair, quand il dit à Timothée : ‘un arbitre entre Dieu et les hommes, un
homme Jésus’". |
Idem sentit diuus Ambrosius in explanatione epistolae ad galatas
ArbitrumAMBROSIAST. in Gal., 3, 20 inquit hunc per assumptionem carnis intelligi docet apostolus
ad timotheum: Arbiter dei et hominum homo lesus:AMBROSIAST. in Gal., 3, 20 dicens.
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(830) En un autre sens, le même divin Ambroise appelle le Christ médiateur et
arbitre entre deux peuples qui s’opposaient et étaient adversaires, parce qu’il a
enlevé à chacun des deux peuples ce qui faisait la source de leur discorde, de
sorte qu’ils puissent être en paix : "il a enlevé aux païens la multiplicité
de leurs dieux et le culte des éléments qui était pour les Hébreux une source de
scandale ; aux Juifs il a enlevé les néoménie, la circoncision, le respect du
Sabbat et les interdits alimentaires qui étaient une abomination pour les païens",
et ainsi par le Christ médiateur les deux peuples qui auparavant étaient hostiles
l’un à l’autre ont fait la paix. |
Aliter idem diuus Ambrosius christum uocat mediatorem et
arbitrum inter duos populos dissidentes et inimicos:
quod amputauit utrisque populis id per quod discordabant ut possent esse
pacifici.
Abstulit gentibus numerum deorum et famulatum elementorum quod
scandalum erat hebreis. Iudaeis uero
sustulit neomenias circuncisionem et curam sabbati et discretiones
escarum quae abominabantur gentiles:AMBROSIAST. in Gal., 3, 20 et ita per christum mediatorem pacificati sunt duo populi qui prius
fuerant infensi.
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(831) Mais à quoi bon chercher davantage de justification au mot 'médiateur',
puisque, dans les œuvres de Dieu ou ses noms, il n’est pas chose si petite que
l’esprit humain n’y soit poussé à l’admirer tout en étant retenu et arrêté par
l’immensité de sa recherche ? |
Sed quid ego plures rationes mediatoris inquiro? cum nulla sit in operibus dei aut nominibus eius tam parua
res: in qua non mens humana in admirationem
compellatur: ipsa indagationis suae immensitate
repressa cohercitaque.
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(832) En effet plus l’homme s’efforce de tendre les ailes de son examen loin
du nid, plus il est renfermé dans la petite chambre de son ignorance ; en
effet ces choses, dans les régions inférieures, ne sont pas perçues avec la clarté
divine avec laquelle elles s’imposent dans les régions supérieures et y
resplendissent. |
Quo enim extra nidum latius considerationis pennas extendere
conatur: eo amplius intra illud ignorantiae suae
habitaculum coarctatur. Non enim ea claritate diuina
cernuntur in inferioribus: qua dominantur in
superioribus et fulgent.
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(833) Voilà pourquoi passons à la
suite. |
ideo ad reliqua transeamus.
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